Historiquement, le placement du mineur déviant (vagabond, délinquant, rebelle à l’autorité paternelle...) a longtemps été la seule réponse institutionnelle à son comportement. Qu’il s’agisse de « mater » un être considéré comme « vicieux », de soustraire une victime d’un milieu familial forcément malsain ou de « reprendre de zéro » une éducation jugée défaillante, le placement a toujours été regardé comme une composante essentielle de la réponse éducative. Même si la liberté surveillée existe depuis 1912, le placement a continué à s’imposer, même après 1945, comme la première solution envisagée. Ce n’est qu’après la création de l’assistance éducative en 1958 que l’action éducative au sein de la famille du mineur a été réellement considérée comme un outil pertinent.
Certes, les institutions éducatives, qui reçoivent des mineurs ayant commis des actes de délinquance, ont profondément évolué depuis les colonies agricoles du XIXe siècle. A partir de 1945, l’éducation surveillée puis la PJJ ont pris le relais de l’administration pénitentiaire pour l’encadrement de ces structures, avec des méthodes progressivement tournées vers l’éducation et la réinsertion sociale et professionnelle, davantage que vers la sanction et l’enfermement. Il est toutefois intéressant, au travers des débats récents, de voir certains principes prônés au XIXe siècle (éloigner les jeunes des cités, reconnaître les vertus de la contrainte, sanctionner les écarts...) retrouver une nouvelle jeunesse...
A. SON CADRE JURIDIQUE
1. LA DÉCISION DE PLACEMENT ET SA DURÉE
[Ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 modifiée, articles 8, 10, 15, 16 et 17]
Le placement du mineur peut être décidé par le juge des enfants, le juge d’instruction, le juge des libertés et de la détention ou la juridiction de jugement à tout moment de la procédure : au stade de la mise en examen, en cours d’instruction du dossier, au moment du jugement et, sous certaines conditions, après le jugement.
La possibilité de confier le mineur à un tiers n’appartient pas en revanche au procureur de la République dans le cadre des alternatives aux poursuites.
a. Le placement, à titre provisoire
[Ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 modifiée, article 10]
Comme la mesure de liberté surveillée, le placement du mineur peut être décidé dès la mise en examen par le juge des enfants ou le juge d’instruction des mineurs. Il peut aussi l’être en cours d’instruction par le juge des libertés et de la détention en alternative à la détention provisoire.
A l’exception du placement en centre éducatif fermé (CEF) qui obéit à des modalités particulières, l’ordonnance de 1945 n’impose pas au juge de fixer la durée de sa décision de placement provisoire, qui reste en conséquence valable - sauf si le juge a expressément spécifié le terme - jusqu’au prononcé du jugement statuant sur la culpabilité. L’ordonnance de renvoi devant le tribunal pour enfants ou le tribunal correctionnel pour mineurs, ou l’ordonnance de mise en accusation devant la cour d’assises des mineurs, ne met pas fin de plein droit au placement provisoire.
Le placement provisoire ne peut être levé avant le jugement de l’affaire que par une nouvelle décision du juge, ou si le mineur atteint l’âge de la majorité entre-temps.
Mais si la juridiction de jugement ne statue pas sur la question du placement, le mineur est alors ipso facto remis à sa famille.
b. Le placement prononcé par la juridiction de jugement
[Ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 modifiée, articles 8, 15 et 16]
Le placement peut aussi être décidé ou confirmé par la juridiction de jugement. Dans ce cas, sa durée ne peut excéder l’âge de la majorité (ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 modifiée, art. 17, al. 1er).
La juridiction de jugement peut décider du placement à titre de mesure principale (sauf en CEF).
Elle peut aussi (sauf en CEF) le prononcer dans le cadre de la césure du procès pénal (ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 modifiée, art. 24-5) (cf. encadré, p. 130), après avoir statué sur la culpabilité du mineur et ajourné le prononcé de sa décision définitive.
Elle peut enfin décider du placement du mineur à titre d’obligation particulière d’une peine d’emprisonnement avec sursis et mise à l’épreuve ou avec sursis assorti de l’obligation d’accomplir un travail d’intérêt général (ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 modifiée, art. 20-10). Dans ce cadre, le placement en CEF est également possible. Dans tous les cas, et sauf disposition contraire ou survenance de la majorité, la durée du placement ne pourra excéder celle de la mise à l’épreuve ou du délai d’exécution du travail d’intérêt général (TIG). Le juge des enfants, dans sa fonction de juge de l’application des peines, pourra de toute façon décider par la suite de modifier la durée ou les modalités du placement.
Si le tribunal décide le placement en même temps qu’il prononce une peine de sursis avec mise à l’épreuve (SME) ou de sursis TIG dont il sera l’accessoire, il devra préciser dans son jugement les modalités de ce placement (droits de visite des parents, sort des prestations familiales, durée du placement). Cette disposition exclut la possibilité pour la juridiction de statuer en ce sens si le placement n’est pas effectif immédiatement, mais serait seulement envisagé dans l’avenir. Dans ce cas, il appartiendra non à la juridiction de jugement mais au juge des enfants en sa qualité de juge de l’application des peines d’ordonner le placement et d’en faire une obligation de la mise à l’épreuve.
Bien qu’il ne s’agisse plus à proprement parler d’une mesure éducative, un placement à l’extérieur dans un établissement éducatif peut enfin être également prononcé ab initio comme aménagement d’une peine d’emprisonnement ferme dès le prononcé de la décision.
c. Le placement décidé après le jugement
[Ordonnance du 2 février 1945 modifiée, articles 8, 15, 16 et 20-10]
Jusqu’à la loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité (1), le juge des enfants ne pouvait ordonner de placement postérieurement au jugement que dans le cadre d’une mise sous protection judiciaire.
Depuis lors, en cas de prononcé d’une peine d’emprisonnement avec SME, ou assorti de l’obligation d’accomplir un TIG, le juge des enfants peut, pendant toute la durée d’épreuve, placer le mineur dans une institution et lui imposer le respect des conditions de ce placement, même si la juridiction de jugement n’avait pas imposé cette modalité au départ.
En ce cas, il incombera au juge de rendre une décision de placement distincte, précisant notamment sa durée, les droits de visite des parents et le sort des prestations familiales : l’obligation particulière de respecter les conditions d’un placement dans tel ou tel établissement ne constitue pas en soi un titre permettant à la structure d’accueil de recevoir le mineur et de percevoir le prix de journée.
Depuis la loi du 10 août 2011, cette possibilité est étendue à tout type d’établissement, y compris aux centres éducatifs fermés (ordonnance n° 45-74 du 2 février 1945 modifiée, art. 20-10).
Enfin, en cas de condamnation à une peine d’emprisonnement ferme, le juge des enfants faisant fonction de juge de l’application des peines peut prévoir que le mineur condamné bénéficiera notamment d’une libération conditionnelle ou d’un placement à l’extérieur. L’ensemble des établissements éducatifs, y compris les CEF, peuvent ainsi accueillir des mineurs en cours d’exécution de l’aménagement de peine.
2. LA PLACE DES TITULAIRES DE L’AUTORITÉ PARENTALE
Durant le placement, les parents ne sont pas dépossédés de l’exercice de leur autorité parentale : seul leur échappe le contrôle quotidien des agissements de leur enfant. En revanche, ils doivent donner leur accord pour toute décision relevant de l’autorité parentale (autorisation de sortie du territoire, orientation scolaire, pratique de sports dangereux, soins médicaux, établissement de documents d’identité, etc.) et être associés aux moments importants de la vie de l’enfant (réunions parents-professeurs, projets d’orientation professionnelle...).
Alors que l’article 375-7 du code civil prévoit la possibilité pour le juge des enfants statuant en assistance éducative d’autoriser la personne, le service ou l’établissement à qui est confié l’enfant à exercer un acte relevant de l’exercice de l’autorité parentale lorsque les parents sont défaillants, le pendant de ce texte n’existe pas lorsque le mineur est confié au titre de l’ordonnance de 1945. En conséquence, il peut y avoir situation de blocage si les titulaires de l’exercice de l’autorité parentale ne sont pas joignables ou s’ils refusent d’autoriser un acte ou de signer un document administratif.
Par ailleurs, la loi du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale (2)a rappelé le principe du droit au maintien des relations familiales, donc des liens entre l’enfant et ses parents durant le temps de la prise en charge. Si le juge ou le tribunal entend restreindre ou suspendre les contacts entre eux pendant tout ou partie du placement, il devra expressément le préciser dans sa décision. A défaut de précision, les parents pourront rendre visite à leur enfant placé ou le recevoir à leur domicile.
