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LA PLACE DES ENFANTS ET DES AUTRES MEMBRES DE LA FAMILLE

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Conformément à la définition du CNCMF, la médiation familiale constitue un processus engagé volontairement entre des adultes responsables et autonomes, à savoir un couple, le plus souvent, plusieurs parfois (parents et grands-parents). Dans ce contexte, quelle peut être la place des enfants, qui sont souvent au cœur des tensions, voire des adolescents en conflit intergénérationnel ?


A. LA PLACE DE L’ENFANT...

Même si l’une des préoccupations majeures de la médiation familiale est de préserver l’intérêt de l’enfant, ce dernier participe-t-il aux séances de médiation familiale ?
La définition du Conseil national consultatif pour la médiation familiale n’apporte aucune indication sur ce point. Et, « actuellement, dans le modèle dominant des pratiques de médiation familiale, l’enfant qui est au cœur du processus en est le plus souvent absent physiquement », relève Danièle Ganancia, vice-présidente au tribunal de grande instance de Paris (1).
Cependant, depuis quelques années, des expériences d’accueil de l’enfant en médiation sont menées.
Michèle Savourey résume ainsi la situation : « Certains professionnels ne rencontrent jamais les enfants en cours de médiation, essentiellement par choix. Ils pensent que la prise en compte directe du vécu de l’enfant appartient aux seuls parents et que, en cas de nécessité, d’autres professionnels sont plus habilités à le faire. Dans ce cas, l’enfant est présent en médiation à travers les échanges, les questionnements, les décisions que ses parents feront “pour lui”. D’autres médiateurs familiaux estiment que les enfants ont essentiellement besoin d’être informés des décisions de leurs parents et proposent à ces derniers d’inviter les enfants lors d’une dernière rencontre de médiation [...]. D’autres médiateurs enfin [...] proposent aux parents de rencontrer l’enfant seul une fois pour lui donner la possibilité de s’exprimer, d’être entendu et de valider avec lui ses besoins (ce qui est différent de ses demandes et de ses désirs) » (2).
De son côté, Agnès van Kote relate une expérience d’accueil de l’enfant tout en soulignant la spécificité que cela suppose : « Nous avons construit un dispositif spécifique à leur accueil. Il s’agit d’un entretien familial, distinct d’un entretien de médiation, situé en cours de médiation. Il s’articule autour de trois étapes » (3) :
  • « la préparation avec les parents de cette rencontre » qui requiert leur accord et celui de leurs enfants. Cette étape repose sur la capacité des parents à contenir leur conflit devant l’enfant, à savoir l’écouter, à ne pas utiliser ses propos pendant et hors l’espace de médiation ;
  • l’entretien familial ;
  • la séance de médiation qui suit rapidement.


B. ... ET CELLE DE L’ADOLESCENT

Il arrive parfois qu’un conflit naisse entre un adolescent et ses parents, un conflit intergénérationnel.
Dans ce cas, l’enfant peut-il être partie prenante de la médiation ? « La situation de conflits mettant face à face des parents et des enfants mineurs ne paraît pas relever d’une médiation familiale », relève Jean Gréchez (4). « En effet, le processus de médiation s’adresse à des personnes dont l’une des deux ne peut être sous l’autorité de l’autre. Or, dans la situation du mineur se confrontant à son parent, celui-ci, sauf cas exceptionnel, est titulaire de l’autorité parentale qui pourrait se trouver gravement fragilisée par un processus de médiation. » Pour Jean Gréchez, ce type de conflit relève davantage des thérapies familiales.
Certaines médiations de ce type semblent être organisées par des services de médiation familiale. Toutefois, du fait de sa minorité, « la décision d’une médiation entre l’adolescent et l’un de ses parents n’étant pas un acte de la vie quotidienne, elle relève de l’accord des deux parents » (5).


A noter :

pour la Caisse nationale des allocations familiales, les situations de conflit entre les adolescents et leurs parents ne relèvent pas de la médiation familiale, laquelle constitue un processus entre adultes cherchant à s’entendre sur un projet dans l’intérêt de l’enfant. Toutefois, au cours de ce processus, les enfants peuvent être accueillis, de façon ponctuelle, avec l’accord clair des deux parents sur la finalité et les modalités de l’entretien (circulaire CNAF, n° 2009-194 du 25 novembre 2009).


