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DU RECOURS FACULTATIF AU CONTRÔLE SYSTÉMATIQUE

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Le rapport commun de l’inspection des services judiciaires et de l’inspection générale des affaires sociales rendu en 2005 relevait le caractère peu effectif du recours au juge en raison d’une méconnaissance des pouvoirs de celui-ci en matière de mainlevée des mesures de soins, illustrée en particulier par le nombre minime de recours déposés, mais également en raison d’une moindre implication des juges eux-mêmes dans les missions exercées au titre du contrôle de ces hospitalisations (1).
En instaurant un contrôle systématique des mesures d’hospitalisation complète, la loi du 5 juillet 2011 tend à remédier partiellement à cette carence du juge. Elle maintient néanmoins la possibilité d’un recours individuel qui reste la seule voie de contestation pour les mesures de soins s’exerçant sous une autre forme que l’hospitalisation complète.


A. LE RECOURS FACULTATIF

L’article L. 3211-12 du code de la santé publique en définit les conditions et modalités d’exercice qui sont quelque peu modifiées par la loi du 5 juillet 2011.


1. LES CONDITIONS D’EXERCICE DU RECOURS

[Code de la santé publique, article L. 3211-12]

a. Le domaine du recours

Ce recours peut être exercé aux fins d’obtenir la mainlevée de toute mesure de soins psychiatriques, quelle qu’elle soit, qu’elle s’exerce sous la forme d’une hospitalisation complète ou dans le cadre d’un programme de soins.
Il est ouvert à l’égard de toute mesure de soins psychiatriques, quel que soit le régime d’admission (sur décision du directeur d’établissement, du représentant de l’Etat ou sur décision judiciaire, que la personne soit ou non détenue et/ou ait bénéficié d’une décision d’irresponsabilité pénale).

b. Les titulaires du droit de recours

Le recours est ouvert :
  • à la personne qui fait l’objet des soins. Si elle est mineure (2), le recours est exercé par les titulaires de l’autorité parentale ou le tuteur. Si elle est majeure mais placée sous tutelle ou curatelle, ce recours est exercé par la personne chargée de sa protection ;
  • aux proches de la personne qui fait l’objet de la mesure de soins, à savoir son conjoint, son concubin, la personne avec laquelle elle est liée par un pacte civil de solidarité, un parent ou une personne susceptible d’agir dans son intérêt ;
  • éventuellement, à la personne qui a formulé la demande de soins ;
  • au procureur de la République.
Le juge des libertés et de la détention peut également se saisir d’office à tout moment, notamment après avoir été alerté sur la situation d’une personne faisant l’objet d’une mesure de soins par toute personne intéressée, comme la commission départementale des soins psychiatriques.
Le juge des libertés et de la détention peut enfin être saisi, pour statuer à bref délai selon les formes prescrites pour l’exercice du recours facultatif, par le directeur de l’établissement dans l’hypothèse du refus du représentant de l’Etat dans le département d’ordonner la levée d’une mesure de soins sous la forme d’une hospitalisation complète sollicitée par le psychiatre participant à la prise en charge du patient (C. santé publ., art. L. 3213-5, al. 2, cf. infra, 2).

c. Le moment du recours

Le juge des libertés et de la détention peut être saisi à tout moment, ce qui inclut nécessairement la période d’observation. Il est cependant vraisemblable que, dans cette hypothèse comme d’ailleurs pour tous les recours exercés pendant les 15 premiers jours suivant l’admission, le juge statuera par une seule décision sur le recours facultatif et le contrôle systématique à 15 jours pour lequel il aura été nécessairement saisi, comme l’y autorise l’article L. 3211-12-3 du code de la santé publique (3) (cf. infra, B, 1, c).


