La personne faisant l’objet de soins psychiatriques n’est heureusement plus considérée comme « un furieux », un « interdit » ; elle ne peut voir restreindre ses droits qu’autant que son état de santé l’impose.
A. LE DROIT AU RESPECT DES LIBERTÉS INDIVIDUELLES ET DE LA DIGNITÉ
[Code de la santé publique, article L. 3211-3]
Lorsqu’une personne atteinte de troubles mentaux fait l’objet de soins psychiatriques contraints, les restrictions éventuelles à l’exercice de ses libertés individuelles doivent être adaptées, nécessaires et proportionnées à son état mental et à la mise en œuvre du traitement requis.
Le malade conserve ses droits civils et civiques et peut ainsi exercer son droit de vote et se livrer aux activités religieuses ou philosophiques de son choix.
Il résulte clairement de l’article L. 3211-3 du code de la santé publique que le principe est le libre exercice de ses droits par tout malade faisant l’objet d’une mesure de soins psychiatriques. Ce principe ne souffre d’exception qu’au cas par cas et dans la limite de ce qui est strictement nécessaire.
On ne peut dès lors que s’interroger sur le contenu de certains règlements intérieurs, interdisant, par exemple, à tous les malades l’usage du téléphone portable, ou sur certaines pratiques consistant à priver systématiquement le malade de visite pendant les premiers jours de son hospitalisation...
En outre, le texte prévoit qu’en toutes circonstances la dignité de la personne doit être respectée, ce qui proscrit bien évidemment le port obligatoire du pyjama, survivance archaïque de l’époque asilaire, malheureusement encore en vigueur dans certains services comme l’a constaté le contrôleur général des lieux de privation de liberté à l’occasion de plusieurs de ses visites d’établissements.
Il est enfin rappelé, au titre des dispositions générales relatives aux droits des malades, qu’en toutes circonstances la réinsertion du patient doit être recherchée, ce qui suppose une dynamique de soins orientée vers la sortie en cas d’hospitalisation, à ce jour largement contrariée par les dispositions sécuritaires de la loi du 5 juillet 2011 précédemment analysées.
B. LES DROITS RELATIFS À LA SANTÉ
[Code de la santé publique, articles L. 1111-4, L. 3211-1 et L. 3211-3]
La personne faisant l’objet de soins psychiatriques, ou sa famille, a le droit de s’adresser au praticien ou à l’équipe de santé mentale, publique ou privée, de son choix tant à l’intérieur qu’en dehors du secteur psychiatrique correspondant à son lieu de résidence. Aucune distinction n’est établie par le législateur entre soins psychiatriques libres et soins psychiatriques contraints de ce chef.
Pour autant, en pratique, dans le domaine des soins contraints, la sectorisation et la gestion des lits disponibles prennent le pas sur ce droit reconnu au malade, souvent hospitalisé dans l’urgence ; le Conseil d’Etat a d’ailleurs jugé qu’il n’y avait pas d’atteinte illégale à ce principe dans cette situation d’urgence (1). Pour lui, en effet, si « le patient admis dans le service ou l’unité de traitement des urgences n’a pas le choix du psychiatre appelé par l’équipe médicale de ce service ou de cette unité, ni de l’établissement psychiatrique dans lequel il est éventuellement transféré, cette circonstance, qui est justifiée par la situation d’urgence à laquelle s’appliquent lesdites dispositions et dès lors que le patient conserve la liberté de choisir, dès que la situation d’urgence n’y fait plus obstacle, un autre psychiatre ou un autre établissement, ne porte pas une atteinte illégale au principe du libre choix du médecin et de l’établissement de santé par le patient ».
S’agissant du traitement lui-même, l’article L. 1111-4 du code de la santé publique interdit de pratiquer un traitement ou un acte médical sans le consentement libre et éclairé du malade, et ce consentement peut être retiré à tout moment. Le droit de refuser le traitement est ainsi lié à l’autonomie de la volonté, principe qui est en cause en matière de contrainte aux soins (les soins ne se limitant pas au traitement médicamenteux).
Le Conseil constitutionnel, appelé à se prononcer sur cette question au regard des dispositions de la loi du 27 juin 1990, a relevé l’existence d’un conflit entre des principes de valeur constitutionnelle, à savoir, d’une part, la protection de la santé et la protection de l’ordre public et, d’autre part, la liberté personnelle. Il a considéré qu’au regard des dispositions légales permettant au malade de prendre conseil auprès d’un médecin de son choix et des règles de déontologie médicale qui imposent la recherche, dans tous les cas, du consentement aux soins de la personne, le législateur avait pris des mesures assurant une conciliation qui n’était pas manifestement disproportionnée entre ces principes (2). Cette décision semble toujours d’actualité, en l’absence de modification significative apportée par la loi du 5 juillet 2011 dans ce domaine.
La Cour européenne des droits de l’homme a, pour sa part, considéré qu’une médication forcée ne constituait pas une violation de l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme, à savoir une ingérence dans la vie privée de la personne concernée, dès lors qu’elle reposait sur une base légale, visait un but légitime, à savoir dans le cas d’espèce la protection des droits et libertés d’autrui et que les médicaments administrés à l’intéressé pendant le laps de temps litigieux n’avaient pas dépassé le strict nécessaire qui, eu égard à la situation particulière et à l’urgence, s’imposait afin de protéger la vie et l’intégrité physique de celui-ci et d’autrui (3).
