[Loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009, article 26 ; code de procédure pénale, articles R. 57-9-3 à R. 57-9-7 et R. 57-8-20]
Les personnes détenues ont droit à la liberté d’opinion, de conscience et de religion. Elles peuvent exercer le culte de leur choix, selon les conditions adaptées à l’organisation des lieux, sans autres limites que celles qui sont imposées par la sécurité et le bon ordre de l’établissement.
A leur arrivée dans l’établissement, les détenus sont donc avisés de leur droit de recevoir la visite d’un ministre du culte et d’assister aux offices religieux et aux réunions cultuelles assurées par des aumôniers agréés à cet effet.
Dans un avis du 24 mars 2011 relatif à l’exercice du culte dans les lieux de privation de liberté, le contrôleur général des lieux de privation de liberté fait valoir un certain nombre de recommandations (1). Pour lui, « il appartient [...] à tous les personnels amenés à travailler dans ces lieux, non pas de décider ce qui est objet religieux ou non, mais, formés à cette fin, de savoir identifier les objets de prière (par exemple les phylactères ou un ciboire) et, dans la mesure compatible avec le bon ordre de la vie collective, d’y apporter une attention particulière », à savoir :
- les signes ou symboles religieux discrets, quelle qu’en soit la nature, doivent pouvoir être conservés ;
- les ouvrages « nécessaires à la vie spirituelle » doivent pouvoir être introduits, selon les voies prévues par le code de procédure pénale, notamment par les aumôniers, sans qu’il y ait lieu, en détention de faire la distinction entre ouvrages brochés et reliés ;
- les objets religieux qui ne sont pas susceptibles de porter atteinte à la sécurité doivent pouvoir être conservés et respectés, quelle que soit la confession de celui qui les possède et quelles que soient les convictions du personnel chargé de la prise en charge ;
- plus généralement, les commentaires tendancieux des personnels, de statut public ou privé, sur les convictions et les pratiques religieuses, quelles qu’elles soient, ne font pas partie des règles applicables aux lieux de privation de liberté.
S’agissant du caractère cultuel de tel groupement ou confession, l’administration doit se conformer à la reconnaissance par le juge de cette caractéristique ou non et ne pas le décider elle-même.
Autre principe : l’administration ne peut, au motif qu’une religion est minoritaire, donner un statut minoré aux aumôniers. « Dès lors qu’une religion est regardée comme telle par le droit applicable, ses aumôniers doivent pouvoir disposer, comme tous les autres aumôniers, de prérogatives identiques et ne sauraient être cantonnés, par exemple dans les établissements pénitentiaires, à un statut de visiteur, qui conduit à une “religion du parloir” (c’est-à-dire que les rencontres avec “l’aumônier” sont cantonnées à ce lieu), et non pas en cellule ou dans les locaux prévus à cet effet ». En revanche, le chef d’établissement peut proportionner le nombre d’aumôniers agréés au nombre de personnes qui se réclament d’une religion.
Enfin, le contrôleur général des lieux de privation de liberté relève que l’assistance spirituelle implique « la possibilité pour toute personne qui le sollicite, alors même qu’elle serait dépourvue de tout mouvement (malade alité ou enfermé par exemple), de recevoir la visite d’un aumônier. Les aumôniers doivent, par conséquent, être autorisés à circuler dans les zones où les personnes privées de liberté sont hébergées, quelles qu’en soient les modalités ; ils doivent pouvoir s’entretenir avec elles de manière personnelle et disposer des moyens matériels à cette fin ; enfin les relations, y compris par correspondance, qu’ils ont avec ceux qu’ils visitent doivent être protégées de toute intrusion d’un tiers. »
Institué par la loi du 30 octobre 2007 (2), le contrôleur général des lieux de privation de liberté, autorité administrative indépendante, a pour mission de veiller au respect des droits fondamentaux des personnes détenues, c’est-à-dire « veille à ce que les personnes privées de liberté soient traitées avec humanité et dans le respect de la dignité inhérent à la personne humaine. »
Pour mener à bien sa mission, le contrôleur général des lieux de privation de liberté dispose d’un droit de visite de tout lieu où des personnes sont privées de liberté d’aller et venir. A la suite de ses visites, il publie des rapports de visite ainsi que des recommandations. Il est également tenu de remettre au président de la République un rapport annuel composé d’un bilan d’activité ainsi que de plusieurs analyses thématiques.
