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L’ADMISSION SUR DÉCISION DU DIRECTEUR D’ÉTABLISSEMENT

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[Code de la santé publique, article L. 3212-1]
Sous l’empire de la loi du 27 juin 1990, la personne atteinte de troubles mentaux hospitalisée sur décision du directeur d’établissement l’était nécessairement à la demande d’un tiers.
La loi du 5 juillet 2011 a élargi le champ de cette procédure en créant une nouvelle modalité d’admission en soins psychiatriques sans consentement sur décision du directeur d’établissement, en l’absence de tiers en faisant la demande. Prévue à l’article L. 3212-1 du code de la santé publique, elle repose sur l’existence d’un « péril imminent pour la santé de la personne ».
Concrètement, l’admission en soins psychiatriques prononcée par le directeur d’établissement intervient désormais dans deux cas : à la demande d’un tiers (selon deux modalités différentes au regard de l’existence ou non d’un risque grave d’atteinte à l’intégrité du malade) ou à l’initiative du seul médecin en cas de péril imminent.
Après avoir précisé qui peut désormais être à l’initiative d’une admission en soins psychiatriques sur décision du directeur d’établissement, il conviendra d’examiner les conditions de cette admission et la décision elle-même.
A noter :
l’établissement désigné par le directeur général de l’agence régionale de santé pour assurer sur le territoire de santé la prise en charge des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques est nécessairement un établissement de santé « autorisé en psychiatrie ». Le directeur de l’établissement peut, sous sa responsabilité, déléguer sa signature à un personnel administratif ou soignant (1) ; cette disposition revêt une importance particulière au regard de la nécessité d’organiser une permanence pour des prises de décision en urgence, la personne hospitalisée restant par principe libre de quitter l’établissement de soins tant qu’aucune décision d’admission n’a été prise.


A. L’AUTEUR DE LA DEMANDE DE SOINS

Avant la loi du 5 juillet 2011, le rôle du directeur se limitait à la vérification de la régularité de la procédure d’admission, en s’assurant de l’identité de la personne dont l’hospitalisation était demandée et de celle du tiers demandeur ainsi que de la présence au dossier de toutes les pièces exigées par les dispositions légales (C. santé publ., art. L. 3212-2 ancien).
La loi lui confère aujourd’hui en outre un pouvoir propre d’admission en cas de « péril imminent ». Cette disposition tend à répondre aux situations toujours plus fréquentes d’isolement social et à la difficulté parfois importante pour les familles d’assumer cette position de tiers demandeur à l’hospitalisation, dans des hypothèses où des soins urgents doivent être prodigués alors même que la personne est dans l’incapacité d’y consentir.