3. LE SORT DES ALLOCATIONS FAMILIALES
Depuis la loi du 9 septembre 2002, les conséquences du placement du mineur sur le versement des allocations familiales ne sont pas les mêmes selon que le mineur se trouve dans un centre éducatif fermé ou dans un autre type de structure. En effet, suivant le principe général, ces prestations doivent être versées directement à la personne ou à l’institution chargée du mineur pendant la durée du placement (ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 modifiée, art. 40, al. 3). Et cette disposition est a priori impérative, puisque le texte précise qu’elle s’applique « en tout état de cause ».
Or un article spécifique aux centres éducatifs fermés prévoit, quant à lui, une suspension du versement des allocations familiales pendant le temps du placement dans un tel centre, et pour la seule part représentée par l’enfant délinquant dans le calcul de la prestation (ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 modifiée, art. 34).
Cependant, le juge des enfants peut décider de maintenir le versement dans deux cas :
- si la famille participe à la prise en charge morale ou matérielle de l’enfant ;
- pour faciliter le retour de l’enfant dans son foyer.Ce maintien demeure également « souhaitable lorsque les parents participent au bon déroulement du placement ou lorsqu’un projet de retour est envisageable avec leur soutien » (3).
On aboutit ainsi, au seul visa de l’ordonnance de 1945, à une situation surprenante dans laquelle les parents perdent systématiquement le bénéfice des allocations familiales lorsque leur enfant est confié à une structure traditionnelle, mais peuvent prétendre à les conserver s’il est placé en CEF.
En fait, l’ordonnance du 4 juillet 2005 portant réforme de la filiation (4), entrée en vigueur le 1er juillet 2006, résout désormais la question en modifiant l’article L. 521-2 du code de la sécurité sociale, lequel prévoit que, si le principe reste celui du versement des allocations familiales au service ou à la personne qui assume la charge effective et permanente de l’enfant, le juge peut décider, tant en matière d’assistance éducative qu’en cas de placement au titre de l’ordonnance de 1945, de maintenir le versement des allocations à la famille lorsque celle-ci participe à la prise en charge morale ou matérielle de l’enfant ou en vue de faciliter son retour dans son foyer.
Bien qu’il n’ait pas été abrogé, l’article 40 de l’ordonnance de 1945 peut ainsi être écarté par la juridiction qui confie le mineur à un tiers, laquelle peut toujours, sur le fondement du code de la sécurité sociale, et quel que soit le type de placement, décider de laisser à la famille le bénéfice des allocations familiales.
B. LES PERSONNES ET ÉTABLISSEMENTS AUXQUELS LE MINEUR PEUT ÊTRE CONFIÉ
Le juge des enfants, le juge d’instruction chargé des affaires de mineurs, le juge des libertés et de la détention, le tribunal pour enfants, le tribunal correctionnel pour mineurs ou la cour d’assises des mineurs peuvent confier l’enfant, à titre provisoire ou par jugement selon le cas, à une personne physique, à un établissement spécialement habilité, à un établissement médical ou médico-pédagogique habilité ou au service départemental de l’aide sociale à l’enfance.
1. UNE PERSONNE PHYSIQUE
[Ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 modifiée, articles 8 (4°), 10 (1°), 15 (1°) et 16 (1°)]
En cours d’instruction, le juge des enfants ou le juge d’instruction peut, aux termes de l’article 10 de l’ordonnance de 1945, « confier provisoirement le mineur mis en examen à ses parents, à son tuteur ou à la personne qui en avait la garde, ainsi qu’à une personne digne de confiance [...] » (5).
Au stade du jugement, les articles 8 (chambre du conseil), 15 et 16 (tribunal pour enfants) de l’ordonnance ne prévoient que la « remise » du mineur à ses parents, à son tuteur, à la personne qui en avait la garde ou à une personne digne de confiance, tandis que le terme de « placement » n’est utilisé que pour les établissements. L’analyse littérale tend alors à considérer que le mineur ne pourrait être « remis » qu’à la personne physique ou morale qui en avait déjà légalement la charge et que, en revanche, le terme de « placement » impliquerait que le mineur soit confié par décision judiciaire au titre de l’ordonnance de 1945. Dans ce sens, il est clair que la « remise à parents » n’a jamais été considérée comme une mesure de placement judiciaire, mais comme la restitution symbolique de l’enfant à son responsable légal. Cette interprétation, somme toute logique, conduirait alors à réserver le placement chez une personne physique à la phase d’instruction du dossier (ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 modifiée, art. 10).
Il semble toutefois que le terme de « remise » puisse être interprété comme valant « placement », et ce pour deux raisons :
- l’article 40 relatif à la fixation des frais d’entretien à la charge des parents fait référence aux cas où le mineur est « remis à titre provisoire ou à titre définitif » à une personne autre que ses parents ou les personnes qui en avaient la garde, impliquant que la remise de l’enfant comme son placement peuvent être prononcés par jugement ;
- l’article L. 222-5 3° du code de l’action sociale et des familles qui ne fait aucune distinction entre le « placement » à l’aide sociale à l’enfance au titre des mesures provisoires du 4° de l’article 10 de l’ordonnance de 1945 et la « remise » au même service décidée par le tribunal pour enfants sur le fondement du 4° de l’article 15, considérant que dans les deux cas les mineurs doivent être pris en charge par le service de l’aide sociale à l’enfance.
Si l’on suit ce raisonnement, l’enfant pourrait aussi être judiciairement confié à une personne physique par jugement sur le fondement des articles 8 (chambre du conseil), 15 et 16 (tribunal pour enfants) qui n’utilisent pourtant que le terme de « remise » (6).
Quoi qu’il en soit, en cas de séparation du couple parental, il est logique de privilégier la solution consistant à confier l’enfant à l’autre parent lorsque ce dernier est en mesure de relayer efficacement celui qui se trouve en difficulté dans la prise en charge. Dans les faits, cette décision est rarement prise par les magistrats de façon officielle dans le cadre de l’ordonnance de 1945 : si l’autre parent a pu être mobilisé pour prendre en charge son enfant, la décision elle-même est généralement laissée à l’initiative des intéressés, avec ou sans décision du juge aux affaires familiales.
2. UN ÉTABLISSEMENT ÉDUCATIF
[Ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 modifiée, articles 8 (6°), 15 (2°), et 16 (2°) ; décret n° 2007-1543 du 6 novembre 2007 modifié]
Dépendant de la protection judiciaire de la jeunesse ou du secteur associatif habilité (cf. supra, chapitre II, section 2), ces établissements ou institutions d’éducation ou de formation professionnelle spécialement habilités ont toujours occupé une place essentielle dans le dispositif éducatif au pénal : aujourd’hui, l’immense majorité des mineurs confiés au titre de l’ordonnance de 1945 sont pris en charge dans ces structures. La plupart d’entre elles ont évolué dans le sens de l’éclatement des gros établissements en petites unités, le plus souvent implantées en milieu urbain, favorisant ainsi une prise en charge individualisée portant sur les soins, la scolarité ou la formation professionnelle, en lien avec les partenaires extérieurs.
Il ne subsiste plus guère aujourd’hui d’établissements accueillant cent mineurs ou plus et leur assurant une scolarité et une formation professionnelle sur site. Sont désormais privilégiées les petites structures de dix à vingt mineurs au maximum avec, le cas échéant, un encadrement éducatif renforcé, si la personnalité des jeunes accueillis le nécessite.
Historiquement, partant du principe que le mineur délinquant était avant tout un enfant en danger, la plupart de ces établissements étaient habilités pour recevoir des mineurs confiés tant au titre de l’ordonnance de 1945 qu’au titre de l’assistance éducative, et la mixité des prises en charge était la règle. Depuis que la PJJ a recentré son intervention sur la prise en charge des mineurs délinquants (cf. supra, chapitre II, section 2, § 1, A), elle n’accueille plus beaucoup de mineurs relevant de l’assistance éducative dans ses propres structures. Sachant que, par ailleurs, les CEF associatifs ne sont habilités qu’au titre de l’ordonnance de 1945 et que les CER associatifs réservent prioritairement leurs places pour les mineurs confiés sur ce même fondement, une partition s’est ainsi opérée à partir des années 2000 entre les mineurs « délinquants » et les mineurs « en danger » qui ne se fréquentent plus guère au sein des mêmes institutions.
