Il peut arriver que les mesures susceptibles d’être imposées par la commission soient insuffisantes pour assurer le redressement de la situation du débiteur. Dans ce cas, la commission a la possibilité de recommander des mesures qui devront ensuite être homologuées par le juge pour devenir applicables.
A. LE CONTENU DES MESURES
[Code de la consommation, article L. 331-7-1]
Par le moyen d’une « proposition spéciale et motivée », la commission peut recommander deux mesures spécifiques. La nécessité de motiver spécialement la recommandation signifie que la commission doit prouver que la seule possibilité de redressement de la situation est de recourir aux dispositions de l’article L. 331-7-1, les simples mesures de rééchelonnement et de réduction du taux ne permettant pas d’atteindre cet objectif.
A noter :
la part des ressources nécessaire aux dépenses courantes est fixée par la commission et mentionnée dans les mesures recommandées.
1. LA RÉDUCTION DES SOMMES DUES APRÈS LA VENTE DU LOGEMENT PRINCIPAL
La possibilité qu’a la commission de recommander l’effacement du passif consécutif à la vente immobilière est strictement encadrée. Il s’agit de l’hypothèse dans laquelle le débiteur, ayant financé l’achat de son logement principal au moyen d’un prêt garanti par une ou plusieurs hypothèques, se retrouve dans l’obligation de vendre ce logement. Normalement, le produit de la vente servira à payer les créanciers hypothécaires dans l’ordre d’inscription de leur garantie. Toutefois, il peut arriver que le produit de la vente soit insuffisant pour solder les dettes hypothécaires. Dans ce cas, le débiteur doit se reloger et continuer à payer le solde de ces dettes. La loi permet, sous conditions, de réduire le solde de ces dettes.
A noter :
cette mesure peut se combiner avec les mesures imposées.
a. Les conditions de la réduction
Pour que la commission puisse proposer la réduction du montant de la fraction des prêts immobiliers restant due aux créanciers après la vente du logement principal, un certain nombre de conditions doivent être remplies.
Cette mesure peut être prononcée en cas de vente amiable dont le principe – destiné à éviter une saisie immobilière – et les modalités ont été définis d’un commun accord entre le débiteur et l’établissement de crédit, mais aussi en cas de vente forcée.
Cette vente doit concerner le « logement principal du débiteur ». Ainsi l’immeuble qui n’est plus habité par le débiteur au jour de la vente n’a plus la qualité de logement principal (1) et ne peut permettre au débiteur de bénéficier des possibilités de l’article L. 331-7-1. De même, le futur domicile de l’emprunteur n’a pas encore la qualité de logement principal (2). Le logement qui appartient à une société civile immobilière, même si les débiteurs en sont les seuls actionnaires, ne remplit pas non plus les conditions d’application du texte (3).
Enfin, le bien vendu doit être grevé d’une hypothèque qui bénéficie à l’établissement de crédit ayant fourni les sommes nécessaires à son acquisition. Le prêt dont le solde est réduit peut être celui qui a été substitué au prêt initialement contracté par le débiteur pour la construction de son logement (4).
La mesure de réduction ne peut être demandée plus de deux mois après la sommation de payer le montant de la fraction des prêts immobiliers restant due (5), à moins que, dans ce délai, la commission n’ait été saisie par le débiteur.
b. Les effets de la réduction
Après la vente, l’imputation du prix de vente se fait sur le capital restant dû, et non sur les accessoires de ce capital. Une telle imputation, qui permet de faciliter le règlement de la dette, doit respecter les règles de répartition du prix entre les différents créanciers selon les règles applicables en matière d’hypothèques. Il résulte de cette disposition que, après répartition de la totalité du prix de vente entre les créanciers inscrits venus en rang utile, il est possible de réduire le montant des prêts immobiliers restant dû aux établissements de crédit, sans distinguer entre les créanciers chirographaires (6) et ceux qui étaient privilégiés (7).
La réduction du montant de la fraction des prêts immobiliers restant due aux établissements de crédit après la vente doit être suffisante pour que le paiement des sommes résiduelles, rééchelonnées dans les conditions légales, soit compatible avec les ressources et les charges du débiteur.
Dans l’esprit du texte, la jurisprudence admet que la réduction puisse aller jusqu’à l’effacement des sommes si la situation du débiteur l’exige. Le rééchelonnement qui suit la réduction doit être fait de telle façon que chacune des mensualités, y compris la dernière, soit compatible avec les ressources du débiteur (8).
