Si les parents ne sauraient être poursuivis ni condamnés pour des faits commis par leur enfant, ils peuvent l’être à titre personnel pour des infractions spécifiques sanctionnant leurs défaillances dans l’exercice de l’autorité parentale.
Dès lors que les comportements de mineurs délinquants apparaissent consécutifs à des carences parentales, les poursuites exercées par le parquet peuvent être l’occasion de stages de responsabilité. Il s’agit essentiellement d’alternatives à des poursuites pénales, même si la loi prévoit que ce stage peut également être une peine principale ou complémentaire.
A. L’INFRACTION COMMISE PAR SON ENFANT MINEUR
1. UNE IRRESPONSABILITÉ PÉNALE...
[Code pénal, article 121-1]
A la différence de la responsabilité civile, la responsabilité pénale est personnelle : « Nul n’est responsable pénalement que de son propre fait. » On ne peut donc être poursuivi et condamné que pour une infraction que l’on a commise soi-même et non pour une infraction commise par quelqu’un d’autre, fût-il son propre enfant. Les titulaires de l’autorité parentale ne sont en conséquence nullement responsables pénalement des infractions commises par leur enfant. En revanche, ils en sont civilement responsables, et ils sont tenus, à ce titre, d’indemniser les victimes (cf. supra, section 1, § 1). Ainsi, contrairement aux mesures ordonnées dans le cadre de l’assistance éducative, les mesures éducatives prononcées dans un cadre pénal le sont en principe à l’égard des mineurs, et non de leurs parents. La différence s’explique par le fait qu’en assistance éducative, l’intervention du juge trouve son origine dans un dysfonctionnement de l’autorité parentale et non, comme en matière pénale, dans un acte déviant commis par l’enfant lui-même.
S’agissant des sanctions pénales, les parents, en tout état de cause, n’encourent aucune des peines qui peuvent être prononcées à l’encontre de leur enfant mineur, sauf bien sûr dans l’hypothèse où l’enquête révélerait que la même infraction, une complicité ou une infraction connexe, peut leur être également reprochée. Certains articles du code pénal permettent de poursuivre les adultes dont on sait qu’ils ont joué un rôle instigateur dans la commission de l’infraction. Sont ainsi punissables, entre autres, les majeurs qui provoquent « directement un mineur à commettre un crime ou un délit » (C. pén., art. 227-21) (1). Cette disposition permet, par exemple, de poursuivre et de condamner les parents, comme tout autre majeur, lorsque leurs enfants commettent des vols à l’étalage à leur demande ou sous leur contrôle. De même, le fait, pour une personne qui a autorité sur un mineur, de ne pas pouvoir justifier de ressources qui correspondent à son train de vie ou de ne pas pouvoir justifier de l’origine d’un bien détenu, alors que son enfant se livre à la commission de crimes ou de délits punis d’au moins cinq ans d’emprisonnement, et procurant à celle-ci un profit direct ou indirect est puni de peines d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à dix ans selon le délit commis (C. pén., art. 321-6 et 321-6-1). Ces dispositions permettent de poursuivre des parents qui tireraient profit de vols ou de trafics de stupéfiants commis par leur enfant. Les adultes peuvent également être poursuivis, par exemple, s’ils incitent un mineur à faire un usage illicite de stupéfiants ou à en transporter, détenir, offrir ou céder (C. pén., art. 227-18 et 227-18-1) (2).
ET LES AMENDES ?
S’il paraît évident que les parents n’encourent pas de peine d’emprisonnement à la place de leur enfant, les choses sont en général moins claires en ce qui concerne les peines d’amende, du fait d’une confusion entretenue entre responsabilité civile et responsabilité pénale.
Un certain nombre de contraventions, telles que le défaut de casque pour conducteur de cyclomoteur ou des infractions à la police des transports en commun, sont régulièrement relevées à l’encontre de mineurs. Celles-ci font généralement l’objet de timbres – amendes ou amendes forfaitaires –, sans comparution devant le tribunal de police, et donc sans possibilité de voir prononcer une admonestation. Si l’enfant a un patrimoine personnel, il n’y a pas de difficulté pour que cette amende soit payée sur celui-ci par les parents en tant qu’administrateurs des biens de leur enfant mineur. Dans ce cas, à défaut de paiement par les parents, il peut y avoir une mesure d’exécution, telle une saisie par huissier sur le compte bancaire du mineur.
