Pour bien comprendre en quoi consiste la médiation familiale, il convient de la distinguer, notamment, de la conciliation mais également de la médiation pénale ou des dispositifs de soutien à la parentalité, par exemple, ou encore des aides aux couples en difficulté (sur les différents types de médiation, cf. annexe 1, p. 68).
A. LA MÉDIATION FAMILIALE ET LA CONCILIATION
[Code de procédure civile, articles 127 à 131 ; décret n° 78-381 du 20 mars 1978, JO du 23-03-78 modifié en dernier lieu par décret n° 2010-1165 du 1er octobre 2010, JO du 3-10-10]
Médiation familiale et conciliation ne doivent pas être confondues. Elles n’ont pas tout à fait la même finalité ni les mêmes outils.
Ainsi, pour Michèle Savourey, médiatrice familiale et psychologue clinicienne, « la conciliation vise essentiellement à résoudre un problème, un litige. L’accent est mis sur l’objectif à atteindre, à savoir la recherche d’une solution, d’une entente entre les deux parties [...]. La qualité de la relation future entre les protagonistes n’est pas un enjeu majeur de la négociation et la mise à jour des besoins sous-jacents des uns et des autres n’est pas nécessaire. La médiation se préoccupe également de la résolution du problème mais tout autant de la relation entre les protagonistes. C’est pourquoi elle est particulièrement adaptée au contexte de la famille (relations dans la durée), et la recherche de solution ou d’entente n’est pas le seul objectif de la démarche » (1).
De son côté, le rapport Guinchard rappelle que, pour certains, « la distinction entre la médiation et la conciliation repose sur le rôle distinct des acteurs de ces deux procédés alternatifs de règlement des conflits : la mission du médiateur serait d’entendre les parties en conflit et de confronter leurs points de vue au cours d’entretiens, afin de les aider à rétablir une communication et à trouver elles-mêmes une solution à leur litige » tandis que « la mission du conciliateur serait plus empreinte d’autorité, voire exercée par le juge lui-même, conformément à l’article 21 du code de procédure civile, selon lequel il entre dans la mission du juge de concilier les parties » (2). Pour d’autres, au contraire, le médiateur aurait un rôle plus actif que le conciliateur. Jean Carbonnier relevait ainsi que « la médiation est plus dynamique : elle ne se contente pas de suggérer aux parties des concessions sur leurs prétentions réciproques : elle négocie avec elles un projet qui transcende les prétentions » (3). Quoi qu’il en soit, « force est de constater que la médiation est en rapport étroit avec la conciliation qu’elle a pour but de faciliter : la médiation est le moyen qui doit conduire à un règlement du conflit entre les parties, c’est-à-dire une conciliation » (4).
Par ailleurs, une distinction par le coût de la mesure est parfois mise en avant. Ainsi, relève, encore le rapport Guinchard, « le décret du 22 juillet 1996 pris en application de la loi du 8 février 1995 opère une distinction entre la conciliation gratuite et conduite par le juge lui-même ou par le conciliateur de justice d’une part, et la médiation payante, menée par un tiers désigné par le juge, d’autre part ».
Enfin, « le médiateur apparaît comme un complément procédural alors que le conciliateur ne fait que remplacer le magistrat dans une phase procédurale obligatoire », relève Federica Rongeat-Oudin, qui ajoute que « la conciliation est limitée aux seuls cas prévus par la loi » alors que « la médiation peut intervenir à tous les stades de la procédure, y compris en référé » (5).
Ces diverses analyses montrent ainsi les liens qui existent entre médiation et conciliation. Toutefois, pour ce qui est de la médiation familiale, la distinction est assez facile à opérer. En effet, le conciliateur ne peut pas intervenir pour les questions de divorce ou de séparation, ni pour celles qui sont relatives à la garde des enfants.
