[Code de l’action sociale et des familles, article L. 311-3]
Selon l’article L. 311-3 du code de l’action sociale et des familles, l’exercice des droits et libertés individuels doit être garanti à toute personne prise en charge par des établissements et services sociaux et médico-sociaux. Cette disposition énonce ensuite les droits généraux qui sont assurés à ces usagers dans le respect des dispositions législatives et réglementaires en vigueur.
L’article L. 311-3 du code de l’action sociale et des familles évoque, en premier lieu, « le respect de [leur] dignité, de [leur] intégrité, de [leur] vie privée, de [leur] intimité et de [leur sécurité] ».
Ce droit est également garanti par l’article 12 de la charte des droits et libertés de la personne accueillie (arrêté du 8 septembre 2003, JO du 9-10-03, NOR : SANA0322604A, cf. annexe 1, p. 150).
1. LA PROTECTION DE LA VIE PRIVÉE ET DE L’INTIMITÉ
Ce principe de protection de la vie privée n’est pas spécifique aux personnes accueillies dans les établissements et services sociaux et médico-sociaux. Il est garanti à tout un chacun en vertu de l’article 9 du code civil. Selon ce texte en effet, « chacun a droit au respect de sa vie privée ».
Cela recouvre, par exemple, le droit d’avoir une correspondance privée mais également d’avoir la vie relationnelle et affective de son choix. La jurisprudence a affirmé plus particulièrement le droit à l’image et à la protection du lieu de vie.
a. Le droit à l’image
Dans une affaire concernant des personnes handicapées mentales, qui étaient pour la plupart placées sous une mesure de protection juridique, la Cour de cassation a réaffirmé ce droit à l’image (1).
En l’espèce, avec l’autorisation du directeur des centres accueillant des personnes handicapées mentales, un réalisateur avait élaboré un film documentaire concernant la vie de jeunes adultes handicapés mentaux, hébergés dans ces établissements. Le film devait être diffusé sur des chaînes de télévision. L’association gestionnaire avait demandé par la suite le retrait de cette diffusion.
La Cour de cassation, après la cour d’appel, lui a donné raison. Elle a jugé, en effet, que « la reproduction d’images représentant des handicapés mentaux dans l’intimité de leur existence quotidienne à l’intérieur des établissements où ils vivent et ce, sans l’autorisation de leurs représentants légaux constitue, à elle seule, une atteinte illicite à l’intimité de leur vie privée ».
En outre, un « gérant de tutelle ne peut accomplir, seul, les actes relatifs à la personne du majeur protégé, tel celui de consentir à la reproduction de son image » ; il lui appartient « de saisir le juge des tutelles qui pourra soit l’autoriser à faire ces actes et éventuellement sous les conditions qu’il déterminera, soit décider de constituer une tutelle complète ».
Autrement dit, le droit à l’image est protégé. Une autorisation est donc nécessaire. Elle doit être accordée :
- par la personne elle-même si elle est en mesure de le faire ;
- par ses représentants légaux, pour les mineurs par exemple ;
- dans le cadre de la protection juridique des majeurs, par la personne elle-même si son état le permet, par le juge des tutelles, ou le tuteur (C. civ., art. 459) (cf. infra, chapitre V).
b. La protection du lieu de vie
La protection de l’intimité recouvre notamment celle du lieu de vie, à savoir sa chambre, lorsque l’usager est accueilli dans un établissement. Les normes juridiques qui peuvent confirmer ce principe sont à la fois l’article 9 du code civil mais également, par exemple, les dispositions du code pénal réprimant la violation du domicile. Ainsi, l’introduction ou le maintien dans le domicile d’autrui à l’aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou contrainte, hors les cas où la loi le permet, sont réprimés de même que la tentative de commettre de tels actes (C. pén., art. 226-4 et 226-5). En outre, la jurisprudence a reconnu, dans l’affaire Chantal Nobel, en 1986, qu’une chambre d’hôpital constituait un lieu privé (2). « Une chambre d’hôpital occupée par un malade constitue [...] un domicile protégé en tant que tel par la loi, qu’il occupe à titre temporaire mais certain et privatif et où, à partir du moment où cette chambre lui est affectée et pour tout le temps que dure cette affectation, il a le droit, sous la seule réserve des nécessités du service, de se dire chez lui et notamment d’être défendu contre la curiosité publique » (des journalistes-paparazzi avaient tenté de prendre des photos de la comédienne à son insu à la suite d’un accident de la route).
