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LA PROCÉDURE DISCIPLINAIRE

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La question préalable à l’exercice de tout pouvoir de sanction est celle de la compétence. Il convient ensuite de distinguer la procédure pour les salariés du secteur privé et pour ceux du secteur public.


A. LA COMPÉTENCE

Le pouvoir de « sanctionner » appartient de droit à l’employeur qui, le plus souvent, délègue ce pouvoir. Cette délégation doit être claire et précise. Quelques difficultés se sont posées dans le secteur associatif gérant des établissements sociaux. Plusieurs cas de figure peuvent se présenter.


1. IL N’EXISTE AUCUNE DÉLÉGATION

Lorsque les statuts d’une association ne précisent pas les pouvoirs d’ester en justice et de représenter l’association en justice, seule l’assemblée générale peut décider du principe d’une action. De ce fait, l’action d’un directeur général qui n’avait reçu aucune délégation et qui contestait la désignation d’un délégué syndical a été déclarée irrecevable (1).


2. LA DÉLÉGATION EST INCOMPLÈTE

En revanche, si le président a été désigné représentant légal auprès des tiers, la jurisprudence admet qu’il a un pouvoir de licenciement même s’il eût été préférable de définir plus clairement ce pouvoir (2).
Le licenciement d’un directeur d’établissement par le directeur général de l’association gestionnaire est jugé abusif si la délégation de pouvoirs de ce dernier indique seulement la possibilité de « recruter et signer tous les contrats de travail concernant les cadres », sans mentionner le pouvoir de licenciement ; l’association pour « cet oubli » a dû payer des sommes très importantes en dommages et intérêts au directeur licencié (3).


B. LA PROCÉDURE POUR LES SALARIÉS DU SECTEUR PRIVÉ

On distingue trois types de procédure : une procédure simplifiée, une procédure renforcée en fonction du degré de gravité de la sanction et la procédure de licenciement disciplinaire.


1. LA PROCÉDURE SIMPLIFIÉE

Cette procédure s’applique pour les avertissements, les admonestations écrites (les observations verbales ne sont pas des sanctions), les rappels à l’ordre, les blâmes sans inscription au dossier. A titre exceptionnel, pour ces sanctions alors que normalement un entretien préalable est nécessaire, une information écrite est suffisante. Dans une même lettre, l’employeur mentionnera la sanction et les faits reprochés justifiant cette sanction. En effet, « aucune sanction ne peut être prise à l’encontre du salarié sans que celui-ci soit informé, dans le même temps et par écrit, des griefs retenus contre lui » (C. trav., art. L. 1332-1).
Mais si les avertissements peuvent avoir comme conséquence un licenciement, il conviendra de respecter la procédure renforcée et de prévoir un entretien préalable (4). Cela sera le cas lorsque le règlement intérieur indique que le licenciement ne pourra avoir lieu qu’après deux sanctions antérieures qui peuvent être des avertissements. En l’espèce, une directrice d’établissement avait été licenciée après un rappel à l’ordre valant observation et deux avertissements.


2. LA PROCÉDURE RENFORCÉE

Cette procédure comprend trois étapes : la convocation, l’entretien et la notification de la sanction.
Lorsque l’employeur envisage de prendre une sanction, il convoque le salarié en lui précisant l’objet de la convocation. Le salarié doit être informé de l’intention de l’employeur de le sanctionner. Lors de cette audition, le salarié peut être accompagné et se faire assister par une personne de son choix appartenant au personnel de l’établissement, qu’il soit délégué syndical ou non. L’employeur indique à ce même moment au salarié les motifs de la sanction et recueille alors ses explications. La sanction ne peut intervenir moins de deux jours ouvrables, ni plus de un mois après le jour fixé pour l’entretien. Elle est motivée et notifiée à l’intéressé soit par lettre remise contre récépissé, soit par lettre recommandée (C. trav., art. L. 1332-2 et R. 1332-2).


