Aux termes de l’article 1384, alinéa 4, du code civil « le père et la mère, en tant qu’ils exercent l’autorité parentale, sont solidairement responsables du dommage causé par leurs enfants mineurs habitant avec eux ». Cette rédaction, issue de la loi du 4 mars 2002 sur l’autorité parentale, fait peser sur les parents une présomption de responsabilité lorsque deux conditions sont simultanément réunies : ils exercent l’autorité parentale et l’enfant habite avec eux. Il s’agit d’une responsabilité civile de plein droit, avantageuse pour la victime qui n’a pas besoin de démontrer l’existence d’une faute de surveillance ou d’éducation commise par les parents. Théoriquement, ceux-ci peuvent cependant voir leur responsabilité écartée s’ils prouvent qu’ils n’ont pas pu empêcher la réalisation du dommage (C. civ., art. 1384, al. 7).
A. L’EXERCICE DE L’AUTORITÉ PARENTALE
[Code civil, article 1384]
La responsabilité civile de plein droit est indissociable de l’exercice de l’autorité parentale sur l’enfant. En conséquence, si l’un des parents n’exerce pas l’autorité parentale, il ne pourra pas être condamné par la juridiction pénale pour mineurs à indemniser la victime, et ce même si l’enfant se trouvait à son domicile et sous son contrôle au moment de la réalisation du dommage. Dans ce dernier cas, sa responsabilité pourra éventuellement être recherchée, mais exclusivement sur le terrain de la faute de surveillance ou d’éducation, et devant une juridiction civile (tribunal d’instance ou de grande instance selon le montant de la réclamation de la victime).
1. LA NOTION D’AUTORITÉ PARENTALE
L’autorité parentale se définit comme « un ensemble de droits et de devoirs ayant pour finalité l’intérêt de l’enfant » (C. civ., art. 371-1, al. 1er). Afin de le protéger et d’assurer ainsi son éducation et son développement, elle confère aux parents certains droits, en particulier celui de décider du domicile de l’enfant, de diriger son éducation, de choisir sa religion, de gérer ses biens, de prendre les décisions relatives à sa santé, etc.
En contrepartie, celui (ou ceux) qui exerce(nt) l’autorité parentale est (sont) investi(s) d’un certain nombre de devoirs, parmi lesquels celui de répondre financièrement des conséquences des actes dommageables commis par leur enfant.
2. QUI EXERCE L’AUTORITÉ PARENTALE ?
Sauf tutelle, délégation de l’exercice de l’autorité parentale à un tiers ou retrait de l’autorité parentale, ce sont les père et mère qui ont vocation à exercer l’autorité parentale.
Lorsque les parents de l’enfant sont mariés, ils l’exercent conjointement. En cas de séparation de fait ou divorce, le juge aux affaires familiales peut toutefois décider à titre exceptionnel qu’un seul des parents exercera l’autorité parentale (C. civ., art. 373-2-1).
Lorsque les parents ne sont pas mariés, les père et mère exercent conjointement l’autorité parentale à la condition que la double filiation soit établie dans l’année qui suit la naissance. Si, comme c’est parfois le cas, le père ne reconnaît l’enfant qu’après qu’il a atteint l’âge de 1 an, la mère continuera d’exercer seule l’autorité parentale. Seule une déclaration conjointe des parents devant le greffier en chef du tribunal de grande instance ou, à défaut, une décision du juge aux affaires familiales peut rétablir le principe d’autorité parentale conjointe (C. civ., art. 372).
A noter
La lecture de l’acte de naissance de l’enfant permet de vérifier l’existence du double lien de filiation dans l’année de sa naissance. En revanche, les déclarations d’autorité parentale conjointe devant le greffier en chef ainsi que les décisions du juge aux affaires familiales ne sont pas retranscrites sur les actes d’état civil. Il appartient au parent qui entend s’en prévaloir de les produire.
B. LA QUESTION DE LA COHABITATION
Si l’exercice de l’autorité parentale est une condition nécessaire pour engager la responsabilité civile de plein droit d’un parent, elle n’est pas pour autant suffisante.
L’article 1384, alinéa 4, du code civil prévoit également une condition de « cohabitation » avec l’enfant.
Deux cas de figure particuliers peuvent alors se présenter.
1. LA SÉPARATION DES PARENTS
La séparation de fait des deux parents codétenteurs de l’autorité parentale, qu’ils soient mariés ou non, n’a aucune incidence sur l’exercice conjoint de celle-ci : tant qu’une décision de justice n’est pas intervenue, ils resteront tous deux civilement responsables de plein droit de leur enfant, quel que soit le lieu de résidence de fait de ce dernier.