2. LES MODALITÉS D’EXERCICE DU RECOURS

[Code de la santé publique, articles R. 3211-7 et R. 3211-8]
Les dispositions communes du code de procédure civile sont applicables, sauf dispositions particulières prévues par le code de la santé publique, à la procédure judiciaire de mainlevée (comme d’ailleurs à celle de contrôle) des mesures de soins psychiatriques.
Le juge compétent pour statuer sur ce recours est le juge des libertés et de la détention dans le ressort duquel se situe l’établissement d’accueil de la personne faisant l’objet de la mesure de soins (ou celui auquel elle est rattachée en cas de programme de soins).
Une difficulté peut surgir en cas de transfert de cette personne en cours de procédure dans un autre établissement de soins. Dans cette hypothèse, la compétence géographique à retenir est celle du juge des libertés et de la détention dans le ressort duquel se situe l’établissement qui accueillait le malade au moment de la saisine. Si l’intéressé ne peut être conduit à l’audience, compte tenu de l’éloignement géographique, rien ne semble interdire qu’il puisse être entendu par le juge des libertés et de la détention « local », désigné à cet effet par commission rogatoire (C. proc. civ., art. 730). Il pourra également être fait usage de la visioconférence si nécessaire.

a. La saisine du juge

Le juge des libertés et de la détention est saisi par les personnes titulaires du droit de recours (cf. supra, 1, b) ou, lorsque le préfet refuse d’ordonner la levée de la mesure contre l’avis du psychiatre, par le directeur de l’établissement d’accueil.
Elle se fait par une requête transmise au greffe du tribunal de grande instance dans des conditions qui sont définies par le décret du 18 juillet 2011.
1]. La forme de la requête
[Code de la santé publique, article R. 3211-8]
La requête doit répondre à un formalisme précis destiné à faciliter son traitement rapide compte tenu du bref délai dans lequel le juge doit statuer (cf. infra, § 3, B, 1, a).
La requête, qui doit être datée et signée par son auteur, doit ainsi comporter les éléments d’information suivants :
  • les coordonnées complètes du demandeur (nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance ou, le cas échéant, s’il s’agit d’une personne morale, sa forme, sa dénomination, son siège social ainsi que l’organe qui le représente légalement) ;
  • les coordonnées complètes de la personne faisant l’objet de la mesure de soins (nom, prénoms, domicile et, éventuellement, adresse de l’établissement où elle séjourne) ainsi que, le cas échéant, de son tuteur ou curateur (si elle bénéficie d’un régime de protection) ou de ses représentants légaux (si elle est mineure) ;
  • l’exposé des faits et l’objet de la requête.
Le respect de ces règles de forme n’est toutefois pas prévu à peine d’irrecevabilité de la requête.
2]. Les modalités de transmission de la requête
[Code de la santé publique, article R. 3211-9]
Cette requête peut être transmise au greffe du tribunal de grande instance par tout moyen permettant de dater sa réception (courrier, télécopie, remise au greffe, tout autre moyen approprié) (circulaire du 21 juillet 2011, NOR : JUSC1120428C, BOMJL n° 2011-7 du 29-07-11). En l’absence d’authentification de la signature électronique du requérant, une transmission sous format dématérialisé de la requête ne semble pas, à ce jour, envisageable (à l’exception des requêtes établies par avocat dans le cadre du réseau privé virtuel avocats connecté au réseau justice).
Lorsqu’elle émane de la personne faisant l’objet de la mesure de soins, elle peut aussi être déposée au secrétariat de l’établissement d’accueil ou être formée par déclaration verbale recueillie par le directeur de l’établissement. Dans cette dernière hypothèse, le directeur doit établir un procès-verbal contenant toutes les mentions prescrites pour la requête. Ce procès-verbal devra être signé par lui-même et par le demandeur (ou porter mention de l’impossibilité pour celui-ci de signer).
Lorsque la requête est déposée au secrétariat de l’établissement ou recueillie par procès-verbal, la requête ou le procès-verbal doivent être transmis sans délai et par tout moyen au greffe du tribunal de grande instance accompagné des pièces justificatives que le requérant entend produire. Il convient de rappeler que la rétention d’une telle requête est passible de sanctions pénales (cf. supra, section 1, § 2, C).