1. UN TIERS

a. Le cas général

1]. La notion de « tiers »
[Code de la santé publique, article L. 3212-1, II, 1°]
La loi du 27 juin 1990 prévoyait que la demande d’admission devait être présentée soit par un membre de la famille du malade, soit par une personne susceptible d’agir dans l’intérêt de celui-ci, à l’exclusion des personnels soignants dès lors qu’ils exerçaient dans l’établissement d’accueil.
En raison des difficultés rencontrées pour trouver un tiers acceptant de signer la demande d’admission, la pratique s’était développée de faire établir la demande par un des soignants du service d’urgence ayant reçu et dirigé le malade vers l’établissement d’accueil. Le Conseil d’Etat y a mis un terme par un arrêt du 3 décembre 2003 : « La décision d’hospitalisation sans son consentement d’une personne atteinte de troubles mentaux ne peut être prise sur demande d’un tiers que si celui-ci, à défaut de pouvoir faire état d’un lien de parenté avec le malade, est en mesure de justifier de l’existence de relations antérieures à la demande lui donnant qualité pour agir dans l’intérêt de celui-ci » (2).
La loi du 5 juillet 2011 intègre cette exigence du Conseil d’Etat qui représente une garantie supplémentaire indéniable pour la personne hospitalisée. En remplaçant par ailleurs la notion d’« hospitalisation sans consentement » par celle de « soins psychiatriques sans consentement », elle tient compte des difficultés évoquées par les familles de malades en allégeant le poids de la responsabilité de ce tiers qui, de demandeur à l’hospitalisation devient demandeur de soins, sans avoir à se prononcer sur les modalités d’exercice de ces soins.
Le directeur de l’établissement peut ainsi désormais être saisi d’une demande de soins psychiatriques :
  • par un membre de la famille du malade ;
  • par une personne justifiant de l’existence de relations avec le malade antérieures à la demande de soins et lui donnant qualité pour agir dans l’intérêt de celui-ci (3), à l’exclusion des personnels soignants exerçant dans l’établissement prenant en charge la personne malade ;
  • par le tuteur ou le curateur du malade, majeur protégé, sous réserve qu’il remplisse l’une des conditions qui précèdent.
Comme par le passé, avant d’admettre un malade en soins psychiatriques, le directeur de l’établissement d’accueil doit vérifier la régularité de la demande en s’assurant de l’identité de la personne dont l’admission est sollicitée, de celle de la personne qui formule la demande de soins et de la conformité de cette demande aux exigences légales. Si la demande est formulée par le tuteur ou le curateur du malade, celui-ci doit fournir, à l’appui de sa requête, un extrait de jugement de mise sous tutelle ou curatelle (C. santé publ., art. L. 3212-2).
UNE PRIVATION DE LIBERTÉ DÉCIDÉE PAR UNE AUTORITÉ ADMINISTRATIVE : UN ARCHAÏSME FRANÇAIS ?
Même si elle a un objet spécifique – mettre en œuvre des soins en faveur de la personne concernée –, la décision d’admission en soins psychiatriques en l’absence de consentement est une décision attentatoire aux libertés fondamentales de l’individu, et plus particulièrement lorsqu’il y a hospitalisation complète à sa liberté d’aller et venir. On peut, dès lors, valablement s’interroger sur la légitimité de l’autorité administrative pour prononcer une telle mesure privative de liberté.
La question de la judiciarisation des soins psychiatriques sans consentement est débattue depuis fort longtemps. En effet, à la suite de l’abrogation des lettres de cachet, le décret-loi des 19-22 juillet 1791 relatif à l’organisation d’une police municipale et correctionnelle, s’il prescrivait que les « furieux » devaient être mis en lieu de sûreté, prévoyait cependant qu’ils ne pouvaient être détenus qu’en vertu d’un jugement qu’il appartenait à la famille de provoquer. De même, la loi du 8 germinal an 11 (avril 1803) qui fixe les règles relatives à l’interdiction des individus « tombés dans un état de démence ou de fureur » précisait qu’il appartenait aux tribunaux seuls de constater cet état. C’est la loi de 1838 qui a confié à l’autorité administrative le pouvoir de décider de l’admission en hospitalisation contrainte. On relèvera que, si cette position semble avoir été largement admise par les parlementaires ainsi que par la majorité des aliénistes consultés, des voix s’étaient déjà fait entendre pour contester ce choix par crainte de séquestration arbitraire (4).
Lors du vote de la loi du 27 juin 1990, certains ont encore en vain tenté d’introduire la judiciarisation des procédures (5). De nombreuses personnes se déclarent toujours aujourd’hui favorables à cette position, qu’elles soient juriste (6) ou psychiatre (7).