Cette décision doit pouvoir être étendue à la chambre des personnes accueillies dans un établissement ou service social ou médico-social. D’ailleurs, ce respect de l’intimité est une préoccupation que l’on retrouve à de nombreuses reprises dans les textes applicables aux établissements et services sociaux et médico-sociaux, dans le cadre des établissements pour personnes handicapées ou âgées, dans les centres d’hébergement et de réinsertion sociale. L’Agence nationale de l’évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux s’en est fait l’écho à travers plusieurs de ses recommandations.
Enfin, cette protection de l’intimité pose la question de la sexualité des résidents, question que nous aborderons plus avant, en particulier, pour les personnes lourdement handicapées (cf. infra, chapitre III).
2. LE DROIT À LA SÉCURITÉ
L’article L. 311-3 du code de l’action sociale et des familles prévoit un droit à la sécurité des personnes prises en charge. Ce droit est également garanti par l’article 7 de la charte des droits et libertés de la personne accueillie (annexe 1, p. 150).
Préserver ce droit signifie pour la structure de respecter les normes anti-incendie ou de lutte contre la canicule, par exemple.
Ce droit justifie également l’intervention des professionnels dans les chambres des personnes accueillies. Il doit toutefois s’articuler, en parallèle, avec le principe de respect de la vie privée et de l’intimité.
La violation de ce droit peut entraîner la mise en jeu de la responsabilité des établissements et services sociaux et médico-sociaux pour défaut de vigilance ou de surveillance de leur part. La jurisprudence est assez foisonnante en ce domaine et peut varier suivant le statut public ou privé de la structure. Souvent, et pour l’essentiel, elle raisonne en deux temps :
- en premier lieu, elle considère, dans les établissements privés, que la relation née entre l’usager et la structure est de nature contractuelle (en lien avec la signature d’un contrat de séjour, même si la jurisprudence considère que la simple admission dans la structure vaut contrat (3)) ;
- en second lieu, se plaçant sur le terrain de la responsabilité contractuelle, elle retient le plus souvent à l’encontre des établissements et services sociaux et médico-sociaux une obligation de vigilance à leur charge. Par là, il faut comprendre une obligation dite de moyens (4) : autrement dit, l’usager victime doit apporter la preuve d’une faute de la structure pour être indemnisé. Cette solution a notamment été retenue dans le cas de la fugue d’un usager d’un établissement pour personnes âgées atteint de la maladie d’Alzheimer, qui avait été retrouvé quelques jours plus tard décédé (5).
Le respect de ce principe prend corps, notamment dans la mise en œuvre de la politique de lutte contre la maltraitance initiée par le gouvernement (cf. infra, section 6).
Il se traduit également au travers de l’arsenal pénal existant aujourd’hui qui, certes, n’est pas spécifique à la prise en charge des usagers des établissements et services sociaux et médico-sociaux mais peut trouver à s’appliquer dans ce cadre tant à l’égard des personnels commettant des actes de maltraitance qu’à l’encontre des structures elles-mêmes. En effet, le code pénal sanctionne, par exemple, « le délaissement, en un lieu quelconque, d’une personne qui n’est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son état physique ou psychique » (C. pén., art. 223-3) et « le fait de soumettre une personne, dont la vulnérabilité ou l’état de dépendance sont apparents ou connus de l’auteur, à des conditions [...] d’hébergement incompatibles avec la dignité humaine » (C. pén., art. 225-14). Par ailleurs, au fil du code pénal, la circonstance qu’une victime est « une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, est apparente ou connue de l’auteur » aggrave les peines encourues.
Sur le plan civil, le non-respect de ce principe d’intégrité donne parfois lieu à la mise en cause de la responsabilité des établissements et services sociaux et médico-sociaux. Dans ce domaine, une jurisprudence a retenu que les structures sont tenues à une « obligation de sécurité » à l’égard des personnes accueillies. En l’espèce, un mineur handicapé a été admis, à la demande de sa famille, dans un institut de rééducation (cette dénomination a disparu au profit des ITEP). Il s’y est rendu coupable d’atteintes sexuelles sur d’autres mineurs pensionnaires. La Cour de cassation, après « avoir constaté que l’un des pensionnaires de l’association avait pu se livrer de façon répétée et pendant plusieurs mois à des actes d’agressions sexuelles sur d’autres pensionnaires également placés dans cet internat de rééducation », constate que ces faits révèlent « l’organisation défectueuse du service de surveillance de l’établissement et le manquement de l’association à son obligation de sécurité » (6) .
