Cour de cassation, chambre civile 2e, 12 mai 2005, Association Clair-Soleil (extrait)
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :
« Attendu, selon l’arrêt confirmatif attaqué et les productions, que le mineur H. X. a été confié, dans le cadre des dispositions de la loi d’orientation du 30 juin 1975 en faveur des personnes handicapées, à la demande de sa famille, à l’association Clair-Soleil, gérant l’institut de rééducation Les Collines ; qu’il s’est rendu coupable d’atteintes sexuelles sur d’autres mineurs pensionnaires de cet institut et a été condamné à indemniser les victimes ; qu’ayant dédommagé ces dernières en exécution de décisions de la Commission d’indemnisation des victimes d’infractions (CIVI), le Fonds de garantie des victimes d’actes de terrorisme et autres infractions (le Fonds) a sollicité devant le tribunal d’instance, sur le fondement de l’article 1384, alinéa 1er, du code civil, subsidiairement de l’article 1382 dudit code, la condamnation de l’association Clair-Soleil et de son assureur, la MAIF, à lui rembourser, par subrogation dans le droit des victimes, les indemnités ainsi versées ;
Sur le premier moyen :
Attendu que le Fonds fait grief à l’arrêt de l’avoir débouté de ses demandes, alors, selon le moyen :
- qu’une association qui accepte, à titre onéreux, la mission d’organiser et de contrôler, de façon permanente, le mode de vie d’un mineur handicapé, doit répondre des dommages causés par celui-ci aux autres pensionnaires de l’établissement, peu important que l’auteur du dommage ait été placé dans l’établissement sur décision judiciaire ou à la demande de ses parents de sorte qu’en décidant le contraire, la cour d’appel a violé par refus d’application l’article 1384, alinéa 1er, du code civil ;
- que la responsabilité n’est contractuelle qu’à la condition qu’il existe un contrat entre la victime et l’auteur du dommage au moment où celui-ci se produit ; que les juges du fond ont expressément constaté que les victimes, mineures, étaient prises en charge par l’association Clair-Soleil à la demande de leurs parents, de sorte que seuls ces derniers, à l’exclusion des victimes mineures, étaient contractuellement liés au responsable ; qu’en estimant néanmoins que le Fonds subrogé dans les droits des mineurs victimes ne pouvait rechercher que la responsabilité contractuelle de l’association, la cour d’appel a violé, par fausse application, l’article 1147 du code civil ;
- qu’une association qui accepte, à titre onéreux, la mission d’organiser et de contrôler, de façon permanente, le mode de vie d’un mineur handicapé doit répondre des dommages causés par celui-ci aux autres pensionnaires de l’établissement, peu important que les victimes aient été placées dans l’établissement sur décision judiciaire ou à la demande de leurs parents de sorte qu’en décidant le contraire, la cour d’appel a violé par refus d’application l’article 1384, alinéa 1er, du code civil ;
Mais attendu que, par motifs propres et adoptés, l’arrêt retient qu’il est hors de contestation que l’association Clair-Soleil avait en charge les victimes en dehors de toute décision de l’autorité publique ;
Que les mineurs, tant H. X. que les victimes, ont été confiés à l’institut Les Collines, après décision d’orientation de la commission de l’éducation spéciale instaurée par la loi du 30 juin 1975, à la demande de leurs représentants légaux qui, après avoir eu connaissance du fonctionnement de l’établissement et de ses objectifs, ont sollicité l’admission de leur enfant ;
Que de ces constatations et énonciations, la cour d’appel a exactement déduit que la responsabilité de l’association ne pouvait être recherchée que sur le fondement de l’article 1147 du code civil ;
D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;
Mais sur le deuxième moyen :
Vu l’article 1147 du code civil ;
Attendu que pour rejeter les demandes du Fonds, l’arrêt retient, par motifs adoptés, qu’en vertu de ce texte, l’association Clair-Soleil est tenue envers ses pensionnaires à une obligation de sécurité et de surveillance, en l’occurrence à une obligation de moyens ; qu’à l’appui de ses prétentions, le Fonds n’a produit que le jugement du tribunal pour enfants, lequel ne permet pas de retenir une quelconque faute, négligence, omission ou abstention qui puisse être imputée à l’association Clair-Soleil ; que le manquement à l’obligation de surveillance et de sécurité ne saurait se déduire, en l’absence de tout autre élément d’appréciation, de la seule commission des faits délictueux quand bien même se seraient-ils produits pendant plusieurs mois ; que le Fonds, qui n’a pas rapporté la preuve d’un manquement à l’origine des préjudices qu’il a indemnisés, sera donc débouté de sa demande ;
Qu’en statuant ainsi, après avoir constaté que l’un des pensionnaires de l’association avait pu se livrer de façon répétée et pendant plusieurs mois à des actes d’agressions sexuelles sur d’autres pensionnaires également placés dans cet internat de rééducation, ce qui caractérisait l’organisation défectueuse du service de surveillance de l’établissement et le manquement de l’association à son obligation de sécurité, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur le troisième moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 19 mai 2003, entre les parties, par la cour d’appel de Grenoble ;
Remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Lyon ;
Condamne l’association Clair-Soleil et la MAIF aux dépens ;
vu l’article 700 du nouveau code de procédure civile, rejette la demande de l’association Clair-Soleil et de la MAIF [...]. »