Lorsque ces établissements relèvent du secteur associatif, ils perçoivent un prix de journée par mineur versé par l’Etat si l’enfant leur est confié sur le fondement de l’ordonnance de 1945. Très variable selon le type d’établissement, le personnel employé (nombre et qualité) et la prestation proposée, le prix de journée peut osciller entre environ 150 € pour un petit foyer prenant en charge quelques adolescents avec une équipe éducative restreinte, jusqu’à quelque 800 € pour les centres éducatifs fermés. La décision de placement doit déterminer la part des frais d’entretien et de placement qui est mise à la charge de la famille (7). Ceux-ci sont recouvrés comme frais de justice criminelle au profit du Trésor public.
Toutes ces structures publiques ou associatives, quelle que soit leur dénomination (maison d’enfants à caractère social, lieu de vie, centre ou foyer éducatif, centre de formation professionnelle, centre d’observation, établissement de placement éducatif, centre éducatif renforcé, centre éducatif fermé...) sont considérées comme des établissements sociaux ou médico-sociaux (CASF, art. L. 312-1) et, de ce fait, soumises à la loi du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale. Il s’ensuit qu’elles doivent respecter certaines règles communes relatives à leur création (autorisation préalable de l’autorité administrative compétente, CASF, art. L. 313-3), à leur habilitation (cf. supra, chapitre II, section 2) et à leur contrôle, ainsi qu’au respect des droits des usagers (8).
a. Les maisons d’enfants à caractère social
La dénomination de maison d’enfants à caractère social (MECS) est devenue, sur le plan administratif, le terme générique désignant tout établissement à caractère associatif recevant des mineurs sur décision de l’autorité judiciaire, du conseil général ou au titre du handicap, quelle que soit l’appellation qu’il a entendu se donner : foyer, home d’accueil, institution, centre éducatif, centre éducatif et professionnel, etc.
Toutes les MECS ne sont pas habilitées pour recevoir des mineurs au titre de l’ordonnance de 1945. Lorsqu’elles le sont, et c’est souvent le cas pour des établissements prenant en charge exclusivement des adolescents, c’est de façon résiduelle, leur fonction première étant généralement tournée vers l’assistance éducative ou l’accueil des mineurs confiés par l’aide sociale à l’enfance.
b. Les établissements de placement éducatif
Créés par le décret du 6 novembre 2007 relatif aux établissements et services du secteur public de la PJJ, et succédant aux foyers d’action éducative (FAE) et aux centres de placement immédiat (CPI), les établissements de placement éducatif (EPE) constituent la cellule d’hébergement de base du secteur public de la PJJ.
Les EPE ne prennent en charge des mineurs que sur décision judiciaire, sur le fondement de l’ordonnance de 1945 ou au titre de l’assistance éducative. Dans la pratique, ils donnent priorité aux premiers.
Ils sont également habilités à recevoir des jeunes majeurs, tant dans le cadre d’une mesure pénale que sur le fondement du décret n° 75-96 du 18 février 1975 relatif à la protection judiciaire civile des jeunes majeurs. Pour autant, les EPE n’acceptent de prendre en charge que les jeunes majeurs confiés au titre de l’ordonnance de 1945 (cf. encadré, p. 67).
Les EPE comprennent une unité éducative d’hébergement collectif (UEHC) à laquelle peuvent s’ajouter une ou plusieurs unités d’hébergement diversifié (UEHD) ou de centre éducatif renforcé (UE-CER) :
- les unités éducatives d’hébergement collectif assurent l’accueil de mineurs sous mandat judiciaire au titre de l’ordonnance de 1945 sans délai ni préparation (accueil d’urgence) ou les accueils préparés. L’UEHC a une capacité d’accueil de 10 à 12 garçons et/ou filles de 13 à 18 ans ;
- les unités éducatives d’hébergement diversifié regroupent un éventail de prises en charge, tels l’hébergement individuel en structure collective (foyer de jeunes travailleurs, résidence sociale, réseau des fermes d’accueil à dimension sociale) et l’hébergement en familles d’accueil. Ce dispositif permet aux adolescents de trouver un compromis entre besoin d’accompagnement et acquisition d’une nécessaire autonomie ;
- les unités éducatives « centre éducatif renforcé » (cf. infra, c).
Ils peuvent également comporter une ou plusieurs unités éducatives d’activités de jour (UEAJ), et prennent ainsi la dénomination d’établissement de placement éducatif et d’insertion (EPEI). Les UEAJ organisent des activités scolaires, professionnelles, culturelles et sportives adaptées aux mineurs qui font l’objet d’une décision judiciaire mise en œuvre par un établissement ou un service du secteur public de la protection judiciaire de la jeunesse. Elles participent à la prise en charge des jeunes en vue de les préparer à l’accès aux dispositifs de socialisation et de formation de droit commun. Elles organisent, par ailleurs, l’exercice des mesures d’activité de jour ordonnées par l’autorité judiciaire (cf. infra, § 7).
c. Les centres éducatifs renforcés
1]. Un instrument de rupture
Etablissements publics - ils sont dans ce cas une unité d’EPE - ou relevant du secteur associatif habilité, les centres éducatifs renforcés (CER) ont été créés, à partir de 1999, à la suite du conseil de sécurité intérieure du 8 juin 1998, afin de proposer une solution de rupture à des adolescents engagés dans un processus de délinquance affirmé ou d’exclusion sociale lourde. Bénéficiant d’un encadrement éducatif important, ces centres fonctionnent sous forme de sessions et n’ont, de ce fait, pas vocation à recevoir des jeunes en urgence. En septembre 2011, 58 CER dépendaient du secteur associatif habilité et 5 de la PJJ (UE-CER) (9).
2]. Les modalités de fonctionnement des CER
[Cahier des charges des CER, note PJJ 2000-778 du 13 janvier 2000, NOR : JUSF0050051N, BOMJ n° 77]
Petites unités d’hébergement, les CER ont pour vocation d’accueillir un groupe de huit adolescents au maximum. Aux termes du cahier des charges de ces structures, leur spécificité réside dans la mise en place d’un accompagnement éducatif permanent des mineurs dans les actes de la vie quotidienne comme dans les différentes démarches de remobilisation. Cette présence éducative permanente auprès du jeune (un encadrant pour un jeune) doit créer les conditions d’une rupture pour les mineurs placés.
Les mineurs pris en charge sont « ceux qui ne relèvent pas (ou pas encore) d’une prise en charge collective traditionnelle mais qui ont besoin pour un temps limité d’être éloignés de leur milieu naturel ». Pour certains mineurs, cet accueil constitue une alternative à l’incarcération, pour d’autres, une étape postérieure à l’incarcération. D’une manière générale, ces structures s’adressent à des mineurs délinquants multirécidivistes en grande difficulté ou en voie de marginalisation, confiés au titre de l’ordonnance de 1945. La possibilité d’y placer des mineurs en danger sur le fondement de l’assistance éducative peut cependant être négociée avec les conseils généraux.
Ces centres se caractérisent par des programmes d’activités intensives pendant des sessions de trois à six mois. Ce temps court doit permettre « l’évaluation des jeunes, de leur situation et des potentialités existantes en termes de solutions éducatives durables ». Afin d’assurer une continuité éducative au-delà du temps de prise en charge dans le centre, il est prévu le maintien d’une mesure de milieu ouvert parallèlement au placement en CER. Les autres services éducatifs, hébergements ou dispositifs d’activités de jour sont, quant à eux, dans une position de partenaires ou d’accueil à la sortie du centre.
La question de la sortie du CER - comme du centre éducatif fermé - est alors essentielle. Ainsi que le souligne le rapport d’information de l’Assemblée nationale dit rapport « Warsmann » déposé le 28 mai 2008 : « Le manque de structures spécifiques, ainsi que le peu d’enthousiasme manifesté généralement par les directeurs d’établissement pour accueillir des mineurs en sortie de dispositif aboutissent à une rareté de l’offre de placement, préjudiciable à la continuité du parcours éducatif du mineur. [...] Finalement on peut se poser la question de savoir si tout cela n’est pas un gâchis d’énergie et de deniers publics. [...] Le temps passé en CER ou en CEF ne doit pas être une période de “bannissement doré” mais bien un temps spécifique de construction d’un parcours de réinsertion » (10).
d. Les centres éducatifs fermés
[Ordonnance du 2 février 1945 modifiée, article 33 ; circulaire PJJ 2003-02 K du 28 mars 2003, NOR : JUSF0350042C ; circulaire conjointe DPJJ et DACG, NOR : JUSF0850013C du 13 novembre 2008, BOMJ n° 2009/1 ; circulaire CRIM 2011-28/E1 du 2 décembre 2011, NOR : JUSD1132598C, BOMJL complémentaire du 8 décembre 2011]
1]. Le CEF, un nouveau concept
Les centres éducatifs fermés sont la première structure créée par décision du législateur (11). Conformément à la volonté des parlementaires, et aux termes de leur cahier des charges, les CEF sont une alternative à l’incarcération offerte à des mineurs multiréitérants ou ayant commis des faits d’une particulière gravité, « destinés à prévenir la persistance et le renouvellement des comportements délinquants par le retrait du milieu social habituel des mineurs qu’ils induisent » (circulaire du 13 novembre 2008). Pour autant ces établissements relèvent clairement de la catégorie des établissements sociaux et médico-sociaux, et non de celle des établissements pénitentiaires. En septembre 2011, les centres éducatifs fermés étaient au nombre de 44 (10 relevant du secteur public, 34 relevant du secteur privé) (12)pour 488 mineurs accueillis. Aux termes de la circulaire du 13 novembre 2008, l’objectif est de disposer de 48 structures pour 526 places.
