Il convient de rappeler quelques principes généraux, avant de distinguer les sanctions prévues dans le secteur privé et dans le secteur public.
A. LES PRINCIPES
1. L’IMPORTANCE DE L’ÉCRIT
Une certaine souplesse est laissée dans les relations de travail. Les observations et les avertissements verbaux sont des mesures disciplinaires, mais ne sont pas des sanctions à proprement parler. Les procédures prévues par le code du travail et les statuts de la fonction publique ne sont pas applicables.
2. LES DÉLAIS
Dans le secteur privé, la sanction doit être prise dans un délai de deux mois (sauf exception) à compter du jour où l’employeur a eu connaissance des faits fautifs. En cas de mise en cause de la responsabilité pénale, ces délais peuvent être étendus. Mais ce délai de deux mois n’est pas interrompu par l’incarcération du salarié (1). La sanction ne peut intervenir moins de deux jours ouvrables, ni plus de un mois après le jour fixé pour l’entretien. Elle est motivée et notifiée à l’intéressé.
Les sanctions sont prescrites dans un délai de trois ans (C. trav., art. L. 1332-5) et ne pourront donc jamais, à l’issue de ce délai, justifier une sanction ultérieure.
3. LA LIBERTÉ DE L’EMPLOYEUR DE SANCTIONNER OU NON
Les faits doivent être prouvés par l’employeur. Ils résulteront de deux témoignages concordants précis et circonstanciés. Par exemple, il faut que les faits reprochés à une assistante familiale soient corroborés par des éléments précis. Le département doit apporter la preuve que des manquements caractérisés aux obligations professionnelles se sont produits. Des allégations « comme l’absence de remise en cause de l’assistante familiale » sans faits étayés semblent avoir pour effet d’« irriter » grandement les magistrats (2). L’employeur est libre de sanctionner ou non un salarié fautif et de choisir la sanction à appliquer. Pour une même faute commise par deux salariés, il peut les sanctionner différemment ou même condamner l’un et pas l’autre. Cette différence de sanction est particulièrement frappante dans l’affaire jugée par la chambre sociale de la Cour de cassation du 6 juin 2012 (3). A la suite d’une dénonciation calomnieuse de mauvais traitements envers le personnel de direction d’un centre éducatif, une éducatrice a été licenciée pour faute grave tandis qu’une autre salariée mise en cause dans les mêmes conditions a fait l’objet d’une mise à pied de trois jours. A la suite d’un recours en cassation de l’éducatrice licenciée, la cour suprême rappelle que « le fait de sanctionner différemment des salariés ne constitue pas en soi une discrimination au sens de la loi, dès lors que le salarié n’invoque ni détournement de pouvoir ni discrimination au sens de l’article L. 1132-1 du code du travail ».
L’employeur peut tenir compte de différents critères concernant chaque salarié : son comportement antérieur, son ancienneté, etc.
Il existe cependant des limites à sa liberté. La sanction doit toujours être proportionnelle à la faute. L’employeur doit respecter l’ensemble des dispositions prévues par le code du travail, les conventions collectives et le règlement intérieur. Un règlement intérieur peut prévoir des sanctions qui ne sont applicables que si le salarié a déjà été sanctionné précédemment. Ces clauses protectrices pour les salariés peuvent avoir des effets pervers pour l’employeur. Si le règlement intérieur prévoit que le licenciement ne pourra avoir lieu qu’après deux avertissements, l’employeur ne pourra licencier le salarié qui, par exemple, aurait agressé un usager. Dans un établissement hébergeant des personnes handicapées, un éducateur quitte son poste deux heures plus tôt. Un article du règlement intérieur prévoyait un avertissement pour le fait de laisser des personnes sans surveillance et le licenciement seulement à la suite de deux avertissements. C’est à tort que la cour d’appel avait jugé que le règlement intérieur n’avait qu’une valeur indicative, l’employeur ne pouvait pas licencier cet éducateur sur ce fait isolé (4).
B. LA TYPOLOGIE DES SANCTIONS
Les principales sanctions prévues dans les règlements intérieurs, les conventions collectives et les statuts de la fonction publique sont :
- l’avertissement. C’est en général la sanction la plus légère. Elle prend la forme d’un courrier relatant les faits reprochés, destiné à être conservé dans le dossier de l’intéressé ;
- la mise à pied disciplinaire. Le salarié doit quitter son poste. Il a interdiction de continuer à exercer son travail. Avec un effet immédiat, il s’agit d’une mesure provisoire. Aucune sanction ne peut être prise par la suite sans le respect de la procédure prévue à l’article L. 1332-2 du code du travail. Cette mesure est à distinguer de la mise à pied à titre conservatoire (cf. encadré, p. 69). Elle a pour conséquence la suppression de la rémunération. Le règlement intérieur ou la convention collective en fixe la durée maximale ;
- la rétrogradation ;
- la mutation interne, le déplacement ;
- le licenciement disciplinaire (pour faute, pour faute grave ou pour faute lourde).
