[Ordonnance du 2 février 1945 modifiée, article 12-1]
Créée par la loi du 4 janvier 1993 portant réforme de la procédure pénale (1)à l’issue d’expérimentations concluantes, la mesure d’aide ou de réparation a consacré, à l’instar d’autres pays européens (2), une approche nouvelle de la réponse à la délinquance des mineurs, en mettant davantage l’accent sur l’acte commis, le sentiment de culpabilité et la restauration de l’image personnelle du jeune délinquant à l’égard de sa victime, de sa famille et de la société.
A. LE CADRE LÉGAL
La mesure d’aide ou de réparation peut être prononcée au cours de l’instruction ou lors du jugement, soit à titre principal, soit dans le cadre de la césure du procès, ou encore comme modalité d’une sanction éducative. Elle peut être également décidée par le parquet dans le cadre de l’alternative aux poursuites, mais pas dans celui d’une composition pénale (3). Elle suppose alors, pour pouvoir être engagée, que l’accord préalable du mineur et des titulaires de l’autorité parentale ait été préalablement recueilli par le procureur ou par le magistrat instructeur. Au stade du jugement de l’affaire, la juridiction ayant déjà statué sur la culpabilité, il suffit de recueillir les observations du mineur et de ses parents. En pratique, il est de toute façon peu envisageable de prononcer une telle mesure sans un minimum d’adhésion des intéressés. L’accord de la victime n’est nécessaire que lorsqu’il s’agit d’une réparation directe, c’est-à-dire visant à réparer son préjudice.
La mesure peut être prononcée, quel que soit l’âge du mineur. De même, le texte ne limite aucunement l’application de cette mesure aux infractions de gravité minime, ni aux mineurs primodélinquants. En pratique, la réparation prononcée par le parquet en alternative aux poursuites est généralement réservée à des infractions de faible gravité commises par des mineurs primodélinquants. Si un travail éducatif plus approfondi doit être effectué avec le mineur à propos de l’acte commis, il est préférable que le juge des enfants soit saisi. La réparation peut alors être ordonnée pendant la phase d’instruction ou lors du jugement (en audience de cabinet, devant le tribunal pour enfants ou le tribunal correctionnel pour mineurs).
La mesure de réparation implique un accompagnement éducatif individualisé, par le service de la protection judiciaire de la jeunesse ou par un service associatif spécialement habilité, pendant le délai d’exécution fixé par le parquet, le juge ou le tribunal. Il s’agira alors de rencontrer le mineur et ses parents, de le conduire à réfléchir à l’acte commis et à ses conséquences pour la victime, ses parents, la société et pour lui-même, puis d’envisager avec lui une démarche personnelle pouvant favoriser sa réhabilitation.
B. LE CONTENU DE LA MESURE
Le contenu de la mesure est très large, le législateur s’étant bien gardé de l’assimiler à un travail, ce qui aurait limité son application aux mineurs de plus de 16 ans. Il peut s’agir d’une mesure ou d’une activité d’aide ou de réparation à l’égard de la victime ou dans l’intérêt de la collectivité. Cette notion d’« activité d’aide ou de réparation » peut englober des démarches aussi diverses qu’un stage auprès d’une collectivité ou d’une association, une réflexion suivie d’un écrit ou d’un exposé devant le tribunal sur un thème lié à l’infraction commise, une action accomplie en faveur de la victime, une indemnisation financière complète ou symbolique, etc.
Si l’ampleur de l’effort demandé est généralement proportionnelle à la gravité de l’infraction commise, il s’agit d’une mesure avant tout éducative dirigée vers le mineur, le premier objectif étant que celui-ci « se répare » lui-même en réfléchissant à son acte et au contenu possible d’un acte positif. Cela va donc au-delà d’une conception purement rétributive de l’acte commis, dont les modalités seraient fixées au préalable par la justice (indemnisation de la victime, nettoyage d’un tag...).