b. L’instruction de la demande

1]. L’enregistrement et la communication de la requête
[Code de la santé publique, article R. 3211-10]
Le greffe doit enregistrer la demande dès sa réception en apposant la date de réception sur la requête ; cette formalité est essentielle puisqu’elle déterminera le point de départ du délai pour statuer.
Le texte ne prévoit pas que cet enregistrement puisse être différé dans le temps, dans l’hypothèse où la requête serait incomplète (sous réserve, bien sûr, que l’on puisse au moins en identifier son auteur).
La requête, une fois enregistrée, doit être communiquée par le greffe :
  • à la personne ou à l’autorité à l’origine de l’admission en soins psychiatriques de l’intéressé (à savoir le tiers ou le représentant de l’Etat dans le département) ;
  • si elle n’est pas l’auteur de la requête, à la personne qui fait l’objet de la mesure de soins (si elle est hospitalisée, copie de la requête lui sera remise par l’intermédiaire du directeur d’établissement) ;
  • le cas échéant, à son tuteur ou curateur (si elle bénéficie d’un régime de protection) ou à ses représentants légaux (si elle est mineure) ;
  • au ministère public. Le ministère de la Justice justifie la communication systématique de la requête au ministère public par le fait qu’il est « souhaité [qu’il] soit étroitement associé au contrôle de la nécessité des mesures de soins psychiatriques et soit en mesure de donner son avis dans chaque affaire » ( circulaire du 21 juillet 2011, NOR : JUSC1120428C) ;
  • au directeur de l’établissement (sauf, bien évidemment, s’il a lui-même transmis la demande au greffe), à charge pour lui d’en remettre une copie à la personne concernée lorsqu’elle est hospitalisée dans son établissement.
A ce stade de la procédure, il sera parfois difficile au greffe d’accomplir pleinement sa mission dès lors qu’il ne disposera pas nécessairement des renseignements utiles sur la nature de la mesure de soins en cours, et plus particulièrement des coordonnées de la personne à l’origine de l’admission (4).
2]. La communication des pièces nécessaires à l’examen du recours
[Code de la santé publique, article R. 3211-11]
Le directeur d’établissement doit communiquer au juge des libertés, par tout moyen, un certain nombre de pièces indispensables à l’examen du recours.
Il devra s’acquitter de cette obligation d’office (quand il aura lui-même transmis la requête au greffe) ou sur demande du juge (concomitante à la communication de la requête).
Compte tenu du bref délai imparti au juge pour statuer, ces pièces doivent être transmises dans un délai de cinq jours à compter respectivement du dépôt de la requête ou de l’enregistrement de celle-ci. En cas de saisine d’office du juge, ce délai court à compter de l’avis de saisine adressée au directeur d’établissement. La transmission tardive n’est cependant pas sanctionnée par les textes alors même qu’elle est susceptible de porter atteinte aux droits de la défense au même titre que la saisine tardive en cas de contrôle.
