La médiation familiale judiciaire constitue une variante de la médiation civile judiciaire introduite par la loi n° 95-125 du 8 février 1995 et par le décret n° 96-652 du 22 juillet 1996, codifiés aux articles 131-1 et suivants du code de procédure civile.
Selon l’article 131-1, le juge saisi d’un litige peut, après avoir recueilli l’accord des parties, désigner une tierce personne afin d’entendre les parties et de confronter leurs points de vue pour leur permettre de trouver une solution au conflit qui les oppose. Ce pouvoir appartient également au juge des référés en cours d’instance.
Par la suite, deux dispositions spécifiques cette fois à la médiation familiale ont été insérées dans le code civil :
- la première dans le cadre de la loi n° 2002-305 du 4 mars 2002 relative à l’autorité parentale se trouve dans les articles relatifs à l’exercice de l’autorité parentale ;
- la seconde a été introduite par la loi n° 2004-439 du 26 mai 2004 relative au divorce.
Dans les deux cas, il est prévu que le juge peut enjoindre à un couple de s’informer sur la médiation familiale ou l’inciter à y recourir.
« Sa pratique demeure aujourd’hui limitée », par rapport à la médiation conventionnelle. « En 2006, près de 10 700 demandes de médiation familiale ont été adressées aux associations du secteur. 60,4 % d’entre elles sont intervenues dans un cadre conventionnel [...] et 39,7 % dans un cadre judiciaire », relève ainsi une étude du Centre d’analyse stratégique (1). Une tendance confirmée par l’analyse statistique du ministère de la Justice déjà évoquée (cf. supra, chapitre I, section 2, § 2) qui relève que la médiation familiale a lieu seulement dans 0,4 % des divorces (2). A la Cour des comptes qui constatait, dans son rapport annuel 2009, que la faiblesse des crédits du ministère de la Justice conduisait les juges à orienter les parents vers la médiation extrajudiciaire, mais que la maigre prescription des mesures judiciaires justifiait alors la faiblesse de l’engagement financier, Michèle Alliot-Marie, alors ministre de la Justice, apportait les éléments de réponse suivants : « Le faible nombre de mesures de médiation familiale ordonnées par les juges s’explique essentiellement par le cadre juridique dans lequel s’inscrivent les mesures judiciaires de médiation familiale. En effet, les articles 255 et 373-2-10 du code civil subordonnant la mise en œuvre de la médiation à l’accord préalable des parties, le juge aux affaires familiales [JAF] n’a donc pas le pouvoir d’imposer cette mesure. Il peut seulement enjoindre aux parties de rencontrer un médiateur qui les informera sur l’objet et le déroulement de la mesure. Dans ce contexte, il est certain que le nombre de médiations judiciaires ne peut être très élevé. Les magistrats ne prononcent pas d’injonctions de rencontrer un médiateur lorsque les parties ne paraissent pas d’emblée prêtes à accepter l’idée d’une médiation, dans la mesure où cela rallonge la procédure sans garantie aucune que la médiation pourra apporter une solution au conflit. Enfin, il convient d’observer qu’au stade de la procédure où elle est susceptible d’intervenir, la médiation judiciaire n’est pas toujours envisageable, le JAF étant souvent saisi à un moment où le conflit est cristallisé et où les parties refusent toute idée de dialogue » (3).
PRÉCURSEUR EN MATIÈRE DE MÉDIATION FAMILIALE
Au tribunal de grande instance de Tarascon, l’implication de tous les acteurs judiciaires dans la prise en compte de la médiation familiale est assez ancienne. Elle a permis « d’aider à laisser de côté la culture juridique traditionnelle qui considère que le conflit doit permettre l’émergence d’un vainqueur et d’un vaincu, alors que la médiation familiale instaure un rapport gagnant-gagnant », relève Marc Juston, président du tribunal de grande instance (4).
A partir de ce travail collectif des magistrats, des avocats, des notaires et des services de médiation familiale, le tribunal a initié une pratique favorisant la médiation familiale.
D’abord, une notice d’information a été rédigée en application de l’article 1108 du code de procédure civile qui dispose qu’« à la convocation par le greffe par lettre recommandée doit être jointe, à titre d’information, une notice exposant, notamment les dispositions [...] des 1° et 2° de l’article 255 du code civil qui vise la médiation familiale ». Ce document, élaboré de concert avec le juge aux affaires familiales, les avocats, les greffiers et les médiateurs familiaux, précise notamment ce qu’est l’objet de la médiation familiale, le rôle de l’avocat, et indique les permanences des médiateurs familiaux. « Au vu de ce document, nombre de justiciables vont s’informer et demandent à l’audience un renvoi de la procédure, de manière à engager un processus de médiation familiale », raconte Marc Juston.
Par ailleurs, dans la juridiction de Tarascon, une injonction à rencontrer un médiateur familial ou une médiation familiale en tant que telle ont été ordonnées dans 18 % des dossiers potentiellement concernés, à savoir dans le cadre des ordonnances de non-conciliation, des procédures d’après divorce ou d’après séparation des couples non mariés, soit beaucoup plus que les statistiques nationales ne l’indiquent.
Pour Marc Juston, « la première question que le juge aux affaires familiales doit poser aux parties (et à leurs avocats) est de savoir si elles acceptent ou non d’engager un processus de médiation familiale. Dans ma pratique, si les parties acceptent à demi mots ou si elles apparaissent réticentes, elles sont enjointes à rencontrer un médiateur familial. Dans ma décision qui comporte, pour la plupart des situations, des mesures provisoires, un rendez-vous, à une date précise, est fixé à chacune des parties pour une séance d’information. » La technique semble efficace puisque 90 % des parties se rendent à cette séance et environ la moitié des couples s’engage dans un processus de médiation familiale.
Au demeurant, le président du tribunal de grande instance se félicite des résultats obtenus. Par exemple, il constate une « baisse spectaculaire des divorces pour « faute » (à peine 1 % des divorces prononcés) », une plus grande « rapidité de traitement des procédures familiales, en raison de la simplification des contentieux (délai de convocation devant le juge aux affaires familiales entre trois et quatre semaines – délai moyen de traitement du contentieux familial 4,7 mois) » et une réduction du nombre des procédures d’après divorce ou d’après séparation.
Relevons toutefois que cette donne pourrait changer : un projet de loi relatif à la répartition des contentieux et à l’allégement de certaines procédures juridictionnelles, présenté en conseil des ministres, le 3 mars 2010 (article 15), prévoit, à titre expérimental, le recours obligatoire et préalable à la médiation familiale avant toute saisine du juge dans certaines circonstances.
(1)
Brabant-Delannoy L., « Face à la conflictualité et à la violence, quelle efficacité de la médiation ? », Centre d’analyse stratégique, note de veille n° 147, juillet 2009.
(2)
Chaussebourg L., Dominique Baux D., « L’exercice de l’autorité parentale après le divorce ou la séparation des parents non mariés », ministère de la Justice, octobre 2007, disponible sur le site www.justice.gouv.fr
(3)
Cour des comptes, « Les politiques de soutien à la parentalité », in Rapport public annuel 2009, chapitre 24.
(4)
Journée nationale partenariale médiation familiale, journée d’échanges des réseaux de la médiation familiale, 15 juin 2010, sur www.mediation-familiale.org