B. LA MÉDIATION FAMILIALE ET LA MÉDIATION PÉNALE
[Code de procédure pénale, article 41-1, 5° ; circulaire CRIM n° 2004-03 E5 du 16 mars 2004, BOMJ n° 93]
La médiation familiale doit également être distinguée de la médiation pénale. Cette dernière consiste en une mesure alternative aux poursuites pénales, et a été introduite dans le code de procédure pénale par la loi du 4 janvier 1993 portant réforme de la procédure pénale à l’article 41 (6) puis transféré à l’article 41-1, 5°, par la loi du 23 juin 1999 renforçant l’efficacité de la procédure pénale. Article qui, par la suite, a connu plusieurs modifications, en dernier lieu avec la loi du 9 juillet 2010 relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants (7).
Ce texte énonce ainsi que « s’il lui apparaît qu’une telle mesure est susceptible d’assurer la réparation du dommage causé à la victime, de mettre fin au trouble résultant de l’infraction ou de contribuer au reclassement de l’auteur des faits, le procureur de la République peut, préalablement à sa décision sur l’action publique, directement ou par l’intermédiaire d’un officier de police judiciaire, d’un délégué ou d’un médiateur du procureur de la République [...] faire procéder, à la demande ou avec l’accord de la victime, à une mission de médiation entre l’auteur des faits et la victime. En cas de réussite de la médiation, le procureur de la République ou le médiateur du procureur de la République en dresse procès-verbal, qui est signé par lui-même et par les parties, et dont une copie leur est remise ; si l’auteur des faits s’est engagé à verser des dommages et intérêts à la victime, celle-ci peut, au vu de ce procès-verbal, en demander le recouvrement suivant la procédure d’injonction de payer, conformément aux règles prévues par le code de procédure civile ».
De cette disposition il découle que la médiation pénale a trois finalités non nécessairement cumulatives :
- assurer la réparation du dommage causé à la victime ;
- mettre fin au trouble résultant de l’infraction ;
- contribuer au reclassement de l’auteur des faits.
Selon une circulaire du 16 mars 2004 (8), « la mesure de médiation pénale [...] consiste, sous l’égide d’un tiers, à mettre en relation l’auteur et la victime afin de trouver un accord sur les modalités de réparation mais aussi de rétablir un lien et de favoriser, autant que possible, les conditions de non-réitération de l’infraction alors même que les parties sont appelées à se revoir ». Elle poursuit en expliquant que « la médiation pénale [...] permet une approche globale de la situation par son double objectif de prévention de la réitération et de désintéressement de la victime. Celle-ci doit être choisie en fonction d’éléments qualitatifs tels que le rap-port de proximité entre l’auteur et la victime (cadre familial, voisinage, relation de travail) et l’efficacité attendue de cette mesure, plutôt qu’une comparution devant une juridiction de jugement, pour apaiser le conflit qui oppose les parties ». Au vu de la fiche 5 de cette circulaire, il semble que le champ de la médiation pénale puisse concerner l’espace familial puisqu’elle pour-rait s’appliquer à des situations d’abandon de famille, de non-représentation d’enfants, mais exclurait les violences graves ou répétées commises en milieu familial.
La médiation pénale peut donc intervenir dans le champ familial, ce qui peut troubler au regard du rôle de la médiation familiale.
Mais plusieurs éléments peuvent distinguer la médiation familiale de la médiation pénale :
- en premier lieu, la médiation familiale n’est pas forcément judiciaire mais peut être conventionnelle, à la différence de la médiation pénale qui intervient nécessairement dans un cadre pénal ;
- en second lieu, la médiation familiale ne cherche pas à réparer le dommage causé à la victime et n’est pas liée à une infraction pénale, elle vise à favoriser le dialogue entre deux parties afin de chercher des solutions.
A noter :
la loi du 9 juillet 2010 relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants a inscrit à l’article 41-1 du code de procédure pénale que la victime était présumée ne pas consentir à la médiation pénale lorsqu’elle a saisi le juge aux affaires familiales d’une demande de délivrance d’une ordonnance de protection en raison de violences commises par son conjoint, son concubin ou le partenaire avec lequel elle est liée par un pacte civil de solidarité.