Cass. civ. 2e, 12 mai 2005, pourvoi n° 03-17994, Bull.
civ., II, n° 121.
B. LE LIBRE CHOIX ENTRE DES PRESTATIONS ADAPTÉES
Le libre choix entre les prestations adaptées doit être offert aux usagers, qu’il s’agisse d’un accueil ou d’une prise en charge dans le cadre d’un service à son domicile ou dans celui d’une admission au sein d’un établissement spécialisé. Ce droit est également garanti par l’article 4 de la charte des droits et libertés de la personne accueillie (cf. annexe 1, p. 150).
Ce droit s’exerce néanmoins sous réserve des pouvoirs reconnus à l’autorité judiciaire et des nécessités liées à la protection des mineurs en danger et des majeurs protégés.
Certaines limites peuvent, de droit, être posées par des dispositions spécifiques. Par exemple, la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées peut fixer des orientations précises dans le cadre de la prise en charge des personnes handicapées. De même, en matière d’assistance éducative, le juge va opter pour un certain mode de prise en charge (en milieu ouvert, placement...).
[Code de l’action sociale et des familles, article L. 311-3]
Autre principe : une prise en charge et un accompagnement individualisés de qualité, adaptés à l’âge et aux besoins des usagers, doivent être mis en œuvre pour favoriser leur développement, leur autonomie et leur insertion.
Cette prise en charge ou cet accompagnement doivent respecter leur consentement éclairé qui doit systématiquement être recherché lorsque la personne est apte à exprimer sa volonté et à participer à la décision. A défaut, le consentement de son représentant légal doit être recherché.
Relevons que ce principe est également mis en exergue par l’article 2 de la charte des droits et libertés de la personne accueillie (cf. annexe 1, p. 150).
1. UN ACCOMPAGNEMENT PERSONNALISÉ
Cette notion de prise en charge et d’accompagnement individualisé se traduit notamment par la mise en place de projet individualisé d’accompagnement, de projet personnalisé d’accompagnement... pour les personnes handicapées ou en difficulté (cf. infra, chapitres III et IV), de projet personnalisé pour les personnes âgées (cf. infra, chapitre VI) ou encore de projet pour l’enfant dans le cadre de l’aide sociale à l’enfance (cf. infra, chapitre II) ou de parcours dans le secteur de l’addictologie (cf. infra, chapitre IV).
[Code de l’action sociale et des familles, articles L. 312-8, D. 312-198 à D. 312-205, annexe 3-10]
La qualité de l’accompagnement est au cœur des procédures d’évaluation mises en place par la loi du 2 janvier 2002. Mais sa recherche oblige très souvent à concilier accompagnement personnalisé et vie collective.
La réalisation de prestations de qualité passe, en particulier, par les diverses procédures d’évaluation mises en place par la loi du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale.
En effet, selon l’article L. 312-8 du code de l’action sociale et des familles, les établissements et services sociaux et médico-sociaux ont l’obligation de procéder régulièrement à des évaluations internes et à des évaluations effectuées par des organismes extérieurs suivant un calendrier qui a été modifié par la loi portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires (HPST) du 21 juillet 2009 et son décret d’application du 3 novembre 2010 (7) .
Loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009, JO du 22-07-09 ;
décret n° 2010-1319 du 3 novembre 2010, JO du 5-11-10.
Ces évaluations portent sur les activités et la qualité des prestations des établissements, au regard notamment de procédures, de références et de recommandations de bonnes pratiques professionnelles validées ou, en cas de carence, élaborées, selon les catégories d’établissements ou de services, par l’Agence nationale de l’évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux. A cet égard, l’ANESM a publié un certain nombre de recommandations (8).
Les résultats des évaluations sont communiqués à l’autorité ayant délivré l’autorisation.
En ce qui concerne l’évaluation externe, les organismes extérieurs doivent être habilités par cette agence et respecter un cahier des charges fixé en 2007 et prévu en annexe 3-10 du code de l’action sociale et des familles. En vertu de ce dernier, l’évaluation externe doit comporter deux volets dont un relatif à l’effectivité des droits des usagers. L’évaluation doit alors porter « au moins sur les conditions de participation et implication des personnes bénéficiaires des prises en charge ou accompagnements, les mesures nécessaires au respect du choix de vie, des relations affectives, de l’intimité, de la confidentialité et, s’il y a lieu, sur les dispositions prévues pour assurer la sécurité des personnes ».
b. En conciliant la vie en collectivité et la personnalisation de l’accompagnement
Cette recherche de la qualité oblige également à concilier la vie en collectivité et la personnalisation de l’accueil et de l’accompagnement. A ce sujet, l’ANESM a rendu, en novembre 2009, une volumineuse recommandation (9).