Force est de constater qu’à ce jour, en matière de décision privative de liberté, la situation française manque de cohérence quant au choix de l’autorité décisionnaire. Ainsi, si une personne soupçonnée d’avoir commis un crime ou un délit ne peut être placée en garde à vue que sur décision du procureur de la République et ne peut y être maintenue au-delà de 48 heures que sur autorisation du juge des libertés et de la détention, un étranger en situation irrégulière et un malade nécessitant des soins psychiatriques vont pouvoir respectivement être retenu dans un centre fermé ou hospitalisé dans un établissement de soins par simple décision administrative pendant un délai de cinq jours pour l’un, de 15 jours pour l’autre, sans aucune intervention du juge des libertés et de la détention.
S’il n’est pas question de remettre en cause la nécessité d’une police administrative générale ou spéciale pour préserver l’ordre public et intervenir dans l’urgence, seule une autorité judiciaire indépendante est à même de garantir ce respect des libertés individuelles.
Telle est d’ailleurs la position prise par l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, recommandant qu’« en cas de placement non volontaire, la décision de placement dans un établissement psychiatrique [soit] prise par un juge et la durée du placement doit être précisée » (8).
C’est également en ce sens que se prononçait, il y a quelques années, le commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, estimant que, comme toute privation de liberté, l’hospitalisation à la demande d’un tiers ou l’hospitalisation d’office ne peut être établie que par un juge et non par la seule autorité administrative, sauf en ce qui concerne les décisions provisoires prises dans une situation d’urgence (9).
Une majorité d’Etats européens a suivi ces recommandations ; on peut citer, pour exemple :
  • l’Italie qui prévoit que le traitement sanitaire obligatoire (TSO) à l’hôpital – très rare en pratique –, s’il intervient sur décision provisoire du maire, doit être confirmé ou invalidé par le juge des tutelles dans les 48 heures ;
  • l’Allemagne où, uniquement en cas de trouble à l’ordre public et d’urgence, une décision provisoire du département peut être prise mais doit être confirmée par un juge dans les 24 heures. Dans les autres cas, la décision d’hospitalisation résulte d’une décision judiciaire ;
  • la Belgique où l’hospitalisation intervient sur décision du juge de paix (sauf en cas d’urgence, où la décision revient au parquet mais doit être validée dans les dix jours par le juge de paix).
Pour autant, conforté par la Cour européenne des droits de l’homme, qui n’a pas remis en cause les conditions dans lesquelles l’hospitalisation sans consentement peut être décidée en France (10), et par le Conseil constitutionnel – qui a estimé que « si l’article 66 de la Constitution exige que toute privation de liberté soit placée sous le contrôle de l’autorité judiciaire, il n’impose pas que cette dernière soit saisie préalablement à toute mesure de privation de liberté » (11)–, le législateur français n’a pas jugé opportun de confier au juge des libertés et de la détention (ou à un autre juge) le pouvoir de décider a priori des mesures de soins psychiatriques.
Il se borne à instituer un contrôle a posteriori dans un délai de 15 jours, délai dont la logique échappe tant au médecin (12) qu’au juriste (13)...
2]. La forme de la demande
[Code de la santé publique, article R. 3212-1]
La demande de soins répond à un formalisme précis ayant pour objet, outre de s’assurer que le tiers connaît bien la personne pour laquelle il sollicite des soins, de confronter ce dernier à la gravité des conséquences de sa demande. En effet, même si la décision appartient au directeur, celui-ci ne s’opposera pas à la demande dès lors qu’elle est régulière en la forme et qu’y sont joints des certificats médicaux la confortant.
C’est notamment la raison pour laquelle cette demande doit être manuscrite et comporter les mentions suivantes :
  • la formulation de la demande d’admission en soins psychiatriques ;
  • les nom, prénoms, date de naissance et domicile de la personne qui demande les soins et de celle pour laquelle ils sont demandés ;
  • le cas échéant, leur degré de parenté ou la nature des relations existant entre elles avant la demande de soins ;
  • la date ;
  • la signature.
Si la personne qui demande les soins ne sait pas ou ne peut pas écrire, la demande est reçue par le maire, le commissaire de police ou le directeur de l’établissement.