C. LES SANCTIONS PRÉVUES DANS LES CONVENTIONS COLLECTIVES ET LES RÈGLEMENTS INTÉRIEURS DES ÉTABLISSEMENTS PRIVÉS
Les conventions collectives peuvent prévoir des dispositions plus favorables au salarié.
Ainsi, la convention collective nationale de travail des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966 prévoit dans son article 33 que la mise à pied avec ou sans versement de salaire ne pourra dépasser un maximum de trois jours. Il est prévu également que « sauf en cas de faute grave, il ne pourra y avoir de mesure de licenciement à l’égard d’un salarié si ce dernier n’a pas fait l’objet précédemment d’au moins [deux sanctions prévues par la convention qui sont l’observation, l’avertissement, la mise à pied] ». L’association de prévention spécialisée de l’agglomération paloise qui n’avait pas respecté cet article 33 de la convention de 66 a été sanctionnée (5). Ces dispositions sont reprises également dans la convention collective nationale des établissements privés d’hospitalisation, de soins, de cure et de garde à but non lucratif du 31 octobre 1951.
Cette convention collective de 1951 prévoit également dans son article 05.02.2 qu’« il est interdit aux salariés, sous peine de licenciement sans préavis notamment :
- d’entrer ou de se trouver dans l’établissement en état d’ivresse ;
- d’introduire, de vendre ou de céder, ou d’acheter aux pensionnaires toutes boissons, tous médicaments et, en général, toutes denrées et autres objets quelconques ;
- d’engager toute transaction de quelque nature que ce soit avec les personnes accueillies ;
- sous réserve des dispositions légales, réglementaires et conventionnelles d’introduire dans l’établissement des personnes étrangères à la maison, sans autorisation ;
- d’emporter tout objet de quelque nature que ce soit sans autorisation ;
- de solliciter ou d’accepter des pourboires.
D. LES SANCTIONS PRÉVUES DANS LE SECTEUR PUBLIC
Nous évoquerons les statuts de la fonction publique de l’Etat, de la fonction publique hospitalière et de la fonction publique territoriale.
Pour les fonctionnaires relevant de l’Etat, les sanctions sont prévues à l’article 66 (Chapitre 8) du titre II du statut général des fonctionnaires.
Pour les fonctionnaires relevant de la fonction publique hospitalière, les sanctions sont prévues à l’article 81 (Chapitre 7) du titre IV du statut général des fonctionnaires.
Concernant les fonctionnaires relevant de la fonction publique territoriale, le droit disciplinaire est fixé à l’article 89 dans le titre III du statut général des fonctionnaires et des collectivités territoriales issu de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 et du décret n° 89-677 du 18 septembre 1989. Cela concerne les personnels travaillant dans les établissements publics – par exemple les foyers de l’enfance, les foyers-logements, les établissements accueillant des personnes âgées – relevant de CCAS ou autonomes mais rattachés à une collectivité locale.
Dans les trois fonctions publiques, quatre groupes de sanctions disciplinaires sont fixés, allant de la plus légère (l’avertissement) à la plus lourde (la révocation). Mais l’on trouve à l’intérieur de ces groupes quelques différences, comme le montre le tableau ci-contre.
Des différences portent donc sur la durée des exclusions et sur les déplacements d’office. Mais de nombreuses règles sont communes. Quelle que soit la fonction publique, les blâmes doivent être effacés automatiquement du dossier du fonctionnaire au terme d’un délai de trois ans si aucune sanction n’est intervenue pendant cette période.
Ces quatre groupes de sanctions figurent dans tous les règlements intérieurs des établissements publics.
(1)
Cass. soc., 10 mars 1998, Droit social n° 5, mai 1998, p. 501.
(2)
CAA Versailles, 14 septembre 2010, n° 09VE04072, disponible sur www.legifrance.gouv.fr
(3)
Cass. soc., 6 juin 2012, n° 10-28199, D. 2012, p. 1619.
(4)
Cass. soc., 17 décembre 1997, n° 94-43237, disponible sur www.legifrance.gouv.fr
(5)
Cass. soc., 21 janvier 1992, n° 90-46104, disponible sur www.legifrance.gouv.fr
(6)
Ces sanctions s’appliquent aux agents titulaires. Pour les non-titulaires, seuls s’appliquent l’avertissement, le blâme, l’exclusion temporaire, auxquels s’ajoute le licenciement sans préavis ni indemnité.
(7)
Sanction du groupe 1.
(8)
Sanction du groupe 2.
(9)
Sanction du groupe 3.
(10)
Sanction du groupe 4.