En revanche, si le juge aux affaires familiales fixe la résidence habituelle de l’enfant chez l’un de ses parents, seul ce dernier pourra être déclaré civilement responsable de plein droit devant les juridictions pour mineurs, et ce même si l’autre parent exerçait son droit de visite et d’hébergement au moment de la commission de l’infraction. La notion de cohabitation de l’article 1384, alinéa 4, est ainsi interprétée par la jurisprudence de façon juridique et non concrète : celui qui cohabite avec l’enfant n’est pas celui chez lequel il se trouve au moment du dommage, mais celui qui en a juridiquement « la garde ».
Cette solution dégagée par la jurisprudence peut sembler étonnante, dans la mesure où, depuis la loi n° 2002-305 du 4 mars 2002 consacrant l’autorité parentale conjointe, la logique aurait voulu que l’autorité parentale et la responsabilité civile soient indissociablement liées. Pour autant, la Cour de cassation réaffirme cette position de façon constante (1).
A noter
L’article 373-2-9 du code civil prévoit que la résidence de l’enfant peut être fixée en alternance au domicile de chacun des parents. Dans un tel cas, l’enfant n’ayant qu’une seule résidence partagée et non pas deux, la responsabilité des parents ne saurait être que conjointe et solidaire.
2. L’ENFANT CONFIÉ À UN TIERS
Doit-on considérer que la condition de cohabitation de l’enfant avec ses parents, posée par l’article 1384, alinéa 4, du code civil, est toujours remplie lorsque celui-ci était confié à un tiers au moment de la réalisation du dommage ?
La jurisprudence judiciaire en la matière est désormais (presque) cristallisée autour du principe suivant : tant que l’enfant est confié à un tiers par la volonté de ses parents, ces derniers – dès lors qu’ils exercent l’autorité parentale – restent civilement responsables de plein droit devant les juridictions répressives pour mineurs. Le fait que l’enfant ait commis l’infraction alors qu’il se trouvait chez ses grands-parents (2), à l’école, en internat, en internat spécialisé pour handicapés (3)ou en colonie de vacances (4)ne permet pas d’écarter la responsabilité des père et mère ou de l’un d’eux (5). La responsabilité de ce tiers pourra éventuellement être recherchée devant les tribunaux civils s’il est démontré qu’il a commis une faute de surveillance de l’enfant, mais il ne pourra en aucun cas être condamné par une juridiction pour mineurs à indemniser le préjudice de la victime.
Cette solution peut juridiquement se justifier par le fait que les parents ont, dans le cadre de l’exercice de l’autorité parentale, accepté que leur enfant soit pris en charge par un tiers hors de leur domicile. Ils n’ont donc pas perdu le droit de décider du lieu où vit l’enfant, d’organiser et de contrôler à titre permanent le mode de vie de celui-ci. Elle s’explique surtout par le fait que, les parents étant en principe assurés au titre de la responsabilité civile, l’indemnisation de la victime n’est pas ainsi tributaire des allers et venues de l’enfant entre le domicile de ses parents et d’autres lieux de résidence provisoire.
En revanche, si l’enfant est confié à un tiers par décision de justice (assistance éducative, placement au titre de l’ordonnance de 1945, décision du juge des tutelles ou du juge aux affaires familiales), cette décision opère transfert de la responsabilité civile des parents vers le tiers gardien dès la notification de la décision et jusqu’à l’expiration de celle-ci.
Ainsi, si l’enfant était placé au moment de la commission de l’infraction, la juridiction pour mineurs devra écarter la responsabilité civile des parents et pourra parfois, selon le cas (cf. infra), condamner le tiers en tant que civilement responsable.
Il a même été jugé que les parents ne retrouvent pas leur responsabilité lorsqu’ils hébergent leur enfant lors des week-ends ou des vacances autorisés par la décision de justice (6).
C. UNE POSSIBILITÉ D’EXONÉRATION ?
Lorsqu’un parent est titulaire de l’exercice de l’autorité parentale et qu’il n’a pas été mis fin à la cohabitation avec son enfant par une décision du juge aux affaires familiales ou une mesure de placement judiciaire, l’article 1384, alinéa 7, du code civil semble lui permettre une dernière échappatoire en disposant que la responsabilité du dommage causé par l’enfant mineur « a lieu, à moins que les père et mère [...] ne prouvent qu’ils n’ont pu empêcher le fait qui donne lieu à cette responsabilité ».
A première vue, il pourrait alors être relativement aisé pour le parent d’un adolescent de démontrer que, compte tenu de l’âge de ce dernier et des modes admis d’éducation, il n’a pas été en mesure de l’empêcher de sortir et de commettre l’infraction génératrice du dommage.