Le directeur doit communiquer l’ensemble des pièces administratives et médicales relatives à l’admission et au maintien de la mesure de soins – du moins les plus récentes dans l’hypothèse d’une mesure au long cours, à savoir :
  • dans l’hypothèse d’une admission à la demande d’un tiers, les coordonnées complètes de ce tiers (nom, prénoms, adresse) ainsi qu’une copie de la demande d’admission ;
  • dans l’hypothèse d’une admission sur décision du représentant de l’Etat, la copie de l’arrêté préfectoral ordonnant l’admission (ainsi qu’éventuellement l’arrêté municipal provisoire) et, le cas échéant, du plus récent des arrêtés ayant maintenu cette mesure ;
  • dans l’hypothèse d’une admission sur décision judiciaire, la copie de cette décision et de l’expertise prévue par l’article 706-135 du code de procédure pénale (ainsi que, même si le texte ne le prévoit pas expressément, du plus récent des arrêtés ayant maintenu cette mesure) ;
  • dans tous les cas, la copie des certificats et avis médicaux sur le fondement desquels la mesure de soins a été décidée et de tout autre certificat ou avis médical utile en sa possession dont ceux sur lesquels se fonde la décision la plus récente de maintien des soins (circulaire du 21 juillet 2011, NOR : JUSC1120428C).
Cette liste n’est pas exhaustive, le juge ayant la possibilité de réclamer la communication de toutes pièces qu’il estime utiles à sa prise de décision. Il peut ainsi souhaiter que les décisions d’admission du directeur d’établissement, les décisions concernant la forme de la prise en charge ou la modification de celle-ci (qui doivent être aujourd’hui nécessairement formalisées par écrit) ainsi que les programmes de soins mis en œuvre lui soient également communiqués. Il paraît nécessaire à cet effet, qu’au-delà des situations particulières, cette question fasse l’objet d’échanges entre le juge et les établissements de son ressort et que les règles définies, si elles ajoutent aux exigences de l’article R. 3211-11 du code de la santé publique, soient protocolisées.
Dans les mêmes conditions de forme et de délais, le directeur de l’établissement doit communiquer, soit d’office, soit à la demande du juge :
  • l’avis du collège si la personne faisant l’objet de la mesure de soins relève d’une des catégories énumérées à l’article L. 3211-12, II du code de la santé publique, autrement dit celles qui relèvent du régime dérogatoire (cf. supra, chapitre II, section 3, § 3, A, et B, 1, a) (cf. aussi encadré p. 76) ;
  • le cas échéant :
    • l’opposition de la personne qui fait l’objet des soins à l’utilisation de moyens de télécommunication audiovisuelle,
    • l’avis d’un psychiatre ne participant pas à la prise en charge de la personne qui fait l’objet de soins, indiquant, selon le cas, les motifs médicaux qui feraient obstacle à son audition ou attestant que son état mental ne fait pas obstacle à l’utilisation de moyens de télécommunication audiovisuelle.