Mais en dehors de l’hypothèse d’un capital (perçu par exemple dans le cadre d’une succession ou au titre d’une indemnité d’assurance) ou de ressources issues d’un travail salarié personnel, le mineur n’a pas de patrimoine propre. Les biens ou les ressources des parents ne sont pas saisissables par le Trésor public pour le paiement d’une amende incombant au mineur, malgré les commandements de payer qui sont parfois délivrés. Il est même douteux que les objets dont l’enfant serait le seul utilisateur (console de jeux vidéo, par exemple) soient véritablement sa propriété, et qu’ils puissent donc être saisis par voie d’huissier.
Les seules amendes directement encourues par les parents sont en principe les « amendes civiles », qui ne sanctionnent pas une infraction, mais généralement une faute délibérée dans l’exercice d’une procédure (par exemple, un recours abusif ou dilatoire).
L’ordonnance du 2 février 1945 en prévoit clairement une : l’article 26, in fine, mentionne une amende civile de 1,5 € à75 € « si un incident à la liberté surveillée révèle un défaut de surveillance caractérisé de la part des parents ou du tuteur ou gardien, ou des entraves systématiques à l’exercice de la mission du délégué ». Dans la pratique, cette amende civile est très rarement prononcée.
Depuis la loi du 9 septembre 2002, l’article 10-1 prévoit en outre une amende ne pouvant excéder 3 750 euros si les représentants légaux du mineur ne défèrent pas aux convocations du juge des enfants, du juge d’instruction, du tribunal pour enfants, du tribunal correctionnel pour mineurs ou de la cour d’assises des mineurs. Cette amende n’est plus qualifiée de « civile » depuis la loi LOPPSI 2 sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et le jugement des mineurs du 10 août 2011. Elle apparaît donc bien être une peine pouvant être prononcée, comme le stage de responsabilité parentale, par la juridiction des mineurs, les parents pouvant faire opposition devant le tribunal correctionnel.
2. ... MAIS UNE INCONTESTABLE INCIDENCE
a. Sur l’appréciation du juge
La situation et l’attitude des père et mère par rapport au comportement délictuel de leur enfant sont nécessairement prises en compte dans le choix de la mesure éducative la plus adaptée pour l’enfant. Le juge doit en effet recueillir par toute mesure d’investigation utile des renseignements sur « l’environnement social et familial du mineur » (ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 modifiée, art. 8 et 10). Ainsi le choix de la remise à parents comme mesure éducative (cf. supra, chapitre III, section 1, § 1) peut exprimer la volonté du juge de responsabiliser les père et mère en les laissant maîtres de la réponse éducative la plus adaptée. En revanche, une décision de placement dans le cadre pénal traduit plutôt le constat de leur incapacité, au moins provisoire, à procurer le cadre éducatif dont le mineur a besoin.
b. Sur l’autorité parentale
L’autorité parentale se trouve nécessairement affectée dans le déroulement de certaines mesures éducatives, et notamment par le placement qui prive ses détenteurs du droit de décider du lieu où doit résider l’enfant. L’éducation de l’enfant devient en quelque sorte partagée. De surcroît, toute mesure éducative concernant l’enfant constitue nécessairement une atteinte à la vie privée de ses parents, sur laquelle un regard extérieur va être porté.
B. LES DÉFAILLANCES PARENTALES
1. LES DIFFÉRENTES INFRACTIONS POUVANT ÊTRE RELEVÉES
a. Le non-respect par les mineurs de moins de 13 ans de décisions de « couvre-feu »
1]. Le couvre-feu de la compétence du maire
Les maires disposent d’un pouvoir de police qui leur permet d’édicter, en fonction de circonstances locales particulières, des règlements destinés à assurer l’ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publique (CGCT, art. L. 2212-2). A ce titre, certains d’entre eux ont pris des arrêtés visant à interdire la circulation des enfants la nuit. Les mesures de couvre-feu concernent essentiellement des mineurs de moins de 13 ans non accompagnés par une personne majeure, trouvés dans les rues ou dans certains quartiers de la commune entre 23 heures et 6 heures. En cas d’urgence, les agents de la police municipale ou nationale ont la possibilité de raccompagner l’enfant à son domicile et d’informer le procureur de la République de tous les faits susceptibles de donner lieu à l’engagement des poursuites ou à la saisine du juge des enfants.
La sanction encourue par les parents, si leurs jeunes enfants ne respectent pas le couvre-feu et sont interpellés, se limite à une contravention de la 1re classe, soit 38 € au maximum (C. pén., art. 131-13). La constitutionnalité de celle-ci pourrait d’ailleurs être contestée au vu de la décision du Conseil constitutionnel censurant la sanction encourue en cas de non-respect d’un arrêté de couvre-feu préfectoral (cf. infra).
