Peuvent être qualifiées de mesures éducatives judiciaires dans le cadre pénal les mesures de protection, d’assistance, de surveillance et d’éducation visant à favoriser la rééducation du mineur et à prévenir le renouvellement des infractions.
Le non-respect d’une mesure éducative par le mineur n’est pas pénalement sanctionnable en tant que tel : si le mineur refuse la relation éducative avec l’éducateur de liberté surveillée, s’il fugue de son lieu de placement ou s’il n’accomplit pas la mesure de réparation, aucune sanction - notamment d’enfermement - ne peut en principe lui être infligée. C’est en ce sens que la mesure éducative est avant tout un pari, celui de l’étayage dans la durée et dans le cadre d’une relation de confiance. Cet accompagnement éducatif vise toujours à la réintégration du mineur auteur d’infraction dans la société, qu’il se matérialise par des actions de réhabilitation (mesure de réparation), de sensibilisation (stage de formation civique...), de réinsertion (mesure d’activité de jour, réconciliation avec la scolarité, insertion professionnelle), de prise en charge physique de l’enfant (placement), ou d’accompagnement dans une démarche de soins.
L’évolution des politiques pénales ces dernières années est marquée par une certaine défiance à l’égard des mesures éducatives qui, dans un contexte où l’immédiateté, la visibilité et la communication font loi, présentent les défauts majeurs de s’inscrire dans le moyen voire le long terme - comme pour tout processus éducatif - et de ne pas satisfaire suffisamment à la supposée attente de sanction de la part des victimes et de la société.
C’est ainsi que les mesures éducatives dans le champ pénal sont progressivement devenues les grandes oubliées de la manne publique, tous les nouveaux moyens étant affectés aux mesures de coercition ou d’enfermement (centres éducatifs fermés, établissements pénitentiaires pour mineurs) au détriment des mesures dites de milieu ouvert telles que la liberté surveillée ou la mesure de protection judiciaire (1).
C’est également ainsi que l’ombre de la sanction s’est progressivement posée sur l’action éducative, supposée devenir plus efficiente sous la menace de l’enfermement : par la sanction éducative, le placement devient punition ; par le sursis avec mise à l’épreuve, la fugue appelle l’emprisonnement.
C’est dans ce même esprit que la commission Varinard (2), rappelant que « la réponse apportée par les juridictions pour mineurs vient sanctionner un comportement pénalement répréhensible, même si elle poursuit un objectif éducatif », avait proposé la suppression des « mesures éducatives » pour ne plus retenir que deux catégories de réponses judiciaires, les sanctions éducatives et les peines. Le projet de code de justice des mineurs du 30 mars 2009 s’inscrivait d’ailleurs dans cette optique en supprimant toute référence sémantique à la notion de « mesure éducative ».
Si nul ne conteste la nécessité de la sanction dès lors qu’un mineur multiplie les transgressions, il est tout aussi important que l’action éducative puisse parallèlement continuer à opérer à son rythme et dans le cadre de la relation de confiance qui lui est propre.
Dès la mise en examen du mineur, des mesures éducatives peuvent être décidées par le juge des enfants ou le juge d’instruction chargé des affaires de mineurs, voire par le juge des libertés et de la détention, puis relayées le cas échéant par la juridiction de jugement, dès lors qu’il apparaît que, compte tenu de l’infraction commise et de la situation personnelle de l’enfant, celui-ci doit être responsabilisé et ses parents soutenus voire relayés dans leur mission éducative.
Sauf lorsqu’elles sont ordonnées par le parquet avant l’engagement des poursuites, les décisions prononçant des mesures éducatives sont toujours susceptibles d’appel. Rendues par une juridiction de jugement, elles sont inscrites sur le bulletin n° 1 du casier judiciaire du mineur (3).
Au stade de l’instruction, les mesures éducatives peuvent être cumulées entre elles (4). Elles peuvent, bien entendu, être combinées avec des mesures d’instruction (expertise...), voire avec un contrôle judiciaire (5).
En revanche, lors du jugement, la juridiction qui statue dans le cadre d’un même dossier doit choisir la mesure éducative qu’elle entend prononcer : les mesures d’admonestation, de remise à parents, d’avertissement solennel, de placement quelle qu’en soit la forme, d’activité de jour ou de protection judiciaire ne sont pas cumulables entre elles. Seule la mesure de liberté surveillée peut s’adjoindre aux autres mesures, voire être cumulée avec une sanction pénale.
Les textes sont plus ambigus quant au cumul possible de la mesure de réparation avec une mesure éducative autre que la liberté surveillée, comme la mise sous protection judiciaire. En effet, les articles 8, 15 et 16 de l’ordonnance de 1945 disposent que, au stade du jugement, le juge des enfants ou le tribunal pourront prononcer, selon le cas, l’une des mesures éducatives suivantes (admonestation, remise à parent, placement, mise sous protection judiciaire, avertissement solennel, mesure d’activité de jour) ; la mesure de réparation, prévue dans une autre disposition de l’ordonnance de 1945 (art. 12-1) ne figure pas dans cette liste. L’article 12-1 ne prévoit pas que la mesure de réparation doit être ordonnée seule et à titre principal. Encore un exemple de la nécessité d’un « toilettage » de ces articles...
Enfin, les mesures éducatives sont en principe applicables tant que l’intéressé est mineur. Elles cessent donc dès le jour de la majorité, à l’exception de la réparation et de la mesure de protection judiciaire. En conséquence, si un jeune mineur au moment des faits est interpellé après sa majorité, il ne sera plus possible de prononcer un placement ou une mesure de liberté surveillée, ni au moment de l’instruction ni lors du jugement.
(1)
A ce jour, un éducateur de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) en « milieu ouvert » doit exercer en moyenne entre 25 et 35 mesures simultanément. Dans beaucoup de départements, les nouvelles mesures de milieu ouvert (liberté surveillée, protection judiciaire) sont placées sur liste d’attente avant de pouvoir être effectivement attribuées à un éducateur. Ainsi que le souligne le rapport de la mission d’information n° 911 sur l’exécution des décisions de justice pénale concernant les personnes mineures, présenté à l’Assemblée nationale par la députée Michèle Tabarot le 28 mai 2008, « quel sens cela a-t-il de mettre en examen, convoquer et juger le mineur à brève échéance si la peine ou la mesure ne sont pas mises à exécution ou le sont trop tardivement ? » (p. 28).
(2)
Commission de propositions de réforme de l’ordonnance du 2 février 1945 relative aux mineurs délinquants, « Entre modifications raisonnables et innovations fondamentales : 70 propositions pour adapter la justice des mineurs », 3 décembre 2008, p. 7.
(3)
A l’exception de la mesure de réparation dont l’inscription au casier judiciaire n’a pas été prévue, (cf. infra, chapitre IV, section 4, § 1).
(4)
Ainsi, avant le jugement de l’affaire, les mesures de réparation, de placement et de liberté surveillée peuvent être prononcées simultanément ou successivement.
(5)
La loi n° 2002-1138 dite « Perben I » du 9 septembre 2002 a expressément prévu la possibilité pour le juge qui place un mineur sous contrôle judiciaire de l’obliger dans ce cadre à se soumettre aux mesures éducatives (liberté surveillée, placement, mesure d’activité de jour) ordonnées par ailleurs.