2. L’EFFACEMENT PARTIEL DES DETTES
La commission peut recommander « l’effacement partiel des créances », cet effacement devant impérativement être combiné avec les mesures que la commission peut imposer (cf. supra, § 1, A). Toutefois, cet effacement ne peut concerner les créances « dont le prix a été payé au lieu et place du débiteur par la caution ou le coobligé, personnes physiques ». Ainsi, ces cautions ou coobligés conservent-ils la possibilité de se retourner contre le débiteur surendetté.
De même, ne peuvent être effacées les dettes issues de prêts sur gage souscrits auprès des caisses de crédit municipal (C. consom., art. L. 333-1-2) ou encore les amendes prononcées à la suite d’une condamnation pénale (C. consom., art. L. 333-1).
Enfin, sauf accord du créancier, sont également exclues de tout effacement les dettes alimentaires (9) et les réparations pécuniaires allouées aux victimes dans le cadre d’une condamnation pénale (dommages et intérêts) (C. consom., art. L. 333-1).
Comme aux autres stades de la procédure (plan amiable, mesures imposées par la commission), les créances des bailleurs doivent être réglées prioritairement aux créances des établissements de crédit (C. consom., art. L. 333-1-1).
A noter :
l’effacement d’une créance correspondant à un chèque impayé vaut régularisation de l’incident de paiement (10). L’attestation est établie et adressée au débiteur par le greffe lors de l’envoi du jugement (C. consom., art. L. 332-4 et R. 334-18).
B. LES EFFORTS DEMANDÉS AU DÉBITEUR
Comme en matière de mesures imposées, la commission peut exiger que les mesures recommandées soient subordonnées à l’accomplissement par le débiteur d’actes propres à faciliter ou à garantir le paiement de la dette (C. consom., art. L. 331-7-2).
En outre, si le débiteur effectue un acte ou un paiement en violation des mesures recommandées par la commission, celle-ci pourra demander au juge de l’annuler. Elle dispose pour ce faire d’un délai d’une année à compter de l’acte ou du paiement de la créance (C. consom., art. L. 333-2-1).
A noter :
le débiteur qui, pendant l’exécution des mesures recommandées, aura, sans l’accord des créanciers, de la commission ou du juge, aggravé son endettement ou procédé à des actes de disposition de son patrimoine sera déchu de la procédure (cf. encadré, p. 40).
C. L’ENTRÉE EN VIGUEUR DES MESURES RECOMMANDÉES
1. LA NOTIFICATION DES MESURES
[Code de la consommation, articles L. 332-1 et R. 334-7]
Dans les deux mois qui suivent sa saisine, ou la fin du délai de réexamen consécutif au moratoire, la commission notifie les mesures qu’elle recommande. Cette notification doit exposer les arguments qui motivent spécialement la recommandation.
La notification est faite par lettre recommandée avec demande d’avis de réception au débiteur et aux créanciers. Elle doit rappeler que, à défaut de contestation, le juge pourra conférer force exécutoire aux mesures recommandées par la commission.
2. LEUR HOMOLOGATION PAR LE JUGE
[Code de la consommation, articles L. 332-1, R. 334-10 à R. 334-12]
La commission transmet au juge les mesures qu’elle recommande afin qu’il leur confère force exécutoire.
A noter :
les mesures recommandées qui sont rendues exécutoires ne sont pas opposables aux créanciers dont l’existence n’aurait pas été signalée et qui n’en auraient pas été avisés par la commission (C. consom., art. L. 331-8). En revanche, les créanciers auxquels les mesures recommandées sont opposables ne pourront pas exercer de voies d’exécution contre les biens du débiteur pendant la durée d’application des mesures (C. consom., art. L. 331-9).
a. En l’absence de contestations
En l’absence de contestations, le juge se prononce par ordonnance. Il vérifie, au vu des pièces qui lui ont été transmises par la commission, que les mesures recommandées sont conformes aux dispositions législatives et qu’elles ont été élaborées dans le respect de la procédure. En outre, il s’assure du bien-fondé des mesures d’effacement partiel des créances. Les recommandations de la commission ne pourront être ni complétées ni modifiées par le juge.
En cas d’illégalité des mesures recommandées, d’irrégularité de la procédure ou lorsque la mesure d’effacement partiel des créances est infondée, le greffe adresse copie de l’ordonnance à la commission, lui retourne les pièces et en informe les parties par lettre simple.
Les recommandations de la commission sont annexées à la décision qui leur confère force exécutoire. Les copies exécutoires, établies en autant d’exemplaires qu’il y a de parties, sont transmises à la commission qui les expédie aux parties par lettre recommandée avec demande d’avis de réception.
