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LA CRÉATION D’UN RÉGIME PROCÉDURAL DÉROGATOIRE

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L’ancien article L. 3213-8 du code de la santé publique, issu de la loi du 27 juin 1990, prévoyait la nécessité d’une double expertise conforme pour autoriser la mainlevée de la mesure d’hospitalisation d’un malade admis pour cause d’irresponsabilité pénale.
La loi du 5 juillet 2011 va encore plus loin avec la stigmatisation d’une catégorie de malades mentaux réputés particulièrement dangereux et l’élaboration d’une réglementation particulière les concernant.


A. DES PATIENTS PAS COMME LES AUTRES...

La loi du 5 juillet 2011, au mépris des observations de nombre de psychiatres rappelées notamment dans le rapport Strohl, retient deux critères qui déterminent, selon elle, une dangerosité potentiellement élevée justifiant des mesures de protection particulières.
Le premier est lié aux motifs ayant conduit à l’admission en soins psychiatriques de l’intéressé et crée l’amalgame entre troubles mentaux, délinquance et dangerosité. Le second tient aux conditions particulières mises en œuvre pour la prise en charge du patient.
Sont ainsi concernées par ce dispositif dérogatoire :
  • les personnes faisant l’objet d’une mesure de soins psychiatriques, qui s’exerce sous la forme d’une hospitalisation complète, en application des dispositions de l’article L. 3213-7 du code de la santé publique ou de l’article 706-135 du code de procédure pénale (c’est-à-dire celles qui ont bénéficié d’une décision d’irresponsabilité pénale, pour quelque infraction que ce soit) ;
  • les personnes faisant l’objet d’une mesure de soins, en application des dispositions de l’article L. 3213-1 du code de la santé publique, qui s’exerce sous la forme d’une hospitalisation complète en unité pour malades difficiles ;
  • les personnes faisant l’objet d’une mesure de soins en application des dispositions de l’article L. 3213-1 du code de la santé publique et qui ontfait l’objet d’une hospitalisation en application des dispositions de l’article L. 3213-7 du code de la santé publique ou de l’article 706-135 du code de procédure pénale (irresponsabilité pénale) qui a pris fin depuis moins de dix ans ;
  • les personnes faisant l’objet d’une mesure de soins en application des dispositions de l’article L. 3213-1 du code de la santé publique et qui ont fait l’objet d’une hospitalisation en unité pour malades difficiles d’une durée continue minimale de un an qui a pris fin depuis moins de dix ans.
L’un des principaux reproches faits à ce dispositif particulier tient à la création d’un véritable « casier judiciaire psychiatrique », bénéficiant de modalités d’effacement très limitées, puisque le « droit à l’oubli » ne sera acquis que si la mesure de soins psychiatriques mise en œuvre à la suite d’une décision d’irresponsabilité pénale ou si la mesure d’hospitalisation en unité pour malades difficiles a pris fin depuis au moins dix ans.


B. ... SE VOYANT APPLIQUER UN RÉGIME PARTICULIER

Celui-ci va se manifester par la multiplication des avis médicaux requis pour autoriser une prise en charge sous une autre forme que l’hospitalisation complète ainsi que pour l’allégement ou la mainlevée de la mesure de soins concernée.


1. LA MULTIPLICATION DES AVIS MÉDICAUX REQUIS

La loi du 5 juillet 2011 crée l’obligation pour le directeur de l’établissement, dans certaines circonstances limitativement énumérées, de convoquer un collège chargé d’émettre un avis sur la situation de l’intéressé. Elle réaffirme par ailleurs la nécessité de solliciter l’avis d’experts avant de décider d’une « mise en liberté » de certains patients.

a. Le collège

[Code de la santé publique, articles L. 3211-9, R. 3211-2 et R. 3211-6]
Ce collège doit être composé de trois membres du personnel de l’établissement d’accueil du malade, à savoir :
  • le psychiatre responsable à titre principal du patient ou, à défaut, un autre psychiatre participant à sa prise en charge ;
  • un psychiatre ne participant pas à la prise en charge du patient ;
  • un représentant de l’équipe pluridisciplinaire participant à la prise en charge du patient.
Les deux derniers membres du collège sont désignés par le directeur de l’établissement. C’est sur la convocation de ce dernier que le collège se réunit. L’avis du collège, qui doit être rendu dans des délais brefs mais variables selon les situations, est transmis sans délai au directeur de l’établissement.

b. Les expertises

[Code de la santé publique, articles L. 3213-5-1 et L. 3213-8]
Le représentant de l’Etat dans le département, comme le juge des libertés et de la détention, peut ordonner une expertise avant toute décision. Lorsque la mainlevée d’une mesure de soins concernant une personne relevant du régime dérogatoire est sollicitée, cette expertise devient obligatoire et il est prévu la désignation de deux experts.
Ces experts ne peuvent appartenir à l’établissement d’accueil de la personne concernée et doivent être inscrits sur une liste spéciale établie par le procureur de la République (1) ou, à défaut, sur la liste des experts de la cour d’appel dans le ressort de laquelle se trouve l’établissement.


2. LES SITUATIONS CONCERNÉES

[Code de la santé publique, articles L. 3211-12, L. 3213-1, III, L. 3213-8, R. 3211-1, IV, R. 3211-6 et R. 3213-2]
Tout d’abord, à l’issue de la période d’observation, le représentant de l’Etat ne peut décider d’une prise en charge sous une autre forme que l’hospitalisation complète qu’après avoir recueilli l’avis du collège. Cet avis doit être rendu dans un délai de cinq jours à compter de la date de convocation du collège. Il en est de même en cas de nouvelle décision, à la suite d’une modification substantielle du programme de soins.
Lorsque la mainlevée de la mesure de soins psychiatriques ou la modification de la forme de prise en charge (d’une personne qui fait l’objet d’une hospitalisation complète) est proposée par un psychiatre de l’établissement ou par la commission départementale des soins psychiatriques, le préfet ne peut statuer qu’après l’avis du collège.
S’il envisage de mettre fin à la mesure de soins, il ne peut y procéder qu’après avoir en outre recueilli l’avis concordant de deux experts.
Enfin, s’agissant de la procédure devant le juge des libertés et de la détention, l’avis du collège doit être produit, tant dans le cadre du contrôle systématique que dans l’hypothèse d’une saisine sur requête.
Ni la mesure de soins psychiatriques, ni même simplement l’hospitalisation complète de l’intéressé, ne peut être levée par le juge des libertés et de la détention sans que l’avis préalable de deux experts ait en outre été recueilli.
S’agissant des expertises ordonnées par le juge des libertés et de la détention, le Conseil constitutionnel a récemment censuré (2) les dispositions anciennes de l’article L. 3213-8 du code de la santé publique en ce qu’elles interdisaient à celui-ci de lever une hospitalisation d’office en l’absence de décision conforme des deux psychiatres désignés. La loi du 5 juillet 2011 avait toutefois anticipé cette censure en ne mentionnant dans l’article L. 3211-12 du code de la santé publique qu’une simple obligation de recueillir l’avis de deux experts médicaux que le juge est libre de suivre ou non. Cette décision ne s’applique pas aux décisions rendues par le représentant de l’Etat qui ne peut toujours, quant à lui, ordonner la mainlevée de la mesure que si les deux psychiatres ont émis un avis concordant.


(1)
Cette liste est établie après avis de l’agence régionale de santé.


(2)
Conseil constitutionnel, décision n° 2011-185 QPC du 21 octobre 2011, JO du 22-10-11.

SECTION 3 - LA DURÉE ET LE SUIVI DES SOINS

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