Dès son placement en retenue ou en garde à vue (1), le mineur doit être assisté d’un avocat. Mais celui-ci ne peut le représenter devant le juge des enfants. Dans la plupart des barreaux, s’appuyant sur la reconnaissance du principe, pour tout enfant, à être entendu et défendu (Convention internationale des droits de l’enfant de 1989, article 12), des groupements d’avocats spécialisés pour les mineurs se sont constitués.
Ils tiennent souvent des permanences gratuites d’information juridique réservées aux enfants dans les maisons de l’avocat ou les points d’accès au droit des jeunes. Au pénal, ils organisent des permanences pour les défèrements devant le tribunal pour enfants ou pour l’assistance des mineurs en garde à vue, ou lors de leur mise en examen ou de leur jugement.
En principe soumis à une exigence de formation spécialisée annuelle obligatoire, ils interviennent pour la défense des mineurs dans tous les types de contentieux civils, pénaux et familiaux impliquant ces derniers. Le 8 juillet 2011, une convention nationale a été signée entre le directeur de la PJJ et le président du Conseil national des barreaux, visant à promouvoir les groupements d’avocats d’enfants, l’assistance du mineur par le même avocat pour toutes les procédures pénales le concernant et le principe d’une formation dédiée. Elle prévoit la mise en œuvre d’actions de formation communes, notamment sur les dispositifs de prise en charge éducative et la défense pénale des mineurs (2).
A. L’ASSISTANCE OBLIGATOIRE DU MINEUR...
[Ordonnance du 2 février 1945 modifiée, article 4-1]
Important élément des dispositions protectrices de la procédure pénale pour les mineurs, l’assistance de l’avocat doit être systématique tout au long de la procédure, et ce dès le début de la retenue ou de la garde à vue. C’est également le cas chaque fois qu’un mineur comparaît devant un juge ou un tribunal, même lorsqu’il n’encourt que des mesures éducatives.
La Cour de cassation a rappelé que cette assistance par avocat n’est pas seulement un droit pour le mineur, mais une obligation s’imposant aux magistrats du fait de l’article 4-1 de l’ordonnance du 2 février 1945. Cet article dispose que « le mineur poursuivi doit être assisté d’un avocat » et que, « à défaut de choix d’un avocat par le mineur ou ses représentants légaux, le procureur de la République, le juge des enfants ou le juge d’instruction fait désigner par le bâtonnier un avocat d’office ». Elle a ainsi annulé la décision d’une cour d’appel qui avait jugé un mineur sans assistance d’un avocat, en se bornant à indiquer que ni le mineur ni son civilement responsable n’avaient pris contact avec l’avocat commis d’office. Seules des « circonstances insurmontables » peuvent justifier l’absence de l’avocat auprès du mineur (3).
Après jugement, aucune disposition générale ne prévoit toutefois une assistance obligatoire et systématique par l’avocat devant le juge des enfants faisant fonction de juge d’application des peines (cf. infra, chapitre IV). Subsiste également la question de la présence obligatoire de l’avocat devant les juridictions pour enfants au-delà de la majorité du jeune. Face au mutisme des textes, certains considèrent que les spécificités procédurales et les garanties supplémentaires accordées au mineur par l’ordonnance de 1945 sont de portée générale et absolue, et que le jeune doit en bénéficier jusqu’à l’issue de la procédure, dès lors qu’il était mineur lors de la commission des faits, et dès lors que les textes ne restreignent pas leur application selon que le mineur a ou non atteint l’âge de la majorité. Cette question suscite bien des réflexions. En effet, il paraît évident que certaines garanties accordées au mineur ne peuvent lui être retirées au motif que la procédure a duré et qu’il est devenu majeur entretemps : c’est notamment le cas de l’excuse atténuante de minorité ou du bénéfice des juridictions spécialisées jusqu’à l’issue de la procédure.