Dans le rapport d’activité de 2010 (3), le contrôleur général fait état des distorsions entre droit et réalité. Ainsi, concernant, par exemple, les droits fondamentaux des détenus, alors que les permis de visite doivent, en principe, être accordés dans un délai inférieur à dix jours, il relève qu’en pratique « [leur] délivrance par l’autorité pénitentiaire [n’intervient] pas toujours dans des délais raisonnables. Certains chefs d’établissement sollicitent une enquête préfectorale avant de prendre une décision. L’avis du préfet est parfois rendu plusieurs mois après la saisine ». De même, s’agissant de la mise en œuvre du droit de téléphoner, le CGLPL exige, pour éviter les pressions de toute nature, en particulier sur les détenus les plus faibles, et pour favoriser la confidentialité des conversations, « l’abandon de l’installation de téléphones dans les cours ou les salles collectives » et en parallèle « la construction [...] de véritables cabines téléphoniques permettant la protection des conversations vis-à-vis des autres détenus » (4). De fait, relève-t-il dans son rapport d’activité 2010, « l’usage des téléphones dans les cours génère, par l’absence d’intimité, les pressions, les menaces, le “racket” qui pèsent sur les utilisateurs, des tensions qui, tôt ou tard, se feront sentir dans l’existence collective ». Autre recommandation : prévoir, sous réserve des autorisations nécessaires pour chacun, que le nombre de numéros pouvant être appelés soit identique partout faute de quoi, dans l’hypothèse de transfèrement, le détenu risque d’avoir à renoncer à appeler certaines personnes. Ce nombre ne doit pas être trop réduit.
Autre exemple d’entorses au droit des détenus, celui qui est relatif au droit au secret médical et au secret de la consultation. Dans ce domaine, le contrôleur général des lieux de privation de liberté constate que les visites médicales ne sont pas toujours menées dans des locaux préservant l’intimité de la personne et garantissant le secret médical : la présence des surveillants dans la salle de soins est assez fréquente pour les soins effectués à l’hôpital, la présence des surveillants et le port d’entraves sont monnaie courante pendant les examens médicaux, la dispensation des médicaments est parfois effectuée par des personnels de surveillance et dans la majorité des établissements pénitentiaires, des distributions ne garantissent pas l’anonymat notamment pour les traitements ciblés (substitution ou VIH)... Sur l’accès au dossier médical, le rapport 2010 du contrôleur général des lieux de privation de liberté relève que « dans un certain nombre d’établissements, les dossiers médicaux ne sont pas contenus dans des armoires fermées à clef ». En outre, « lors des extractions médicales, les patients se plaignent que leur dossier médical, non scellé, soit remis aux personnels de surveillance durant le transport à l’hôpital ». Aussi recommande-t-il que lors de ces extractions, ces dossiers soient « soit remis sous pli fermé aux personnels de surveillance assurant le transport à l’hôpital, soit transmis par télécopie au service concerné avant la consultation ».
(1)
Avis du 24 mars 2011, NOR : CPLX1110094V, JO du 17-04-11.
(2)
Loi n° 2007-1545 du 30 ocobre 2007, JO du 30-10-07.
(3)
Rapport d’activité 2010, disponible sur www.cglpl.fr, « rapports, recommandations et avis ».
(4)
Avis du 10 janvier 2011, NOR : CPLX1101658V, JO du 23-01-11.