Recevoir la newsletter

LES QUESTIONS DE FRONTIÈRES

Article réservé aux abonnés

La répartition des compétences des anciennes DRASS et DDASS entre les agences régionales de santé d’une part, au périmètre volontairement très large (puisqu’il inclut le suivi des ESAT et les services de santé environnement) et les DRJSCS et DDCS d’autre part, ne pouvait manquer de poser de nombreux problèmes de « frontières ». La direction générale de la cohésion sociale a, dans une circulaire du 23 mars 2010, tenté d’en régler un certain nombre (1), mais ne permet pas de faire l’économie d’un texte plus large qui proposerait aux services concernés un modus operandi.
Si, en effet, les blocs de compétences nouveaux sont définis de façon claire – y compris sous leurs aspects parfois discutables (avec par exemple le suivi de formations paramédicales aux DRJSCS et celui des ESAT aux ARS) – dans la pratique, la partition des DRASS et DDASS ne va pas manquer de complexifier des problèmes de coordination qu’on avait pu rencontrer entre ces services et les ARH.
Ainsi, la question du « qui fait quoi » sera inévitablement posée à propos, par exemple, des politiques de « bientraitance », de la santé des adolescents, de la lutte contre le saturnisme et l’habitat dégradé, et d’une manière générale sur tous les champs de contact entre politique sociale et politique de santé. Il est toutefois permis de penser que c’est dans le domaine des politiques d’aide à domicile que la nécessité d’une coordination très forte se fera sentir si l’on veut éviter des conflits de compétence négatifs entre services.
A noter :
s’agissant de la lutte contre la maltraitance, de la promotion de la bientraitance, de la lutte contre les dérives sectaires et de la protection juridique des majeurs, autant de sujets sensibles sur lesquels le rôle des conseils généraux est particulièrement important, la DGCS a indiqué que l’articulation des compétences des ARS, des DRJSCS et des DDCS (PP) fera l’objet d’une note spécifique (circulaire DGCS/SD3 n° 2010/97 du 23 mars 2010).


A. LA POLITIQUE DU HANDICAP

[Circulaire DGCS/SD3 n° 2010/97 du 23 mars 2010, BO Santé, Protection sociale, Solidarité n° 2010/4 du 15-05-10]
Les règles de répartition des compétences dans le domaine de la politique du handicap entre les DRJSCS et DDCS/PP et les ARS ont été clairement définies par le directeur général de la cohésion sociale dans une circulaire du 23 mars 2010.


1. LE RÔLE DES ARS

Les agences régionales de santé sont compétentes pour toute la politique afférente aux établissements et services médico-sociaux assurant la prise en charge et l’accompagnement des personnes handicapées et des personnes âgées, « y compris les établissements et services d’aide par le travail (ESAT) financés par l’Etat ».
Directement concernées par les décisions que prennent les commissions des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH) en matière d’orientation vers les établissements et services pour enfants et adultes handicapés, les ARS sont désormais représentées au sein de cette instance (CASF, art. R. 241-24).
En outre, même si les services de l’Etat conservent leur rôle au sein des conseils départementaux consultatifs des personnes handicapées, le directeur général de l’ARS pourra être convié aux travaux de cette instance.
Par ailleurs, deux dispositifs qui sont gérés de manière transitoire cette année par les DRJSCS et les DDCS(PP) devraient rejoindre le champ des ARS en 2011. Il s’agit des groupes d’entraide mutuelle (GEM) orientés, à titre principal, vers les personnes handicapées psychiques et des centres régionaux d’études et d’actions sur les inadaptations et les handicaps (CREAI). Les modalités techniques et les conséquences d’un tel transfert sont en cours d’examen.