C. LES CONFLITS ENTRE GÉNÉRATIONS

Si le recours à la médiation familiale est le plus souvent en lien avec un conflit au sein du couple, il est parfois lié à des tensions entre générations. En pratique, ce type de médiation demeure encore assez rare et représente 3 % des médiations familiales, selon Jérôme Minonzio (6).
Pour Claire Denis, médiatrice familiale, ces demandes de médiation impliquant des personnes âgées « peuvent émaner des personnes âgées comme des enfants de ces personnes. Elles sont souvent déclenchées par la souffrance [...]. Elles sont en lien avec le désir de transmission, le sentiment d’isolement, les difficultés inhérentes au partage de ce qui est commun, plus rarement avec un désir de réparation, d’explicitation du passé, ou aussi en lien avec la difficulté de l’entourage face au vieillissement et à la dépendance » (7).
Claire Denis énumère ainsi un certain nombre de situations où une demande de médiation de type intergénérationnel est formulée. Il peut notamment s’agir :
  • d’enfants devenus adultes ou de personnes âgées, tous désireux de renouer des relations entre eux, de clarifier le vécu commun passé, parfois de « réparer » des événements du passé ;
  • de grands-parents et autres adultes de référence souffrant de relations distendues ou rompues avec leurs petits-enfants ou sollicitant la garde d’un enfant ;
  • de parents désirant réguler les relations entre les grands-parents et les petits-enfants ;
  • de personnes (en conflit ou en désaccord) ayant à assumer la prise en charge d’une personne âgée dépendante ou malade ou en conflit par rapport au partage d’un patrimoine commun transmis par un parent âgé.
La médiation familiale menée, dans ce cadre, est alors spécifique puisqu’elle met en présence plus de deux personnes (les deux membres d’un couple en conflit) : plusieurs couples (parents et grands-parents), des enfants adultes et leurs parents...
Dès lors, des entretiens préparatoires avec chacun des couples peuvent être un préalable nécessaire, d’autant que « souvent les deux personnes d’un couple n’ont pas la même vision de la situation », estime Claire Denis. Il faut également tenir compte de « la fragilité éventuelle des personnes et de la persistance de conflits ou ruptures à répétition sur plusieurs générations ». Enfin, « le médiateur peut être amené à demander à chacun de dire : d’où il parle ? (de sa place d’enfant ? de parent ? de grands-parents ? [...] sachant que les personnes peuvent avoir plusieurs places dans ces médiations transgénérationnelles), [...], à qui il s’adresse ? (au parent, aux grands-parents ?) [...], de qui l’on parle ici ? (par exemple : le petit-enfant qui n’est pas présent – et n’est donc pas sujet de la médiation mais objet commun dont on parle) ».


LA DÉTENTION DU DIPLÔME D’ÉTAT DE MÉDIATEUR FAMILIAL EST-ELLE OBLIGATOIRE POUR MENER UNE MÉDIATION FAMILIALE ?

Est-il nécessaire de détenir le diplôme d’Etat de médiateur familial ? A priori, la réponse semble aller de soi, notamment au vu des principes déontologiques posés par le Conseil national consultatif de la médiation familiale (cf. B, 1, c) mais la question est posée par certains avocats qui exercent une telle fonction.
Parmi eux, certains considèrent que la détention de ce diplôme n’est pas obligatoire. « Un médiateur, non titulaire du diplôme national de médiation familiale, peut parfaitement être désigné pour exercer une médiation familiale », estime le président de la Fédération nationale des centres de médiation, dans une chronique parue dans France Info Médiation (8).
Pour appuyer sa thèse, il met en avant plusieurs textes, notamment :
  • la loi du 8 février 1995 qui indique de façon très générale, dans l’article 21 modifié par la loi du 9 septembre 2002 : « Le juge peut, après avoir obtenu l’accord des parties, désigner une tierce personne remplissant les conditions fixées par décret pour procéder [...] à une médiation... » ;
  • l’article 131-4 du code de procédure civile selon lequel « la médiation peut être confiée à une personne physique ou à une association ». « Aucune restriction sur la personne désignée, qui peut être tant une personne physique qu’une personne morale, n’existe dans ce texte », poursuit la chronique ;
  • les articles 255 et 373-2-10 du code civil, qui prescrivent que« le juge peut notamment proposer aux époux une mesure de médiation [...] et désigner un médiateur familial pour y procéder ». « Le “notamment” du texte laisse le choix au juge de désigner un médiateur du cas général de l’article 131-4 du code de procédure civile », conclut l’article.
Outre ces arguments juridiques qui restent alambiqués, le président de la Fédération nationale met en avant des éléments de contexte ayant entouré, selon lui, l’adoption du décret du 2 décembre 2003 instaurant le diplôme d’Etat de médiateur. « Ce texte situé dans un contexte où il fallait faire accéder des travailleurs sociaux n’ayant parfois aucune formation ou qu’une très faible formation à une activité de médiateur, il était nécessaire de prévoir un diplôme. Par contre, d’autres personnes disposant d’une formation et des qualifications nécessaires n’ont pas de nécessité d’être titulaire du diplôme pour exercer en qualité de médiateur et être désigné par les différentes juridictions. Sur le plan de la pratique, c’est d’ailleurs bien ce qu’ont compris la plupart des magistrats qui font appel à des médiateurs non diplômés dans des affaires familiales (cf. Paris, Auxerre, Montluçon, Aix-en-Provence...) ».


(1)
Ganancia D., « L’audition de l’enfant et la médiation, Pour une place nouvelle de l’enfant dans le processus de médiation familiale », AJ Famille, n° 09/2009, p. 333.


(2)
Savourey M., « La médiation familiale », JDJ-RAJS, n° 267, septembre 2007, p. 15.


(3)
Van Kote A., « Les enfants et la médiation familiale », AJ Famille, n° 09/2009, p. 337.


(4)
Gréchez J., « Enjeux et limites de la médiation familiale », Dialogue 4/2005 (n° 170), p. 31 à 44.


(5)
Van Kote A., « Les enfants et la médiation familiale », préc.


(6)
Minonzio J., « La médiation familiale dans les CAF, un service dont l’efficacité varie selon les conflits traités », préc.


(7)
Intervention lors d’un colloque de la Mutualité sociale agricole, « Aide aux aidants, quelle pratique pour demain ? », Brest, 18 novembre 2008.


(8)
France Info Médiation n° 14, 2009, en ligne sur www.fncmediation.fr

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