Un débat sémantique s’est immédiatement engagé autour du caractère « fermé » de ces structures, d’aucuns ne manquant pas de rappeler que, si elles sont réellement fermées, leurs conditions d’admission doivent alors être alignées sur celles des lieux privatifs de liberté. Il est rapidement apparu que la terminologie de « centre éducatif fermé » était avant tout destinée à l’affichage, et que le terme de « contenant » aurait davantage correspondu à sa réalité, cette contention étant caractérisée par le cadre juridique du placement, par la densité de l’encadrement éducatif et par la configuration des locaux. Il n’en demeure pas moins que la volontaire ambiguïté de la terminologie employée a produit l’effet inverse de celui qui était escompté lorsque tant les jeunes confiés que les victimes de leurs agissements ou les populations environnantes ont compris qu’il était relativement aisé d’en fuguer.
Comme l’indique le dernier rapport du Sénat, fait au nom de la commission des lois, s’agissant des CEF « c’est la parole du juge plus que les murs de l’établissement qui fonde la privation de liberté » (13).
Toujours est-il que tout franchissement de cette muraille virtuelle fait encourir une incarcération. Particulièrement pour les mineurs de 13 à 16 ans, une admission en CEF est souvent de ce fait une étape qui peut précipiter une incarcération.
2]. Les conditions d’admission
Les mineurs peuvent être placés en CEF dans trois cas de figure :
- avant jugement dans le cadre d’un contrôle judiciaire dont le respect du placement en CEF est l’une des obligations (14) ;
- dans le cadre de l’exécution d’une peine d’emprisonnement assortie d’un sursis avec mise à l’épreuve ;
- dans le cadre d’un aménagement de peine d’emprisonnement ferme, soit au titre d’un placement extérieur, soit dans le cadre d’une libération conditionnelle.
Pour cette raison, et à la différence de toutes les autres structures, le placement en CEF, qui ne peut être ordonné qu’au titre de l’ordonnance de 1945, est au surplus indissociable de la menace d’emprisonnement et ne peut être ordonné à titre principal et exclusif. La conséquence directe est que, si la mesure dont il est l’accessoire (contrôle judiciaire, sursis avec mise à l’épreuve, peine d’emprisonnement) disparaît ou arrive à expiration, le placement en CEF ne peut subsister, même s’il semble profitable au mineur. Ainsi, si un mineur est condamné à trois mois d’emprisonnement ferme, il n’est pas envisageable d’aménager sa peine dans le cadre d’un placement extérieur en CEF conçu en principe pour une durée de prise en charge de six mois.
3]. La durée du placement
Elle est fixée par décision judiciaire. Toutefois, lorsqu’il est prononcé dans le cadre d’un contrôle judiciaire, le placement est d’une durée maximale de six mois renouvelable une fois. Lorsqu’il s’agit de l’obligation assortissant un sursis avec mise à l’épreuve, d’une libération conditionnelle ou d’un aménagement de peine d’emprisonnement ferme, la durée du placement peut être égale à la durée de cette mesure, c’est-à-dire qu’elle peut théoriquement durer plusieurs années. En tout état de cause, le placement ne peut perdurer au-delà de la majorité du jeune.
En moyenne, un tiers des mineurs restent moins de trois mois en CEF, un tiers entre trois et six mois et un tiers restent plus de six mois. Les directeurs de CEF estiment que la durée optimale de prise en charge des mineurs se situe entre six et huit mois, les deux mois supplémentaires par rapport à la norme de six mois étant parfois nécessaires pour consolider le projet de sortie ou terminer une année scolaire.
4]. Le profil des mineurs accueillis
Les CEF peuvent recevoir des mineurs des deux sexes âgés de 13 à 18 ans. Un seul CEF, celui de Doudeville (Seine-Maritime), s’est spécialisé dans l’accueil des jeunes filles, qui ne représentent en tout état de cause que 6 % des mineurs placés. Par ailleurs, une dizaine de CEF sont en théorie mixtes, les autres ne recevant que des garçons. Certains CEF se sont spécialisés dans l’accueil des mineurs de 13 à 16 ans.
Aucune statistique n’a été publiée permettant de connaître précisément le fondement juridique des placements en CEF. Dans les faits, il est toutefois constant que la grande majorité des mineurs sont confiés au titre d’un contrôle judiciaire ou d’un sursis avec mise à l’épreuve, le cadre de l’aménagement d’une peine d’emprisonnement ferme étant plus récent.
Dans son rapport (15), la défenseure des enfants déplore le fait que plus du quart des jeunes accueillis (26 %) n’ont pas de casier judiciaire lors de leur admission et ont commis leurs premières infractions depuis moins de un an, faisant ainsi le constat d’une certaine dérive par rapport aux objectifs de la loi du 5 mars 2007 et de la circulaire du 13 novembre 2008. Elle explique cette évolution par deux facteurs principaux : d’une part, l’évolution des politiques des parquets tendant à l’accélération des réponses pénales à l’égard des mineurs (défèrement systématique, jugements rapprochés), de sorte que les mesures éducatives n’ont pas suffisamment le temps de porter leurs fruits et que les juges des enfants se retrouvent rapidement contraints de brûler les étapes dans le processus de réponse judiciaire ; d’autre part, les insuffisances du dispositif traditionnel d’hébergement, souvent dépouillé dans certaines régions au profit des nouveaux CEF, et qui ne présentent plus de garanties suffisantes en termes de contenance des mineurs difficiles. La défenseure des enfants proposait en conséquence d’inscrire dans la loi que l’orientation en CEF doit être réservée aux adolescents multiréitérants ou récidivistes commettant des actes graves et pour lesquels d’autres types de placement ont été tentés et ont échoué (proposition n° 12).
C’est pourtant une orientation tout autre qui est en train de se dessiner, tendant d’une part à élargir les conditions de placement en CEF des mineurs de moins de 16 ans placés sous contrôle judiciaire (16), et d’autre part à systématiser le placement immédiat en CEF de mineurs même primodélinquants qui ont commis un fait grave, notamment de nature criminelle.
C’est ainsi que la circulaire adressée aux parquets le 2 décembre 2011, faisant suite au drame de Chambonsur-Lignon, souligne que « le placement en centre éducatif fermé n’est pas limité aux seuls mineurs récidivistes ou multiréitérants », et intime aux parquets de requérir le placement en CEF sous contrôle judiciaire des mineurs de 13 à 16 ans qui ont commis des faits particulièrement graves d’atteinte aux personnes, et ce même s’ils ne sont pas connus des services de police ou de justice. De même, le ministre délivre des instructions tout aussi précises et comminatoires tendant à requérir le placement en CEF de tout mineur de 13 à 18 ans auteur de ces mêmes faits, dès lors que la durée de détention est expirée ou lorsque les critères de détention ne sont plus pertinents, et d’interjeter appel des décisions qui ne feraient pas droit à ces réquisitions.
De telles instructions vont à l’encontre des préconisations de la commission sénatoriale (17)qui souligne, reprenant les observations de personnes et associations consultées, que le dispositif CEF « devrait continuer à prendre en charge les adolescents les plus difficiles et que son extension ne devrait pas se faire au détriment des autres modes de prise en charge de la PJJ, lesquelles offrent des solutions éducatives adaptées - et bien moins coûteuses pour les deniers publics ! - pour des mineurs primodélinquants dont le profil ne nécessite pas un placement dans un centre fermé » (18). La commission fait également valoir que le fait d’élargir le public des CEF aux primodélinquants, ainsi que l’envisageait le gouvernement Fillon, « modifierait substantiellement le projet pédagogique de ces établissements, dont la vocation première est de réinculquer à des mineurs présentant de graves carences éducatives les fondamentaux de la vie en société et de réinscrire ces derniers dans un parcours scolaire ou professionnel » et risquerait en outre « de créer des effets de contagion particulièrement néfastes aux primodélinquants » (19). Au bénéfice de ces observations, les sénateurs proposent que les CEF soient réservés aux mineurs récidivistes et multiréitérants, sans exclure toutefois la possibilité d’y admettre des mineurs primodélinquants qui auraient commis des faits de nature criminelle ou présentant des risques de réitération particulièrement élevés.
