[Ordonnance du 2 février 1945 modifiée, article 1er]
Les mineurs auxquels est imputée une infraction (crime, délit ou contravention de 5e classe) ne sont pas déférés aux juridictions pénales de droit commun. Ils ne sont justiciables que des tribunaux pour enfants, des tribunaux correctionnels pour mineurs ou des cours d’assises des mineurs. Il s’agit d’un principe essentiel depuis 1945, qui n’a connu que peu d’aménagements jusqu’à la création du tribunal correctionnel pour mineurs.
Depuis que le juge des enfants et le tribunal pour enfants se sont vu confier les attributions de juge de l’application des peines à l’égard des mineurs (1), le principe de spécialisation s’applique d’un bout à l’autre de la chaîne pénale, à quelques exceptions et nuances près. D’une façon plus générale, et apparemment paradoxale, il peut en effet être observé que la spécialisation des magistrats s’atténue lorsque le mineur a commis les actes les plus graves : il en est ainsi des décisions prises en matière de détention provisoire (juge des libertés et de la détention) ou du jugement des affaires criminelles (présence minoritaire des juges des enfants au sein de la cour d’assises des mineurs). En créant pour les jeunes récidivistes de plus de 16 ans les tribunaux correctionnels pour mineurs, au sein desquels les assesseurs des tribunaux pour enfants sont remplacés depuis le 1er janvier 2012 par des magistrats professionnels, la loi du 10 août 2011 a incontestablement accéléré ce processus de déspécialisation. Dans sa décision du 4 août 2011 (2), le Conseil constitutionnel a d’ailleurs reconnu que le magistrat spécialisé étant minoritaire par rapport à ses deux collègues non spécialisés et aux trois futurs citoyens-jurés destinés à compléter cette juridiction, le tribunal correctionnel pour mineurs ne pouvait pas être considéré comme une juridiction spécialisée pour mineurs. Il faut certainement voir dans ces aménagements le souci du législateur de ne pas négliger l’acte commis et le trouble à l’ordre public, en balance avec la prise en compte du principe de minorité. A l’opposé, les infractions mineures (contraventions des quatre premières classes) échappent depuis toujours au principe de spécialisation de juridiction, au profit du tribunal de police et du juge de proximité, dans la mesure où ces actes ne sont pas nécessairement révélateurs de dysfonctionnements pouvant justifier une approche judiciaire et éducative spécialisée. La spécialisation des juridictions pour mineurs, expressément prévue par l’ordonnance de 1945, n’a cependant de sens que dans la mesure où les magistrats composant ces juridictions - pour l’essentiel les juges des enfants - bénéficient d’une formation spécialisée, et dans la mesure où ils s’inscrivent dans une sectorisation géographique (cf. infra, chapitre II, section 1, § 1, A).
Outre le juge des enfants et le parquet, ce même principe de spécialisation s’applique à d’autres acteurs, tels les assesseurs, les juges d’instruction ou encore la cour d’appel (cf. infra, chapitre II, section 1, § 1, C).
(1)
Loi n° 2004-204 du 9 mars 2004, art. 165, JO du 10-03-04.
(2)
Conseil constitutionnel, décision n° 2011-635 du 4 août 2011, préc.