b. La procédure d’urgence : l’admission en soins psychiatriques pour risque grave d’atteinte à l’intégrité du malade

[Code de la santé publique, article L. 3212-3]
L’introduction d’une nouvelle modalité d’admission en soins psychiatriques sans consentement en cas de péril imminent (cf. infra, 2) n’a pas supprimé la procédure d’urgence qui existait sous l’empire de la loi de 1990, à savoir la procédure d’admission sur demande d’un tiers en cas de péril imminent pour la santé de la personne. Mais le législateur de 2011 distingue les deux procédures et réserve désormais la procédure d’urgence au cas où il « existe un risque grave d’atteinte à l’intégrité du malade ». Le directeur de l’établissement est alors autorisé, à titre exceptionnel, à prononcer à la demande d’un tiers l’admission en soins psychiatriques de la personne malade.


2. LE DIRECTEUR DE L’ÉTABLISSEMENT, « EN CAS DE PÉRIL IMMINENT »

[Code de la santé publique, article L. 3212-1, II, 2°]
Le groupe de travail sur l’évaluation de la loi de 1990 (14), qui proposait la suppression de la demande du tiers, relevait déjà que « hospitaliser quelqu’un contre son gré est une violence qu’on lui fait, pour de bonnes et légitimes raisons. Il n’en reste pas moins que c’est une violence et que les proches peuvent hésiter à le faire, être culpabilisés, à tout le moins ambivalents à l’égard d’une telle position ».
La loi du 5 juillet 2011 prend en compte ces difficultés et les situations, malheureusement de plus en plus nombreuses, d’isolement affectif et social des personnes atteintes de troubles psychiatriques. Sans aller jusqu’à retenir la solution préconisée par le groupe de travail, elle instaure la possibilité de mettre en œuvre des soins psychiatriques sur décision du directeur d’établissement, lorsqu’il s’avère impossible d’obtenir une demande d’un tiers et qu’il existe, à la date d’admission, un « péril imminent pour la santé de la personne ». La notion de péril imminent a été définie par la Haute Autorité de santé comme l’« immédiateté du danger pour la santé ou la vie du patient » (15).
De la même manière, si la mainlevée de la mesure est sollicitée par un proche de la personne faisant l’objet de soins, le directeur de l’établissement pourra s’y opposer si un certificat médical de moins de 24 heures précise que l’arrêt des soins entraînerait un « péril imminent » pour la santé de la personne concernée (C. santé publ., art. L. 3212-9, al. 2 ; cf. infra, section 3, § 2, A, 2, b).


B. LES CONDITIONS D’ADMISSION EN SOINS PSYCHIATRIQUES

La mesure de soins psychiatriques ne peut être ordonnée par le directeur d’établissement que sur production d’un ou de plusieurs certificats médicaux attestant que le malade se trouve dans une situation répondant aux critères définis par la loi.


1. LES CRITÈRES D’ADMISSION EN SOINS PSYCHIATRIQUES SUR DÉCISION DU DIRECTEUR D’ÉTABLISSEMENT

[Code de la santé publique, article L. 3212-1, I]
La loi du 5 juillet 2011 reprend, en les aménageant au regard de la diversification des modalités de prise en charge, les critères retenus par la loi de 1990. Ainsi, une personne atteinte de troubles mentaux ne peut faire l’objet de soins psychiatriques sur la décision du directeur d’établissement que si les deux conditions suivantes sont réunies :
  • ses troubles mentaux rendent impossible son consentement ;
  • son état mental impose des soins immédiats assortis soit d’une surveillance médicale constante justifiant une hospitalisation complète, soit d’une surveillance médicale régulière justifiant une autre forme de prise en charge.
S’agissant du consentement de la personne faisant l’objet des soins, celui-ci doit être recherché autant que possible, la loi rappelant que la modalité de soins qui doit être privilégiée est celle dite des soins psychiatriques libres. Ce consentement, tel que cela a été relevé précédemment (cf. supra, chapitre I, section 2, § 2, C), peut toutefois se révéler fluctuant, aléatoire alors même que l’efficacité des soins suppose leur observance sur une certaine durée ; l’appréciation de l’impossibilité de consentir doit dès lors nécessairement tenir compte de cette difficulté, le temps que puisse se nouer une véritable alliance thérapeutique.
S’agissant de la nécessité des soins, la loi ne fixe toujours aucun critère permettant de la définir (16). La Haute Autorité de santé recommandait, sous l’empire de la loi de 1990, « de se référer aux critères cliniques et de recourir à l’hospitalisation sans consentement si le refus d’hospitalisation peut entraîner une détérioration de l’état du patient ou l’empêcher de recevoir un traitement approprié » (17).