ET LES JEUNES MAJEURS ?
Le décret du 18 février 1975 (4), consécutif à l’abaissement de l’âge de la majorité à 18 ans, a prévu la possibilité pour le juge des enfants de prescrire, avec l’accord de l’intéressé, des mesures civiles de protection à l’égard des majeurs de 18 à 21 ans qui éprouvent « de graves difficultés d’insertion sociale ». Ces mesures, qui peuvent s’exercer soit en milieu ouvert, soit sous forme de placement en établissement éducatif, s’inscrivent le plus souvent dans la continuité d’une mesure d’AEMO ou de placement ordonnée du temps de la minorité. Le coût de prise en charge de ces mesures est imputé sur le budget du ministère de la Justice. Par une circulaire en date du 21 mars 2005 (5), le directeur de la PJJ a entendu attirer l’attention sur le niveau élevé et croissant des dépenses consacrées aux jeunes majeurs, et rappeler que cette mesure doit être comprise « comme une période de relais entre l’institution judiciaire et le droit commun dont le jeune majeur relève », faisant ainsi référence à la mission du service départemental de l’aide sociale à l’enfance d’apporter « un soutien matériel, éducatif et psychologique [...] aux majeurs de moins de 21 ans confrontés à des difficultés familiales, sociales et éducatives susceptibles de compromettre gravement leur équilibre » (CASF, art. L. 221-1). Cette circulaire, qui s’inscrivait officiellement dans un objectif affiché de résorption des dérives constatées et de recentrage des moyens de la PJJ sur ses missions premières, n’annonçait nullement la cessation du financement de cette mesure judiciaire spécifique. Pourtant, les juges des enfants se sont dans les années suivantes heurtés à des refus de plus en plus nets de prise en charge de ces mesures par les directions régionales de la PJJ, faute de ligne budgétaire affectée par les lois de finances successives. A ce jour, et bien que le décret de 1975 n’ait jamais été abrogé, plus aucune nouvelle mesure de protection civile jeune majeur n’est financée.
La mesure de protection judiciaire pénale (ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 modifiée, art. 16 bis) demeure de facto la seule possibilité pour le juge des enfants de confier un jeune majeur à un établissement éducatif, avec prise en charge du prix de journée par la PJJ.
C. SES SUITES
Si cette démarche se révèle positive, le procureur, le juge ou la juridiction de jugement peut en tenir compte dans sa décision ultérieure. Le procureur peut ainsi classer l’affaire sans suite et le juge des enfants décider de juger l’affaire en audience de cabinet sans renvoi devant le tribunal pour enfants. En outre, le tribunal pour enfants peut, après avoir éventuellement ordonné la réparation dans le cadre d’un ajournement du prononcé de sa décision, prononcer une dispense de peine.
En revanche, si la mesure échoue, il peut aussi en être tenu compte, dans un sens évidemment moins favorable au mineur.
A noter :
la mesure de réparation est la seule mesure éducative non inscrite sur le bulletin n° 1 du casier judiciaire du mineur.
(1)
Loi n° 93-2 du 4 janvier 1993, article 118, JO du 5-01-93.
(2)
Dans les années 1990, de nombreux Etats européens (Royaume-Uni, Belgique, Finlande, Norvège, Italie, Portugal, Suède) ont développé des mesures dites réparatrices, sous des intitulés différents : médiation pénale, prestation communautaire, prestation philanthropique... Dans certains Etats, cette mesure permet de faire sortir le mineur du circuit judiciaire traditionnel.
(3)
Sur la distinction entre alternative aux poursuites et composition pénale, cf. infra, chapitre IV, section 1, § 3 et 4.
(4)
Décret n° 75-96 du 18 février 1975, JO du 19-02-75.
(5)
Circulaire PJJ 2005-02 K du 21 mars 2005, NOR : JUSF0550041C, BOMJ n° 97.