Créées par la loi du 9 septembre 2002, les sanctions éducatives, expressément prévues à l’alinéa 2 de l’article 2 de l’ordonnance du 2 février 1945, constituent une catégorie de réponses possibles aux infractions commises par des mineurs.
Partant du constat que certains mineurs pouvaient mettre en échec des mesures éducatives, sans sanction possible ultérieure, le législateur a voulu instaurer des mesures plus contraignantes, mais qui ne présenteraient pas pour autant le caractère de sanction pénale.
Ainsi, les sanctions éducatives peuvent être infligées au mineur dès l’âge de 10 ans, lorsque les circonstances et sa personnalité l’exigent. Les peines ne sont, quant à elles, applicables qu’à partir de 13 ans (cf. infra, section 3). Comportant un certain nombre d’interdictions ou d’obligations, elles donnent surtout la possibilité au tribunal pour enfants qui les a prononcées de sanctionner leur non-respect par un placement, à l’exclusion du placement en CEF.
Dans son argumentation développée devant le Conseil constitutionnel (1), le gouvernement avait entendu affirmer le caractère hybride de ces mesures : « S’agissant des mineurs âgés de plus de 13 ans, les sanctions éducatives représentent un seuil intermédiaire entre les mesures éducatives prévues à l’article 15 de l’ordonnance du 2 février 1945 et les peines prévues par le code pénal [...] . Les sanctions éducatives permettent [...] d’élargir le champ des réponses que les tribunaux pour enfants sont susceptibles d’apporter à la délinquance des mineurs âgés de 10 à 13 ans. »
Le gouvernement mettait également l’accent sur leur « fort contenu éducatif ». En effet, « les interdictions ou les obligations qui peuvent être prononcées présentent un lien direct avec l’infraction commise, ce qui leur donne une signification clairement compréhensible pour le mineur condamné et souligne leur caractère pédagogique. Ainsi la confiscation du couteau qui a servi à blesser la victime, l’interdiction de paraître dans le supermarché où le vol a été commis ou l’interdiction de rencontrer la victime de l’extorsion commise constituent des sanctions qui s’apparentent naturellement à l’infraction commise. »
Le Conseil constitutionnel a retenu cette argumentation (2). Selon lui, en effet, « les principes constitutionnels propres à la justice des mineurs ne s’opposent pas à ce que leur soient infligées [de telles] sanctions, lesquelles ont toutes, au demeurant, une finalité éducative ». Il ajoute qu’« en particulier, en application du principe de proportionnalité des peines, ces sanctions prendront naturellement en compte les obligations familiales et scolaires des intéressés ».
Sont particulièrement concernés par les sanctions éducatives les jeunes mineurs qui ont déjà fait l’objet de poursuites judiciaires, et à l’égard desquels les mesures éducatives se sont révélées insuffisantes.
Le juge des enfants ne pouvant prononcer de sanction éducative dans le cadre de l’audience de cabinet, il devra renvoyer l’affaire devant le tribunal pour enfants s’il envisage cette mesure (3).
Depuis la loi du 10 août 2011, les sanctions éducatives peuvent être prononcées pour les 13-18 ans en complément d’une peine d’amende, de travail d’intérêt général prononcé à titre principal ou d’emprisonnement avec sursis simple. Elles ne peuvent en revanche se cumuler avec une peine de sursis avec mise à l’épreuve ou de sursis TIG (ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 modifiée, art. 2, al. 2).
Les sanctions éducatives ne peuvent être prononcées en même temps qu’une peine ou une mesure éducative (ordonnance du 2 février 1945, art. 2, al. 2).
Depuis leur création, le recours aux sanctions éducatives reste très marginal (cf. encadré) en raison, d’une part, de leur manque de lisibilité au sein de l’échelle des réponses judiciaires et, d’autre part, de leur sanction par un placement qui n’est de fait jamais appliquée tant le sens et les objectifs du placement éducatif sont étrangers à la question du non-respect des obligations fixées dans le cadre d’une sanction éducative. En d’autres termes, il serait peu concevable de placer un mineur dans un établissement au motif qu’il n’aurait pas exécuté ses travaux scolaires ou effectué son stage de formation civique.
Le projet de code de justice pénale des mineurs du 30 mars 2009 avait d’ailleurs renoncé à cette troisième voie peu convaincante, en ne retenant que deux catégories de réponses judiciaires : les sanctions éducatives - simple nouvelle dénomination des mesures éducatives - et les peines.
En 2010, les juridictions pour mineurs ont prononcé 1 939 condamnations à des sanctions éducatives ainsi réparties :
- confiscation : 4 ;
- avertissement solennel : 944 ;
- placement dans un établissement d’éducation ou de formation : 8 ;
- mesure ou activité d’aide ou de réparation : 562 ;
- interdiction de paraître dans certains lieux : 10 ;
- exécution de travaux scolaires : 2 ;
- interdiction de fréquenter les coauteurs ou complices de l’infraction : 1 ;
- interdiction d’entrer en relation avec certaines personnes, notamment la victime de l’infraction : 4 ;
- stage de formation civique : 404 ;
- couvre-feu : 0 (introduit seulement en 2011).
Les mesures de confiscation et d’interdictions diverses ne sont presque pas utilisées dans ce cadre, ce qui était prévisible compte tenu de l’impossibilité pour la PJJ d’en contrôler sérieusement l’exécution - l’exécution de travaux scolaires ou le placement en internat n’ont guère davantage été prononcés, en l’absence de textes (décrets ou circulaires) pris en application de ces dispositions introduites par la loi du 5 mars 2007 - l’avertissement solennel et la réparation peuvent être décidés dans d’autres cadres juridiques que la sanction éducative. Il aurait alors été intéressant, pour pouvoir apprécier l’intérêt de les prononcer dans ce cadre, de connaître le nombre de décisions de placement prises au titre du non-respect de ces deux dispositions. Sans nous avancer outre mesure, nous pouvons affirmer qu’elles sont quasiment inexistantes. Reste le stage de formation civique, qui ne peut être décidé au stade du jugement qu’en tant que sanction éducative, sans pour autant que son non-respect ne soit particulièrement sanctionné.
[Source : exploitation statistique du casier judiciaire. Question du député Christian Estrosi, JO du 18-01-11, p. 403 - Réponse ministérielle, JO du 17-04-12, p. 3089]
(1)
Observations du gouvernement sur les recours dirigés contre la loi d’orientation et de programmation pour la justice, JO du 10-09-02.
(2)
Conseil constitutionnel, décision n° 2002-461 DC du 29 août 2002, JO du 10-09-02.
(3)
Ce qui, sur un plan pratique, alourdit beaucoup la procédure. Certains juges des enfants hésitent à saisir le tribunal pour enfants, dont l’audiencement est souvent déjà très chargé, pour des mineurs parfois très jeunes.