Les enfants ou adolescents pris en charge par les établissements et services de la protection judiciaire de la jeunesse au titre de l’assistance éducative ou de l’enfance délinquante bénéficient d’un certain nombre de droits.
A. LE DROIT À L’INTIMITÉ
[Circulaire de la DPJJ du 13 novembre 2008, NOR : JUSF0850013C, BOMJ 2009/1]
Les principes du droit à l’intimité des mineurs délinquants sont les mêmes que pour les jeunes faisant l’objet d’une mesure de protection de l’enfance (cf. supra, section 1, § 2, B, 1).
Dans le cahier des charges des centres éducatifs fermés, il est prévu que chaque mineur doit être hébergé en chambre individuelle et que les locaux doivent être aménagés de sorte qu’il y ait un équilibre approprié entre les espaces d’intimité et les espaces collectifs.
Ce droit à l’intimité se trouve néanmoins limité par la mission même de ces centres qui prennent en charge des mineurs délinquants, notamment afin d’éviter leur fugue, et par les prescriptions de la décision du juge.
Ainsi, les personnels du centre devront avoir en permanence un libre accès à l’ensemble des locaux, et notamment aux chambres des mineurs.
B. LA QUESTION DU LIBRE CHOIX DES PRESTATIONS
[Code civil, article 375-1]
Si l’article L. 311-3 du code de l’action sociale et des familles assure à toute personne prise en charge par un établissement social ou médico-social le libre choix entre les prestations adaptées qui lui sont offertes, cette liberté peut être assez réduite dans le cadre de l’assistance éducative ou lorsque le jeune fait l’objet d’une mesure au titre de l’ordonnance du 2 février 1945.
De fait, la décision étant imposée par le juge, c’est lui qui détermine le mode de prise en charge de l’enfant en danger ou du mineur délinquant.
C. LE DROIT À LA CONFIDENTIALITÉ ET LE SECRET PARTAGÉ DANS LE CADRE PÉNAL
[Code de l’action sociale et des familles, article L. 121-6-2, alinéa 5 ; circulaire du 9 mai 2007, NOR : INTK0700061C, BOMI n° 2007-05]
L’enfant pris en charge au sein d’une structure de la PJJ bénéficie du droit à la confidentialité le concernant garanti par l’article L. 311-3, 4° du code de l’action sociale et des familles. Ce droit doit toutefois se conjuguer avec la possibilité pour les professionnels de partager leurs données :
- dans le cadre de la protection de l’enfance s’il est accueilli au titre de l’assistance éducative (pour le partage dans le cadre de la protection de l’enfance, cf. supra, section 1, § 2, B, 3) ;
- dans le cadre de l’action sociale.
S’agissant de ce second point, le partage d’informations à caractère secret entre professionnels de l’action sociale est posé à l’article L. 121-6-2 du code de l’action sociale et des familles. Cet article prévoit que « par exception à l’article 226-13 [du code pénal], les professionnels qui interviennent auprès d’une même personne ou d’une même famille sont autorisés à partager entre eux des informations à caractère secret, afin d’évaluer leur situation, de déterminer les mesures d’action sociale nécessaires et de les mettre en œuvre ».
Dans le cadre de la prise en charge de mineurs délinquants par les structures de la PJJ, en particulier, dans les centres éducatifs fermés, ce partage peut donc trouver à s’appliquer. Les professionnels concernés peuvent en effet être les travailleurs sociaux chargés de l’accompagnement ou du suivi des personnes ou familles en difficulté (assistants de service social, éducateurs spécialisés, assistants familiaux...).
Même si l’article L. 121-6-2 du code de l’action sociale et des familles ne l’impose pas, le partage d’informations à caractère secret entre professionnels intervenant auprès d’une même famille peut faire l’objet d’une information préalable de cette dernière (circulaire du 9 mai 2007, NOR : INTKO700061C). Relevons que saisi de la constitutionnalité de l’article L. 121-6-2 du code de l’action sociale et des familles, le Conseil constitutionnel a considéré, dans une décision du 3 mars 2007 (1), que ce droit ne méconnaissait pas le droit au respect de la vie privée, le législateur ayant assorti les échanges d’informations qu’il a autorisés de limitations et précautions propres à assurer la conciliation entre le droit au respect de la vie privée et les exigences de solidarité affirmées par le Préambule de la Constitution de 1946. Le Conseil constitutionnel motive ainsi cette dérogation légale au secret professionnel par la nécessité « de mieux prendre en compte l’ensemble des difficultés sociales, éducatives ou matérielles d’une personne et de renforcer l’efficacité de l’action sociale ».