C. LA MÉDIATION FAMILIALE ET LES ENQUÊTES SOCIALES JUDICIAIRES
[Code civil, article 373-2-12]
La médiation familiale ne correspond pas non plus aux enquêtes sociales initiées par le juge aux affaires familiales. En effet, selon l’article 373-2-12 du code civil, le juge peut « avant toute décision fixant les modalités de l’exercice de l’autorité parentale et du droit de visite ou confiant les enfants à un tiers, [...] donner mission à toute personne qualifiée d’effectuer une enquête sociale. Celle-ci a pour but de recueillir des renseignements sur la situation de la famille et les conditions dans lesquelles vivent et sont élevés les enfants. Si l’un des parents conteste les conclusions de l’enquête sociale, une contre-enquête peut à sa demande être ordonnée. L’enquête sociale ne peut être utilisée dans le débat sur la cause du divorce ».
A la lecture de ce texte, il apparaît que ces deux dispositifs n’ont pas la même finalité. L’enquête sociale constitue un outil d’aide à la décision pour le juge. « Même si elle est bien faite, [elle] ne responsabilise pas les parents et ne rétablit pas la communication entre eux » (9).
D. LA MÉDIATION FAMILIALE ET LES DISPOSITIFS DE SOUTIEN À LA PARENTALITÉ
Même si elle ne doit pas se confondre avec eux, la médiation familiale fait partie des dispositifs de soutien à la parentalité.
En témoigne la création récente du Comité national de soutien à la parentalité (10) qui a pour finalité de favoriser « la coordination des acteurs » et de veiller « à la structuration et à l’articulation des différents dispo-sitifs d’appui à la parentalité, afin d’améliorer l’efficacité et la lisibilité des actions menées auprès des familles » (CASF, art. D. 141-9).
La médiation familiale est ainsi distincte :
- des réseaux d’écoute, d’appui et d’accompagnement des parents (REAAP), créés en 1998 qui ont pour but de faciliter, de manière gratuite, l’accès des parents à l’information et de promouvoir rencontres et échanges pour leur permettre de mutualiser leurs expériences. Outre les relations entre les familles et l’école, les domaines d’intervention des réseaux couvrent la prévention et l’appui aux familles les plus fragiles, le soutien aux parents d’adolescents et de préadolescents, la coparentalité et l’aide aux parents en conflit ou en voie de séparation, la place faite aux pères et l’accueil de la petite enfance, dans le respect des principes de neutralité politique, philosophique et confessionnelle et en veillant à ce que les actions proposées s’adressent à toutes les familles (circulaire interministérielle DIF/DGAS/2B/DAIC/DGESCO/DIV n° 2008-361 du 11 décembre 2008, BO Santé-Protection sociale-Solidarités n° 2009/1 du 15-02-09). L’objectif de ces réseaux est également de couvrir certains besoins, comme le soutien aux parents d’enfants malades, d’enfants handicapés, aux familles monoparentales ou issues de l’immigration. Enfin, ces réseaux sont chargés de la mise en œuvre et du suivi des points info famille (PIF) ;
- des points info famille, dont la création a été décidée à la conférence de la famille de 2003, qui visent à informer et à orienter les parents, notamment s’ils souhaitent s’engager dans une démarche de soutien à la parentalité ; leur domaine d’intervention est assez large et couvre la protection maternelle et infantile, les modes d’accueil du jeune enfant, l’adoption, les aides légales et sociales, la protection de l’enfance, le conseil conjugal et familial ainsi que la médiation familiale... ;
- des espaces de rencontre parents-enfants qui offrent un lieu de parole, d’accueil, de rencontre et d’échange entre parents et enfants. S’ils répondent à un objectif de prévention des troubles de la relation enfants-parents, ils fonctionnent néanmoins en dehors de toute visée thérapeutique. « Le recours à l’espace de rencontre est dû à des causes multiples, ce peut être la violence perdurante du conflit conjugal et ses répercussions sur la relation de l’enfant avec son autre parent. (L’espace de rencontre a pour mission d’accueillir des situations qui ne peuvent pas, ou n’ont pas pu être d’emblée accessibles à la médiation familiale.) Ce peut être dû aussi à la situation particulière du parent visiteur (des contextes d’addiction, par exemple, ou des troubles psychiatriques). Les professionnels des espaces de rencontre sécurisent et soutiennent l’enfant lors de ses contacts avec un père ou une mère qu’il connaît mal, qu’il craint ou qu’il dit n’avoir pas envie de rencontrer », explique ainsi Caroline Kruse, vice-présidente de la Fédération française des espaces de rencontre pour le maintien des relations enfants-parents (11). Les espaces de rencontre ont été juridiquement reconnus par la loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfant et introduits dans le code civil aux articles 373-2-1, alinéa 3, et 373-2-9, alinéa 3.