L’agence rappelle que, malgré les contraintes inhérentes à l’accueil collectif (rythme de vie, hygiène, sécurité, horaires...), chaque personne doit pouvoir bénéficier d’un accompagnement individualisé qui contribue au développement, au maintien ou au rétablissement de son autonomie. L’accompagnement débute par la personnalisation de l’arrivée au sein de la collectivité avec, notamment, l’annonce de l’arrivée et l’implication des autres résidents dans cet accueil, l’association de tous les personnels concernés à la préparation de l’accueil, la remise d’un livret d’accueil et l’identification d’un professionnel qui joue le rôle d’interlocuteur privilégié de la personne pendant la phase d’adaptation. Le document recommande également de recueillir les besoins et les attentes de la personne, ce qui comprend ses habitudes de vie spécifiques à prendre en compte dans l’organisation collective : rythmes, modalités de la toilette, lever, coucher, rituels personnels. Il est également conseillé d’évoquer les sujets sensibles par rapport au regard des autres usagers (sexualité, liens familiaux...), par rapport à la vie collective (habitudes de vie qui pourraient avoir des effets perturbateurs...).
D’autres préconisations de la recommandation portent en particulier sur le respect de l’intimité des personnes dépendantes et vulnérables lors des soins ou de la toilette. Les établissements sont également appelés à mieux prendre en compte l’individu au sein de la vie collective (distinguer les temps de repas individuels et collectifs...). Le document aborde enfin les questions relatives au cadre de la vie collective (articulation des règles de vie collective avec la mission et le projet d’établissement...).
D. L’INFORMATION ET L’ACCÈS AUX DOCUMENTS
L’article L. 311-3 du code de l’action sociale et des familles prévoit plusieurs dispositions autour de l’information des personnes accueillies.
Il s’agit de :
- la confidentialité des informations les concernant ;
- l’accès à toute information ou document relatif à leur prise en charge, sauf dispositions législatives contraires (dossier médical...) ;
- une information sur leurs droits fondamentaux et les protections particulières légales et contractuelles dont elles bénéficient, ainsi que sur les voies de recours à leur disposition.
Ce droit est également garanti par les articles 3 et 4 de la charte des droits et libertés de la personne accueillie (cf. annexe 1, p. 150).
1. LA CONFIDENTIALITÉ
La confidentialité est assurée par le secret professionnel auquel un certain nombre de personnels sont tenus (médecins, personnes participant aux services de santé, aux missions de l’aide sociale à l’enfance, de la protection maternelle et infantile, assistants de service social). Dans le cadre de la protection de l’enfance, un concept de secret partagé a été mis en œuvre (cf. infra, chapitre II).
2. L’ACCÈS AU DOSSIER
Qu’entend-on par « dossier » de la personne accueillie ou accompagnée ? Un guide de la direction générale de l’action sociale (10) apporte de nombreuses indications sur ce point. « Assez généralement, précise ce document, le dossier de la personne accueillie ou accompagnée au sein d’un établissement, d’un service ou d’un dispositif d’intervention sociale ou médico-sociale, se définit comme : le lieu de recueil et de conservation des informations utiles (administratives, socio-éducatives, médicales, paramédicales...) formalisées, organisées et actualisées. » La finalité de ce dossier est à la fois d’assurer la mémoire des actions entreprises, de permettre le suivi et de faciliter la compréhension du parcours médico-social ou social de la personne.
Pour l’Agence nationale d’évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux, « le dossier est un des outils de partage d’informations à caractère secret entre professionnels d’un même établissement ou service. Il permet aux professionnels de comprendre les fondements, les modalités et les étapes de l’accompagnement [...]. L’utilisation des dossiers des usagers met en jeu des valeurs fondamentales qui en font une question éthique » (11).
Dans certains secteurs, le contenu de ce dossier a même été précisément fixé :
- pour les IME, IMP, IMPRO, Sessad (CASF, art. D. 312-37) ;
- dans les ITEP (CASF D. 312-59-16) ;
- dans les établissements et services de la PJJ ;
- pour les pouponnières à caractère social (CASF, art. D. 312-137 et D. 312-51).