En revanche, d’autres garanties sont directement liées à la vulnérabilité du mineur, qui est censée disparaître une fois qu’il est devenu majeur : c’est ainsi que la chambre criminelle a admis que les principes applicables à la garde à vue s’appliquent en fonction de l’âge du suspect au moment de cette garde à vue et non au moment de la commission des faits (4). De même, le principe de publicité restreinte des débats n’est plus absolu une fois le délinquant devenu majeur (C. proc. pén., art. 400). Si l’on considère que le jeune majeur est suffisamment mature pour renoncer au bénéfice de la publicité restreinte des débats, il ne paraît pas illogique qu’il puisse également renoncer à celui du droit à un avocat dès lors qu’il ne souhaite plus être assisté. Le débat n’est toutefois pas tranché.
B. ... MAIS PAS DE POUVOIR DE REPRÉSENTATION
Cette assistance obligatoire ne doit pas être confondue avec le pouvoir de représentation, qui permet à un majeur d’être jugé contradictoirement, c’est-à-dire comme s’il était présent, sans avoir à comparaître personnellement, dès lors qu’il est représenté par son avocat. Cette disposition ne s’applique pas pour un mineur, qui ne peut ainsi demander à son avocat de le représenter devant le juge des enfants. Seul le juge ou le tribunal peut dispenser le mineur de comparaître à l’audience. Toutefois, si un avocat se présente et souhaite donner des éléments d’information en faveur d’un mineur qui, lui, est défaillant, le juge doit le laisser développer ses explications, en vertu d’un principe de droit à la défense de portée générale posé par la Cour de cassation (5). Le mineur sera néanmoins jugé par défaut (6)s’il n’avait pas été personnellement touché par la convocation, et par jugement contradictoire à signifier (7)dans le cas inverse.
C. LE CHOIX DE L’AVOCAT
Tout avocat régulièrement inscrit au barreau peut être choisi (par les parents ou le mineur) ou désigné (par le bâtonnier). Le principe reste celui du libre choix de son avocat par le mineur. Ce n’est qu’à défaut de choix d’un avocat que celui-ci est désigné par le bâtonnier à la demande du juge ou du magistrat du parquet.
Autant que possible, et comme le préconise la convention signée le 8 juillet 2011 entre le directeur de la PJJ et le président du Conseil national des barreaux, il est souhaitable que le mineur soit défendu par le même avocat du début à la fin de chaque procédure, et dans toutes les procédures dans lesquelles il est impliqué. Cette continuité de la défense du mineur ne peut toutefois être mise en œuvre de façon effective que si elle procède d’une volonté commune du barreau et du tribunal pour enfants, avec une organisation en conséquence. Le recours désormais privilégié par les parquets au traitement direct de la délinquance des mineurs conduit en effet à multiplier les convocations ou les défèrements au coup par coup, au fil des infractions commises, de sorte qu’il peut être compliqué pour l’avocat habituel de l’enfant de se rendre systématiquement disponible pour assurer sa défense.
COMMENT EST RÉMUNÉRÉ L’AVOCAT DU MINEUR DÉLINQUANT ?
Hormis l’hypothèse exceptionnelle du mineur qui dispose de revenus personnels suffisants, la rémunération de l’avocat relève soit des parents, soit de l’aide juridictionnelle. En matière de défense pénale des mineurs, la présence de l’avocat est obligatoire en application de l’article 4-1 de l’ordonnance du 2 février 1945, de sorte que même si les parents ne demandent pas l’assistance d’un avocat pour leur enfant, voire la refusent, il en sera désigné un d’office.