2. L’ÉVALUATION MÉDICALE

La loi du 5 juillet 2011 n’innove pas sur ce point. C’est toujours au médecin que revient la responsabilité d’évaluer la situation et d’attester, le cas échéant, que les conditions d’admission en soins psychiatriques de l’intéressé sont bien réunies.

a. Le principe

Dans l’hypothèse d’une demande émanant d’un tiers, la décision d’admission en soins psychiatriques ne peut intervenir que sur la foi de deux certificats médicaux circonstanciés, datant de moins de 15 jours, attestant que les critères d’admission précédemment définis sont bien réunis :
  • le premier certificat médical ne peut être établi que par un médecin n’exerçant pas dans l’établissement d’accueil. Il doit constater l’état mental de la personne malade, indiquer les caractéristiques de sa maladie et la nécessité de recevoir des soins ;
  • il doit être confirmé par un certificat d’un second médecin qui peut exercer dans l’établissement de soins accueillant le malade.
Les deux médecins ne doivent pas être parents ou alliés jusqu’au 4e degré (c’est-à-dire, par exemple, cousin germain, petit-neveu, arrière arrière-petit-fils...) ni entre eux, ni avec le directeur de l’établissement qui prononce la décision d’admission, ni avec la personne ayant demandé les soins (le tiers) ou avec la personne faisant l’objet de ces soins.
Le transport sous contrainte de la personne concernée vers l’établissement de soins ne sera possible qu’après l’établissement du premier des deux certificats médicaux et la rédaction de la demande de soins par le tiers (C. santé publ., art. L. 3222-1-1, al. 2).

b. En cas d’urgence

[Code de la santé publique, article L. 3212-3]
En cas d’urgence, lorsqu’il existe un risque grave d’atteinte à l’intégrité du malade, le directeur d’établissement peut, à titre exceptionnel, prononcer à la demande d’un tiers l’admission en soins psychiatriques de la personne malade au vu d’un seul certificat médical qui peut émaner d’un médecin exerçant dans l’établissement d’accueil. Même si le texte ne le précise pas expressément, ce certificat doit impérativement être circonstancié, constater l’état mental de l’intéressé, indiquer les caractéristiques de sa maladie et la nécessité de recevoir des soins et attester que les conditions d’admission en soins psychiatriques sur décision du directeur d’établissement sont bien réunies. Dans ce cas, les certificats médicaux intervenant dans les 24 heures et les 72 heures suivant l’admission (cf. infra, section 2, § 1, B) sont établis par deux psychiatres distincts.
La notion de « risque grave d’atteinte à l’intégrité du malade » remplace donc celle de « péril imminent » que retenait la loi de 1990. Il appartient au médecin signataire du certificat d’admission de préciser les circonstances de nature à justifier l’urgence de la situation au regard notamment de conduites à risque de l’intéressé le mettant gravement en danger.
Aucune disposition particulière n’est prévue en l’espèce s’agissant de l’éventuel transport sous contrainte du malade, ce qui s’explique par le fait que cette modalité d’admission concerne généralement les personnes qui se présentent spontanément ou accompagnées de tiers à l’hôpital ; le transport sous contrainte éventuelle ne sera utilisé que si un certificat médical préalable a constaté la nécessité de l’hospitalisation.