Ce préalable posé, dans quelles conditions le dossier de l’usager est-il communicable ? En fait, la nature de ce dossier – dossier administratif, dossier médical... – va justifier la législation applicable.
S’agissant du volet « administratif » ou « social » du dossier, les textes applicables vont aussi dépendre de la nature du dossier. La loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 érige un droit d’accès aux documents administratifs, c’est-à-dire aux documents finalisés (par opposition aux notes personnelles, ébauches...), quels que soient leur date, leur lieu de conservation, leur forme et leur support, produits ou reçus, dans le cadre de leur mission de service public, par l’Etat, les collectivités territoriales ainsi que par les autres personnes de droit public ou les personnes de droit privé chargées d’une telle mission. Sont notamment considérés comme documents administratifs les dossiers détenus par les établissements et services sociaux et médico-sociaux de statut public.
Pour les établissements et services sociaux et médico-sociaux gérés par des associations, c’est-à-dire de droit privé, il faut se référer à l’article L. 311-3 du code de l’action sociale et des familles qui prévoit un droit d’accès au dossier. Selon cet article, la personne prise en charge par un établissement a un droit d’accès à toute information ou à tout document relatif à sa prise en charge, sauf dispositions législatives contraires. Ces dernières concernent, par exemple, l’accès aux origines, soumis à un régime particulier. De manière générale, la charte des droits et libertés de la personne accueillie dans un établissement ou service social ou médico-social énonce que la communication de ces informations ou de ces documents par les personnes habilitées à le faire en vertu de la loi s’effectue avec un accompagnement adapté de nature psychologique, médicale, thérapeutique ou socio-éducative.
Néanmoins, aucune disposition réglementaire ne prévoit les modalités de cet accès. Pendant longtemps, cet article du code renvoyait le soin à un décret de fixer les règles en la matière. Mais ce renvoi a été supprimé très récemment par la loi du 17 mai 2011 de simplification et d’amélioration de la qualité du droit (12). On peut donc supposer que les règles d’accès de droit commun, c’est-à-dire les principes régissant l’accès aux documents administratifs, doivent pouvoir être transposées (13).
S’agissant du « volet médical » du dossier de la personne accueillie, l’arrêté du 8 septembre 2003 relatif à la charte des droits et libertés de la personne accueillie indique dans son article 3 que « lorsque la catégorie de prise en charge, d’accompagnement ou lorsque la situation de la personne le justifie, sont annexées les dispositions des articles L. 1110-1 à L. 1110-5 [relatifs aux droits fondamentaux des patients : information, consentement, secret médical...] et L. 1111-2 à L. 1111-7 du code de la santé publique en tant qu’elles concernent les droits des personnes bénéficiaires des soins ». Il faut donc en déduire que lorsque le médecin d’une structure médico-sociale élabore un dossier médical, celui-ci sera communiqué conformément aux dispositions du code de la santé publique. Cela concerne notamment les dossiers médicaux mis en place au sein des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes. La loi du 4 mars 2002 qui a consacré pour les malades un droit général d’accès aux informations relatives à leur santé, détenues par des professionnels et des établissements de santé, trouvera donc à s’appliquer (C. santé publ., art. L. 1111-7).
a. L’accès au dossier administratif
[Loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 modifiée, loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 modifiée, article 19, alinéa 1]
Lorsqu’il a la nature d’un document administratif, le dossier de l’usager d’un établissement ou service social ou médico-social doit respecter les règles fixées par la loi du 17 juillet 1978.
Par exemple, les documents produits par l’aide sociale à l’enfance font partie de cette catégorie de documents administratifs dans certaines hypothèses (cf. infra, chapitre II).
Dans tous les cas, les documents comportant des mentions dont la communication porterait atteinte à la vie privée d’une personne ne peuvent être communiqués qu’à celle-ci (14). Le droit d’accès aux données personnelles est en effet réservé aux seules personnes concernées (notion d’informations nominatives). Ce droit à communication ne s’applique, en outre, qu’à des documents achevés.
La personne exerce ce droit directement, en principe, mais l’accord des détenteurs de l’autorité parentale sera, par exemple, nécessaire pour les mineurs. De même, des mesures spécifiques peuvent s’appliquer aux majeurs.
A l’inverse, les documents produits ou détenus par les associations financées par l’Etat ou les collectivités publiques qui n’ont pas délégation de service public n’ont pas le caractère de documents administratifs.