La légalité de ces arrêtés dits de « couvre-feu » est soumise au contrôle du juge administratif, qui vérifie que la mesure est justifiée par l’existence de risques particuliers dans les secteurs qu’elle concerne et que son contenu est adapté à l’objectif de protection pris en compte (3).
Au-delà des effets d’annonce, cette « contraventionnalisation » d’une mise en danger de l’enfant n’a eu, dans les faits, qu’une portée extrêmement limitée.
2]. Le couvre-feu de la compétence du préfet
[Code de la sécurité intérieure, articles L. 132-8 et L. 132-9]
La loi LOPPSI 2 du 14 mars 2011 a donné au préfet la possibilité de prendre un arrêté général de couvre-feu, visant les mineurs de moins de 13 ans circulant ou stationnant sur la voie publique entre 23 heures et 6 heures sans être accompagnés de l’un de leurs parents ou du titulaire de l’autorité parentale, lorsque cela les expose à un risque manifeste pour leur santé, leur sécurité, leur éducation ou leur moralité. La décision énonce la durée, limitée dans le temps, de la mesure, les circonstances précises de fait et de lieu qui la motivent, ainsi que le territoire sur lequel elle s’applique.
Cet arrêté peut viser le territoire d’une commune dont le maire n’envisagerait pas de prendre une telle mesure, ou celui de plusieurs communes en raison de la mobilité des mineurs concernés (4).
Le législateur avait prévu de sanctionner les parents ou le représentant légal qui ne se seraient pas assurés du respect par le mineur du couvre-feu de l’amende prévue pour les contraventions de la troisième classe. Le Conseil constitutionnel a censuré cette disposition, estimant qu’en permettant de punir le représentant légal à raison d’une infraction commise par le mineur, la loi aurait pour effet d’instituer, à l’encontre du représentant légal, une présomption irréfragable de culpabilité (5). Ce n’est pas la possibilité de punir le représentant légal à raison d’une infraction commise par le mineur qui a été invalidée, mais l’impossibilité pour celui-ci de pouvoir s’exonérer de cette responsabilité. En effet, d’une part, en matière contraventionnelle, il n’est pas exigé d’élément intentionnel : le seul constat de l’élément matériel suffit à caractériser l’infraction ; d’autre part, rien dans le texte ne permettait de définir les causes exonératoires possibles au bénéfice des représentants légaux (6). Le non-respect de ce couvre-feu préfectoral ne peut en définitive avoir d’autre conséquence que celle du raccompagnement de l’enfant concerné. En cas d’urgence et lorsque le représentant légal du mineur n’a pu être contacté ou a refusé d’accueillir l’enfant à son domicile, le représentant de l’Etat dans le département peut décider de le remettre au service de l’aide sociale à l’enfance qui le recueille provisoirement. Il en avise immédiatement le procureur de la République.
Cette intervention du préfet s’applique « sans préjudice des dispositions de l’article L. 223-2 du code de l’action sociale et des familles ». Dans la mesure où cet article prévoit déjà que, en cas d’urgence et lorsque le représentant légal du mineur est dans l’impossibilité de donner son accord, l’enfant est recueilli provisoirement par le service qui en avise immédiatement le procureur de la République, l’intérêt pratique de cette nouvelle disposition apparaît très limité.
3]. Le couvre-feu de la compétence du tribunal pour enfants
[Ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 modifiée, article 15-1, 11°]
Le couvre-feu se retrouve de façon inattendue dans la panoplie des sanctions éducatives de l’ordonnance du 2 février 1945 depuis la loi LOPPSI 2 du 14 mars 2011. Le projet de loi initial attribuait cette compétence au préfet et l’assimilait à une mesure de police administrative individuelle concernant des mineurs ayant déjà fait l’objet d’une mesure ou d’une sanction éducative et dont les parents auraient conclu un contrat de responsabilité parentale (cf. supra, § 1, B).
Le Sénat a considéré que cette mesure individuelle pouvait être assimilée à une sanction pénale et ne pouvait donc être prise par le préfet sans être contraire à l’article 66 de la Constitution et à la Convention européenne des droits de l’homme (7). Ces observations ont conduit à réintroduire le tribunal pour enfants dans le dispositif final. Celui-ci peut donc prononcer cette nouvelle sanction éducative, faisant interdiction pour le mineur d’aller et venir sur la voie publique entre 23 heures et 6 heures sans être accompagné de l’un de ses parents ou du titulaire de l’autorité parentale, pour une durée de trois mois au maximum, renouvelable une fois.