En principe, l’aide juridictionnelle n’est pas de droit pour le mineur en matière pénale, et les parents peuvent être conduits à devoir payer les honoraires de son avocat si leurs revenus dépassent le plafond de ressources ouvrant droit à l’aide juridictionnelle. Pour autant, il arrive fréquemment que les parents, surtout quand ils n’ont pas fait le choix de l’avocat pour leur enfant, refusent de payer les honoraires de l’avocat, ou ne fournissent pas à l’avocat désigné tous les justificatifs de ressources nécessaires à l’admission. Dans les deux cas, l’avocat, qu’il soit désigné par le bâtonnier ou choisi par le mineur, encourt le risque de ne pas être payé pour la mission accomplie.
L’ordonnance n° 2005-1526 du 8 décembre 2005, prise en application de la loi du 9 décembre 2004 de simplification du droit, a tenté d’assouplir les conditions d’attribution de l’aide juridictionnelle au mineur délinquant en prévoyant qu’il n’est pas tenu compte des ressources des parents si ceux-ci manifestent un défaut d’intérêt à son égard (loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée, art. 5). De même, l’article 6 de la loi de 1991 dispose que l’aide juridictionnelle peut, à titre exceptionnel, être accordée aux personnes qui ne remplissent pas les conditions légales de revenus, « lorsque leur situation apparaît particulièrement digne d’intérêt au regard de l’objet du litige ».
Dans la plupart des juridictions, les bureaux d’aide juridictionnelle font une application extensive de ces deux articles, de sorte que l’avocat peut être rémunéré au titre de l’aide juridictionnelle sans que les revenus des parents ne soient pris en compte. Le montant de l’indemnité perçue par l’avocat dépend de la nature de sa mission. Ainsi, par exemple, l’assistance d’un mineur peut être rémunérée de trois unités de valeur (8)pour l’assistance lors d’une première comparution devant le juge des enfants ou le juge d’instruction, jusqu’à 50 UV pour une instruction criminelle ou l’assistance devant une cour d’assises.
(1)
Sur la différence entre retenue et garde à vue, cf. infra, chapitre IV, section 1.
(2)
Convention pour la défense des mineurs en matière pénale, signée à Paris le 4 juillet 2011entre le ministère de la Justice et des Libertés (direction de la protection judiciaire de la jeunesse), et le Conseil national des barreaux, consultable sur www.textes.justice.gouv.fr/conventions-et-partenariats-11143/
(3)
« La cour d’appel, alors qu’il lui appartenait de commettre d’office un avocat pour assister le mineur à l’audience, a méconnu le sens et la portée [de l’article 4-1 de l’ordonnance de 1945] » (Cass. crim., 28 juin 2000, Bull. crim., n° 254). Dans un autre arrêt (Cass. crim., 20 juin 2001, n° 01-82690, disponible sur www.legifrance.gouv.fr), rendu à la suite d’un mouvement de grève des avocats, la Cour de cassation considère là encore que « la décision prise collectivement par le barreau de suspendre toute participation des avocats au service des commissions d’office constitue une circonstance insurmontable et qu’il ne saurait être fait grief au juge d’instruction de s’être abstenu de requérir n’importe quel avocat présent au tribunal ».
(4)
Cass. crim., 25 octobre 2000, Bull. crim., n° 316. En effet, on imagine, par exemple, difficilement de maintenir au-delà de 18 ans l’obligation d’informer les parents de la garde à vue de leur enfant (cf. infra, chapitre IV, section 1, § 1, B).
(5)
Cass. ass. plén., 2 mars 2001, Bull. civ. AP, n° 6.
(6)
Lorsque le jugement est rendu par défaut, la personne a ensuite le droit d’être rejugée par la même juridiction que celle qui a prononcé la décision initiale.
(7)
Le jugement est dit « contradictoire à signifier » lorsque l’intéressé a été personnellement touché par la convocation mais ne s’est pas présenté à l’audience. La décision devra alors lui être signifiée par acte d’huissier et seule la voie de l’appel lui sera ouverte.
(8)
Le point d’UV est fixé à 22,50 € HT depuis la loi de finances pour 2007 (loi n° 2006-1666 du 21 décembre 2006, JO du 27-12-06)