La loi n’impose pas une procédure particulière pour présenter sa demande mais conseille de la faire par écrit et par lettre recommandée. La consultation peut se faire sur place gratuitement, des copies pouvant être délivrées. L’accès aux documents administratifs peut s’exercer par consultation gratuite sur place, par la délivrance d’une copie du document ou par courrier électronique.
La loi ne prévoit pas d’accompagnement particulier lors de la communication du dossier personnel.
b. L’accès au dossier médical
[Code de la santé publique, articles L. 1111-7, R. 1111-1 à R. 1111-8]
Consacrées par la loi du 4 mars 2002, les règles relatives à l’accès au dossier médical ne sont pas spécifiques aux établissements sociaux et médico-sociaux mais s’appliquent dans toute relation d’un usager avec un professionnel de santé. Elles touchent aux modalités d’accès au dossier, à son contenu et à l’exercice par l’usager de son droit d’accès.
1]. Les modalités d’accès
Une personne prise en charge par un établissement social ou médico-social faisant l’objet d’un suivi médical peut solliciter l’accès à son dossier médical.
Le droit d’accès s’exerce :
- soit par l’intermédiaire d’un praticien qu’elle désigne ;
- soit directement par l’usager.
L’accès direct au dossier peut parfois être aménagé, à la demande du médecin ou à l’égard des mineurs et des majeurs sous tutelle.
a] La désignation d’une tierce personne
Pour tenir compte des incidences de la découverte brutale d’informations et des risques que leur connaissance sans accompagnement ferait courir à la personne concernée, le médecin peut recommander que, lors de la consultation de certaines informations qu’il a établies ou dont il est dépositaire, l’intéressé soit accompagné d’une tierce personne. Celle-ci est librement choisie par le patient qui peut toujours refuser cet accompagnement. Dans ce cas, son refus ne fait pas obstacle à la communication de ces informations.
En pratique, les informations seront données dès que le demandeur aura exprimé son acceptation ou son refus de suivre la recommandation. A défaut de réponse du demandeur dans le délai de huit jours ou de deux mois, selon le cas (15), les informations lui seront délivrées (C. santé publ., art. R. 1111-4).
b] Le mineur
[Code de la santé publique, article R. 1111-6]
Le droit d’accès au dossier d’un mineur est exercé par le ou les titulaires de l’autorité parentale. Toutefois, le mineur peut s’opposer à la consultation de son dossier par ses parents en vertu de l’article L. 1111-5 du code de la santé publique. Le médecin fait alors mention écrite de cette opposition.
Si le mineur souhaite garder le secret, tout médecin saisi d’une demande présentée par le titulaire de l’autorité parentale pour l’accès aux informations doit préalablement s’efforcer d’obtenir son consentement. Si en dépit de ces efforts, le mineur maintient son opposition, la demande ne peut être satisfaite tant que l’opposition persiste.
Si le mineur demande que l’accès du titulaire de l’autorité parentale aux informations concernant son état de santé ait lieu par l’intermédiaire d’un médecin, ces informations sont, au choix du titulaire de l’autorité parentale, adressées au médecin qu’il a désigné ou consultées sur place en présence de ce dernier. A la demande du mineur, cet accès a alors lieu par l’intermédiaire d’un médecin.
LES ATTEINTES AUX DROITS DE LA PERSONNE RÉSULTANT DES FICHIERS OU DES TRAITEMENTS INFORMATIQUES
Le code pénal sanctionne un certain nombre d’atteintes aux droits des personnes en raison de l’utilisation de fichiers et traitements informatiques. Dès lors que les établissements et services sociaux et médico-sociaux conservent les dossiers des personnes accueillies sous ce format, elles doivent faire en sorte de ne pas tomber sous le coup de ces dispositions.
Ainsi sont, par exemple, punissables :
- le délit de manquement à l’obligation de préserver la sécurité des données personnelles traitées (C. pén., art. 226-17) ;
- le fait, hors les cas prévus par la loi, de mettre ou de conserver en mémoire informatisée, sans le consentement exprès de l’intéressé, des données à caractère personnel qui, directement ou indirectement, font apparaître les origines raciales ou ethniques, les opinions politiques, philosophiques ou religieuses, ou les appartenances syndicales des personnes, ou qui sont relatives à la santé ou à l’orientation sexuelle de celles-ci (C. pén., art. 226-19) ;
- le fait, par toute personne qui a recueilli, à l’occasion de leur enregistrement, de leur classement, de leur transmission ou d’une autre forme de traitement, des données à caractère personnel dont la divulgation aurait pour effet de porter atteinte à la considération de l’intéressé ou à l’intimité de sa vie privée, de porter, sans autorisation de l’intéressé, ces données à la connaissance d’un tiers qui n’a pas qualité pour les recevoir (C. pén., art. 226-22).