c. En cas de péril imminent pour la santé

[Code de la santé publique, article L. 3212-1, II, 2°]
La notion de « péril imminent » est désormais réservée à l’hypothèse d’admission en soins psychiatriques sur décision du directeur d’établissement en l’absence de toute demande de tiers. La loi du 5 juillet 2011 entend ainsi réserver cette possibilité aux situations d’urgence absolue, le péril imminent étant défini, nous l’avons vu par la Haute Autorité de santé, comme « l’immédiateté du danger pour la santé ou la vie du patient ».
Le péril imminent pour la santé de la personne doit être dûment constaté par un certificat médical établi dans les mêmes conditions que le premier des certificats requis pour l’admission à la demande d’un tiers. Il doit donc émaner d’un médecin n’exerçant pas dans l’établissement d’accueil et n’étant ni parent ni allié jusqu’au 4e degré avec la personne malade et le directeur. Il constate l’état mental du patient, indique les caractéristiques de sa maladie et la nécessité de recevoir des soins.
Enfin, dans cette hypothèse, le directeur de l’établissement d’accueil doit informer dans les 24 heures, sauf difficultés particulières, la famille de la personne qui fait l’objet des soins et, le cas échéant, le tuteur ou le curateur ou, à défaut, toute personne justifiant de l’existence de relations avec le malade antérieures à la demande de soins lui donnant qualité pour agir dans son intérêt. Le ministère de la Santé précise qu’il faut entendre par « difficultés particulières » principalement les situations où l’identité du patient reste inconnue, celles où il serait impossible d’identifier un proche ou un membre de la famille ou de savoir où le contacter (patient silencieux, absence de papiers...). Cependant, prévient-il, « tous les cas ne peuvent être envisagés ici, ce type de formule visant justement à permettre de faire face à des situations particulières et imprévisibles pour éviter d’imposer une formalité impossible à respecter » (18).
Le transport sous contrainte de la personne concernée vers l’établissement de soins ne sera possible qu’après établissement du certificat médical prévu par la loi.


C. LA DÉCISION D’ADMISSION

Les juridictions administratives, tant sous l’empire de la loi du 30 juin 1838 (19) que sous celle du 27 juin 1990 (20), considéraient que la décision d’admission du directeur d’établissement n’avait pas à être formalisée par écrit ni à être motivée.
Cette jurisprudence reste manifestement applicable aux décisions prises avant le 1er août 2011, date d’entrée en vigueur de la loi du 5 juillet 2011. Il est cependant souhaitable que la décision d’admission soit formalisée par écrit, ne serait-ce que parce qu’elle constitue, le plus souvent, le point de départ du délai de 15 jours avant l’expiration duquel le juge va devoir exercer son contrôle (le bulletin d’entrée à l’hôpital ne valant pas preuve de l’admission au sens de la loi) ; le ministère de la Santé a d’ailleurs mis en ligne à cet effet des modèles de décision sur son site (21).
Il apparaît important de préciser ici que, si cette décision d’admission n’est pas nécessairement contemporaine à l’entrée à l’hôpital, elle doit intervenir à très brefs délais dès lors qu’il est fait usage de mesures de contrainte à l’égard du malade (hospitalisation dans un pavillon fermé, mesure d’isolement voire de contention) (22). A défaut, outre l’indemnisation qui pourrait être sollicitée par l’intéressé de ce chef, cette période d’« internement abusif » est susceptible d’entraîner la nullité de la décision d’admission subséquente.


(1)
Le directeur d’un établissement public de santé peut déléguer sa signature ; cette délégation doit nécessairement mentionner le nom et la fonction du délégataire ainsi que la nature des actes délégués ; elle doit être notifiée à l’intéressé et publiée par tout moyen la rendant consultable (C. santé publ., art. L. 6143-7 et D. 6143-33 à D. 6143-35).


(2)
Conseil d’Etat, 3 décembre 2003, req. n° 244867, disponible sur www.legifrance.gouv.fr


(3)
Sous l’empire de la loi de 1990, le ministère de la Santé admettait que la demande puisse être signée notamment par l’assistante sociale qui fait partie de l’équipe pluridisciplinaire mais n’est pas personnel soignant, dès lors qu’elle avait rencontré la personne concernée (Fiches d’information du 13 mai 1991). Pour Olivier Dupuy, « l’assistant de service social assurant le suivi de la personne en amont de la procédure de soins sans consentement sur demande d’un tiers semble vérifier la condition [...] énoncée par la loi du 5 juillet 2011, les relations qu’il entretient avec le malade revêtant un caractère professionnel », Dupuy O., Droit et psychiatrie, la réforme du 5 juillet 2011 expliquée, Heures de France, 2011.