3. LA PROCÉDURE POUR LE LICENCIEMENT DISCIPLINAIRE

Considéré comme la sanction la plus grave, le licenciement disciplinaire est soumis au formalisme prévu aux articles L. 1232-2 à L. 1232-14 du code du travail(5). L’employeur convoque le salarié à un entretien préalable au moyen d’une lettre recommandée ou d’une lettre remise en main propre contre décharge indiquant l’objet de l’entretien ainsi que les faits reprochés. La date de l’entretien est fixée au plus tôt cinq jours ouvrables après cet envoi et au plus tard sauf exception dans les deux mois à compter du jour où l’employeur a eu connaissance des faits fautifs (C. trav., art. L. 1332-4). Cette lettre indique au salarié la possibilité de se faire assister et le lieu de l’entretien qui sera en principe le service (C. trav., art. R. 1232-1).
Au cours de l’entretien préalable, l’employeur indique les motifs de la décision envisagée et recueille les explications du salarié. Le salarié peut être assisté de la personne de son choix appartenant au personnel de l’entreprise, en général un représentant du personnel qui dans le cadre de son mandat bénéficie d’une protection particulière. Lorsqu’il n’y a pas de représentant du personnel, le salarié peut se faire assister soit par une personne de son choix appartenant à l’entreprise, soit par un conseiller du salarié choisi sur une liste dressée par l’autorité administrative.
Bien que la loi ne le mentionne pas, l’employeur peut également se faire assister par une personne appartenant à l’entreprise susceptible d’apporter des éléments de fait dans la discussion. Cette personne ne doit pas porter atteinte aux intérêts du salarié. Le salarié est libre de ne pas assister à cet entretien, mais il ne peut empêcher de ce fait la poursuite de la procédure (6).
Si l’employeur décide de licencier le salarié, il lui notifie sa décision par lettre recommandée avec accusé de réception au moins deux jours ouvrables après la date de l’entretien. Il indique au salarié la gravité de la faute (légère, grave ou lourde) et le ou les motifs de licenciement. Il doit décrire de la façon la plus précise possible les faits reprochés, leurs dates et les circonstances. Cette lettre a pour effet de fixer la date du licenciement.


4. LES PROCÉDURES PRÉVUES PAR DES CONVENTIONS COLLECTIVES

Les conventions collectives qui ont pour mission de fixer les rapports entre les employeurs et les salariés peuvent prévoir des dispositions particulières. Ainsi la convention collective de travail des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966 instaure la mise en place d’une commission régionale paritaire de conciliation. Son article 34 prévoit : « Avant de soumettre un litige du droit du travail à caractère individuel, autre que ceux résultant de l’application de la présente convention, à la juridiction compétente du lieu de signature du contrat de travail, les parties pourront recourir à une tentative de conciliation devant une commission régionale paritaire. Cette commission sera composée paritairement de représentants de l’ensemble des employeurs et de représentants de l’ensemble des salariés du champ d’application de la convention. Ces représentants seront désignés par les employeurs, d’une part, et par les salariés, d’autre part. Les syndicats du collège employeurs désigneront quatre titulaires et deux suppléants, pris parmi les représentants des organismes adhérant aux syndicats employeurs signataires de la convention. Les syndicats du collège salariés désigneront quatre titulaires et deux suppléants, pris parmi les salariés des organismes adhérant aux syndicats employeurs signataires de la convention. Pour cette désignation, ils pourront tenir compte ou non d’une répartition entre les diverses catégories d’emploi ».


