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LA RESPONSABILITÉ DES DIRECTEURS

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Naturellement, l’ensemble des professionnels est concerné par la répression des fautes involontaires. Mais les directeurs tiennent une place particulière au regard de la responsabilité pénale. Ayant pour mission l’organisation directe des services et des établissements, ceux-ci sont plus souvent susceptibles que les autres salariés d’être mis en cause. Leur responsabilité en tant qu’organisateur des activités sociales est plus directe que celle des directeurs généraux d’association et des présidents (cf. encadré). La responsabilité pénale pouvant être cumulative en cas d’accident, la responsabilité de l’acteur direct, par exemple l’éducateur chargé de la surveillance des usagers, mais également celle de l’organisateur global de l’activité, le directeur, seront examinées.
C’est sur le plan de l’organisation des équipements que les magistrats ont tendance, sauf situations particulières, à chercher les responsabilités. La responsabilité est donc liée au pouvoir. La responsabilité pénale du directeur peut être analysée comme la contrepartie de son pouvoir. Par exemple, pour être logique avec ce raisonnement, l’arrêté du 6 août 1996 relatif à la protection contre les risques d’incendie et de panique dans les établissements publics de santé et les institutions sociales et médico-sociales publiques (1) - qui a défini le rôle des directeurs concernant la sécurité pendant les différentes étapes de fonctionnement d’un établissement public et par là même augmenté leurs missions - leur a donné en contrepartie, dans certaines conditions, le pouvoir de décider seuls la fermeture d’un établissement au titre de la sécurité. Auparavant concernant ces situations exceptionnelles, en cas de refus du président et du conseil d’administration, le directeur n’avait le choix que de démissionner pour échapper à l’engagement éventuel de sa responsabilité pénale personnelle.
Mais de façon plus générale, le directeur exerce son pouvoir par le biais du règlement intérieur. Par ce règlement qui est un acte unilatéral, le directeur doit fixer les règles d’organisation de son établissement ou service. La responsabilité particulière du directeur s’analyse comme la contrepartie de ce pouvoir. Logiquement également, les magistrats sont très sensibles au respect de ce pouvoir par les subordonnés employés. Un salarié qui ne respecte pas les règles fixées s’expose à des sanctions.
Le directeur est également responsable du respect des diverses réglementations imposées concernant, par exemple, la formation des personnels, la sécurité incendie, la sécurité alimentaire, les loisirs... C’est pour toutes ces raisons que le directeur est plus exposé en général que les autres dirigeants : président et même directeur général...
LA RESPONSABILITÉ DES DIRIGEANTS D’INSTITUTIONS SOCIALES ET MÉDICO-SOCIALES
Les dirigeants qui sont visés ici sont plus particulièrement les dirigeants d’associations qui gèrent des établissements et des services sociaux relevant de la loi du 2 janvier 2002. Et principalement les présidents et administrateurs de ces associations. La responsabilité est liée à la notion de pouvoir attachée à la fonction de président. La responsabilité des dirigeants peut être engagée sur le plan civil comme sur le plan pénal.
LA RESPONSABILITÉ CIVILE
Le préjudice général
Un dirigeant peut commettre des fautes, des imprudences, des négligences, entre autres de gestion, qui vont entraîner un préjudice pour l’association. En cas de faute grave, l’association peut se retourner contre son président. Mais c’est pour les dommages causés envers des tiers que la question peut être plus délicate. Un dirigeant qui a commis un dommage à un tiers va logiquement engager la responsabilité de l’association. En cas de faute, la victime peut assigner sur le fondement de l’article 1382 du code civil le dirigeant lui-même qui ne peut se retourner contre l’association. En revanche, si un dirigeant dépasse son pouvoir, et que le cocontractant pouvait légitimement se tromper sur l’étendue de son pouvoir, la jurisprudence applique la théorie du mandat apparent. L’association peut être condamnée, mais elle aura la possibilité de se retourner contre son président. Toutefois la jurisprudence exige toujours une faute personnelle du dirigeant, détachable de ses fonctions et grave. La situation d’un dirigeant d’association peut être assimilée à la responsabilité des mandataires sociaux définie à l’article 1992 du code civil : « Le mandataire répond non seulement du dol [NDLR : faute volontaire avec intention de nuire], mais encore des fautes qu’il commet dans sa gestion. Néanmoins, la responsabilité relative aux fautes est appliquée moins rigoureusement à celui dont le mandat est gratuit qu’à celui qui reçoit un salaire ». Pour être condamné, il faut que le dirigeant ait commis une faute grave de gestion en dehors de l’objet social de l’association ou ne se rattachant pas manifestement à son fonctionnement normal ou même qu’il ait commis une faute lourde avec une intention de nuire.
L’action en comblement de passif
L’action en comblement de passif vise en cas de liquidation judiciaire à tenter d’engager la responsabilité personnelle des dirigeants qui auraient provoqué de par leur faute de gestion cette situation d’insuffisance d’actifs.
Les personnes concernées sont les dirigeants de fait, les dirigeants non rémunérés. Si la peine est prononcée avec solidarité, cela signifie que l’un des débiteurs peut être condamné à payer la totalité de la dette quitte à réclamer aux autres leur part par la suite.
Concernant l’acte fautif, la faute de gestion caractérisée doit avoir directement entraîné l’insuffisance d’actifs et, par un biais ou par un autre, les dirigeants doivent avoir eu un intérêt financier à poursuivre artificiellement la vie de l’institution (2). Deux arrêts de jurisprudence de septembre 2004 peuvent illustrer cette problématique (3).