5]. Les modalités de fonctionnement des CEF
[Instruction de service de la DPJJ du 17 février 2003, non publiée ; circulaire PJJ 2003-02 K du 28 mars 2003, NOR : JUSF0350042C, BOMJ n° 89 ; circulaire conjointe DPJJ et DACG, NOR : JUSF08500013 C du 13 novembre 2008]
a] L’encadrement éducatif
L’une des différences notables entre un CEF et un établissement éducatif traditionnel tient au taux d’encadrement particulièrement élevé, justifié par le profil spécifique des mineurs accueillis nécessitant non seulement une surveillance constante mais également un accompagnement éducatif et médico-psychologique soutenu. Cette prise en charge renforcée est assurée par une équipe de 24 à 27 éducateurs (20)pour 10 à 12 mineurs confiés, à laquelle s’ajoutent souvent un enseignant et, le cas échéant, un ou plusieurs personnels de santé.
Ainsi que le souligne le rapport sénatorial (21), après avoir constaté « l’explosion » de certains CEF dont les personnels se sont trouvés démunis face à la violence des mineurs accueillis, « il est primordial que ces établissements puissent disposer de personnels expérimentés, convenablement formés et stables. La réussite d’une prise en charge renforcée inscrite dans la durée repose en effet avant tout sur la solidité de l’équipe éducative ». L’accent est mis par ailleurs sur la prise en charge des adolescents présentant des troubles mentaux. C’est ainsi que 13 CEF ont été dotés entre 2008 et 2011 de moyens renforcés en santé mentale, se traduisant par l’allocation de personnels supplémentaires de santé mentale et le développement de coopérations soutenues avec les secteurs pédopsychiatriques de proximité.
b] Les caractéristiques de la prise en charge
La prise en charge répond à une double contrainte.
Juridique d’abord : liée à la combinaison systématique du placement en centre éducatif fermé avec un contrôle judiciaire, un sursis avec mise à l’épreuve ou une sortie de prison sous condition. A la différence des autres mesures de placement, le placement en CEF, parce qu’il reste une alternative à l’incarcération, ne peut pas être « sec ».
Le responsable du centre doit informer le juge ainsi que le procureur de tout manquement aux obligations liées au placement (fugue notamment).
Le mineur encourt alors la révocation du contrôle judiciaire, et donc la détention provisoire, ou la mise à exécution de la peine d’emprisonnement pour non respect de l’obligation assortissant le sursis avec mise à l’épreuve. Si le placement en CEF est une modalité d’exécution d’une peine d’emprisonnement ferme, le mineur risque de se voir retirer cette mesure d’aménagement et de devoir alors exécuter le reliquat de sa peine en la forme ordinaire.
Educative et physique ensuite : les mineurs ne peuvent sortir du centre sans être accompagnés, sauf à être déclarés en fugue. Le juge qui confie le mineur au CEF doit impérativement définir les conditions et le cadre des éventuels retours en famille. En vue de prévenir les fugues - et face à leur développement -, l’additif au cahier des charges a renforcé les règles de sécurité. Concrètement et selon la circulaire de 2008, le centre doit être « clôturé et ne comporter qu’un accès unique actionnable par télécommande [...]. L’enceinte de clôture sera doublée à l’intérieur d’une haie vive. Un système de barrière infrarouge sera installé ». Et « des dispositifs de contrôle de mouvements » doivent également être mis en place.
Dans leur rapport, les sénateurs ont toutefois pu constater de visu, dans les quatre CEF visités, « que les systèmes de sécurité ainsi installés étaient loin de faire de ces centres des forteresses » et que le grillage de clôture les entourant « leur a paru pouvoir être franchi sans difficultés insurmontables par un mineur déterminé à prendre la fuite ».
c] Le projet éducatif
A la différence des centres éducatifs renforcés, les centres éducatifs fermés n’ont pas pour objet la réalisation de bilans en vue d’une orientation ni la mise en place de séjours de rupture. Ils s’inscrivent dans un dispositif global de prise en charge des mineurs de 13 à 18 ans délinquants multirécidivistes ou multiréitérants (22), en alternative à l’incarcération.
La prise en charge s’effectue en plusieurs étapes :
- une phase d’accueil-évaluation : les mineurs sont conduits au CEF à l’issue de l’audience soit par les personnels du centre, soit par les services de la PJJ. Le mineur fait alors l’objet d’un bilan global (santé, scolaire et professionnel, psychologique) qui sera formalisé dans le document individuel de prise en charge, prévu par l’article L. 311-4 du code de l’action sociale et des familles. Deux mois au plus après l’admission, un rapport est adressé au magistrat chargé du respect de la mesure de placement, incluant le bilan et des propositions de prise en charge individualisée pendant la période du placement ;
- une phase de prise en charge intensive fondée sur les apprentissages et la scolarité, l’aspect sanitaire et psychologique et les activités sportives. Cette prise en charge peut se réaliser en lien avec les dispositifs extérieurs spécialisés ou de droit commun (centre de jour de la PJJ, classe-relais, secteur de pédopsychiatrie...). Une circulaire de la DPJJ du 22 février 2005 (non publiée) précise les conditions de la scolarisation au sein des CEF. Elle rappelle notamment que l’obligation d’instruction pour les jeunes de moins de 16 ans doit être scrupuleusement respectée. Dans l’objectif d’éviter des ruptures et de favoriser la réinsertion dans les dispositifs de droit commun, la circulaire insiste sur la signature d’une convention avec un collège ou un lycée, permettant ainsi au jeune, avec l’accord du magistrat, de fréquenter progressivement cet établissement et de ne pas être ainsi exclu des dispositifs de droit commun.La même procédure est à appliquer pour les jeunes de 16 à 18 ans pour lesquels une poursuite d’études ou une formation est envisageable. Les pratiques pédagogiques différenciées sont encouragées, plutôt qu’une pédagogie de comblement des lacunes fondée sur la répétition des apprentissages non acquis antérieurement, peu opérante à l’égard du public visé ;
- une phase d’élaboration concrète d’un projet d’insertion sociale et professionnelle et une phase d’accompagnement individuel final pour permettre une transition satisfaisante avec l’après-CEF. La circulaire du 28 mars 2003 insiste sur la préparation de la fin du placement, élaborée en lien avec les services éducatifs assurant la prise en charge du mineur dans son lieu d’origine. Un rapport doit être adressé au magistrat quelques semaines avant l’échéance du placement, pouvant proposer éventuellement un allégement progressif des modalités du contrôle judiciaire, notamment pour permettre des retours réguliers en famille.
Le projet éducatif des CEF, à la différence de celui des centres éducatifs renforcés, ne repose pas sur la rupture du mineur d’avec son environnement familial (23), social ou scolaire. Au contraire, il doit être fondé sur la construction ou la reconstruction des apprentissages fondamentaux (comportement, santé, scolarité, respect des règles, formation...). Il diffère donc peu de celui des structures éducatives classiques, mais avec des moyens juridiques et éducatifs beaucoup plus importants et... contraignants. Cet objectif impose ainsi que ces centres soient proches d’une agglomération urbaine et dans un périmètre géographique peu éloigné du lieu de résidence habituelle du mineur (24).
6]. L’évaluation du dispositif CEF
Comme c’est trop souvent le cas s’agissant des politiques publiques en matière judiciaire ou éducative, la création des CEF n’a été accompagnée d’aucun processus sérieux d’évaluation par un organisme extérieur. C’est ainsi que la commission sénatoriale de juillet 2011 s’est heurtée à un manque de données objectives et de statistiques fiables, notamment lorsqu’il s’est agi d’apprécier l’impact de la prise en charge en CEF sur la récidive des mineurs. A ce sujet, le rapport sénatorial souligne que l’affirmation réitérée du gouvernement, notamment reprise dans la circulaire du 13 novembre 2008, selon laquelle près des deux tiers des mineurs placés en CEF ne seraient pas impliqués dans une affaire pénale dans l’année suivant la fin de leur placement ne repose sur aucune donnée scientifique établie.