E. LA MÉDIATION FAMILIALE ET LES DISPOSITIFS D’AIDE AUX COUPLES EN DIFFICULTÉ
Il convient, enfin, de bien distinguer la médiation familiale d’autres dispositifs d’aide aux couples connaissant des difficultés.
Il en est ainsi, par exemple, des thérapies de couples voire des thérapies familiales ou encore de l’activité d’un conseil conjugal et familial.
En effet, la médiation familiale s’adresse à des couples séparés, elle n’a pas pour objectif de renouer les liens entre eux mais de régler des problèmes liés au manque de dialogue. Elle intervient, en outre, sur une courte durée contrairement au conseil conjugal et familial ou aux thérapies de couples, par exemple.
Elle se distingue donc bien :
- de la thérapie de couple dont la finalité est de tenter de permettre à des couples de comprendre leurs difficultés dans le cas d’une crise profonde ou répétée. Il s’agit d’un travail de longue haleine avec un thérapeute reposant sur une analyse de leur relation ;
- de la thérapie familiale dont le cadre est la famille mais qui repose également sur une approche en profondeur. Elle vise à faire émerger des solutions aux problèmes qui se posent entre les différents membres de la famille ;
- du conseil conjugal et familial qui vise à aider les couples ou familles par rapport à des questionnements sur leur vie relationnelle, leur parentalité, les problématiques de violence, de contraception...
(1)
Savourey M., « La médiation familiale », JDJ-RAJS, n° 267, septembre 2007, p. 15.
(2)
Guinchard S., « L’ambition raisonnée d’une justice apaisée », rapport au garde des Sceaux, 2008, p. 155 et s., disponible sur www.ladocumentationfrancaise.fr
(3)
Carbonnier J., Droit et passion du droit sous la Ve République, Flammarion 1996, p. 81.
(4)
Guichard S., « L’ambition raisonnée d’une justice apaisée », rapport préc.
(5)
Rongeat-Oudin F., « La médiation familiale : aspects juridiques et politiques », Revue juridique Personnes et Famille, n° 2, février 2010, p. 11.
(6)
Loi n° 93-2 du 4 janvier 1993 portant réforme de la procédure pénale, JO du 4-01-93, art. 6, complétant l’article 41 du code de procédure pénale par un alinéa 7.
(7)
Loi n° 2010-769 du 9 juillet 2010, JO du 10-07-10. L’ordonnance de protection est prévue par les dispositions des articles 515-9 et suivants du code civil.
(8)
Circulaire CRIM 2004-03 E5 du 16 mars 2004, BOMJ n° 93 du 1er janvier au 31 mars 2004, disponible sur www.justice.gouv.fr
(9)
Juston M., « Justice et médiation familiale », Gazette du Palais, 28 octobre 2008, n° 302, p. 3.
(10)
Décret n° 2010-1308 du 2 novembre 2010, JO du 3-11-10.
(11)
L’espace de rencontre : un lieu pour reconstruire son histoire, Journée d’information sur la médiation familiale organisée par la CAF et le conseil général de la Somme, Amiens, 15 octobre 2009, disponible sur le site http://www.espaces-rencontre-enfants-parents.org/pro/activites.php