2. LES MISSIONS DES DIRECTIONS DE LA COHESION SOCIALE

« La compétence des ARS dans le champ médico-social n’épuise cependant pas la totalité de la politique du handicap, explique Fabrice Heyriès, le directeur général de la cohésion sociale, dans cette même circulaire. D’une part, au-delà des établissements et services, cette politique interministérielle comporte un important volet fondé sur le principe d’accessibilité généralisée, qui vise à permettre “l’accès de toutes les personnes handicapées aux droits de tous” et à promouvoir leur insertion sociale. D’autre part, les missions de protection des personnes vulnérables [...] et d’insertion sociale des personnes handicapées entrent explicitement dans les missions des DRJSCS [...] et des DDCS (PP) [...]. »
En conséquence, ces directions conservent un rôle pour garantir aux personnes handicapées ou en perte d’autonomie l’accès et le respect de leurs droits, tant sur le plan individuel que sur celui, collectif, de la garantie apportée à l’expression des représentants de ces personnes dans un certain nombre d’instances. Elles sont ainsi chargées d’assurer la continuité du secrétariat des conseils départementaux consultatifs des personnes handicapées. Elles continueront également d’assurer le suivi des moyens humains, matériels et financiers apportés par l’Etat (secteur cohésion sociale) aux maisons départementales des personnes handicapées.
Par ailleurs, l’attribution des cartes de stationnement pour personnes handicapées reste de la compétence du préfet qui pourra s’appuyer sur ces directions, en particulier la direction départementale de la cohésion sociale. Cette dernière se substitue de plein droit à la DDASS au sein des commissions consultatives départementales de sécurité et d’accessibilité.
Autre rôle : promouvoir l’autonomie sociale de ces publics et leur citoyenneté. Cet aspect se traduit par une mission générale d’ingénierie sociale consistant, pour ces services, à s’assurer de la prise en compte des besoins des personnes handicapées dans les autres politiques déclinées localement (éducation, emploi, accessibilité, tourisme...).
Les directions départementales de la cohésion sociale devront notamment être particulièrement attentives à la promotion et au développement de la pratique sportive et de l’accès aux loisirs des personnes handicapées.
Les directions régionales de la cohésion sociale reprendront les compétences des DRASS s’agissant de l’agrément des organismes de vacances pour personnes handicapées adultes, les directions départementales étant chargées du recueil des informations sur tout séjour dans un lieu de vacances adapté aux personnes handicapées dans le département (deux mois, puis huit jours avant le séjour) ainsi que du contrôle des lieux, avec possibilité d’ordonner la cessation du séjour par le préfet en cas de problème, ce dernier pouvant disposer à tout moment des moyens de l’ARS au titre de ses missions de protection de la sécurité des personnes et de police sanitaire.