Elle n’a pu relever, au travers de ses auditions et déplacements, qu’un sentiment plutôt partagé par les professionnels qui portent une appréciation d’ensemble positive quant à l’impact du séjour en CEF sur le comportement personnel des mineurs confiés, même s’il est loin d’endiguer systématiquement les comportements antisociaux et délinquantiels. Cette appréciation favorable se traduit d’ailleurs par un taux d’occupation des CEF proche de la saturation, ces structures répondant incontestablement à un besoin de la part des magistrats et des équipes éducatives de milieu ouvert. Ce constat est également partagé par la Défenseure des enfants qui a considéré que « les centres éducatifs fermés sont un dispositif intéressant, de par leur projet éducatif complet et les moyens offerts en termes de personnel et de budget » (25).
Pour autant, des réserves sont clairement exprimées tant par les sénateurs que par la défenseure des enfants.
a] Les CEF sont-ils réellement une alternative à l’incarcération ?
A tort ou à raison, les effets positifs des CEF pour éviter l’incarcération des mineurs ont été soulignés par les responsables politiques de tous bords. Ainsi le précédent garde des Sceaux relevait (26)que le caractère contenant des centres éducatifs fermés offrait aux magistrats une alternative supplémentaire à l’incarcération qui contribuait ainsi à la diminution du nombre de mineurs détenus enregistrée entre 2002 et 2010.
Pour beaucoup de professionnels et notamment de juges des enfants, les CEF ne répondent pas suffisamment à leur vocation première et réaffirmée d’alternative à l’incarcération, dès lors qu’il est presque impossible de leur confier un mineur en urgence, à la suite d’un défèrement, faute de place immédiatement disponible et de proximité suffisante. De ce fait, les magistrats sont souvent contraints, s’agissant de mineurs qui ne peuvent être renvoyés dans leur famille ou leur quartier après avoir commis des actes graves ou réitérés, de les incarcérer, le temps qu’une éventuelle place en CEF soit trouvée. Or beaucoup de ces mineurs n’auraient peut-être pas connu la maison d’arrêt si une solution alternative crédible avait pu être immédiatement mobilisée. La défenseure des enfants estime qu’une réflexion approfondie doit rapidement être conduite sur cette question de l’accueil d’urgence, d’autant plus que les centres de placement immédiat de la PJJ, autrefois destinés à répondre à ce besoin, ont tous été supprimés ou transformés. Cette réflexion devra nécessairement intégrer deux logiques différentes : « La logique judiciaire avec des délais stricts visant à éviter autant que faire se peut l’incarcération, et la logique strictement éducative qui nécessite de préserver les équilibres de groupe et les parcours » (27).
Les admissions en CEF permettent au demeurant d’éviter ou tout au moins de raccourcir la détention, que ce soit avant jugement dans le cadre d’un contrôle judiciaire ou après jugement comme outil d’aménagement de peine.
b] La localisation des CEF est-elle pertinente ?
Tant la défenseure des enfants que les sénateurs relèvent que la localisation des CEF n’a pendant plusieurs années absolument pas tenu compte des bassins de délinquance. Il est notamment significatif de constater que la région parisienne n’a longtemps compté qu’un seul CEF à Savigny-sur-Orge (Essonne), que la région Sud-Est reste largement sous-dotée avec deux CEF, tandis que certaines régions comme le Sud-Ouest ou la région Centre, relativement épargnées par la délinquance, disposent d’un équipement surdimensionné (28).
Cette situation génère un double effet pervers : d’une part, la tentation pour les juridictions locales d’utiliser le dispositif CEF de proximité à l’égard de mineurs qui peuvent relever d’une prise en charge traditionnelle ; d’autre part, l’alimentation de ces structures par des mineurs provenant de régions éloignées (région parisienne le plus souvent), ce qui transforme de facto l’outil CEF en séjour de rupture de type CER, à partir duquel il devient beaucoup plus compliqué de garantir un projet global en lien avec les équipes de milieu ouvert et de préparer utilement un projet de retour et de réinsertion vers la région d’origine.
c] Peut-on fuguer d’un CEF ?
C’est toute la difficulté liée à la combinaison systématique du placement en centre éducatif fermé avec des mesures de contrôle ou de probation.
Lorsque le mineur est confié au CEF dans le cadre d’un placement extérieur, la position institutionnelle est plus aisée à tenir : si le mineur fugue du CEF, il se trouve de facto en situation d’évasion et devra réintégrer la maison d’arrêt.
S’il est placé dans le cadre d’une libération conditionnelle, le retour à l’exécution de la peine d’emprisonnement sous la forme ordinaire en cas de fugue du CEF relève également d’une démarche logique et compréhensible pour l’intéressé.
En revanche, lorsque le mineur est placé sous contrôle judiciaire ou dans le cadre d’un sursis avec mise à l’épreuve, avec obligation particulière « de respecter les conditions du placement en CEF », le seul fait de fuguer de l’établissement peut conduire la Justice à incarcérer le mineur, alors même que cette détention n’avait pas été jugée nécessaire au regard de l’acte commis au départ. Et si la fugue ne se traduit pas par une sanction en dépit de l’avertissement initialement délivré par le juge au moment du placement, l’institution (magistrat et équipe éducative) perd sa crédibilité.
Pourtant, la défenseure des enfants rappelle bien que la fugue n’est pas un délit, et que cette possibilité d’incarcération en cas de fugue paraît en contradiction avec l’intérêt des enfants et les engagements internationaux de la France (29). Elle propose en conséquence que la sanction de la fugue soit prise au sein même du CEF et qu’il soit expressément affirmé « que la fugue n’étant pas une infraction, elle ne peut constituer, lorsqu’elle n’est pas inscrite dans un contexte de réitération ou de commission d’infraction, un motif d’incarcération, même dans le cadre d’un placement en CEF » (30).
Le rapport sénatorial est moins catégorique, considérant que, même si le magistrat laisse le plus souvent à l’établissement le soin de gérer la réponse dès lors que la fugue ne s’accompagne pas de nouvelles infractions, il est néanmoins important de conserver la possibilité de l’incarcération, garante de l’autorité de la parole du juge. D’après les informations communiquées par la DPJJ, 45 % des incarcérations prononcées en 2010 pour non respect du contrôle judiciaire ou du sursis avec mise à l’épreuve ont été motivées par la fugue. Dans les autres cas, l’incarcération était généralement justifiée par la commission de nouveaux délits, et notamment par des violences ou dégradations commises au sein de l’établissement (31).
d] Les CEF, aspirateurs de moyens ?
Avec le recul, la principale critique adressée au dispositif CEF ne porte plus tant sur la nature même de la structure que sur la place qu’elle prend dans un dispositif global de réponse à la délinquance des mineurs : si nul ne conteste plus la nécessité pour certains mineurs particulièrement déstructurés voire dangereux de pouvoir bénéficier pendant un temps limité d’une prise en charge éducative contenante, il apparaît désormais clairement que, avec le projet EPM, les CEF ont absorbé tous les moyens nouveaux mis à la disposition de la PJJ pour faire face à la croissance annoncée de la délinquance des mineurs. Au surplus, un certain nombre de moyens tant en personnel que financiers ont été déplacés des services de milieu ouvert et d’équipement d’hébergement traditionnel pour faire face aux besoins générés par les CEF.
Ainsi que le rappelle la commission sénatoriale, le dispositif CEF n’a de sens que s’il est inscrit dans une large palette de solutions éducatives. Or, comme l’indique le rapport annuel de performance annexé au projet de loi de règlement pour 2010 (32), le taux d’activité par éducateur de milieu ouvert ne cesse d’augmenter depuis 2008, pour atteindre 25,5 mineurs par éducateur en 2011. S’agissant des structures d’hébergement traditionnel, l’objectif actuel de la PJJ consiste à créer 20 nouveaux CEF par transformation de 20 foyers classiques, nombre qui devrait logiquement être porté à 30 foyers pour 20 CEF compte tenu des moyens humains beaucoup plus importants dans les CEF.