S’agissant d’une sanction éducative, celle-ci ne peut être prononcée qu’à l’égard d’un mineur âgé de 10 ans au minimum, et rien n’empêche qu’elle le soit jusqu’à ses 18 ans, contrairement aux arrêtés préfectoraux de couvre-feu.
Par ailleurs, le Conseil constitutionnel a, comme en matière d’arrêté préfectoral, censuré la disposition prévoyant de sanctionner par une amende de la troisième classe, les parents ou le représentant légal qui ne se seraient pas assurés du respect par le mineur du couvre-feu prononcé par le tribunal pour enfants. La volonté du législateur, qui était essentiellement de sanctionner les défaillances parentales, se trouve ainsi particulièrement contrariée. La seule conséquence du non-respect de cette sanction éducative de couvre-feu est en effet le prononcé d’une mesure éducative de placement (cf. supra, chapitre III, section 2).
Enfin, le texte prévoit que le tribunal pour enfants désignera le service de la protection judiciaire de la jeunesse ou le service habilité chargé de veiller à la bonne exécution de la sanction. Concrètement, on peut douter que la PJJ puisse s’assurer efficacement du respect de la mesure entre 23 heures et 6 heures.
b. Le non-respect de l’obligation scolaire
[Code pénal, article 227-17-1]
« Tout enfant a droit à une formation scolaire qui, complétant l’action de sa famille, concourt à son éducation » (C. éduc., art. L. 111-2, al. 1er). L’obligation scolaire (C. éduc., art. L. 131-1 à L. 131-12) s’impose aux enfants de 6 à 16 ans, qu’ils soient français ou étrangers. A cet égard, les détenteurs de l’autorité parentale peuvent être sanctionnés pénalement en cas d’absence d’inscription de l’enfant à l’école, ou en cas d’absentéisme scolaire injustifié.
Le fait, par les parents d’un enfant ou toute personne exerçant à son égard l’autorité parentale ou une autorité de fait de façon continue, de ne pas l’inscrire dans un établissement d’enseignement, sans excuse valable, en dépit d’une mise en demeure de l’autorité de l’Etat compétente en matière d’éducation, est puni de six mois d’emprisonnement et de 7 500 € d’amende (C. éduc., art. L. 131-1 à L. 131-12).
Ce texte ne pénalise spécifiquement que le défaut d’inscription scolaire et non l’absentéisme injustifié. Il a été essentiellement conçu pour lutter contre l’influence de sectes prônant une pseudo-scolarisation parallèle au système public ou privé sous contrat. Il peut néanmoins s’appliquer à tous les cas de non-inscription scolaire. Un rapport du secrétaire d’Etat à la Justice déposé en novembre 2010 relevait le peu de condamnations sur ce fondement, entre trois et sept par an de 2005 à 2009. L’explication tiendrait à la notion d’excuse valable qui empêcherait de caractériser suffisamment l’infraction (8). En cas d’absentéisme injustifié, outre les sanctions financières en termes de prestations familiales, seules des poursuites sur le fondement de l’article 227-17 du code pénal pourraient être envisagées.
c. La mise en péril du mineur et l’article 227-17 du code pénal
[Circulaire CRIM 2002-17 E1 du 13 décembre 2002, NOR : JUSD0230200C, BOMJ n° 88]
Placé dans une section du code pénal intitulée « De la mise en péril des mineurs », l’article 227-17 permet de sanctionner pénalement des père et mère qui se soustraient, sans motif légitime, à leurs obligations légales, au point de compromettre la santé, la sécurité, la moralité ou l’éducation de leur enfant mineur. Ce délit est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 € d’amende. Ainsi, la définition de l’autorité parentale fait peser sur les parents l’obligation de « protéger [l’enfant] dans sa sécurité, sa santé et sa moralité, pour assurer son éducation et permettre son développement, dans le respect dû à sa personne » (C. civ., art. 371-1). Le non-respect de cette obligation très générale permet théoriquement d’envisager des poursuites dans des cas de figure extrêmement variés.
Dans sa rédaction antérieure à la loi du 9 septembre 2002, l’article 227-17 supposait, pour être mis en œuvre, que les père et mère aient « gravement » compromis la santé, la sécurité, la moralité ou l’éducation de leur enfant. Il a ainsi été appliqué dans des situations très particulières, notamment pour sanctionner des parents qui livraient leur enfant à des sectes (9).
