Actuellement, le code civil prévoit le recours à la médiation familiale dans le cadre des procédures portant sur l’autorité parentale mais également dans le cadre des dispositions sur le divorce. Mais il n’est pas sûr qu’il faille se limiter à ces deux domaines tant l’article 1071 du code de procédure civile, qui prévoit que le juge aux affaires familiales peut proposer une mesure de médiation, est rédigé en termes généraux. Enfin, d’aucuns défendent le recours à la médiation familiale dans le cadre de la protection de l’enfance.
A. LA MÉDIATION FAMILIALE PARENTALE
[Code civil, article 373-2-10]
Introduit dans le cadre de la loi du 4 mars 2002 relative à l’autorité parentale à la suite des propositions en ce sens, notamment celles d’Irène Théry et de la commission Dekeuwer-Defossez, l’article 373-2-10 du code civil énonce que, afin « de faciliter la recherche par les parents d’un exercice consensuel de l’autorité parentale, le juge peut leur proposer une mesure de médiation, et, après avoir recueilli leur accord, désigner un médiateur familial pour y procéder ».
Cette mesure concerne donc uniquement les aspects du contentieux familial touchant aux modalités d’exercice de l’autorité parentale. L’idée est de restaurer le dialogue dans le couple et d’aboutir à un accord qui, négocié et accepté par les deux parents, sera mieux respecté qu’une décision imposée par le juge.
Afin de respecter la nature même de la médiation, qui suppose l’accord des parties, le juge dispose d’un simple pouvoir de proposition.
Par ailleurs, le juge peut, toujours selon cette même disposition, enjoindre aux parties de rencontrer un médiateur familial qui les informera sur l’objet et le déroulement de cette mesure (cf. aussi § 2, A, 2).
Ainsi, cette disposition qui comporte deux volets peut :
- proposer une mesure de médiation ;
- enjoindre de rencontrer un médiateur pour une séance d’information.
« Il ne faut pas se méprendre sur le sens de cette injonction », précise Federica Rongeat-Oudin, maître de conférences à la faculté de droit de Tours (1), « le magistrat n’ordonne pas un accord forcé. En revanche, il signifie solennellement aux parties que leur conflit n’est pas que juridique. Il leur fait ainsi comprendre que la décision de justice ne pourra agir comme une baguette magique, qu’il est indispensable qu’elles renouent le dialogue, qu’elles soient capables de décider pour l’enfant, etc. ».
L’entretien d’information obligatoire « ne préjuge pas de la suite que les personnes donneront à la médiation familiale. 40 à 50 % des rendez-vous d’injonction aboutissent à la mise en place d’une médiation. Dans la quasi-unanimité des retours faits par l’usager, cet entretien, même non suivi d’une médiation, a permis aux personnes a minima de poser leurs difficultés, de se sentir écoutées et de commencer à entrevoir d’autres manières de faire et d’autres possibilités de solution » (2).
A noter :
aucune sanction n’est attachée, par la loi, à cette injonction d’information. Lorsque les personnes doivent se rendre à un entretien d’information et n’y vont pas, le service désigné en informe le juge qui reconvoquera les parties s’il le souhaite. Il en tiendra compte dans sa décision concernant l’exercice de l’autorité parentale.
B. LA MÉDIATION FAMILIALE CONJUGALE
[Code civil, article 255, 1° et 2°]
Une seconde disposition du code civil aborde la médiation familiale dans le cadre, cette fois, des procédures de divorce. Suivant la même construction que celle qui est adoptée par la loi relative à l’autorité parentale, la loi relative au divorce du 26 mai 2004 a introduit un dispositif à double niveau. Elle prévoit ainsi que le juge peut notamment :
- « proposer aux époux une mesure de médiation et, après avoir recueilli leur accord, désigner un médiateur familial pour y procéder » ;
- ou « enjoindre aux époux de rencontrer un médiateur familial qui les informera sur l’objet et le déroulement de la médiation ».
Ce dispositif prend place en tête dans la liste des mesures provisoires que le juge peut prononcer au cours de la procédure de divorce.
Au cours des débats à l’époque, la question d’interdire la médiation familiale en cas de violences conjugales avait été évoquée. Finalement, la loi de 2004 n’a pas fait figurer cette prohibition, préférant laisser le soin au juge d’apprécier l’opportunité d’une telle mesure. Il est à noter, en revanche, que récemment, s’agissant de la médiation pénale cette fois, la loi du 9 juillet 2010 relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants a inscrit à l’article 41-1 du code de procédure pénale que la victime était présumée ne pas consentir à la médiation pénale lorsqu’elle a saisi le juge aux affaires familiales d’une demande en vue d’obtenir une ordonnance de protection en raison de violences commises par son conjoint, son concubin ou le partenaire avec lequel elle est liée par un pacte civil de solidarité (3).
C. LA MÉDIATION FAMILIALE EN PROTECTION DE L’ENFANCE
[Code civil, article 375 ; code de procédure civile, article 131-1]
La médiation familiale a-t-elle un rôle à jouer dans le cadre de la protection de l’enfance ? Au regard des textes juridiques, aucune disposition du code civil ou du code de procédure civile ne prévoit de manière explicite le recours à la médiation familiale dans les dispositifs de protection de l’enfance.
Toutefois, le troisième rapport annuel de l’Observatoire national de l’enfance en danger (ONED) relève que « la dimension d’apaisement donc de plus grand équilibre pour l’enfant aboutit à l’hypothèse que, en protection de l’enfance, la médiation puisse trouver matière à s’appliquer, soit au travers de l’approche générale de raisonnement qu’elle implique, soit même au travers de la mise en œuvre des processus caractéristiques de la médiation familiale » (4).