B. LE CONTRÔLE SYSTÉMATIQUE

L’introduction du contrôle systématique inverse la logique en matière d’hospitalisation contrainte. Désormais, cette mesure ne peut se poursuivre au-delà d’un certain délai que si le juge des libertés et de la détention y a expressément consenti.


1. LES MODALITÉS D’EXERCICE DU CONTRÔLE

a. Le périmètre du contrôle

Le législateur a fait le choix de limiter le contrôle systématique du juge aux mesures s’exerçant sous la forme d’une hospitalisation complète. En cela, il répond aux exigences du Conseil constitutionnel mais l’expérience montre déjà les limites et les faiblesses de ce contrôle a minima.

LA COMMUNICATION DU BULLETIN N° 1 DU CASIER JUDICIAIRE DU PATIENT

Au motif énoncé de mettre à disposition du juge des éléments lui permettant d’apprécier si la personne souffrant de troubles mentaux relève bien du régime procédural renforcé, le ministère de la Justice et des Libertés donne consigne aux greffes de réclamer systématiquement le bulletin n° 1 (B1) du casier judiciaire du patient pour vérifier si sa mesure de soins est consécutive à une décision d’irresponsabilité pénale (circulaire du 21 juillet 2011, NOR : JUSC1120428C).
Cette instruction, qui ajoute au texte du décret, apparaît contestable puisque le renseignement que le casier judiciaire est censé fournir sera nécessairement communiqué par le directeur d’établissement qui doit adresser au juge la décision sur le fondement de laquelle l’admission a été prononcée (en l’occurrence, la décision judiciaire s’il s’agit d’une admission sur le fondement de l’article 706-135 du code de procédure pénale ou l’arrêté préfectoral s’il s’agit d’une admission sur le fondement de l’article L. 3213-7 du code de la santé publique). Elle est d’autant plus contestable que toutes les parties à la procédure vont ainsi avoir connaissance des informations figurant sur cette pièce qui, dès l’instant où elle aura été transmise au greffe, sera soumise, comme toutes les autres, au principe du contradictoire ; cette demande de casier aura ainsi pour conséquence de donner accès aux parties à des informations exclusivement réservées à l’autorité judiciaire (5).
Ces informations sont par ailleurs susceptibles d’influer défavorablement sur la décision du juge des libertés et de la détention alors même que, pour se prononcer sur la demande de mainlevée de la mesure de soins, il doit se fonder sur la situation actuelle du requérant, et non sur d’éventuels antécédents judiciaires.
Il sera enfin observé que l’intérêt même de solliciter cette pièce, au regard de l’objectif recherché, apparaît plus que relatif dès lors que les décisions d’irresponsabilité pénale ne sont inscrites au casier judiciaire que depuis la loi du 25 février 2008 et à la condition expresse qu’une mesure de sûreté ait été prononcée ou une mesure de soins sous la forme d’une hospitalisation complète ordonnée par la juridiction. Ainsi, une décision d’irresponsabilité pénale à l’origine d’une admission sur décision du représentant de l’Etat dans le département sur le fondement des dispositions de l’article L. 3213-7 du code de la santé publique n’y figurera pas (6).
Il n’y aura donc pas de contrôle dès lors que la mesure de soins s’exerce sous une autre forme que l’hospitalisation complète, dans le cadre d’un programme de soins. Or, du fait de la suppression du mécanisme de la sortie d’essai, un programme de soins doit nécessairement être établi pour permettre toute sortie non accompagnée, quelle qu’en soit la durée : tel sera ainsi le cas pour une sortie autorisée d’une ou deux heures par jour ou d’un week-end.
Dans la première situation, il n’y aura pas lieu à contrôle alors que la personne est hospitalisée 22 ou 23 heures sur 24 ; dans la seconde situation, à son retour de week-end, si le programme de soins n’avait autorisé qu’une sortie ponctuelle pour un week-end à titre d’essai, une nouvelle décision modifiant la forme de prise en charge et décidant de l’hospitalisation complète de l’intéressé devra intervenir (ce qui générera un nouveau contrôle à quinzaine si une nouvelle sortie n’a pas été autorisée d’ici là).
Ces exemples témoignent des incohérences du mécanisme de contrôle mis en place qui permet, d’une part, l’évitement du juge tout en le contraignant, d’autre part, dans certaines situations, la multiplication inutile des mesures de contrôle.