Sachant que le coût moyen d’une journée de placement en CEF est de 616 € dans le secteur associatif habilité et de 659 € dans les CEF relevant du secteur public, pour un prix de journée variant entre 170 et 350 € dans une structure plus traditionnelle, la question du maintien d’un équilibre entre les différents modes d’intervention éducative doit être posée. En d’autres termes, peut-on, notamment pour des raisons d’affichage politique, sacrifier les équipes de milieu ouvert et les structures traditionnelles d’accueil alors qu’elles remplissent - et à moindre coût - une fonction essentielle tant en amont des prises en charge CEF qu’en aval, lorsqu’il s’agit de trouver des portes de sortie au CEF ? En ce sens, on peut interroger la pertinence d’une nouvelle politique inspirée par l’actualité et tendant à inciter le placement en CEF de mineurs primodélinquants, du seul fait qu’ils auraient commis un acte grave, alors que leur profil ne nécessite pas nécessairement une prise en charge de ce type.
e. Les institutions permettant la mise en œuvre de programmes spécifiques
La loi du 5 mars 2007 a introduit dans les dispositions relatives au contrôle judiciaire (ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 modifiée, art. 10-2 II, 2°) la possibilité de confier le mineur de plus de 13 ans à un établissement « permettant la mise en œuvre de programmes à caractère éducatif et civique ».
L’EPPOO, OBJET ÉDUCATIF NON IDENTIFIÉ ?
Le 20 décembre 2011, le directeur de la PJJ Jean-Louis Daumas a inauguré à Nîmes le premier établissement de placement provisoire d’observation et d’orientation (EPPOO), implanté sur le site d’un ancien CEF et pouvant recevoir 12 adolescents de 13 à 18 ans. Ce projet, préconisé par Yvan Lachaud, député (Nouveau centre) du Gard, dans son rapport sur le traitement judiciaire de la délinquance des mineurs, est expérimenté pendant un an sur trois sites en France (Nîmes [30], Collonges au Mont Dore [69], et Asnières [92]). Il est présenté comme un nouveau mode de prise en charge des mineurs primodélinquants où ces derniers seraient enfermés pendant dix jours, avec un programme intensif et contenant devant conduire « à les faire réfléchir sur les délits qu’ils auront pu commettre et sur la citoyenneté ». Selon Jean-Louis Daumas, le directeur de la PJJ, ce placement immédiat sur un temps très court doit permettre « de marquer un niveau de réprobation suffisante et d’évaluer l’action éducative à instaurer ».
Le cahier des charges des EPPOO, établi par la PJJ le 30 septembre 2011, dispose que les EPPOO « prennent en charge sans délai 12 mineurs âgés de 13 à 18 ans (prévenus) dans le cadre d’un placement suivant un défèrement, pour une durée maximale de dix jours ».
Le profil des mineurs concernés les décrit comme « posant des actes d’incivilité et de primodélinquance par leur environnement » et « pouvant avoir ou non fait l’objet d’une réponse judiciaire en alternative à des poursuites », excluant à ce titre tout placement en alternative à l’incarcération. Le contenu de la prise en charge des mineurs placés est construit et travaillé sur la base d’un programme de dix jours, incluant une observation et une évaluation globale du mineur, un accompagnement intensif autour d’un programme d’activités centrées autour de l’éducation et la citoyenneté, le tout dans un environnement fermé, et en tout cas très contenant (pas de retour en famille, pas de sortie non accompagnée, présence constante d’un encadrement éducatif renforcé...). L’EPPOO fonctionne 365 jours par an « en file active », pouvant ainsi, sous réserve des places disponibles, accueillir des mineurs au fur et à mesure des défèrements au tribunal.
Cette expérience soulève déjà des questionnements, notamment sur le cadre juridique de ce dispositif : il ne peut s’agir d’un établissement « permettant la mise en œuvre de programmes à caractère éducatif et civique » (ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 modifiée, art. 10-2 II, 2°) puisque le mineur n’y est pas obligatoirement placé sous contrôle judiciaire ; il ne s’inscrit pas non plus, bien que semblant s’en approcher, dans la catégorie des « institution ou établissement public ou privé d’éducation habilité permettant la mise en œuvre d’un travail psychologique, éducatif et social portant sur les faits commis et situé en dehors du lieu de résidence habituel » (ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 modifiée, article 15-1, alinéa 8, 7°) qui ne peut être qu’une modalité de sanction éducative prononcée par jugement ; il ne s’agit pas enfin d’un CEF dont les conditions de prise en charge ont été définies par le législateur dans l’article 33 de l’ordonnance de 1945, ni pour autant d’un établissement éducatif ordinaire dès lors qu’il impose la privation de liberté. C’est pourtant bien dans cette dernière catégorie que le cahier des charges semble l’inscrire.
A Lyon, les magistrats déplorent la création de ce dispositif perçu comme un affichage politique sans la moindre concertation ou analyse préalable des besoins, qui dispose au surplus d’un taux d’encadrement record intégralement prélevé sur les services existants.
Dans le même ordre d’idée, l’article 15-1, alinéa 8 (7°), de l’ordonnance de 1945, relatif aux sanctions éducatives, permet au tribunal pour enfants de confier le mineur de plus de 10 ans pour une durée maximale de un mois (trois mois renouvelables une fois pour les 13-18 ans) à « une institution ou un établissement public ou privé d’éducation habilité permettant la mise en œuvre d’un travail psychologique, éducatif et social portant sur les faits commis et situé en dehors du lieu de résidence habituel ».
Reste à déterminer si la mise en œuvre de ces deux types de programmes, dont la distinction n’est pas évidente au premier abord, sera confiée à des institutions existantes ou si elle nécessitera la création de structures d’accueil spécifiques (33).
Pour l’instant, en 2012, aucune de ces structures issues de l’imagination féconde du législateur ne semble avoir vu le jour, si ce n’est une expérience spécifique dénommée EPPOO (cf. encadré ci-contre).
3. UN ÉTABLISSEMENT MÉDICAL OU MÉDICO-PÉDAGOGIQUE HABILITÉ
[Ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 modifiée, articles 15 (3°) et 16 (3°)]
Le juge ou le tribunal peuvent envisager de confier un mineur à un établissement à caractère hospitalier, pour lui permettre d’y recevoir des soins médicaux ou psychologiques.
LA PRATIQUE DITE DU « DOUBLE DOSSIER »
Du fait de sa double compétence civile et pénale et de sa sectorisation géographique, il est fréquent que le juge des enfants ait à connaître de la situation d’un mineur à un double titre, en assistance éducative et au pénal.
Deux cas de figure peuvent alors se présenter :
- le juge des enfants est saisi d’un dossier pénal alors que le mineur concerné n’était pas suivi au titre de l’assistance éducative.Dans cette hypothèse, si des mesures d’investigation puis des mesures éducatives apparaissent nécessaires, elles seront prises, en principe, dans le cadre du dossier pénal. Il arrive toutefois que la commission du délit se révèle symptomatique d’une situation familiale complexe nécessitant une intervention éducative plus globale et plus approfondie que celle qui peut être apportée par une mesure de liberté surveillée ou de protection judiciaire, plus ciblées sur l’acte commis. Surtout lorsqu’il s’agit d’un enfant encore jeune, le juge des enfants pourra décider de se saisir d’office au titre de l’assistance éducative et de privilégier cette approche plutôt que celle d’une prise en charge éducative au pénal. En ce cas, la réponse pénale restera ponctuelle (admonestation, réparation...). L’ouverture d’un dossier d’assistance éducative à l’occasion de la commission d’une infraction peut aussi être un palliatif à la surcharge des services de la PJJ qui, dans certains départements, sont dans l’incapacité de prendre en charge immédiatement les nouvelles mesures éducatives qui leur sont confiées et imposent au juge une liste d’attente. Le juge pourra alors ordonner une mesure d’action éducative en milieu ouvert (AEMO) garantissant un suivi éducatif rapide et parfois plus intensif que dans le cadre pénal.Enfin, l’ouverture parallèle d’un dossier d’assistance éducative peut être dictée par le souhait du juge de confier le mineur à une structure qui n’est pas habilitée au titre de l’ordonnance de 1945 ;
- le juge des enfants est saisi d’un dossier pénal pour un mineur déjà suivi en assistance éducative. C’est l’hypothèse où un mineur qui fait déjà l’objet d’une mesure d’AEMO ou d’un placement en assistance éducative commet des infractions pour lesquelles le parquet décide de saisir le juge des enfants au pénal. Le juge des enfants qui, du fait de sa sectorisation géographique, est en principe chargé des deux dossiers, devra alors apprécier si les deux procédures civiles et pénales peuvent cohabiter. Si la question ne se pose pas lorsque l’acte commis par le mineur relève d’un simple avertissement ou d’une réponse ponctuelle (réparation, TIG...), elle se révèle plus délicate lorsqu’il justifie de mesures éducatives ou probatoires à plus long terme. C’est dans ces situations que la « double casquette » du juge des enfants prend tout son sens : en tant que garant de la cohérence et de l’efficacité de l’action éducative, il lui appartiendra d’apprécier si les deux interventions peuvent ou non cohabiter ou si l’une doit prendre le pas sur l’autre.
