Le soutien à la parentalité défaillante est traditionnellement le domaine de l’aide éducative apportée par la protection maternelle et infantile, l’aide sociale à l’enfance ou le juge des enfants, et plus récemment par les réseaux, d’écoute, d’appui et d’accompagnement des parents (REAAP) (1).
Malgré la création d’un Comité national de soutien à la parentalité (2), les politiques de prévention de la délinquance ont, ces dernières années, peu valorisé ces outils, considérés comme insuffisamment contraignants pour s’attaquer au problème des parents « démissionnaires », et fortement stigmatisés à ce titre.
L’objectif affiché a donc été d’actionner de nouveaux acteurs pour responsabiliser ces parents, et de mettre en place de nouveaux dispositifs qui peuvent « s’emboîter » les uns aux autres, au risque de brouiller singulièrement les périmètres de compétences du maire, du président du conseil général et du procureur de la République. Leur philosophie commune est d’apporter un cadre plus contraint, sachant que, en cas de non-respect des conditions posées aux parents, ces dispositifs peuvent déboucher au final sur des sanctions. Celles-ci sont soit financières, à travers la suspension des prestations familiales, soit pénales, la défaillance parentale constituant le fait générateur d’une infraction. A ce titre-là, la finalité était surtout de mettre en œuvre des stages parentaux alternatifs aux poursuites.
Les chiffres ou bilans existants démontrent que l’ensemble de ces dispositifs ont été dans les faits très peu sollicités.
Aux termes de l’article 6, alinéa1er de l’ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 modifiée, la victime d’une infraction commise par un mineur, qui entend demander réparation de son préjudice, peut se constituer partie civile devant la juridiction pour mineurs (juge des enfants en audience de cabinet, juge d’instruction, tribunal pour enfants, tribunal correctionnel pour mineurs ou cour d’assises des mineurs) (3)par courrier recommandé ou en se présentant à l’audience avec les justificatifs du dommage.
Mais elle peut également préférer attendre la condamnation du mineur au pénal, puis saisir la juridiction civile (tribunal d’instance ou de grande instance, en fonction du montant de son préjudice). Cependant, lorsque le mineur est confié par le juge à une institution publique (département, établissement public PJJ), la victime ne peut obtenir réparation du civilement responsable que devant le tribunal administratif (cf. supra, § 2).
À QUI DEMANDER RÉPARATION ?
La victime peut diriger sa demande contre le mineur, contre les personnes qui en sont civilement responsables ou contre les deux simultanément. Dans ce dernier cas (le plus courant), le mineur est condamné in solidum avec le (ou les) civilement responsable(s) ; cela signifie que la victime peut réclamer l’intégralité de la somme à chacun d’entre eux (il s’agit généralement du civilement responsable, le mineur étant rarement solvable).
A noter : l’assureur du civilement responsable ne peut pas intervenir directement dans le procès pénal, sauf en matière de blessures involontaires. Il n’intervient qu’après coup pour indemniser la victime pour le compte de son assuré. Pour autant, il est important que les civilement responsables l’avisent du « sinistre » en amont du procès afin de lui permettre, s’il l’estime utile, de mandater un avocat pour défendre les intérêts de leur assuré civilement responsable et, partant, ceux de l’assureur.
QUEL PRÉJUDICE RÉPARER ?
La victime peut demander la réparation de tous ses chefs de préjudice (matériel, physique, moral, psychologique...) sous réserve de justifier de leur existence et, si possible, de leur montant. Si elle demande la réparation d’un préjudice corporel (incapacité temporaire totale ou partielle, incapacité physique permanente...), il lui appartiendra, à peine d’irrecevabilité de sa demande, de faire citer à l’audience l’organisme social qui lui a versé les prestations médicales (frais d’hospitalisation, de consultation médicale, de soins divers).
Elle peut également solliciter une somme forfaitaire au titre de ses frais de procédure, et notamment de ses frais d’avocat, sur le fondement de l’article 475-1 du code de procédure pénale. Cette somme ne peut en principe être réclamée qu’au mineur, et non à ses civilement responsables (4)
Pour les préjudices matériels, elle n’est pas tenue de faire état des remboursements dont elle a pu bénéficier de la part de son propre assureur même si, dans la pratique, les victimes ne sollicitent souvent que le remboursement de la franchise laissée à leur charge.
L’IMPLICATION DE MAJEURS
Dans l’hypothèse où le mineur a commis l’infraction en compagnie d’un (ou de plusieurs) majeur(s), la victime peut demander réparation devant le tribunal correctionnel ou devant la cour d’assises de droit commun non seulement au (x) majeur(s), mais également au mineur et à ses civilement responsables (5). Seuls les représentants légaux comparaissent alors à l’audience, à l’exclusion du mineur (ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 modifiée, art. 6, al. 3).
(1)
Réseaux créés par la circulaire DIF/DAS/DIV/DPM n° 99-153 du 9 mars 1999, NOR : MESA9930091C, BOMES n° 99/11. L’objectif est de « permettre aux parents d’être les éducateurs de leur enfant, en s’appuyant sur leur savoir-faire propre mais aussi sur leur aptitude à s’entraider pour ainsi leur redonner confiance dans leur capacité à assurer ce rôle parental ». Ils mobilisent les mouvements familiaux et les grands mouvements associatifs, au côté de représentants des organismes de sécurité sociale (CNAF, MSA) et des départements ministériels (Education nationale, justice, action sociale, ville...), structurés au niveau national dans un comité national de pilotage présidé par le délégué interministériel à la famille.
(2)
Décret n° 2010-1308 du 2 novembre 2010, JO du 3-11-10.
(3)
De façon surprenante, l’article 6, alinéa 1, de l’ordonnance de 1945 ne prévoit pas la possibilité pour la victime de se constituer partie civile contre un mineur devant le tribunal de police, alors qu’elle peut le faire à l’égard d’un majeur.
(4)
Cass. crim., 12 octobre 1982, pourvoi n° 81-94489, Bull. crim. n° 212 : « L’article 475-1 du code de procédure pénale ne saurait permettre à la juridiction correctionnelle de condamner le civilement responsable à verser à la partie civile une somme correspondant aux frais non recouvrables qu’elle a dû exposer ».
(5)
L’article 6 in fine, de l’ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 modifiée précise que s’il n’a pas encore été statué sur la culpabilité du mineur, le tribunal correctionnel ou la cour d’assises peut surseoir à statuer sur l’action civile engagée par la victime.