Les mesures d’assistance éducative peuvent être ordonnées dès lors que « la santé, la sécurité ou la moralité d’un mineur non émancipé sont en danger, ou si les conditions de son éducation [...] sont gravement compromises » (C. civ., art. 375). Le parallélisme entre ce texte et l’article 227-17 du code pénal permettait au parquet de disposer d’une double réponse possible face à certains agissements parentaux. En pratique, c’était généralement devant la mise en échec de toute mesure d’aide éducative préalable que des poursuites étaient engagées, par exemple en cas d’absentéisme scolaire massif des enfants, couvert par les parents.
L’adverbe « gravement » qui figurait dans l’article 227-17 après « au point de compromettre » a été supprimé par la loi du 9 septembre 2002. Cela permet désormais au parquet, au moins en théorie, d’engager des poursuites pénales à l’égard des parents dans des situations où la saisine du juge des enfants en assistance éducative ne serait même pas possible, faute de danger suffisant encouru par l’enfant.
Dans sa circulaire de politique pénale en matière de délinquance des mineurs du 13 décembre 2002, la chancellerie avait mis l’accent sur l’utilité de cette disposition qui pouvait notamment s’appliquer aux cas d’absentéisme scolaire chronique et répété nuisant à l’éducation des mineurs (10). En novembre 2010, le rapport remis par Jean-Marie Bockel regrettait que les poursuites sur ce fondement soit trop peu nombreuses. De fait, les statistiques citées démontrent l’extrême rareté des condamnations prononcées à titre principal sur ce fondement entre 2005 et 2009 (de 12 à 21 par an) (11).
2. LE STAGE DE RESPONSABILITÉ PARENTALE, UNE ALTERNATIVE AUX POURSUITES
[Code de procédure pénale, article 41-1, 2°]
Sur le modèle des stages organisés par la prévention routière, certains parquets ont initié localement des stages parentaux, notamment à Toulon et à Colmar. La chancellerie a ensuite proposé de généraliser ces expériences, à partir d’un « modèle de protocole d’accord pour la mise en place d’un stage parental » qui est joint à la circulaire du 13 décembre 2002.
La loi du 5 mars 2007 a en outre introduit explicitement dans le code de procédure pénale la possibilité pour le procureur de la République de faire effectuer un stage de responsabilité parentale dans la perspective d’un classement sous condition. Selon les statistiques de la chancellerie, 206 personnes ont suivi un stage en 2009, le dispositif ayant été mis en place dans une vingtaine de tribunaux (12). En novembre 2011, la mission permanente d’évaluation des politiques de prévention de la délinquance (13)relevait que la mise en œuvre de ces stages restait encore embryonnaire. Les pratiques examinées à Reims, Meaux et Paris démontrent là aussi de grandes variations en termes de motifs d’intervention, de durée et de modalités. A noter qu’à Paris, où le dispositif apparaît le plus élaboré, il s’agit de stages individuels comprenant cinq entretiens successifs avec des travailleurs sociaux, médiateurs, juristes référents pédagogiques et psychologue institutionnel, sur une durée de six semaines, outre un suivi associatif de deux à trois mois. Toutefois, seulement 33 stages individuels ont été réalisés en deux ans, essentiellement pour raisons financières.
Dans tous les cas, la présence effective des parents est considérée par le parquet comme un critère suffisant de réussite, ce qui conduit au classement de l’infraction.
3. LE STAGE DE RESPONSABILITÉ PARENTALE, UNE PEINE
[Code pénal, articles 131-35-1, R. 131-48 et R. 131-49]
Le stage de responsabilité parentale, prévu initialement comme alternative aux poursuites, est également une peine depuis la loi du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance. Il a pour objet de rappeler au condamné les obligations juridiques, économiques, sociales et morales qu’implique l’éducation d’un enfant. Ce stage ne peut être envisagé que s’il s’agit d’une peine explicitement prévue pour l’infraction considérée, que ce soit à titre de peine principale ou complémentaire. Outre les délits liés aux délaissements de mineur, d’atteinte à l’exercice de l’autorité parentale ou de mise en péril de mineurs, la loi l’a prévu pour de nombreuses autres infractions dont un mineur peut être victime (14). Par ailleurs, ce stage peut également être prononcé à l’encontre des parents et représentants légaux qui ne défèrent pas à la convocation à comparaître devant un magistrat ou une juridiction pour mineurs. Ils peuvent, sur réquisition du ministère public, être condamnés par le magistrat ou la juridiction saisie à une amende ou à un stage de responsabilité parentale (ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 modifiée, art. 10-1). Cette disposition est particulièrement singulière d’un point de vue procédural, dans la mesure où elle permet à une juridiction pour mineurs de condamner des majeurs, et que ceux-ci peuvent faire opposition à cette condamnation devant le tribunal correctionnel.
