C’est dans la différence significative des conditions et procédure de modification ou de mainlevée entre les mesures de soins psychiatriques prononcées sur décision du directeur de l’établissement et celles qui sont prononcées sur décision du représentant de l’Etat que l’on perçoit la prévalence de l’approche sécuritaire sur les objectifs sanitaires dans ce texte.
Ainsi, si la proposition ou l’avis du psychiatre conserve un rôle déterminant en matière de modification ou de mainlevée des mesures de soins psychiatriques décidées par le directeur de l’établissement, les préoccupations d’ordre et de sécurité publics ont conduit à un durcissement des conditions de mainlevée ou d’allégement des mesures de soins psychiatriques décidées par le représentant de l’Etat dans le département.
A. EN MATIÈRE DE SOINS PSYCHIATRIQUES SUR DÉCISION DU DIRECTEUR D’ÉTABLISSEMENT
1. LES MODIFICATIONS DES MODALITÉS DE PRISE EN CHARGE
[Code de la santé publique, article L. 3211-11]
Le psychiatre qui participe à la prise en charge du malade a, en l’espèce, un pouvoir d’initiative et de décision important dès lors que, si la modification de la forme de la prise en charge relève d’une décision administrative du directeur d’établissement, celui-ci a une compétence liée en la matière.
Le psychiatre peut ainsi à tout moment pour tenir compte de l’évolution de l’état de la personne :
- proposer de lever la mesure d’hospitalisation complète et de poursuivre la prise en charge dans le cadre d’un programme de soins ;
- proposer une hospitalisation complète s’il constate que la prise en charge de la personne sous une autre forme ne permet plus de dispenser les soins nécessaires à son état.
Dans les deux cas, le directeur d’établissement ne dispose d’aucun pouvoir d’appréciation. Il est tenu de modifier la forme de prise en charge dans le sens de la proposition formulée par le psychiatre dans un certificat ou un avis médical circonstancié.
Lorsque la personne concernée a été admise en soins psychiatriques à la demande d’un tiers et est prise en charge sous la forme d’une hospitalisation complète, le directeur de l’établissement doit informer le tiers ayant demandé les soins de toute décision qui modifie la forme de cette prise en charge (C. santé publ., art. L. 3112-5, III).
2. LA MAINLEVÉE DE LA MESURE DE SOINS
[Code de la santé publique, articles L. 3212-8 et L. 3212-9]
La question évoquée ici est celle de la mainlevée de la mesure de soins psychiatriques, et non de la simple mainlevée de la mesure d’hospitalisation complète (qui relève des observations qui précèdent sur la modification des modalités de prise en charge) ; ne seront pas plus évoquées ici les conditions de mainlevée de la mesure par le juge des libertés et de la détention dans le cadre de la procédure de contrôle systématique ou des recours qui peuvent lui être soumis (cf. infra, chapitre III).
En dehors des modifications liées à l’instauration de la période d’observation, les conditions de mainlevée de la mesure de soins psychiatriques sur décision du directeur d’établissement restent sensiblement les mêmes que sous l’empire de la loi du 27 juin 1990. La décision peut être prise à l’initiative de plusieurs intervenants.
a. A l’initiative du médecin
[Code de la santé publique, articles L. 3211-2-2, L. 3212-7 et L. 3212-8]
Le directeur de l’établissement doit prononcer immédiatement la levée de la mesure de soins psychiatriques :
- au cours de la période d’observation, si le certificat de 24 heures ou le certificat de 72 heures conclut que la mesure de soins n’est plus justifiée ;
- dès qu’un psychiatre de l’établissement certifie que les conditions ayant motivé cette mesure ne sont plus réunies.
Par ailleurs, le défaut de production d’un des certificats, avis médicaux ou attestations requis, sur le fondement duquel le directeur d’établissement peut décider du maintien des soins (certificat de huitaine, certificats mensuels, évaluation ou attestation du collège), entraîne la mainlevée de la mesure. Le directeur d’établissement doit ordonner cette mainlevée, faute de quoi il s’exposerait à une sanction pénale (un an d’emprisonnement et 15 000 € d’amende, C. santé publ., art. L. 3215-1).
b. A l’initiative des proches
[Code de la santé publique, article L. 3212-9]
L’ancien article L. 3212-9 du code de la santé publique, modifié par la loi du 4 mars 2002, prévoyait déjà qu’une personne hospitalisée à la demande d’un tiers devait cesser d’y être retenue dès lors que la levée de l’hospitalisation était requise par le curateur désigné à cet effet, par le conjoint ou le concubin, s’il n’y a pas de conjoint par les ascendants, s’il n’y a pas d’ascendants par les descendants majeurs, ainsi que, in fine, par la personne qui a signé la demande d’admission à moins qu’un parent jusqu’au sixième degré ne s’y oppose.