La loi du 5 juillet 2011 rappelle que l’avis du patient sur les modalités de soins doit être recherché et pris en considération « dans toute la mesure du possible » et qu’il doit être mis en situation de faire valoir ses observations par tout moyen sur les décisions définissant ou modifiant la forme de sa prise en charge (C. santé publ., art. L. 3211-3).
C. LE DROIT À L’INFORMATION
[Code de la santé publique, articles L. 1111-2, L. 1111-7 et L. 3211-3]
Toute personne a droit d’être informée sur son état de santé (C. santé publ., art. L. 1111-2). La loi du 5 juillet 2011 réaffirme ce principe pour la personne faisant l’objet de soins psychiatriques d’être informée des décisions prises à son encontre et de ses droits.
Ainsi doit-elle être informée, « dès que possible et de manière appropriée à son état », de la décision d’admission et des raisons qui la motivent.
De la même manière, « dès son admission ou aussitôt que son état le permet », elle doit recevoir une information sur sa situation juridique, ses droits, les voies de recours qui lui sont ouvertes et être avisée du contrôle exercé par le juge des libertés et de la détention. Cette information doit être réitérée à tout moment sur demande de l’intéressé.
Par ailleurs, avant chaque décision de maintien de soins ou définissant la forme de prise en charge, elle doit être informée de ce projet « si son état le permet ». Rappelons à ce titre que les décisions du directeur d’établissement ou les arrêtés préfectoraux décidant ou modifiant la forme de la prise en charge ainsi que les programmes de soins les accompagnant doivent être remis au patient (cf. supra, chapitre II, section 1, § 2, A, 3).
S’il est hospitalisé, le patient est par ailleurs en droit de consulter le règlement intérieur de l’établissement et doit recevoir les explications qui s’y rapportent ; à cette fin, il apparaît pour le moins souhaitable, comme cela se pratique d’ailleurs dans nombre d’établissements, que celui-ci soit affiché dans chaque pavillon dans un endroit accessible à tous.
L’intéressé peut enfin accéder à son dossier médical (C. santé publ., art. L. 1111-7).
D. LA LIBERTÉ DE COMMUNICATION
[Code de la santé publique, article L. 3211-3]
En tout état de cause, la personne bénéficiant d’une mesure de soins peut :
- communiquer avec les autorités mentionnées à l’article L. 3222-4 du code de la santé publique, à savoir le préfet, le président du tribunal de grande instance, le procureur de la République, le maire de la commune ;
- saisir la commission départementale des soins psychiatriques (CDSP) et, si elle est hospitalisée, la commission des relations avec les usagers et de la qualité de la prise en charge (CRUQPC) (cf. A savoir aussi, p. 91) ;
- porter à la connaissance du contrôleur général des lieux de privation de libertés des faits ou des situations susceptibles de relever de sa compétence ;
- prendre conseil auprès d’un médecin ou d’un avocat de son choix.
Ces droits ne peuvent être restreints en aucune circonstance. Pour permettre leur exercice effectif, il appartient aux établissements de mettre à disposition, éventuellement par voie d’affichage dans les pavillons dans un espace prévu à cet effet, les coordonnées des différents services et, s’agissant des avocats, les coordonnées de l’ordre des avocats ainsi que, le cas échéant, du ou des avocats de permanence.
Il est reconnu au malade le droit d’émettre ou de recevoir des courriers. Il s’agit là encore d’un droit absolu qui ne souffre aucune exception ou limitation. Il en résulte nécessairement que, dans l’hypothèse où l’intéressé serait physiquement empêché d’exercer ce droit, notamment par la mise en œuvre d’une mesure de contention, il est indispensable que le malade soit informé de la possibilité et mis en situation de pouvoir dicter ses courriers à un soignant ou, plus simplement, qu’il puisse entrer en contact avec sa famille ou ses proches, autorisés à saisir en ses lieu et place l’une des personnes précédemment citées, sauf à le priver de l’exercice effectif de ce droit pourtant considéré comme absolu.
S’agissant de l’usage du téléphone, le Conseil constitutionnel a considéré que, n’étant pas expressément visé comme un droit s’exerçant « en tout état de cause », il était soumis au principe général de « rigueur nécessaire » qui ne porte pas une atteinte disproportionnée à l’exercice de droits constitutionnellement garantis (4).
Concernant les détenus faisant l’objet d’une mesure de soins psychiatriques, ils bénéficient de l’ensemble de ces droits, sous réserve des restrictions rendues nécessaires par leur situation de détenu ou par leur état de santé.
Il est essentiel de rappeler que les personnes faisant l’objet d’une mesure de soins psychiatriques, dont il est important de réaffirmer qu’elles ne sont que des malades, bénéficient par principe des mêmes droits que tout citoyen, à l’exception de ceux que leur état de santé impose un temps de restreindre. Mais l’on ne peut s’en satisfaire et l’expérience montre que des efforts importants restent à faire notamment en termes d’information des patients (formation des personnels, amélioration des livrets d’accueil, affichage des informations...).
(1)
Conseil d’Etat, 21 octobre 2008, req. n° 189285, disponible sur www.legifrance.gouv.fr
(2)
Conseil constitutionnel, décision n° 2010-71 QPC du 26 novembre 2010, préc.
(3)
CEDH, 31 mars 2005, req. n° 63062/00, Schneiter c/ Suisse.
(4)
La loi du 5 juillet 2011 n’ayant apporté aucune modification aux dispositions de la loi du 27 juin 1990 sur ce point, la décision du Conseil constitutionnel du 26 novembre 2010 est toujours d’actualité (décision n° 2010-71 QPC, préc.).