Rien n’empêche que soient convoqués pour le même stage des parents qui souhaitent éviter des poursuites et ceux qui exécutent leur peine. Les modalités de la peine sont toutefois plus encadrées, renvoyant notamment quant à la durée aux dispositions du stage de citoyenneté (C. pén., art. R. 131-36 à R. 131-44).
A la différence de ce qui est prévu en matière d’alternative aux poursuites, la juridiction qui prononce cette peine précise si ce stage est exécuté aux frais du condamné, ce qui peut donc permettre une exonération. Elle ne peut, comme le travail d’intérêt général, être prononcée qu’en présence et avec l’accord du condamné. Le stage doit être accompli dans un délai de six mois, à compter de la date à laquelle la condamnation est définitive.
L’inexécution du stage de responsabilité parentale est punie de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 € d’amende (C. pén., art. 434-41).
(1)
Cinq ans d’emprisonnement et 150 000 € d’amende. La peine d’emprisonnement passe à sept ans lorsqu’il s’agit d’un mineur de 15 ans et que la provocation est habituelle.
(2)
Sept ans d’emprisonnement et 150 000 € d’amende pour l’usage illicite lorsqu’il s’agit d’un mineur de 15 ans ; dix ans d’emprisonnement et 300 000 € d’amende s’agissant du transport, de la détention, de l’offre ou de la cession.
(3)
Cf. par exemple : Conseil d’Etat, 9 juillet 2001, décision n° 235638.
(4)
Latour X., « La LOPPSI, les collectivités territoriales et la lutte contre la délinquance », AJDA, mai 2011, p. 1075.
(5)
Conseil constitutionnel, décision n° 2011-625 DC du 10 mars 2011, JO du 15-03-11.
(6)
Cf. commentaire aux Cahiers de la décision n° 2011-625 DC du 10 mars 2011, p. 27, disponible sur www.conseilconstitutionnel.fr
(7)
Latour X., « La LOPPSI, les collectivités territoriales et la lutte contre la délinquance », préc.
(8)
Bockel J.M., « La prévention de la délinquance des jeunes », novembre 2010, p. 34, disponible sur www.ladocumentationfrancaise.fr. Pour résoudre la difficulté, le secrétaire d’Etat suggérait d’ailleurs d’abroger la notion de « motif légitime » dans l’article 227-17 et celle « d’excuse valable » dans l’article 227-17-1 (proposition n° 6).
(9)
Ainsi la Cour de cassation a confirmé la condamnation d’époux, qui « ont pris, dans la précipitation, la décision d’envoyer, seul, leur fils, alors âgé de 6 ans et demi, dans une école dirigée par des adeptes du Sahaja Yoga [...] en Inde » : Cass. crim., 11 juillet 1994, Bull. crim. n° 269. Toutefois, la Cour de cassation a eu une appréciation différente des faits dans une espèce similaire où elle a relaxé les parents, estimant qu’en l’espèce, « la santé, la sécurité, la moralité ou l’éducation de l’enfant n’ont pas été gravement compromises » : Cass. crim., 17 octobre 2001, Bull. crim. n° 214.
(10)
De façon assez peu logique, les peines encourues sur ce fondement pour absentéisme scolaire (deux ans d’emprisonnement et 30 000 € d’amende) sont bien plus élevées que la non-inscription dans un établissement scolaire, seulement punie de six mois d’emprisonnement et de 7 500 e d’amende (cf. supra, 2, a).
(11)
Bockel J.-M., « La prévention de la délinquance des jeunes », préc., p. 33.
(12)
Le Bris M., « Stages parentaux : aider dans un cadre répressif ? », ASH n° 2717 du 8-07-11, p. 24.
(13)
Lacaze D., Laffargue B., Massin I., Messias B., Miraux J.-L., « Trois dispositifs de responsabilisation parentale dans le cadre de la prévention de la délinquance », préc., p. 39 et s.
(14)
Pour n’en citer que quelques-unes : violences, viol ou agression sexuelle, infractions à la législation sur les stupéfiants, proxénétisme, prostitution de mineurs, exploitation de la mendicité, vente d’alcool à mineurs, enivrement de mineurs...