Dans le même esprit, le contrôleur général des lieux de privation de liberté relève que, au sein des centres éducatifs fermés, « la politique de prise en charge des mineurs délinquants est fondée sur une interdisciplinarité favorisant l’objectivation et la confrontation des points de vue. L’orientation éducative nécessite de prendre en charge les dimensions sociale, familiale, judiciaire, éducative, pédagogique, psychique et personnelle du jeune. Elle implique, en conséquence, l’échange d’informations entre professionnels. En ce sens, l’application stricte du secret professionnel serait perçue comme un obstacle à la protection des mineurs » (2).
La circulaire du 9 mai 2007 rappelle à cet égard que « la décision de partager des informations à caractère secret avec les autres professionnels concernés relève de l’appréciation de chacun des professionnels ».
Au final, pour le contrôleur général des lieux de privation de liberté, « il appartient à tous les professionnels de concilier le respect du secret professionnel et le partage de l’information strictement nécessaire à une bonne évaluation de la situation du mineur. Tous les fichiers informatisés utilisés doivent faire l’objet d’une déclaration préalable à la CNIL et la durée de la conservation des données précisée. Les informations concernant les mineurs ne doivent pas être transmises à des tiers ne participant pas à leur prise en charge ».
D. LE DOSSIER DU MINEUR ACCUEILLI
La réglementation est assez silencieuse sur le contenu du dossier qui peut être mis en place par les structures prenant en charge ces mineurs.
L’ANESM a émis certaines recommandations dans le cadre de la protection de l’enfance qui peuvent trouver à s’appliquer lorsque les structures de la PJJ interviennent dans ce cadre (cf. supra, section 1, § 2, B, 4).
De manière générale, la note DPJJ n° 141/07 du 16 mars 2007 précise que le dossier intègre « toutes les pièces relatives à la prise en charge : les prises de notes d’entretien, la copie des rapports transmis aux magistrats, les relevés de notes scolaires, le recueil d’information santé, les ordonnances médicales, les grilles d’évaluation de la situation du jeune... » et ne doit pas être confondu avec le document individuel de prise en charge (cf. infra, § 3, A).
Plus précisément, ce dossier, ouvert pour chaque jeune, doit être composé :
- d’une partie judiciaire intégrant tous les documents judiciaires et les rapports transmis, entre les autorités judiciaires et le service, concernant la situation du jeune pris en charge ;
- d’une partie administrative intégrant divers renseignements : état civil, document individuel de prise en charge, scolarité, convention de stage... ;
- d’une partie « santé » intégrant toutes les informations et documents transmis au service par la personne prise en charge ou son représentant légal.
Le jeune et/ou son représentant légal peuvent consulter les documents figurant dans la partie administrative du dossier, selon les modalités qui seront fixées par la structure. Ce droit à communication concerne uniquement les documents achevés, les documents préparatoires (notes d’entretien...) étant exclus.
Les rapports à destination du juge sont transmis au tribunal et peuvent être consultés dans le respect des textes et procédures en vigueur (C. proc. civ., art. 1187, cf. encadré). Relevons que, lorsque ce dernier a un statut public, c’est le directeur qui s’assure de la bonne tenue du dossier individuel de chaque personne prise en charge (décret n° 2007-1573 du 6 novembre 2007, art. 17).
E. LA MISE EN PLACE D’UN PROJET PERSONNALISÉ
Selon l’article L. 311-3 du code de l’action sociale et des familles, l’usager doit participer à la conception et à la mise en œuvre de son projet d’accueil et d’accompagnement. S’agissant d’un enfant ou d’un jeune, cette participation doit se faire en fonction de sa maturité.
Pour l’Agence nationale de l’évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux « les parents sont des acteurs primordiaux de l’élaboration du projet personnalisé de leur enfant, sous réserve des limitations apportées par les décisions judiciaires » et également sous réserve de l’intérêt de l’enfant (notamment lorsqu’il y a un conflit entre l’adolescent ou ses parents) (3).