La loi du 5 juillet 2011 maintient, sous certaines réserves, cette obligation pour le directeur d’établissement de prononcer la mainlevée de la mesure de soins lorsqu’elle est requise par les proches de l’intéressé ; elle supprime cependant la hiérarchie organisée par l’ancien texte.
Désormais, la mesure doit être levée par le directeur à la demande de l’une des personnes que ce dernier doit informer dans l’hypothèse d’une admission pour péril imminent, à savoir :
- la famille de la personne qui fait l’objet de soins ;
- le cas échéant la personne chargée de la protection juridique de l’intéressé ;
- ou à défaut toute personne justifiant de l’existence de relations avec la personne malade antérieures à l’admission en soins et lui donnant qualité pour agir dans l’intérêt de celle-ci.
La possibilité pour les soignants de s’opposer à cette demande de mainlevée est, quant à elle, renforcée. Ainsi la nouvelle loi prévoit-elle, comme cela était déjà le cas sous l’empire de la loi du 27 juin 1990, qu’un psychiatre de l’établissement peut, s’il estime que l’état mental d’une personne répond aux conditions d’admission en soins psychiatriques sur décision du représentant de l’Etat (nécessité de soins et sûreté des personnes compromises ou risque d’atteinte grave à l’ordre public), établir un certificat médical en ce sens. Dans ce cas, le directeur de l’établissement, avant de faire droit à la demande de mainlevée des proches, doit informer le préfet qui peut prononcer l’admission sur ce nouveau fondement.
Mais, au-delà même de cette situation, l’article L. 3212-9 du code de la santé publique prévoit désormais qu’un psychiatre de l’établissement peut établir un certificat s’il estime que l’arrêt des soins entraînerait un péril imminent pour la santé du patient. Dans ce cas, le directeur de l’établissement n’est pas tenu de faire droit à la demande de mainlevée (cette mainlevée peut être alors sollicitée auprès du juge des libertés et de la détention, cf. infra, chapitre III).
Dans les deux situations exposées ci-dessus, le certificat médical sur le fondement duquel la décision est prise doit dater de moins de 24 heures.
c. A l’initiative de la commission départementale des soins psychiatriques
[Code de la santé publique, article L. 3212-9]
Le directeur de l’établissement doit prononcer la mainlevée lorsqu’elle est demandée par cette commission chargée du contrôle des mesures de soins psychiatriques (cf. infra, chapitre III, section 1, § 2, A, 1).
d. Sur décision du représentant de l’Etat
La loi du 5 juillet 2011 confirme le rôle de contrôle des mesures de soins psychiatriques sur décision du directeur d’établissement, confié au préfet depuis la loi du 30 juin 1838, en rappelant que ce dernier peut ordonner la levée immédiate d’une telle mesure si les conditions ayant justifié l’admission de ce chef ne sont plus réunies.
On peut s’interroger sur l’opportunité du maintien de ce contrôle compte tenu du rôle accru du juge des libertés et de la détention qui, au-delà même du contrôle systématique des mesures et de l’examen des requêtes en mainlevée dont il peut être saisi par les personnes concernées mais aussi par toute personne susceptible d’agir dans leur intérêt, peut à tout moment se saisir d’office. Certains y verront comme un signe de plus de la volonté du législateur, contraint par le Conseil constitutionnel à renforcer le rôle du juge, de maintenir l’autorité administrative, et plus particulièrement le préfet, au cœur du dispositif.
B. EN MATIÈRE DE SOINS PSYCHIATRIQUES SUR DÉCISION DU REPRÉSENTANT DE L’ÉTAT
Le rapport du groupe national d’évaluation de la loi du 27 juin 1990, dit rapport Strohl, souhaitait en finir avec l’image du « fou dangereux » rappelant que « la forme que prennent les troubles mentaux au moment de l’entrée (crise) à l’hôpital ne préjuge pas de l’évolution de la pathologie. Il n’y a donc pas de raison d’entourer la sortie d’un malade hospitalisé d’office de plus de précautions que celle d’un malade hospitalisé à la demande d’un tiers... C’est l’avis du médecin traitant hospitalier qui doit être déterminant... ».
Tel n’est pas le sens de l’évolution ni des pratiques, ni de la législation qui met clairement l’accent sur la dangerosité. Ainsi, comme l’a relevé le contrôleur général des lieux de privation de liberté, dans son avis du 15 février 2011, l’avis des psychiatres relatif à une fin de l’hospitalisation d’office est regardé par l’autorité publique avec méfiance, et des enquêtes sont ordonnées auprès des autorités de police ou de gendarmerie alors même qu’elles « ne peuvent porter par définition que sur des faits antérieurs à l’hospitalisation et, par conséquent, ne sauraient apporter aucune indication sur l’état de santé du patient au terme du traitement dispensé à l’hôpital ».