(4)
Notamment les députés Odilon Barrot et François-André Isambert. Cf. Landron G., « Du fou social au fou médical : genèse parlementaire de la loi du 30 juin 1838 sur les aliénés », Déviance et société, 1995, volume 19, n° 1, pp. 3 – 21.


(5)
Sénat, avis n° 241, Dreyfus-Schmidt, 17 avril 1990.


(6)
Boumaza A., « Plaidoyer pour la “judiciarisation” du contentieux de l’hospitalisation psychiatrique », La Gazette du Palais, 13 et 14 juillet 2005, p. 7-14 ; « Hospitalisation psychiatrique et droits de l’homme », éditions du Ctnerhi, coll. « Point sur », 2002.


(7)
Zagury D., « La loi sur la psychiatrie est l’indice d’un Etat qui préfère punir que guérir », Le Monde, 22 mars 2011.


(8)
Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, recommandation n° 1235 relative à la psychiatrie et aux droits de l’homme, 12 avril 1994.


(9)
Gil-Robles A., « Rapport au Comité des ministres et à l’Assemblée parlementaire sur sa visite en France du 5 au 21 septembre 2005 », 15 février 2006.


(10)
CEDH, 14 avril 2011, req. n° 35079/06, dit « Patoux contre France » et CEDH, 18 novembre 2010, req. n° 35935/03, dit « Baudoin contre France », disponible sur www.echr.coe.int.


(11)
Conseil constitutionnel, décision n° 2010-71 QPC, 26 novembre 2010, JO du 27-11-10 et décision n° 2011-135/140 QPC, 9 juin 2011, JO du 10-06-11.


(12)
Pour nombre de psychiatres, ce délai n’a pas beaucoup de sens au regard du délai moyen d’hospitalisation, notamment pour les crises psychotiques (trois à quatre semaines).


(13)
Péchillon E., « Encadrement du soin sous contrainte : entre piqûre de rappel et nouvelle prescription au législateur – A propos de la décision du Conseil constitutionnel, n° 2011-135/140 QPC, 9 juin 2011 », JCP – La semaine juridique-Edition Administrations et collectivités territoriales, n° 26, 27 juin 2011, act. 455.


(14)
Strohl H. et Clemente M., rapport du groupe national d’évaluation de la loi du 27 juin 1990, préc.


(15)
Haute Autorité de santé, « Modalités de prise de décision concernant l’indication en urgence d’une hospitalisation sans consentement d’une personne présentant des troubles mentaux », préc.


(16)
Contrairement, par exemple, au Royaume-Uni où le Mental Health Act de 1983 définit et classifie les troubles mentaux sur la base desquels se déclinent les modes d’admission sous contrainte.


(17)
Haute Autorité de la santé, « Modalités de prise de décision concernant l’indication en urgence d’une hospitalisation sans consentement d’une personne présentant des troubles mentaux », préc.


(18)
Foire aux questions – Réforme des soins psychiatriques, octobre 2011, consultables sur www.sante.gouv.fr/la-reforme-de-la-loi-relative-aux-soins-psychiatriques


(19)
Conseil d’Etat, 12 décembre 1997, req. n° 139292, disponible sur www.legifrance.gouv.fr


(20)
CAA Douai, 8 juillet 2004, hôpital des Flandres, CAA Paris 31 décembre 2008, centre hospitalier Esquirol.




(22)
Conseil d’Etat, 18 octobre 1989, req. n° 75096, préc.

SECTION 1 - L’ADMISSION EN SOINS PSYCHIATRIQUES

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