Cette position est en total accord avec celle de la direction de la PJJ. En effet, « toute action d’éducation doit se faire avec [les parents, ou les détenteurs de l’autorité parentale] et doit les impliquer depuis l’élaboration du projet individuel jusqu’à sa mise en œuvre et son évaluation régulière qui mène à la formulation de propositions destinées aux juridictions : en s’appuyant sur leurs ressources propres, leurs capacités, et en leur rappelant leurs droits et leurs devoirs », insiste une circulaire relative à l’orientation sur l’action d’éducation dans le cadre pénal (4). « Outre le respect de la loi du 2 janvier 2002 et de ses obligations, l’action d’éducation garantissant la réelle implication des représentants légaux contribue à préserver leur place et leur rôle dans l’éducation de leur enfant. Place et rôle que les mineurs acceptent le plus souvent et attendent, même s’ils les mettent à l’épreuve de façon fréquemment spectaculaire », poursuit-elle.
F. LE DROIT DE MAINTENIR DES LIENS FAMILIAUX
1. LE DROIT À UNE VIE FAMILIALE
[Circulaire de la DPJJ du 13 novembre 2008, NOR : JUSF0850013C, BOMJ 2009/1]
Tant dans le cadre de la protection de l’enfance que dans le cadre pénal – dans les centres éducatifs fermés, par exemple – la place des parents est reconnue même si dans les faits, elle n’est pas nécessairement effective.
L’ANESM attache ainsi une grande importance au rôle des parents et au maintien des liens familiaux tout en ayant conscience des limites qui peuvent se révéler nécessaires (conflit entre un adolescent et ses parents... cf. supra, section 1, § 2, B, 6) (5).
En outre, la problématique du maintien des liens familiaux dans une structure « PJJ » intervenant au titre de l’ordonnance du 2 février 1945, c’est-à-dire dans un cadre pénal au titre de la délinquance des mineurs, se pose différemment que dans le cadre de la protection de l’enfance.
A cet égard, le principe même des centres éducatifs renforcés qui vise une rupture avec le milieu de vie peut être difficilement conciliable avec le maintien des liens familiaux, ce qui n’empêche pas néanmoins les structures concernées de tenir la famille informée.
En revanche, dans les centres éducatifs fermés, leur cahier des charges annexé à la circulaire du 13 novembre 2008 visant à améliorer la prise en charge des mineurs placés en centre éducatif fermé prévoit que « sous réserve des prescriptions judiciaires et dans toute la mesure du possible, les parents des mineurs seront associés à la prise en charge éducative de ces derniers. A cette fin, les mineurs pourront notamment recevoir la visite des membres de leur famille dans des conditions fixées par le règlement de fonctionnement du centre. Ils pourront également correspondre dans les mêmes conditions avec ces derniers. Des rencontres plus formalisées entre les familles et le mineur pourront être organisées au sein des centres ».
Si toutefois les visites étaient de nature à compromettre l’action éducative engagée, leur suspension pourrait en être demandée au magistrat ayant prescrit le placement dans le cadre d’une modification soit de la décision de placement elle-même, soit des obligations du contrôle judiciaire ou du sursis d’épreuve, précise cette circulaire.
En pratique, le contrôleur général des lieux de privation de liberté relève que souvent « disqualifiés par les dérives de leur enfant et sa situation judiciaire, les parents sont, au mieux, tolérés mais ne sont pas identifiés comme des partenaires indispensables. Leurs compétences sont récusées. Dans les faits, trop peu d’établissements se donnent pour objectif de les restaurer dans leur rôle »(6). Aussi recommande-t-il de modifier ce cahier des charges, dont l’actualisation est en cours « en choisissant de privilégier un recrutement régional [des jeunes] afin de faciliter le lien avec les familles ».
Pour le contrôleur général des lieux de privation de liberté, il importe dans ce même esprit de ne pas modifier les modalités de contact avec la famille en fonction du comportement des jeunes. Le maintien des liens familiaux ne doit pas être assujetti à un système de récompense ou de sanction.