La loi du 5 juillet 2011 ne fait que confirmer cette évolution que certains qualifieront de « dérive » et, par là même, la prévalence du rôle du préfet sur celui du médecin, même si elle confie un rôle nouveau au juge des libertés et de la détention en lui donnant pour mission de trancher leurs désaccords.
1. LA MODIFICATION DES MODALITÉS DE PRISE EN CHARGE
[Code de la santé publique, articles L. 3211-11 et R. 3211-1]
a. Une proposition du médecin
Le psychiatre assurant la prise en charge du patient conserve un pouvoir d’initiative à cet égard puisqu’il lui revient le soin de se prononcer dans les certificats ou avis médicaux obligatoires (certificat de huitaine et certificats mensuels) ou de proposer spontanément une modification de la forme de la prise en charge du patient.
Il peut ainsi proposer, pour tenir compte de l’évolution de l’état de santé de la personne, de mettre fin à la mesure d’hospitalisation complète et de poursuivre les soins dans le cadre d’un programme de soins ou, si tel est déjà le cas, de modifier le programme de soins en cours.
Dans cette dernière hypothèse, la modification s’applique de plein droit sauf si elle a pour effet de changer substantiellement la modalité de prise en charge, auquel cas le préfet doit en être informé.
Il doit par ailleurs proposer une réadmission en hospitalisation complète s’il estime que, du fait du comportement de la personne, les soins nécessaires à son état ne peuvent plus être dispensés dans le cadre du programme de soins mis en œuvre.
Pour autant, il convient d’observer que la loi du 5 juillet 2011 ne prévoit pas de signalement systématique au préfet de l’inobservance par le patient de son programme de soins. Dans l’hypothèse où le médecin estime que ni l’importance des manquements au programme de soins, ni leur impact sur la santé du patient ne justifient une réadmission en hospitalisation complète, il peut simplement décider d’une modification de ce programme de soins.
b. Une décision du représentant de l’Etat
[Code de la santé publique, articles L. 3213-3, III et R. 3213-1]
Le préfet doit statuer sur les propositions de modification de la prise en charge « après réception des certificats ou avis médicaux... » sans autre précision. Le ministère de la Santé, dans les réponses apportées sur son site dans le cadre de la foire aux questions (1), considère que, par analogie avec le délai prévu pour la prise de décision initiale sur la forme de la prise en charge (C. santé publ., art. L. 3213-1, II) et avec celui qui est accordé pour se prononcer sur une proposition de mainlevée de la mesure (C. santé publ., art. L. 3213-5), le préfet doit se prononcer dans un délai de trois jours francs. Cette analyse paraît tout à fait pertinente.
La loi rappelle expressément au préfet qu’il doit se prononcer « en tenant compte des exigences liées à la sûreté des personnes et à l’ordre public », éventuellement après expertise. Dans l’hypothèse où il sollicite l’avis d’un expert, celui-ci dispose d’un délai de dix jours pour déposer son rapport. Passé ce délai, le préfet doit rendre sa décision.
Le préfet n’est pas tenu de suivre l’avis du psychiatre et peut donc s’opposer à la demande de mainlevée de la mesure d’hospitalisation complète. S’agissant de la modification du programme de soins en cours, s’il n’est pas lui-même habilité à le modifier, il doit être informé de toute modification substantielle et peut prendre un arrêté maintenant les conditions de prise en charge du patient, alors que le médecin propose de les modifier.
Le préfet peut donc ainsi aujourd’hui empêcher un allègement de la mesure de soins souhaité par le psychiatre assurant la prise en charge du patient dans un souci de réadaptation progressive de l’intéressé à la vie sociale.
c. En cas de désaccord
[Code de la santé publique, article L. 3213-9-1]
Lorsque le préfet décide de ne pas suivre l’avis du psychiatre constatant qu’une mesure de soins psychiatriques sous la forme d’une hospitalisation complète n’est plus nécessaire et proposant la mise en œuvre d’un programme de soins, il doit en informer sans délai le directeur de l’établissement. Ce dernier demande immédiatement l’examen de la personne par un second psychiatre qui doit rendre son avis dans un délai maximal de 72 heures à compter de la décision du représentant de l’Etat.
Dans l’hypothèse où ce second avis confirme l’absence de nécessité d’une hospitalisation complète, le préfet est alors tenu d’ordonner la mainlevée de la mesure ou la poursuite des soins sous une autre forme (telle que proposée par le psychiatre). Il n’est pas prévu qu’il puisse différer sa prise de décision en ordonnant une expertise.