c] Les personnes hospitalisées sous contrainte
[Code de la santé publique, article R. 1111-5]
A titre exceptionnel, le détenteur de l’information (le plus souvent le médecin responsable du patient) peut subordonner la consultation des informations recueillies, dans le cadre d’une admission en soins psychiatriques à la présence d’un de ses confrères désigné par le patient demandeur en cas de risques d’une gravité particulière pour lui.
Le patient a alors le libre choix du médecin. S’il refuse l’idée même de la présence d’un médecin, le détenteur des informations saisit la commission départementale des soins psychiatriques qui peut également l’être par l’intéressé. Son avis, qui s’impose au détenteur des informations comme au demandeur, leur sera notifié dans les deux mois suivant la date de réception de la demande initiale de l’intéressé.
La saisine de cette commission ne fait pas obstacle à la communication des informations si le demandeur revient sur son refus de désigner un médecin. Dans ce cas, lorsque la saisine de la commission a eu lieu, le détenteur en informe cette instance.
d] Les ayants droit d’un patient décédé
L’accès des ayants droit au contenu du dossier médical du patient décédé est à articuler avec le respect du secret médical (C. santé publ., art. L. 1110-4). Le secret médical ne fait pas obstacle à ce que les informations concernant une personne décédée soient communiquées aux ayants droit dans la mesure où elles sont « nécessaires pour leur permettre de connaître les causes de la mort, défendre la mémoire du défunt ou de faire valoir leurs droits », et ce à condition que le défunt ne s’y soit pas opposé de son vivant.
L’ayant droit d’une personne décédée doit préciser, lors de sa demande, le motif pour lequel il a besoin d’avoir connaissance de ces informations. Et tout refus opposé à sa demande doit être motivé. Toutefois, ce refus ne fait pas obstacle, le cas échéant, à la délivrance d’un certificat médical, dès lors que ce certificat ne comporte pas d’informations couvertes par le secret médical (C. santé publ., art. R. 1111-7).
2]. Les informations concernées
[Code de la santé publique, article L. 1111-7, alinéa 1]
La loi du 4 mars 2002 vise les informations qui ont :
- soit été formalisées ;
- soit fait l’objet d’échanges écrits entre professionnels. Sont incluses les informations provenant d’autres praticiens que celui qui est chargé du dossier de son malade.
Il peut s’agir, comme l’indique l’énumération non limitative à laquelle procède la loi, de résultats d’examens, de comptes rendus de consultation, d’intervention, d’exploration ou d’hospitalisation, de protocoles et prescriptions thérapeutiques mis en œuvre, ou encore de feuilles de surveillance, correspondances entre professionnels de santé. Les notes personnelles du médecin sont visées dès lors qu’elles sont formalisées (il ne doit donc pas s’agir de simples annotations traduisant, par exemple, des interrogations ou des hypothèses de travail).
Sont, en revanche, expressément exclues les informations qui concerneraient des tiers ou recueillies auprès de tiers extérieurs à la prise en charge thérapeutique.
3]. L’exercice du droit d’accès
a] La demande
La demande est adressée au professionnel de santé ou à l’hébergeur de données médicales (type sites Internet) et, dans un établissement de santé, au responsable de cet établissement ou à la personne qu’il a désignée à cet effet et dont le nom est porté à la connaissance du public par tous moyens appropriés (C. santé publ., art. R. 1111-1).
Avant toute communication, le destinataire de la demande s’assure de l’identité du demandeur et s’informe, le cas échéant, de la qualité de médecin de la personne désignée comme intermédiaire.
b] Les délais
L’intéressé peut accéder à son dossier médical directement ou par l’intermédiaire d’un médecin qu’il désigne et en obtenir communication dans un délai maximal de huit jours suivant sa demande et après un délai minimal de réflexion de 48 heures.
Ce délai est porté à 2 mois lorsque les informations médicales datent de plus de 5 ans ou lorsque la commission départementale des soins psychiatriques est saisie.