2. LE DROIT DE CORRESPONDANCE, DE VISITE ET D’HÉBERGEMENT DES PARENTS
[Circulaire de la DPJJ du 13 novembre 2008, NOR : JUSF0850013C, BOMJ 2009/1 ; cahier des charges des UEHC, note DPJJ du 7 avril 2008, non publiée]
Seul le magistrat est habilité à accorder des droits de visite et d’hébergement. Par conséquent, les relations entre le mineur et sa famille ne peuvent être régies par le règlement de fonctionnement du centre éducatif fermé, et les équipes éducatives doivent faire valider leurs propositions par le magistrat chargé de suivre le mineur.
La question de la mise en œuvre du droit de visite et d’hébergement des parents se pose lorsque le jeune fait l’objet d’un placement, et notamment dans les centres éducatifs fermés. Selon le cahier des charges de ces structures, des locaux doivent permettre d’assurer l’accueil et la visite des familles ou des personnes autorisées par le magistrat à rencontrer le mineur.
De même, dans les unités éducatives d’hébergement collectif, le cahier des charges de 2008 prévoit que « conformément à la loi du 2 janvier 2002, le projet pédagogique précise les modalités d’accueil, d’information, de rencontre et de participation des parents à la vie institutionnelle ». Et « la séparation imposée par le placement doit permettre d’aider les parents à se positionner vis-à-vis de leur enfant. Ce temps a pour objet, en lien avec le service de milieu ouvert le cas échéant, de renforcer le travail sur l’histoire familiale, la place de l’enfant au sein de sa famille et, au pénal, sur le positionnement de la famille par rapport à l’acte délictueux ».
S’agissant du droit de correspondance, la direction de la PJJ s’est clairement positionnée, dans une fiche relative « aux pouvoirs du CEF sur les restrictions apportées à la vie privée de l’enfant » élaborée en 2003, contre le contrôle de la correspondance entre les jeunes confiés et leurs parents, en dehors de toute décision de justice. En revanche, elle a considéré comme légale l’interdiction, la limitation ou le contrôle circonstancié des correspondances avec les tiers (7). Elle estime, en outre, que « la limitation ou le contrôle, prévu de manière générale et absolue par certains projets de service, du contenu de la correspondance écrite (vérification par un éducateur) ou orale (suspension pendant une première période ou communication en présence d’un éducateur) avec les parents, indépendamment de toute décision judiciaire, paraissent illégales ».
Dans les deux cas, la circulaire du 13 novembre 2008 apporte une limite au droit de visite et de correspondance : si les visites ou la correspondance, qu’elle soit écrite ou téléphonique, se révèlent « de nature à compromettre l’action éducative engagée, leur suspension pourrait en être demandée au magistrat ayant prescrit le placement dans le cadre d’une modification soit de la décision de placement elle-même, soit des obligations du contrôle judiciaire ou du sursis d’épreuve ».
Jusqu’à présent, l’application concrète de ces droits semble à la peine, selon le dernier rapport du contrôleur général des lieux de privation de liberté (8). Il note, en effet que « dans l’ensemble des CEF visités, le courrier destiné aux jeunes est ouvert par un éducateur – ou en présence d’un éducateur – afin de vérifier qu’il ne contienne pas d’objets ou de substances illicites ». Interpellé à ce sujet par cette autorité, le ministre de la Justice et des Libertés aurait toutefois répondu que « l’ouverture du courrier des mineurs par l’équipe éducative est une pratique qui n’a plus lieu au centre éducatif fermé ».
S’agissant des communications téléphoniques, les contrôleurs « ont observé que la présence d’un personnel était systématique pendant la conversation téléphonique ». Aussi le contrôleur général des lieux de privation de liberté recommande-t-il qu’« après s’être assuré de l’identité de l’interlocuteur du jeune autorisé à téléphoner, l’éducateur [garantisse] la confidentialité et l’intimité de la conversation téléphonique ». Cette problématique devrait être mieux prise en compte dans le cahier des charges en cours d’actualisation.
G. LE DROIT À LA SECURITÉ
[circulaire DPJJ du 13 novembre 2008, NOR : JUSF0850013C)
Le droit à la sécurité doit être mis en œuvre dans les structures de la PJJ. Dans les centres éducatifs fermés, par exemple, le responsable de chaque centre doit veiller au respect des conditions d’hygiène et de sécurité prescrites par les lois et règlements, notamment dans le domaine de l’alimentation et de la sécurité-incendie.