Dans l’hypothèse où le second avis n’est pas conforme au premier, le préfet peut décider de ne pas faire droit à cette demande de modification de la forme de prise en charge. La seule option possible est alors la saisine du juge des libertés et de la détention aux fins de mainlevée de la mesure d’hospitalisation complète (C. santé publ., art. L. 3211-12).
Cette procédure n’est, par ailleurs, pas applicable en cas de refus par le préfet d’entériner la modification substantielle du programme de soins proposée par le psychiatre. Dans cette hypothèse, le juge des libertés et de la détention peut être éventuellement saisi aux fins de mainlevée de la mesure de soins, mais il n’est pas habilité à se prononcer sur la modification du programme de soins.
2. LA MAINLEVÉE DE LA MESURE DE SOINS
a. De plein droit
[Code de la santé publique, article L. 3213-4, alinéa 2]
La mainlevée de la mesure de soins psychiatriques sera acquise de plein droit faute de décision du préfet à l’issue de chacun des délais butoirs prévus pour le renouvellement de la mesure (à savoir, premier mois à compter de l’admission, puis quatrième mois, dizième mois...).
Le directeur de l’établissement encourt une sanction pénale s’il maintient la mesure de soins alors que le représentant de l’Etat ne s’est pas prononcé dans les délais requis (C. santé publ., art. L. 3215-1).
b. Sur proposition de la commission départementale des soins psychiatriques
[Code de la santé publique, article L. 3213-4, alinéa 3]
Le préfet peut, à tout moment, mettre fin à la mesure de soins prise en application de l’article L. 3213-1 du code de la santé publique, sur proposition de la commission départementale des soins psychiatriques.
Il s’agit d’une simple opportunité. Le préfet peut ordonner une expertise s’il l’estime nécessaire. Si le préfet refuse d’ordonner la mainlevée, la commission a toujours la possibilité de solliciter le juge des libertés et de la détention aux mêmes fins.
c. A l’initiative du médecin
[Code de la santé publique, articles L. 3213-4 et L. 3213-5]
Le préfet peut enfin, à tout moment, mettre un terme à la mesure de soins prise en application de l’article L. 3213-1 du code de la santé publique après avis d’un psychiatre participant à la prise en charge attestant que les conditions ayant justifié la mesure de soins ne sont plus réunies.
Il s’agit, là encore, d’une simple opportunité pour le représentant de l’Etat qui peut s’y opposer.
Dans l’hypothèse, et seulement celle-ci, où la mesure de soins dont la mainlevée est sollicitée s’exerce sous la forme d’une hospitalisation complète (2) et où le psychiatre formule une proposition de mainlevée pure et simple de la mesure de soins sans programme de soins (3), le directeur est tenu d’en référer dans les 24 heures au représentant de l’Etat. Ce dernier doit statuer dans un délai de trois jours francs à compter de la réception du certificat médical. Il peut également ordonner une expertise, auquel cas le délai qui lui est accordé pour statuer est prolongé de 14 jours au maximum à compter de l’ordonnance de désignation d’expert.
S’il décide de ne pas ordonner la mainlevée de la mesure de soins sous forme d’une hospitalisation complète, le préfet doit en aviser le directeur qui saisit le juge des libertés et de la détention afin qu’il statue à bref délai sur la mesure selon la procédure prévue à l’article L. 3211-12 du code de la santé publique (cf. infra, chapitre III) ; cette saisine n’a pas lieu d’être si la décision du représentant de l’Etat intervient avant l’expiration du délai de 15 jours prévu pour le contrôle systématique opéré par le juge des libertés et de la détention.
La modification des modalités de prise en charge ainsi que la mainlevée de la mesure de soins psychiatriques sont soumises à des conditions encore plus strictes dans les situations qu’il convient d’évoquer à présent.
(1)
Foire aux questions – Réforme des soins psychiatriques, octobre 2011, consultable sur www.sante.gouv.fr/la-reforme-de-la-loi-relative-aux-soins-psychiatriques
(2)
L’article L. 3213-5 ne s’applique qu’aux situations d’hospitalisation complète. En cas de désaccord entre le psychiatre et le préfet sur une proposition de mainlevée d’une mesure de soins s’exerçant sous la forme d’un programme de soins, seul le patient ou l’une des personnes autorisées pourra saisir le juge des libertés et de la détention d’une requête sur le fondement de l’article L. 3211-12 du code de la santé publique ; il n’est pas interdit au psychiatre, en qualité de « personne intéressée » d’informer le juge des libertés et de la détention sur la situation du malade dans le cadre du pouvoir de saisine d’office de celui-ci.
(3)
Si le psychiatre propose simplement la mainlevée de la mesure d’hospitalisation complète, c’est la procédure prévue par l’article L. 3213-9-1 du code de la santé publique qui s’applique en cas de désaccord.