La décision de mettre fin au séjour dans un établissement ou service d’une personne handicapée peut-elle être le résultat d’une décision unilatérale du directeur de la structure ? La commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées a-t-elle son mot à dire ?
Certains textes le prévoient explicitement pour les établissements et services d’aide par le travail ou les ITEP.
A. UNE DÉCISION UNILATÉRALE DU DIRECTEUR ?
Le directeur d’un foyer d’accueil médicalisé est-il compétent pour refuser unilatéralement de renouveler un contrat de séjour d’un résident ou la décision de la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées est-elle nécessaire au préalable ? Selon un récent arrêt d’une cour administrative d’appel, la seconde solution serait à retenir (1).
En l’espèce, un jeune de 16 ans victime d’une rupture d’anévrisme – à la suite de laquelle il est resté affecté de troubles du comportement et entièrement dépendant d’une tierce personne pour les actes de la vie quotidienne – a été admis dans un foyer d’accueil médicalisé. Moins de deux ans après, le directeur de ce foyer décide de ne pas renouveler le contrat de séjour en cours, probablement en lien avec les troubles du comportement de l’intéressé rompant « la quiétude du foyer » et rendant « précaire la sécurité de certains de ses membres et de son personnel », même si la décision ne le précise pas explicitement.
Se fondant sur l’article L. 241-6 du code de l’action sociale et des familles, selon lequel « l’établissement ou le service ne peut mettre fin, de sa propre initiative, à l’accompagnement sans décision préalable de la commission », la cour administrative d’appel relève que « la commission est [donc] compétente [...] dans le cas où l’établissement ou le service d’accueil de la personne handicapée décide de mettre fin à l’accompagnement » et doit donc préalablement donner son avis avant le refus d’un tel renouvellement du contrat.
Dès lors, si un directeur de foyer d’accueil médicalisé demeure compétent pour prendre la décision mettant fin au séjour d’un résident dans son établissement en application du contrat de séjour, il ne peut toutefois le faire sans avoir au préalable saisi, pour avis, la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées.
Cette solution a été critiquée par l’avocat Olivier Poinsot qui commente cette décision (2). Selon lui, elle ne respecterait pas l’architecture de l’article L. 241-6 du code de l’action sociale et des familles car cette disposition interprétée par la cour d’appel ne concernerait, d’après l’auteur, que l’hypothèse dans laquelle est constatée une évolution de l’état ou de la situation de l’usager qui justifierait dès lors une réorientation et non l’ensemble des cas de figure.
B. LA SITUATION DES ESAT
[Code de l’action sociale et des familles, articles R. 243-1 à R. 243-4]
Dans les établissements et services d’aide par le travail, le directeur joue un rôle dans la décision de mettre fin à la prise en charge, mais c’est la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH) qui détient les principales compétences pour prononcer la sortie d’un usager de la structure.
En effet, selon les dispositions des articles R. 243-2 à R. 243-4 du code de l’action sociale et des familles, la CDAPH peut, à la demande de la personne handicapée ou du directeur de l’établissement ou du service d’aide par le travail et sur le fondement des informations qu’elle aura recueillies, décider l’interruption anticipée de la période d’essai. Elle apprécie également le bien-fondé du maintien dans un établissement ou un service d’aide par le travail des travailleurs handicapés qui viendraient en cours d’activité et d’une façon durable à dépasser la capacité de travail requise (pas plus d’un tiers de la capacité de travail classique). De son côté, le directeur de l’établissement ou du service d’aide par le travail doit faire connaître à la commission toutes propositions de changement d’orientation des personnes handicapées qui apparaissent souhaitables. Lorsqu’il considère que le comportement d’un travailleur handicapé met gravement en danger sa santé ou sa sécurité, la santé ou la sécurité des autres travailleurs handicapés ou des personnels de l’établissement ou du service d’aide par le travail ou porte gravement atteinte aux biens de cet établissement ou service, le directeur peut prendre une mesure conservatoire, valable pour une durée maximale de un mois, qui suspend le maintien de ce travailleur handicapé au sein de l’établissement ou du service. La maison départementale des personnes handicapées est immédiatement saisie par lui de cette mesure. La commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées qui a prononcé l’orientation décide alors du maintien ou non du travailleur handicapé concerné dans l’établissement ou le service au sein duquel il était admis. Si la commission ne s’est pas encore prononcée à la date d’échéance de la mesure conservatoire, celle-ci est automatiquement prorogée jusqu’à la décision de la commission.
C. LA SITUATION DES ITEP
[Code de l’action sociale et des familles, article D. 312-59-15]
Dans les instituts thérapeutiques, éducatifs et pédagogiques, un usager ne peut sortir du dispositif sans l’intervention expresse de la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées. Cela est expressément prévu à l’article D. 312-59-15 du code de l’action sociale et des familles : « La sortie des enfants, adolescents ou jeunes adultes est prononcée par le directeur après intervention de la décision de [cette] commission. »
(1)
CAA Marseille, 6 octobre 2008, req. n° 07MA03208, consultable sur www.legifrance.gouv.fr
(2)
Poinsot O., « Etablissement social ou médico-social : limitation du pouvoir du directeur d’un établissement public personnalisé de prononcer la sortie d’un usager », JCP, n° 11-12, 9 mars 2009, n° 2066, p. 78.