b. La saisine du juge

[Code de la santé publique, articles L. 3211-12-1, I, R. 3211-27 à R. 3211-30]
S’agissant de la compétence du juge des libertés et de la détention, les règles définies pour le recours facultatif sont également applicables pour l’examen des requêtes aux fins de contrôle systématique.
Le juge est saisi, selon le cas :
  • par le directeur de l’établissement si la mesure de soins psychiatriques sous forme d’hospitalisation complète a été décidée par ses soins sur demande d’un tiers ou en cas de péril imminent ;
  • par le représentant de l’Etat dans le département dans tous les autres cas, que la mesure de soins sous forme d’hospitalisation complète ait été décidée par celui-ci ou par l’autorité judiciaire.
Il est saisi par une requête qui doit répondre aux mêmes exigences de forme et contenir les mêmes renseignements qu’en matière de recours facultatif (cf. supra, A, 2). L’objet de la demande, sur lequel on pouvait s’interroger, sera l’autorisation de poursuite de l’hospitalisation complète de l’intéressé ; il n’y aura pas lieu à contrôle en effet si la mesure d’hospitalisation complète est levée avant l’expiration du délai prescrit pour celui-ci, soit 15 jours ou six mois selon le cas (cf. infra, 2).
Cette requête doit être accompagnée, comme en matière de recours facultatif, des pièces administratives et médicales relatives à l’admission et au maintien de la mesure de soins et, le cas échéant, de l’opposition de la personne qui fait l’objet des soins à l’utilisation de moyens de télécommunication audiovisuelle ainsi que de l’avis médical au vu duquel le juge décide des modalités d’audition de la personne qui fait l’objet des soins (cf. supra, A, 2, b).
Il doit obligatoirement y être joint, en outre, l’avis conjoint rendu par deux psychiatres de l’établissement d’accueil, dont un seul participe à la prise en charge du patient. Ces derniers doivent se prononcer sur la nécessité de poursuivre l’hospitalisation complète. Cet avis doit être rendu par le collège si la personne hospitalisée relève du régime dérogatoire précédemment étudié.
S’agissant des personnes détenues admises en soins psychiatriques, l’article L. 3214-2, alinéa 2, du code de la santé publique dispose que l’avis conjoint les concernant doit être rendu par un psychiatre de l’établissement d’accueil participant à la prise en charge du patient et par un psychiatre, consulté par tout moyen, intervenant dans l’établissement pénitentiaire dans lequel la personne détenue était incarcérée avant son hospitalisation. L’article L. 3214-2 du code de la santé publique précise, par ailleurs, que les dispositions de l’article L. 3211-9 concernant le collège et des articles L. 3211-12 à L. 3211-12-4 sont applicables à ces patients, ce qui implique que, si l’on se trouve dans l’un des cas où l’avis du collège est exigé, c’est bien celui-ci qui doit être joint à la requête, et non l’avis conjoint spécial qui n’a vocation à être recueilli que dans l’hypothèse où un avis conjoint est requis.
Toutes ces pièces doivent, en théorie, « accompagner » la saisine du juge qui, si elle intervient tardivement, entraîne la mainlevée de la mesure d’hospitalisation complète, sauf circonstances exceptionnelles. Il peut cependant être souhaitable – et convenu entre les juridictions et les établissements de soins, dans le souci d’une meilleure organisation des audiences – que les saisines soient adressées le plus tôt possible, avant même que toutes les pièces médicales aient été réunies (notamment l’avis conjoint ou l’avis du collège). Cette pratique ne semble pas poser difficulté dès lors que la totalité des pièces aura été adressée au greffe du tribunal avant l’expiration du délai fixé par l’article R. 3211-27 du code de la santé publique (cf. infra, c).
A réception de la requête, le greffe doit l’enregistrer et la communiquer à la personne hospitalisée, ainsi qu’éventuellement à son tuteur ou à son curateur – si elle bénéficie d’une mesure de protection – ou à ses représentants légaux – si elle est mineure –, au procureur de la République et, le cas échéant, au tiers demandeur à l’admission en soins psychiatriques.

c. Le délai de saisine du juge

[Code de la santé publique, articles L. 3211-12-1, IV et R. 3211-27]
Le délai de saisine du juge est déterminé par référence au délai avant l’expiration duquel ce dernier doit exercer son contrôle (cf. infra, 2). Le juge doit ainsi être saisi :
  • dans l’hypothèse d’un contrôle à quinzaine, au moins trois jours avant l’expiration du délai dans lequel il doit statuer. Sa saisine doit donc intervenir au plus tard le douzième jour à compter de l’admission en hospitalisation complète ;
  • dans l’hypothèse d’un contrôle à six mois, au moins huit jours avant l’expiration de ce délai.
Le ministère de la Justice souligne que ces délais sont des dates butoirs, rien n’empêchant en conséquence, si les circonstances le permettent, que le juge soit saisi avant (circulaire du 21 juillet 2011, NOR : JUSC1120428C).