B. LA PROBLÉMATIQUE GÉNÉRALE D’ORGANISATION DES LIENS ENTRE ARS ET SERVICES DÉCONCENTRÉS

Le partage des missions entre ARS d’une part, DRJSCS et DDCS d’autre part, défini par les textes récents, laisse subsister de vastes zones de chevauchement.
Sur un plan très général, les ARS ont pour mission « de définir et de mettre en œuvre un ensemble coordonné de programmes et d’action concourant à la réalisation, à l’échelon régional et infrarégional, [...] des principes de l’action sociale et médico-sociale énoncés aux articles L. 116-1 et L. 116-2 du code de l’action sociale et des familles » (C. santé publ., art. L. 1431-1), alors que les DRJSCS « assurent le pilotage et la coordination des politiques sociales [...] » (décret n° 2009-1540 du 10 décembre 2009, art. 2) et que les directions départementales interministérielles chargées de la cohésion sociale (DDCS) concourent « à l’identification et à la prise en compte des besoins prioritaires de santé des populations les plus vulnérables et à la lutte contre les toxicomanies et les dépendances » (décret n° 2009-1484 du 3 décembre 2009, art. 4, II).
Un projet de circulaire interministérielle détaille une dizaine de « champs communs d’actions entre ARS/DRJSCS/DDCS (PP) » qui vont de l’observation sanitaire et sociale à la gestion des crises en passant par les plans « Alzheimer » et « handicap », les maisons des adolescents, la santé des détenus, les contrôles conjoints d’établissements, les besoins sociaux de toxicomanes et des malades mentaux et les besoins de formation aux professions sanitaires, sociales et médico-sociales...
Plus précisément ces « champs communs d’actions » recouvrent :
  • les besoins de santé ;
  • les sports ;
  • les besoins de formation ;
  • les besoins sociaux ;
  • le handicap et les personnes âgées ;
  • les contrôles ;
  • l’habitat ;
  • les alertes sanitaires ;
  • les crises.
Une telle imbrication s’ajoutant à la disproportion au moins apparente entre les moyens des agences régionales de santé et ceux des services de l’Etat crée un risque de confusion quotidienne, de doublons dans l’action, voire de tensions entre ces services, les derniers nommés pouvant se trouver tentés de résister au « leadership » réel ou supposé des premières. Il est, dans ces conditions, de bonne administration, pour ne pas dire indispensable, d’organiser leurs relations et leur collaboration.
Plusieurs modalités sont concevables pour celle-ci, au-delà de l’invitation incantatoire à une collaboration naturellement privilégiée : la désignation d’un chef de file, la collaboration « organique » et la collaboration « fonctionnelle ».
La circulaire DGCS du 23 mars 2010 (cf. supra, A) désigne sur chaque sujet un chef de file ; il n’est pas sûr que cette méthode, facilitée en l’occurrence par l’existence d’un corpus législatif et réglementaire clair, récent et complet, soit transposable dans tous les domaines.
L’appel à la collaboration comme mode de solution à des difficultés qui ne manqueront pas de se présenter chaque jour (« qui fait quoi ? ») avec des risques multiples de conflits de compétences – positifs mais aussi négatifs ! – était donc inévitable. Plusieurs modes de collaboration sont concevables :
  • la collaboration « organique », à savoir la participation à des instances communes comme mode de régulation des interventions : le DRJSCS est membre du conseil de surveillance de l’ARS, il participe à la conférence régionale de la santé et de l’autonomie et aux deux commissions de coordination des politiques publiques mises en place par la loi « HPST ». De son côté, le directeur général de l’ARS devrait être invité à désigner un « référent cohésion sociale », chargé de l’interface avec le secteur social au sens large, y compris la politique de la ville et les activités des collectivités territoriales dans le secteur social. Il s’agira en particulier de veiller à l’intégration des objectifs de cohésion sociale dans le projet régional de santé et de développer des capacités d’analyse partagée au sein des plates-formes régionales d’observation sanitaire et sociale ;
  • en termes « fonctionnels », DRJSCS et ARS peuvent s’appuyer sur de très nombreux programmes ministériels, dispositifs et outils à leur disposition, comme le programme régional d’accès à la prévention et aux soins (PRAPS), les contrats locaux de santé, la mise en place des ateliers santé, la mobilisation du service civique et des opérateurs locaux, les contrats locaux en matière de cohésion sociale.
On peut néanmoins considérer que la procédure de contractualisation entre les deux services sera probablement inévitable et la seule de nature à définir claire-ment le cadre et le contenu d’une collaboration, indispensable même si on en voit facilement les difficultés (gestion du temps avant tout, importance de la qualité des relations interpersonnelles, pauvreté des moyens de certains services, dictature de l’urgence...). Il s’agira de définir en commun, autant que possible « à froid », un partage du terrain et des champs d’intervention, qui tiendra beaucoup aux situations locales et à l’état des troupes respectives, de manière à éviter le risque de la confusion généralisée.
En définitive, la circulaire de la direction générale de l’action sociale du 23 juillet 2010 (2) relative au renforcement de la lutte contre la maltraitance des personnes âgées et des personnes handicapées et au développement de la bientraitance « dans les établissements et services sociaux et médico-sociaux relevant de la compétence de l’ARS » préfigure peut-être de ce qui va se passer. Elle laisse penser en effet que les points de contact, du moins les principaux, entre ARS et services de l’Etat pourraient donner lieu progressivement à des instructions spécifiques précisant, en particulier, qui fait quoi et le rôle de chacun mais sans pour autant éliminer tout risque de confusion (3).
Ainsi, cette circulaire est adressée « pour exécution » aux directeurs généraux d’ARS et « pour information » aux préfets, DRJSCS et DDCS (PP). Elle indique sans ambiguïté que l’animation et le suivi de ces programmes, dispositifs et procédures « relèvent pour le secteur médico-social de la compétence des agences régionales de santé ». Mais elle ne peut éviter de rappeler :
  • que les préfets de département sont « responsables de la coordination générale au niveau départemental de la politique de lutte contre la maltraitance dans le secteur social et médico-social » ;
  • qu’ils disposent « d’un pouvoir général de contrôle sur l’ensemble des établissements sociaux et médico-sociaux, en vue notamment de s’assurer de la sécurité des personnes accueillies » ;
  • et qu’ils disposent également des personnels de l’agence régionale de santé pour l’exercice en tant que de besoin, de leurs compétences de contrôle dans les établissements et services sociaux qu’ils autorisent (CASF, art. L. 313-13).


(1)
Cette circulaire est relative à la répartition des compétences dans le domaine de la politique du handicap. Signalons également, à titre plus résiduel, que la circulaire interministérielle (Intérieur, Santé) du 9 juillet 2010 relative à la mise en œuvre du plan canicule a demandé aux préfets et directeurs généraux d’ARS de « bien veiller au respect des compétences de chacun dans la répartition des tâches entre les différents acteurs impliqués » et de « garantir l’articulation opérationnelle entre les ARS et les DDCS/PP » (circulaire interministérielle n° SG/2010/255 du 9 juillet 2010).


(2)
Circulaire n° DGCS/2A/2010/254 du 23 juillet 2010, à paraître au BO Santé, Protection sociale, Solidarité.


(3)
La diffusion d’une circulaire sur le même thème auprès des DRJSCS est d’ailleurs annoncée pour septembre 2010.

SECTION 2 - QUELLE PLACE POUR LE SOCIAL DANS LA NOUVELLE ORGANISATION ?

S'abonner
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client 01.40.05.23.15

par mail

Recruteurs

Rendez-vous sur votre espace recruteur.

Espace recruteur