Ce droit passe également par la lutte contre les situations de violence pouvant naître dans les structures accueillant des jeunes. Pour aider les établissements concernés, l’Agence nationale de l’évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux a élaboré en ce domaine des recommandations de bonnes pratiques jugeant que « prévenir et traiter les violences dans ces établissements représente une des voies essentielles pour assurer le bien-être des adolescents ainsi que les conditions favorables à leur développement et à leur protection » (9) (cf, supra, section 1, § 2, B, 7).
L’ACCÈS AU DOSSIER D’ASSISTANCE ÉDUCATIVE
Les dossiers d’assistance éducative élaborés dans le cadre de la procédure devant le juge des enfants peuvent être consultés par l’avocat des parties mais également directement par ses dernières. La mise en œuvre de ce droit est toutefois encadrée et les modalités concrètes d’exercice de cet accès au dossier sont fixées.
LES PERSONNES BÉNÉFICIANT D’UN DROIT D’ACCÈS
Le dossier peut d’abord être consulté, dès l’avis d’ouverture de la procédure et à tout moment jusqu’à la veille de l’audition ou de l’audience, au greffe du tribunal pour enfants, par l’avocat du mineur et celui de ses père, mère, tuteur, de la personne ou du service auquel l’enfant a été confié.
En outre, l’avocat peut se faire délivrer copie de tout ou partie des pièces du dossier pour l’usage exclusif de la procédure d’assistance éducative. Il ne peut transmettre les copies ainsi obtenues ou leur reproduction à son client.
Les parties disposent par ailleurs d’un accès direct au dossier, autrement dit, sans l’intermédiaire d’un avocat, à leur demande.
Sont plus précisément visés :
- les père, mère ou tuteur du mineur ;
- la personne ou le représentant du service à qui l’enfant est confié ;
- le mineur lui-même s’il est capable de discernement.
Il s’agit d’une simple consultation sur place au greffe du tribunal pour enfants après en avoir fait la demande auprès du magistrat. Aucun formalisme n’est exigé pour cette demande. La famille, à l’inverse de l’avocat, ne peut obtenir la copie du dossier.
S’agissant du mineur, la consultation de son dossier ne peut se faire qu’en présence de l’un au moins de ses parents ou de son avocat. Cette disposition a pour objet, compte tenu de la particulière vulnérabilité des mineurs, de ne pas les laisser seuls lors de la consultation (circulaire du 26 avril 2002). Ce principe de consultation du dossier doit prévaloir, y compris en cas de désaccord des parents. Dans ce cas, et en l’absence d’avocat de l’enfant, le juge fait désigner un avocat d’office au mineur pour l’assister durant la consultation ou autorise le service éducatif chargé de la mesure à l’accompagner à cette occasion.
Compte tenu de la spécificité de la procédure, une exception de prudence est posée, consistant à autoriser le juge des enfants à écarter la consultation de certaines pièces du dossier à plusieurs conditions cumulatives :
- aucun avocat n’a été désigné. A contrario, lorsque le père, la mère ou le mineur est accompagné de son avocat, il a accès à son dossier dans sa totalité sans possibilité d’en écarter aucune pièce, l’avocat dans sa mission d’assistance étant garant de ce libre accès (circulaire PJJ n° 2002-01 K2 du 26 avril 2002) ;
- lorsque la consultation du dossier en son entier pourrait faire courir un danger physique ou moral grave au mineur, à une partie ou à un tiers, elle est alors limitée pour l’un ou l’autre des parents, le tuteur, la personne ou le service à qui l’enfant a été confié ou pour le mineur ;
- par décision motivée du juge.
Des situations particulières (secrets de famille liés notamment à une question de filiation, troubles mentaux, violences graves...), appréciées in concreto, peuvent justifier d’écarter de la consultation certaines pièces du dossier, indique l’administration. Par ailleurs, face à des familles recomposées dans lesquelles les parents ne sont concernés qu’en fonction des différentes filiations, ... l’exclusion de documents comportant des informations sur la vie privée, l’histoire personnelle ainsi que les difficultés conjugales, médicales ou personnelles de chacun peut aussi s’expliquer. Leur divulgation, à l’occasion de la consultation du dossier, peut en effet constituer un danger moral important pour l’intéressé. L’existence d’un « climat familial très conflictuel et virulent et des nombreuses procédures opposant les parents de la mineure » peuvent également justifier d’écarter certaines pièces de la consultation (10).