Ce délai de 8 jours ou de 2 mois court à compter de la date de réception de la demande ; lorsque le délai de 2 mois s’applique en raison du fait que les informations remontent à plus de 5 ans, cette période de 5 ans court à compter de la date à laquelle l’information médicale a été constituée (C. santé publ., art. R. 1111-1).
c] La communication des informations
La consultation sur place des informations est gratuite.
Le demandeur peut soit venir consulter sur place les documents, avec, le cas échéant, remise de copies de documents, soit demander l’envoi d’une copie. Lorsqu’il souhaite la délivrance de copies, quel qu’en soit le support, les frais laissés à sa charge ne peuvent excéder le coût de la reproduction et, le cas échéant, de l’envoi des documents. Dans le cas où les informations demandées sont détenues par un établissement de santé et si les dispositifs techniques de l’établissement le permettent, le demandeur peut également consulter par voie électronique tout ou partie des informations en cause (C. santé publ., art. R. 1111-2).
Concrètement, les copies devront être établies sur un support analogue à celui qui est utilisé par le professionnel de santé, l’établissement de santé ou l’hébergeur, ou sur papier, au choix du demandeur et dans la limite des possibilités techniques du professionnel ou de l’organisme concerné.
Lorsque la demande est imprécise ou qu’elle n’exprime pas de choix quant aux modalités de communication des informations (sur place ou envoi, consultation par l’intermédiaire d’un médecin ou directement), le professionnel de santé, l’établissement ou l’hébergeur de données médicales informe le demandeur des différentes modalités de communication ouvertes et lui indique celles qui seront utilisées à défaut de choix de sa part. Si au terme du délai de 8 jours ou de celui de 2 mois, le demandeur n’a toujours pas précisé sa volonté, le professionnel de santé, l’établissement ou, le cas échéant, l’hébergeur mettent à sa disposition les informations sous la forme qu’ils lui avaient précédemment indiquée (C. santé publ., art. R. 1111-3).
E. LA PARTICIPATION DES USAGERS À LEUR PROJET
Parmi les droits fondamentaux listés par l’article L. 311-3 du code de l’action sociale et des familles figure la participation directe des usagers, ou avec l’aide de leur représentant légal, à la conception et à la mise en œuvre du projet d’accueil et d’accompagnement qui les concerne. Ce droit est également garanti par l’article 4 de la charte des droits et libertés de la personne accueillie (cf. annexe 1, p. 150).
En pratique, ce droit se traduit par le biais de divers outils, tel le contrat de séjour (cf. infra, section 2, § 4)
(1)
Cass. civ. 1re, 24 février 1993, req. n° 91-13.587, Bull. civ., I, n° 87.
(2)
Paris, 17 mars 1986, Gaz. Pal. 1986.2.429.
(3)
Dans les établissements publics, l’existence d’une relation contractuelle, et donc d’une responsabilité engagée sur ce fondement, n’est pas automatique. La jurisprudence semble tergiverser (cf. infra, section 2, § 4, E).
(4)
Concrètement, l’établissement ou le service doit mettre tout en œuvre pour assurer la sécurité des résidents, sans s’engager à atteindre un résultat.
(5)
Toulouse, 3e ch., 26 juin 2007, req. n° 06-01599, BICC 1er février 2008, n° 190.
(6)
Par exemple, une recommandation sur la conduite de l’évaluation en interne, disponibles sur www.anesm.sante.gouv.fr
(7)
« Concilier vie en collectivité et personnalisation de l’accueil et de l’accompagnement », novembre 2009, disponible sur www.anesm.sante.gouv.fr
(8)
Guide pour les établissements sociaux et médico-sociaux, « Le dossier de la personne accueillie ou accompagnée, recommandations aux professionnels pour améliorer la qualité », DGAS, juin 2007, disponible sur www.solidarite.gouv.fr
(9)
ANESM, « Le partage d’informations à caractère secret en protection de l’enfance », recommandations de bonnes pratiques professionnelles, mai 2011, disponible sur www.anesm.sante.gouv.fr
(10)
Loi n° 2011-525 du 17 mai 2011, JO du 18-05-11, art. 141, I, 2°.
(11)
Loi n° 2011-525 du 17 mai 2011, JO du 18-05-11, art. 141, I, 2°.
(12)
Pour aller plus loin, cf. Balland V. et Rousseau D., « L’accès aux dossiers personnels », Supplément juridique ASH, juin 2003, p. 12.
(13)
Le délai est porté à deux mois lorsque les informations médicales datent de plus de cinq ans ou lorsque la commission départementale des soins psychiatriques est saisie.