Dans le premier cas d’espèce, il s’agit d’une association organisant des séjours de vacances pour les enfants sur demande de communes ou d’autres associations. L’action en responsabilité a été engagée sur une demande en complément de passif par le mandataire judiciaire. Il est reproché aux deux dirigeants d’avoir déclaré trop tard la cessation de paiement.
La date de cessation de paiement a été fixée au 1er janvier 2001, alors que la déclaration n’a été faite que 11 mois plus tard. Pendant cet intervalle de temps, le passif s’est accru de manière importante. Pour bien comprendre, il est nécessaire de mentionner les chiffres. Le passif produit s’est élevé à 2 700 021 €, l’actif réalisé à 74 334 €, l’insuffisance d’actif à 2 625 687 €.
Le président et le directeur de fait ont été condamnés à une interdiction de diriger, de gérer, d’administrer ou de contrôler directement ou indirectement toute entreprise... commerciale, artisanale, et toute personne morale pendant une durée de dix ans, et à payer respectivement 30 000 € et 20 000 €.
Dans le second cas d’espèce, il s’agit d’une association gérant une école de formation d’opticiens. La réglementation de la scolarité ayant changé, l’exploitation est devenue déficitaire. La cour d’appel reproche à ses dirigeants de nombreux actes de gestion fautifs : l’association ne payait plus son loyer, avait fait des appels de fonds et le président avait tardé à invoquer la responsabilité de sa banque. Le président a été condamné à 50 000 € pour comblement de passif et à une interdiction de gérer pendant cinq ans ; le directeur, jugé dirigeant de fait, à 100 000 € et à dix ans d’interdiction de gérer.
Les protections accordées aux dirigeants
Face à ces risques, les dirigeants peuvent bénéficier d’assurances civiles et sociales. Pour les dommages physiques subis par les dirigeants, l’article L. 412-8, 6°, du code de la sécurité sociale prévoit que la législation sur les accidents de travail s’applique aux personnes qui participent bénévolement au fonctionnement d’organismes à objet social. Les administrateurs des institutions sociales et médico-sociales définies par la loi du 2 janvier 2002 sont couverts par cette législation (C. séc. soc., art. D. 412-79, II, G). Pour les autres risques, il existe une assurance des mandataires sociaux qui pourra les couvrir pour leurs éventuelles fautes graves de gestion susceptibles d’entraîner leur responsabilité.
LA RESPONSABILITÉ PÉNALE
Sur le plan pénal, le principe est toujours la personnalité des peines. Seul celui qui a commis une faute est responsable.
Encore une fois la détermination des responsabilités entre le président, le directeur d’association, le directeur de l’établissement dépendra des statuts et des délégations de pouvoirs. Si dans une association, il n’y a pas de directeur, c’est le dirigeant, le président qui risque d’être inquiété... Mais toutes les situations ne sont pas aussi claires.
Par exemple, un président d’association a été condamné à des réparations civiles pour avoir refusé de rendre à sa mère un enfant placé par les soins de son association alors que c’étaient les éducateurs qui s’opposaient à cette restitution (4). De même, concernant la sécurité et l’application de la législation sociale, les magistrats trouvent souvent des fautes des présidents non seulement quand ils ont un rôle direct et actif malgré la nomination d’un délégué, mais également pour n’avoir pas surveillé la mise en œuvre par leurs subordonnés de cette législation.
Par ailleurs, depuis 1994, le code pénal retient une responsabilité des personnes morales pour certaines infractions. Mais la responsabilité des associations et des dirigeants peut être cumulative relativisant ainsi les conséquences de cette disposition.
Par ailleurs, le sentiment de responsabilité du directeur peut venir également d’autres facteurs que l’engagement de sa stricte responsabilité pénale personnelle. Par exemple, le directeur a pour mission outre la sécurité des usagers, d’assurer la sécurité des personnels. Il s’agit ici de la responsabilité professionnelle de l’association en tant qu’employeur. Mais le directeur est au cœur des débats. Or l’on peut constater également dans ce secteur un renforcement très net de la responsabilité depuis les arrêts « Amiante » rendus par la chambre sociale le 28 févier 2002. Dès lors la Cour de cassation n’a de cesse de répéter que, « en vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l’employeur est tenu envers celui-ci d’une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les accidents du travail, et que le manquement à cette obligation a le caractère d’une faute inexcusable [...] lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver » (5). Cette obligation est justifiée. Mais, ainsi que le souligne Pierre-Yves Verkindt, elle fait peser sur l’employeur « une véritable obligation d’agir et non une simple invitation à la vigilance » (6).


(1)
Arrêté du 6 août 1996, NOR : TASH9623062A, JO du 15-08-96.


(2)
Cf. de nombreux exemples, Alfandari E. (sous la direction de), Associations, Dalloz, 2005, in chapitre, « Fin de l’association ».


(3)
Paris, 3e ch., section B, 10 septembre 2004, n° 289, M. J. C. c/Maître G. P., mandataire judiciaire de l’association Proloisirs ; Paris, 3e ch., section B, 14 septembre 2004, n° 320, M. C. M. c/ Maître G., mandataire judiciaire à la liquidation de l’association ESOP. Dans cette affaire, le président de l’association est le beau-frère du directeur général salarié.


(4)
Cass. crim., 24 janvier 1992, in Clavanier B., « La responsabilité des dirigeants d’associations sociales », Juris Associations, 15 février 1995, n° 113.


(5)
Cass. ass. plén. 24 juin 2005, n° 03-30038, consultable sur www.legifrance.fr


(6)
Verkindt P.-Y., RDSS, 2005, n° 5, p. 875.

SECTION 2 - LES INCRIMINATIONS POUR FAUTES « INVOLONTAIRES »

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