Pour certains juristes ou professionnels du droit, la conjugaison de deux articles du code civil pourrait la rendre juridiquement applicable à des situations de protection de l’enfance :
- l’article 375 du code civil selon lequel « si la santé, la sécurité ou la moralité d’un mineur non émancipé sont en danger, ou si les conditions de son éducation, ou de son développement physique, affectif, intellectuel et social, sont gravement compromises, des mesures d’assistance éducative peuvent être ordonnées par justice à la requête des père et mère conjointement, ou de l’un d’eux, de la personne ou du service à qui l’enfant a été confié ou du tuteur, du mineur lui-même ou du ministère public ». Le juge peut se saisir d’office à titre exceptionnel. Elles peuvent être ordonnées en même temps pour plusieurs enfants relevant de la même autorité parentale ;
- l’article 131-1 du code de procédure civile qui permet au juge de désigner une tierce personne susceptible de confronter les points de vue des parties.
Dès lors, en conclut l’ONED, le juge des enfants « peut proposer la mise en place d’une médiation familiale parallèlement à la mesure d’assistance éducative en milieu ouvert. Il peut même l’enjoindre, en application de l’injonction prévue par l’article 375-2, alinéa 2, du code civil, qui prévoit que le maintien de l’enfant dans son milieu peut être subordonné à des “obligations particulières” » (5).
Cette analyse a été reprise par l’annexe 12 de l’un des guides ministériels accompagnant la réforme de la protection de l’enfance du 5 mars 2007, selon laquelle « la médiation familiale peut être également entendue dans le contexte plus spécifique de la protection de l’enfance car elle est une réponse spécifique à certaines situations de danger pour les enfants (notamment pour les ruptures familiales), aux conflits de loyauté, pour les familles en situation d’AEMO... Elle permet alors de participer au travail d’accompagnement de la mesure d’AEMO, de soutenir les familles avant, pendant et au retour d’un placement » (6).
Pour certains magistrats, en particulier des juges des enfants, cette analyse ne paraît toutefois pas satisfaisante, cette possibilité n’étant pas prévue expressément par le droit. D’autres, à l’inverse, y ont recours. Il en est ainsi de Marie-Madeleine Boussaroque, lorsqu’elle était vice-présidente du tribunal pour enfants de Clermont-Ferrand, qui estime que « le juge des enfants peut, à n’importe quel stade de la procédure après avoir recueilli l’accord des parties, désigner une tierce personne, afin d’entendre les parties et de confronter leurs points de vue pour leur permettre de trouver une solution au conflit qui les oppose, lorsque la santé, la sécurité ou la moralité d’un mineur non émancipé sont en danger, ou dans le cas où les conditions d’éducation sont gravement compromises » (7).
D. UN CHAMP PLUS LARGE ?
[Code de procédure civile, article 1071]
La médiation familiale judiciaire est-elle vraiment limitée aux questions d’autorité parentale et de divorce, voire de protection de l’enfance ?
La rédaction en termes généraux de l’article 1071 du code de procédure civile pourrait indiquer le contraire. Selon ce texte, « le juge aux affaires familiales a pour mission de tenter de concilier les parties. Saisi d’un litige, il peut proposer une mesure de médiation et, après avoir recueilli l’accord des parties, désigner un médiateur familial pour y procéder ».
Pour Federica Rongeat-Oudin, maître de conférences à la faculté de droit de Tours, « il semble que cette mission de conciliateur imposée au juge aux affaires familiales ainsi que cette possibilité de se faire aider par un médiateur existent dans toutes les procédures familiales soumises à sa compétence. [...] Il faut souligner à ce propos que l’accroissement à venir des compétences dévolues au juge aux affaires familiales, bientôt chargé d’affaires aujourd’hui encore réservées au juge des tutelles des mineurs [NDLR (8)], contribuera à élargir le domaine d’intervention du médiateur familial. De la même façon, il va pouvoir proposer une mesure de médiation aux couples non mariés se séparant, sans être obligé de la réserver aux questions d’autorité parentale et de divorce. Pourront ainsi relever de la médiation familiale judiciaire les indivisions, la séparation de biens, la liquidation et le partage des intérêts patrimoniaux des partenaires pacsés ou des concubins » (C. org. jud., art. L. 213-3) (9).
(1)
Rongeat-Oudin F., « La médiation familiale : aspects juridiques et politiques », Revue juridique Personnes et Famille, n° 2, février 2010, p. 11.
(2)
Gasseau C., « La médiation familiale et le droit », Revue Empan, n° 72, décembre 2008, p. 61.
(3)
Loi n° 2010-769 du 9 juillet 2010, JO du 10-07-10. L’ordonnance de protection est prévue par les dispositions des articles 515-9 et suivants du code civil.
(4)
ONED, 3e rapport annuel, décembre 2007, disponible sur www.ladocumentationfrançaise.fr et sur http://oned.gouv.fr
(5)
Guide pratique « Prévention en faveur de l’enfant et de l’adolescent », avril 2008, disponible sur www.reforme-enfance.fr
(6)
Boussaroque M.-M., « La médiation familiale en protection de l’enfance », Le médiateur familial, n° 53, décembre 2006.
(7)
En vertu de l’article L. 213-3-1 du code de l’organisation judiciaire, introduit par la loi n° 2009-526 du 12 mai 2009 (art. 13) de simplification et de clarification du droit et d’allégement des procédures, qui prévoit que le juge aux affaires familiales connaît de l’émancipation, de l’administration légale et de la tutelle des mineurs, de la tutelle des pupilles de la Nation.
(8)
Rongeat-Oudin F., « La médiation familiale : aspects juridiques et politiques », préc.