2. LE DÉLAI D’EXERCICE DU CONTRÔLE

La particularité de ce contrôle tient au fait qu’il doit s’exercer impérativement avant l’expiration de délais stricts prévus par la loi et à intervalles réguliers.

a. La fréquence du contrôle

[Code de la santé publique, article L. 3211-12-1, I]
Le principe posé est celui du contrôle par le juge de la situation des personnes hospitalisées de manière complète et continue pendant une durée minimale de 15 jours et, pour les personnes hospitalisées au long cours, d’un réexamen tous les six mois.
On peut s’interroger sur la pertinence de ce délai de 15 jours retenu par le Conseil constitutionnel, et repris par le législateur, qui se réfère au délai au terme duquel une décision de prolongation devait intervenir selon les dispositions de la loi de 1990 déférées au Conseil constitutionnel. Certains considèrent en effet que ce choix discutable entérine l’idée que les délais de saisine de la juridiction judiciaire peuvent varier en fonction des causes de la privation de liberté (rétention des étrangers, détention provisoire, hospitalisation...) (7). Pour le psychiatre également, ce délai n’a pas beaucoup de sens au regard du délai moyen d’hospitalisation, notamment pour les crises psychotiques (trois à quatre semaines).
Concrètement, ce contrôle doit être exercé :
  • avant l’expiration d’un délai de 15 jours à compter de toute décision d’admission, exception faite de celle qui est intervenue sur le fondement des dispositions de l’article 706-135 du code de procédure pénale (à savoir, l’admission en soins psychiatriques sur décision judiciaire) ;
  • avant l’expiration d’un délai de 15 jours à compter de toute décision de modification de la forme de prise en charge du patient, décidant de son hospitalisation complète ;
  • avant l’expiration d’un délai de six mois suivant, soit la décision judiciaire d’hospitalisation sur le fondement de l’article 706-135 du code de procédure pénale, soit toute décision du juge des libertés et de la détention rendue dans le cadre d’un recours facultatif ou d’un précédent contrôle, à la condition que le patient ait été maintenu en hospitalisation complète de manière continue depuis cette décision (toute décision intervenue avant l’expiration de ce délai fait courir à nouveau ce délai).

b. Les modalités de calcul du délai d’exercice du contrôle

[Code de la santé publique, article R. 3211-31]
Le délai court à compter de la décision d’admission ou de la décision du juge des libertés et de la détention. Le jour de la décision est comptabilisé, l’article R. 3211-31 du code de la santé publique excluant expressément l’application de l’article 641, alinéa 1, du code de procédure civile selon lequel lorsqu’un délai est exprimé en jour, celui de la décision qui le fait courir ne compte pas.
Il expire le dernier jour à 24 heures, toute prorogation de délai étant par ailleurs exclue. Ainsi, si une personne a été admise en hospitalisation complète à une date J, le juge devra statuer au plus tard à J + 14 à 24 heures.