A noter :
si la situation du débiteur l’exige, le juge peut l’inviter à solliciter une mesure d’aide ou d’action sociale qui peut comprendre un programme d’éducation budgétaire, et notamment une mesure d’accompagnement social personnalisé (cf. encadré, p. 33).
b. En présence de contestations
[Code de la consommation, articles L. 332-2 et R. 334-13 à R. 334-17]
Une partie peut contester devant le juge de l’exécution (le juge d’instance, au plus tard le 1er septembre 2011) les mesures recommandées par la commission. Cette contestation doit être faite dans les 15 jours de la notification des recommandations. Lorsqu’il est saisi d’une contestation, le greffe en informe la commission, afin qu’elle lui transmette le dossier.
Dès lors qu’il s’agit d’assurer un traitement global du dossier, si les recommandations sont panachées avec des mesures imposées, le juge doit examiner l’ensemble des mesures.
Le juge vérifie que le débiteur est bien en situation de surendettement (cf. supra, chapitre I, section 1). Il peut obtenir communication de toute information de nature à apprécier la situation du débiteur ainsi que son évolution possible. Il peut ordonner, sur demande d’une partie, l’exécution de certaines des mesures prévues par la commission. Cette ordonnance n’est pas susceptible d’appel. Il peut aussi faire publier un appel aux créanciers (11), vérifier la validité des créances et des titres qui les constatent ainsi que le montant des sommes réclamées. Les frais afférents aux mesures d’instruction prescrites par le juge sont à la charge de l’Etat.
Les parties sont convoquées par lettre recommandée avec demande d’avis de réception au moins 15 jours avant la date de l’audience.
Saisi d’une contestation, le juge peut combiner les mesures imposées et les mesures recommandées des articles L. 331-7, L. 331-7-1 et L. 331-7-2. Sa décision mentionne la part de ressources affectée aux dépenses courantes du ménage fixée par la commission de surendettement (C. consom., art. L. 332-3). Le jugement est susceptible d’appel.
3. LE FICHAGE DES MESURES RECOMMANDÉES
[Code de la consommation, article L. 333-4]
Les mesures recommandées sont fichées et conservées pendant toute la durée de leur exécution, sans pouvoir excéder huit ans.
Dès lors qu’elles « sont exécutées sans incident, les informations relatives aux mentions qui ont entraîné leur déclaration sont radiées à l’expiration d’une période de cinq ans à compter » de la date à laquelle les mesures recommandées par la commission ont acquis force exécutoire. En cas de mesures prescrites successivement (plan conventionnel, mesures imposées puis mesures recommandées), l’inscription est maintenue pour la durée globale d’exécution du plan et des mesures sans pouvoir excéder huit ans.
(1)
Cass. civ. 1re, 19 mai 1999, n° 97-04.149, Bull. civ. I, n° 168.
(2)
Cass. civ. 1re, 9 novembre 1999, n° 98-04.109, Bull. civ. I, n° 301.
(3)
Cass. civ. 1re, 15 février 2000, n° 98-04.216, Bull. civ. I, n° 50.
(4)
Cass. civ. 1re, 30 mai 1995, n° 93-04.143, Bull. civ. I, n° 227.
(5)
Afin de faciliter la mise en œuvre de cette mesure, la sommation de payer doit, à peine de nullité, reproduire les dispositions légales relatives à ce délai.
(6)
Ce sont les créanciers qui n’ont aucune garantie.
(7)
Cass. civ. 1re, 9 juillet 1996, n° 95-04.009, Bull. civ. I, n° 302.
(8)
Cass. civ. 1re, 17 février 1998, n° 97-04.004 et 97-04.005, Bull. civ. I, n° 66.
(9)
En effet, si la dette d’aliment est prise en compte dans l’évaluation de la situation du débiteur, elle sera, sauf accord du créancier, exclue de toute mesure de traitement de la situation de surendettement.
(10)
« L’établissement teneur de compte avise la Banque de France de cette régularisation au plus tard le deuxième jour ouvré suivant la remise par le débiteur d’une attestation précisant que l’incident de paiement est régularisé par suite de l’effacement total de la créance correspondante » (C. consom., art. R. 334-18).
(11)
Le greffe réalise cet appel dans un journal d’annonces légales. Les frais de l’appel aux créanciers font l’objet d’un accord entre les parties à la procédure. A défaut, le juge désigne celui qui supportera les frais de l’appel.