Mais, là encore, la jurisprudence a vidé le texte de son sens : dans la pratique, en effet, les parents ne peuvent plus invoquer l’âge avancé de leur enfant, les précautions suffisantes qu’ils ont prises pour éviter le dommage, le sérieux de leur éducation ou la libéralisation des mœurs pour s’exonérer de leur responsabilité, comme semble pourtant le permettre l’alinéa 7 de l’article 1384 du code civil.
En fin de compte, seule la force majeure peut les décharger de leur responsabilité (7), hypothèse pour l’instant jamais retenue par les tribunaux. Il faut préciser que la force majeure doit être le fait d’un événement extérieur, imprévisible et irrésistible, autant dire difficilement concevable en la matière. Le fait que les père et mère n’ont pas manqué à leurs obligations de surveillance ou d’éducation ne suffit pas à les exonérer.
D. ET L’ASSURANCE ?
Ainsi, tant que l’enfant n’est pas confié par décision judiciaire à un tiers ou à l’autre parent, le parent détenteur de l’exercice de l’autorité parentale est civilement responsable de plein droit. S’il n’est pas responsable de plein droit, parce que l’enfant est placé ou confié par le juge aux affaires familiales à l’autre parent ou à un tiers, sa responsabilité peut toujours être recherchée sur le terrain de la faute (C. civ., art. 1382), dès lors que le dommage a été commis alors que l’enfant était hébergé chez lui.
Il est notamment important de le rappeler aux parents, y compris à ceux qui, tout en ayant l’exercice de l’autorité parentale, ont peu voire pas de contacts avec leur enfant, ne serait-ce que pour les inciter à souscrire une assurance responsabilité civile. Certaines infractions, en effet, même involontaires, peuvent avoir des conséquences dramatiques sur les victimes et générer un droit à réparation parfois considérable.
L’assurance responsabilité civile des parents n’est pas obligatoire, même si elle est de fait incluse dans la plupart des contrats multirisques habitation.
Sauf si le titulaire du contrat n’a pas réglé les primes, ou si le type de sinistre n’était pas couvert par le contrat, le code des assurances et la jurisprudence ne permettent que très difficilement à l’assureur de s’exonérer de son obligation d’indemnisation de la victime.
Ainsi, par exemple, l’assureur ne peut pas refuser sa garantie au motif que les faits commis par l’enfant présentent un caractère volontaire (C. des assurances, art. L. 113-1 et L 121-2), ou que la déclaration du sinistre a été tardive (8).
(1)
Par exemple, Cass. civ. 2e, 21 décembre 2006, pourvoi n° 05-17540 (disponible sur www.legifrance.gouv.fr) qui écarte la responsabilité civile de plein droit d’un père au motif que ce dernier « était autorisé par le magistrat conciliateur à résider séparément et, qu’au moment des faits reprochés à leur enfant mineur, la résidence habituelle de ce dernier avait été confiée à la mère ».
(2)
Cass. crim., 8 février 2005, pourvoi n° 03-87447, disponible sur www.legifrance.gouv.fr (enfant vivant de fait chez sa grand-mère depuis 12 ans).
(3)
Cass. crim., 18 mai 2004, pourvoi n° 03-83616, disponible sur www.legifrance.gouv.fr
(4)
Cass. crim., 29 octobre 2002, pourvoi n° 01-82109, disponible sur www.legifrance.gouv.fr
(5)
Une nuance cependant : dans un arrêt du 26 mai 2008, le Conseil d’Etat a déclaré un service d’aide sociale à l’enfance responsable du fait des dommages causés par un mineur confié à ce service dans le cadre d’un accueil provisoire à la demande des parents, considérant que « la décision par laquelle le conseil général admet la prise en charge d’un mineur par le service de l’aide sociale à l’enfance du département a pour effet de transférer à ce dernier la responsabilité d’organiser, diriger et contrôler la vie du mineur pendant la durée de sa prise en charge » (req. n° 290495, Petites affiches n° 295, 29 septembre 2008). Pour autant, aucune décision des tribunaux de l’ordre judiciaire n’a pour l’instant écarté la responsabilité civile des parents dans ce cas de figure, le placement n’étant pas imposé par décision de justice.
(6)
Cass. civ. 2e, 6 juin 2002, pourvoi n° 00-12014, disponible sur www.legifrance.gouv.fr
(7)
Cass. ass. plén., 13 décembre 2002, pourvoi n° 00-13787, disponible sur www.legifrance.gouv.fr ; cf. aussi RAJS-JDJ n° 223, mars 2003, p. 56.
(8)
Aucune déchéance motivée par un manquement de l’assuré à ses obligations contractuelles postérieurement au sinistre ne sera opposable aux personnes lésées (C. des assurances, art. R. 124-1).