c. Les situations particulières

On peut s’interroger sur l’obligation de procéder au contrôle de certaines mesures d’hospitalisation.
1]. Le cas de la personne en fugue
Tel est le cas de la personne en fugue qui, retrouvée, est réhospitalisée. Il ne semble pas nécessaire de procéder à un contrôle avant l’expiration d’un délai de 15 jours suivant sa « réintégration » dès lors que le contrôle de la mesure de soins a normalement été exercé, en l’absence de l’intéressé, sur la base d’avis médicaux dans les conditions et délais normaux. La mesure de soins sous la forme d’une hospitalisation complète étant toujours en cours, la personne peut être « réintégrée » sans nouvelle décision d’admission ou de modification de la forme de prise en charge et il n’y a donc pas de nécessité de nouveau contrôle.
Mais cette position suppose que le juge des libertés et de la détention ait exercé le contrôle à quinzaine ou à six mois de la mesure même en l’absence de la personne concernée. Une hypothèse qui est manifestement envisagée par le législateur qui a prévu, s’agissant des certificats médicaux, que le médecin puisse remplir son obligation en rédigeant un avis au vu du dossier médical de l’intéressé, en l’absence de celui-ci.
Tel n’est cependant pas l’avis de la cour d’appel de Montpellier qui a récemment déclaré sans objet la requête d’un préfet, sollicitant la poursuite de la mesure d’hospitalisation complète d’un patient, aux motifs que la personne en fugue « ne se trouve pas sous surveillance médicale constante en hospitalisation complète » et que « la mission du juge est de statuer sur une mesure de privation de liberté effective et non à venir » (8). Cette solution apparaît contestable au regard des observations qui précèdent et dommageable en ce qu’elle aura pour conséquence que la mainlevée de la mesure sera acquise parce que le juge n’aura pas exercé son contrôle dans le délai prévu par les textes (en application de l’article L. 3211-12-1, IV, du code de la santé publique), ce qui interdira par exemple toute inscription de l’intéressé au fichier des personnes recherchées.
2]. Les transformations de mesure ou de modalités de prise en charge
La question des modifications à répétition des modalités de prise en charge des personnes faisant l’objet d’une mesure de soins psychiatriques, en raison notamment de l’abandon du mécanisme de la sortie d’essai, a été précédemment évoquée (cf. supra, a). Chaque nouvelle décision de ce chef impliquant une nouvelle phase d’hospitalisation complète va imposer une nouvelle mesure de contrôle avant l’expiration du délai de 15 jours suivant cette décision.
Par ailleurs, il arrive parfois qu’une mesure de soins s’exerçant sous la forme d’une hospitalisation complète, décidée à l’origine par le représentant de l’Etat dans le département, soit transformée, en cours d’hospitalisation, en mesure de soins à la demande d’un tiers, les critères permettant le maintien de la mesure sous sa forme initiale n’étant plus réunis. De la même manière, la mesure d’hospitalisation initialement prononcée à la demande d’un tiers peut être transformée, en cours d’hospitalisation, en mesure de soins sur décision du représentant de l’Etat dans le département. Dans ces deux hypothèses, le point de départ du délai à retenir pour l’exercice du contrôle est la date d’admission initiale, à la condition toutefois qu’il n’y ait pas eu d’interruption entre le moment où la première mesure a été levée et celui où la seconde a été décidée (C. santé publ., art. L. 3211-12-1, I, 3°).


(1)
Lopez A., Yeni I., Valdes-Boulouque M., Castoldi F., rapport IGAS-IGSJ préc.


(2)
De fait, s’agissant du mineur, ce droit au recours est limité à la mesure de soins sur décision du représentant de l’Etat ; dans les autres cas, les soins sont considérés comme « libres » (cf. encadré, p. 43).


(3)
Ce qui conduit à s’interroger, une nouvelle fois, sur l’opportunité d’un contrôle a priori du juge dès lors que, de fait, même dans l’hypothèse de l’exercice d’un recours facultatif, aucun examen par une autorité judiciaire n’interviendra vraisemblablement avant le quinzième jour.


(4)
Problématique à rapprocher de celle de la divulgation du nom du tiers à la personne faisant l’objet de la mesure de soins (cf. encadré, p. 80)  : un exemple de plus, s’il en était besoin, de l’incohérence de cette position.


(5)
Pour mémoire, le B1 ne peut être consulté que par les autorités judiciaires.


(6)
Sur l’utilité « contestable » de la communication au juge des libertés et de la détention du bulletin n° 1 du casier judiciaire du patient, cf. aussi Blisko S et Lefrand G., rapport d’information n° 4402, préc., p. 11.


(7)
Péchillon E., « Encadrement du soin sous contrainte : entre piqûre de rappel et nouvelle prescription au législateur », JCP-La semaine juridique, Edition Administrations et collectivités territoriales, n° 26, 27 juin 2011, act. 455.


(8)
Montpellier, 16 janvier 2012, n° 2012/11, préfet de l’Hérault c/ M. X.

SECTION 2 - UN CONTRÔLE RENFORCÉ DE LA MESURE D’HOSPITALISATION

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