Par exemple, il pourra considérer que la mesure d’AEMO antérieurement ordonnée, parce qu’un travail de fond avec la famille a été engagé et qu’il commence à produire ses effets auprès du mineur, doit être poursuivie. En ce cas, une éventuelle mesure de liberté surveillée ou de sursis avec mise à l’épreuve devra répondre à des objectifs différents (contrôle, réflexion par rapport à l’acte commis...). Le juge pourra aussi estimer que, la mesure d’AEMO n’étant plus suffisamment efficiente auprès du mineur, l’intervention éducative dans le cadre pénal doit être privilégiée. Il pourra alors décider de clôturer le dossier d’assistance éducative.
En revanche, si rien n’interdit la cohabitation de plusieurs mesures de milieu ouvert ordonnées à la fois au titre de la protection de l’enfance et de l’enfance délinquante, un mineur ne peut pas être simultanément confié à un tiers, à un établissement ou à l’ASE au titre de l’assistance éducative et en même temps à une autre structure (EPE, MECS, CER, CEF...) au titre de l’ordonnance de 1945. Si le juge décide à la suite de la commission d’un délit de placer le mineur dans le cadre pénal, le placement au titre de l’assistance éducative sera nécessairement suspendu pour la durée d’exécution du placement pénal, même en l’absence de décision expresse du juge.
S’agissant de la santé physique du mineur, le recours à ce type de placement est assez rare, le juge préférant le plus souvent laisser l’hospitalisation se réaliser avec l’accord des parents.
Concernant l’hospitalisation dans un service de psychiatrie, l’ordonnance de 1945 permet au juge ou au tribunal d’y recourir, tant au titre des mesures provisoires qu’au moment du jugement, sans formalité particulière. Et ce, à la différence du placement en établissement psychiatrique au titre de l’assistance éducative. L’article 375-9 du code civil exige en effet un certificat médical circonstancié préalable émanant d’un médecin extérieur à l’établissement d’accueil. Le juge des enfants ne peut alors y placer le mineur que pour une durée de 15 jours, renouvelable par périodes successives de un mois, après avis médical conforme d’un psychiatre de l’établissement d’accueil. Bien entendu, même si le législateur n’a pas étendu cette disposition au mineur délinquant, il va de soi que l’hospitalisation en psychiatrie doit être décidée avec beaucoup de prudence, et s’appuyer autant que possible sur l’avis d’un médecin expert.
4. LE SERVICE DÉPARTEMENTAL DE L’AIDE SOCIALE À L’ENFANCE
[Ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 modifiée, articles 10 (4°), 15 (4°) et 17, alinéa 2]
L’ordonnance de 1945 ne permet au juge des enfants ou à la juridiction de jugement de confier un mineur au service de l’aide sociale à l’enfance que dans certaines situations particulières :
- au titre des mesures provisoires, sans condition d’âge ;
- au stade du jugement, si le mineur est alors âgé de moins de 13 ans ; s’il est âgé de plus de 13 ans, il ne peut être confié à l’ASE que s’il est orphelin, si ses parents se sont vu retirer l’autorité parentale ou s’il doit bénéficier d’un traitement médical.
(1)
Loi n° 2004-204 du 9 mars 2004, version en vigueur consultable sur legifrance.gouv.fr
(2)
Loi n° 2002-2 du 2 janvier 2002 modifiée, article 13, version en vigueur consultable sur www.legifrance.gouv.fr
(3)
Circulaire PJJ 2003-02 K du 28 mars 2003, NOR : JUSF0350042C, BOMJ n° 89.
(4)
Ordonnance n° 2005-759 du 4 juillet 2005, JO du 6-07-05.
(5)
La notion de « personne digne de confiance » est en fait un concept large, qui permet de faire entrer dans cette catégorie un membre de la famille proche ou élargie, un particulier qui a toujours occupé une place importante dans la vie de l’enfant, voire une famille d’accueil spécialisée.
(6)
Encore un exemple du nécessaire toilettage de l’ordonnance de 1945.
(7)
Même si dans la pratique les parents sont le plus souvent dispensés de participation aux frais d’entretien de leur enfant.
(8)
Cf. André S., « Les droits des usagers des structures sociales et médico-sociales », numéro juridique ASH, décembre 2011.
(9)
Source : « Les chiffres clés de la justice 2011 », consultable sur www.justice.gouv.fr
(10)
« Sur l’exécution des décisions de justice pénale concernant les personnes mineures », Rap. AN, n° 911, Warsmann, mai 2008, p. 72.
(11)
Loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002 dite d’orientation et de programmation pour la justice.
(12)
Source : « Les chiffres clés de la justice 2011 », préc.
(13)
Peyronnet J.-C., Pillet F, « L’enfermement des mineurs délinquants : évaluation des centres éducatifs fermés et des établissements pénitentiaires pour mineurs », Rap. sén. n° 759, 12 juillet 2011, p. 19, disponible sur www.senat.fr
(14)
Avec des conditions spécifiques plus restrictives pour le placement sous contrôle judiciaire des mineurs de 13 à 16 ans (cf. infra, chapitre IV, section 2, § 1, C, 5).
(15)
Rapport de la défenseure des enfants « Enfants délinquants pris en charge dans les centres éducatifs fermés : 33 propositions pour améliorer le dispositif », juin 2010, disponible sur www.defenseurdesdroits.fr
(16)
La loi « Mercier » du 10 août 2011 permet désormais de placer sous contrôle judiciaire (étape préalable au placement en CEF) les mineurs de moins de 16 ans même non connus de la justice, dès lors qu’ils ont commis un délit de violences volontaires, de vol avec violence ou d’agression sexuelle.
(17)
Peyronnet J.-C., Pillet F., Rap. sén. n° 759, préc., p. 31.
(18)
Observations de la direction du CEF de Saint-Venant.
(19)
Observations de l’Association française des magistrats de la jeunesse et de la famille.
(20)
Les CEF relevant du secteur public disposent de 24 ETP (équivalents temps plein) tandis que les CEF privés sont autorisés à recruter jusqu’à 27 ETP. Il est toutefois envisagé par la PJJ de supprimer cette dérogation en faveur des CEF privés, de sorte que le chiffre de 24 ETP devrait devenir la norme pour l’ensemble des CEF (Rap. sén. n° 759, préc., p. 43).
(21)
Peyronnet J.-C. et Pillet F., rap. sén., n° 759, préc., p. 41.
(22)
On parle de récidive lorsque la nouvelle infraction est commise après une précédente condamnation devenue définitive, et de réitération d’infractions lorsque plusieurs sont commises à la suite sans condamnation entre-temps.
(23)
« Sous réserve des prescriptions judiciaires et dans toute la mesure du possible », les parents du mineur doivent être associés à la prise en charge éducative de ce dernier. A cette fin, il peut notamment recevoir la visite des membres de sa famille et correspondre avec eux (cahier des charges, art. 6).
(24)
Dans les faits, les CEF ont reçu davantage de mineurs provenant de départements éloignés que de jeunes issus de la région. Ce qui remet ainsi en question l’objectif de réinsertion affiché.
(25)
Rapport de la Défenseure des enfants, préc., p. 75.
(26)
Réponse de Michel Mercier à la question écrite n° 109766 de Jean-Claude Perez, député (PS) de l’Aude, JO du 4-10-11, disponible sur www.assemblee-nationale.fr
(27)
Rapport de la défenseure des enfants, préc., p. 39.
(28)
5 CEF en Auvergne-Limousin, 4 CEF en Aquitaine et 2 seulement en région PACA (Les chiffres clés de la Justice, septembre 2011).
(29)
Les principes directeurs de Riyad adoptés le 14 décembre 1990 par les Nations unies disposent que « pour prévenir toute stigmatisation, victimisation et criminalisation ultérieures des peines, il faudrait adopter des textes disposant que les actes non considérés comme délictuels ou pénalisés s’ils sont commis par un adulte ne devraient pas être sanctionnés s’ils sont commis par un jeune ».
(30)
Rapport de la défenseure des enfants, préc., p. 77.
(31)
Peyronnet J.-C. et Pillet F., Rap. sén. n° 759, préc., p. 23.
(33)
Selon Philippe Houillon, député (UMP) du Val-d’Oise et rapporteur du projet de loi relatif à la prévention de la délinquance à l’Assemblée nationale, ces placements s’effectueraient, au moins dans un premier temps, dans des structures existantes de la PJJ, que ce soit un centre éducatif avec hébergement ou une structure de jour (centre d’action éducative et d’insertion), Rap. AN n° 3436, Houillon, novembre 2006, p. 244.