C. LA PROCÉDURE POUR LES AGENTS DU SECTEUR PUBLIC

Pour l’ensemble des fonctionnaires, les articles 19, 24, 28 et 29 du titre I du statut général de la fonction publique (loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée) fixent les principes généraux du droit disciplinaire : avis d’une commission de discipline, droit de la défense, sanctions.
Pour la fonction publique de l’Etat, l’article 67 du titre II du statut général de la fonction publique (loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 modifiée) rappelle les principes. Mais toutes les modalités de la procédure disciplinaire sont fixées par le décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 modifié.
Pour la fonction publique hospitalière, la procédure disciplinaire est fixée par le décret n° 89-822 du 7 novembre 1989.
Concernant le statut des agents des collectivités territoriales, les sanctions et la procédure sont fixées aux articles 89 à 90 de la loi 84-53 du 26 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale. Le décret n° 89-677 du 18 septembre 1989 définit la procédure disciplinaire applicable aux fonctionnaires territoriaux.
Mais au-delà des spécificités de chaque fonction publique, concernant notamment la composition des diverses instances disciplinaires, se dégage une procédure commune pour sanctionner un fonctionnaire.
Pour les trois fonctions publiques, l’autorité compétente prend sa décision après l’avis d’une instance spécialisée, dénommée commission disciplinaire ou conseil de discipline. Cette commission est saisie par l’autorité disciplinaire qui lui remet un rapport indiquant clairement les faits reprochés au fonctionnaire et précisant les circonstances dans lesquelles ils se sont produits. Le fonctionnaire organise alors sa défense. Il a accès à l’intégralité de son dossier. Il peut présenter des observations écrites ou orales et citer des témoins. Il peut se faire assister d’un ou de plusieurs défenseurs. Si l’instance disciplinaire le juge nécessaire, elle peut ordonner une enquête supplémentaire. Chaque instance disciplinaire délibère selon la procédure commune suivante. Le président commence par proposer la sanction la plus grave, puis ensuite les sanctions moins sévères, jusqu’à ce qu’une sanction soit adoptée à la majorité des voix. La sanction doit être motivée puis elle est transmise à l’autorité et au fonctionnaire concerné. Elle doit comprendre les informations concernant les conditions de l’appel.
Sur ces points de procédure, il est possible de citer la jurisprudence du Conseil d’Etat du 12 septembre 1994 (7).
Le directeur d’une maison de retraite publique prend une décision de licenciement sans avertir préalablement le professionnel de l’imminence de cette sanction, et donc sans lui permettre de présenter sa défense. Ultérieurement, l’intéressé a pu consulter son dossier et faire connaître au directeur par un recours gracieux ses observations avant la date effective du licenciement. Le tribunal administratif a jugé que ce fait avait eu pour effet de couvrir le vice de forme de la décision de licenciement. Le Conseil d’Etat estime au contraire que la décision est entachée d’illégalité et fixe son indemnisation à la charge de l’établissement à la somme de 10 000 F, indiquant qu’il a tenu compte de la particulière gravité de la faute pour fixer cette somme. Le salarié n’avait pas averti le directeur qu’un pensionnaire avait fait une fugue et n’avait pas pris d’autres initiatives propres à assurer la sécurité de la personne avant de quitter l’établissement.
Enfin, il convient de mentionner la possibilité de suspension. Cette mesure n’est pas une sanction disciplinaire. C’est une mesure conservatoire et provisoire. Elle s’applique à tout agent public, qu’elle soit prévue par son statut ou non. Justifiée par les nécessités du service public, elle consiste à écarter provisoirement, le temps de l’enquête, de l’exercice de ses fonctions l’agent qui se trouve sous le coup de poursuites pénales ou disciplinaires. En fonction des résultats de cette enquête, l’agent public sera soit réintégré soit sanctionné. Cette mesure provisoire ne peut intervenir qu’en cas de faute grave. Comme pour la mise à pied conservatoire du salarié privé, le fonctionnaire conserve son salaire.


LA MISE À PIED DISCIPLINAIRE ET LA MISE À PIED CONSERVATOIRE

Il ne faut pas confondre mise à pied conservatoire et mise à pied disciplinaire. La mise à pied conservatoire n’est pas une sanction. Elle ne donne pas lieu à un entretien préalable. Elle peut être de durée indéterminée et elle est rémunérée sauf si elle débouche sur un licenciement pour faute grave. Elle est utilisée, par exemple, en cas de soupçon de mauvais traitements le temps que l’affaire soit instruite. Une accusation d’agression sexuelle par un usager rend impossible le maintien dans un même lieu des deux protagonistes, l’agresseur potentiel et sa victime. Elle ne préjuge pas de la décision à venir. La mise à pied disciplinaire est, quant à elle, déjà une sanction. Elle donne lieu à un entretien préalable. Sa durée est fixée d’avance. Elle ne donne pas lieu à rémunération. Elle peut succéder à une mise à pied conservatoire. Elle interviendra en cas de faute grave avérée.


(1)
Cass. soc., 16 janvier 2008, n° 07-60126, disponible sur www.legifrance.gouv.fr


(2)
Cass. soc., 25 novembre 2003, n° 01-42111, disponible sur www.legifrance.gouv.fr


(3)
Cass. soc., 2 mars 2011, n° 08-45422, disponible sur www.legifrance.gouv


(4)
Cass. soc., 3 mai 2011, n° 10-14104, disponible sur www.legifrance.gouv.fr


(5)
Sur cette question, cf. Marignier N., Limou S., Ruckebusch T., « Le licenciement pour motif personnel », Numéro juridique Liaisons sociales, juin 2012, p. 51 et s.


(6)
Cass. soc., 6 janvier 1999, n° 96-44064, disponible sur www.legifrance.gouv.fr


(7)
Conseil d’Etat, 12 septembre 1994, n° 123957, disponible sur www.legifrance.gouv.fr

SECTION 1 - LE DROIT DISCIPLINAIRE

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