Cette mise à l’écart de certaines pièces du dossier pourrait avoir lieu jusqu’à la création d’un contexte favorable (thérapie, travail éducatif).
La circulaire du 26 avril 2002 précise également que, conformément aux dispositions des articles 1190 et 1191 du nouveau code de procédure civile, cette décision du juge doit être notifiée et est susceptible de recours. Le droit d’appel de cette décision à laquelle s’appliquent les règles de droit commun appartient à toute partie qui y a intérêt. Elle ajoute qu’il « serait opportun pour assurer l’effectivité de ces décisions de les assortir de l’exécution provisoire ».
L’accès au dossier par les services éducatifs auxquels la loi ne confère pas la qualité de parties à la procédure (service éducatif exerçant une mesure d’investigation ou d’assistance éducative en milieu ouvert) est prévu selon les mêmes conditions que celles qui sont fixées pour les parties.
LA MISE EN ŒUVRE CONCRÈTE DE CE DROIT POUR LA FAMILLE
La consultation du dossier est possible jusqu’à la veille d’une audition ou d’une audience, « aux jours et heures fixés » par le magistrat. La gestion de l’agenda est confiée au greffe du tribunal pour enfants (ou au secrétariat commun s’il en existe un dans la juridiction).
Les parties, informées de leur droit de consultation dans l’avis d’ouverture de la procédure et dans les convocations qui leur sont envoyées, sont avisées de la nécessité de prendre contact avec le greffe avant de se voir fixer un rendez-vous. Celui-ci peut être pris par les parties, sous toutes formes (appel téléphonique, écrit ou fax).
Si le jour de la consultation, les parties sont accompagnées de leur avocat, les pièces qui ont été écartées par le juge des enfants dans l’hypothèse d’une consultation sans avocat sont réintégrées dans le dossier.
Conformément aux principes généraux de la procédure civile, rappelle l’administration, un interprète peut être désigné par ordonnance pour permettre aux parties d’avoir accès à la consultation.
La mission d’accueil, d’information du public et de surveillance est confiée aux fonctionnaires présents dans les cabinets des juges des enfants, qui assistent habituellement le magistrat à l’audience et dans ses fonctions, ou au secrétariat commun. Leurs connaissances juridiques et leur expérience professionnelle doivent leur permettre de veiller à donner des réponses adaptées aux questions qui leur seraient posées par les familles ou les mineurs. Le jour fixé pour la consultation, ces personnels devront vérifier l’identité des personnes concernées.
[Code de procédure civile, article 1187 ; circulaire PJJ n° 2002-01 K2 du 26 avril 2002 NOR : JUSF0250055C, BOMJ n° 86]
(1)
Décision n° 2007-553 DC du 3 mars 2007, JO du 7-03-07.
(2)
Rapport d’activité 2010, disponible sur www.cglpl.fr, « rapports, recommandations et avis ».
(3)
Pour mettre en œuvre ce principe, l’ANESM donne plusieurs conseils à la direction des structures dans sa recommandation relative à « L’exercice de l’autorité parentale dans le cadre du placement », mars 2010, disponible sur www.anesm.sante.gouv.fr (cf. supra, section 1, § 2, B, 5).
(4)
Circulaire DPJJ du 2 février 2010, NOR : JUSF1050001C, BOMJL n° 2010-02.
(5)
ANESM, « Conduites violentes dans les établissements accueillant des adolescents : prévention et réponses », juillet 2008, disponible sur www.anesm.sante.gouv.fr
(6)
Rapport d’activité 2010, disponible sur www.cglpl.fr
(7)
Fiche « Les pouvoirs du centre éducatif fermé sur les restrictions apportées à la vie privée de l’enfant », mars 2003 – K2, citée dans le rapport de la défenseure des enfants, « Enfants délinquants pris en charge dans les centres éducatifs fermés : 33 propositions pour améliorer le dispositif », juin 2010, disponible sur www.defenseurdesenfants.fr
(8)
Rapport d’activité 2010, disponible sur www.cglpl.fr
(9)
ANESM, « Conduites violentes dans les établissements accueillant des adolescents : prévention et réponses », juillet 2008, disponible sur www.anesm.sante.gouv.fr
(10)
Cass. civ. 1re, 6 juillet 2005, pourvoi n° 04-05.011, Bull. civ. I, n° 312.