Engagée depuis deux ans, la réforme de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) s’inscrit dans l’esprit de rationalisation de la révision générale des politiques publiques et dans celui de la réforme de l’organisation de la justice. Mais elle trouve ses véritables racines dans la loi du 5 mars 2007 relative à la protection de l’enfance. S’appuyant sur le rôle central confié aux départements en matière de protection de l’enfance, l’Etat a en effet décidé de recentrer la protection judiciaire de la jeunesse sur les mineurs délinquants, les conseils généraux étant, quant à eux, les chefs de file de la protection de l’enfance (prise en charge des mineurs en danger). Un choix politique qui s’est traduit, depuis 2008, par un redéploiement des personnels éducatifs et des crédits par actions. Les crédits affectés à l’action « mise en œuvre des mesures judiciaires, mineurs délinquants » ont ainsi nettement progressé – passant de 417 millions d’euros en loi de finances initiale (LFI) 2008 à 516 millions d’euros en LFI 2010 – au détriment de ceux qui sont consacrés à l’action « mise en œuvre des mesures judiciaires, mineurs en danger et jeunes majeurs », circonscrite à l’investigation au civil, qui ont connu l’évolution inverse, s’établissant à 109 millions d’euros en LFI 2010 (contre 244 en LFI 2008). A charge pour les départements de pallier – via notamment le fonds national de financement de la protection de l’enfance mis en place en mai 2010 – ce désengagement et de traiter, à travers l’aide sociale à l’enfance, un nombre important de situations qui relevaient jusqu’ici de la PJJ.
Pour autant, ce recentrage de l’activité des services publics sur la mise en œuvre des mesures pénales en direction des jeunes les plus difficiles ne signifie pas que la PJJ n’intervient plus en matière de protection de l’enfance. Le décret du 9 juillet 2008 relatif à l’organisation du ministère de la Justice en fait le « pilote » du secteur de la justice des mineurs. Et la circulaire d’orientation du 6 mai 2010 de la ministre de la Justice (1), Michèle Alliot-Marie, confirme le rôle clé de la PJJ pour permettre une meilleure articulation des prises en charge civiles et pénales et dans sa mission de coordination des acteurs de la justice des mineurs. En témoigne la présence, pour la première fois cette année, d’une centaine de représentants de la protection judiciaire de la jeunesse aux quatrièmes assises nationales de la protection de l’enfance, qui se sont tenues à Marseille les 28 et 29 juin 2010. L’occasion pour Philippe-Pierre Cabourdin, directeur de la PJJ, de réaffirmer l’engagement de son institution dans le dispositif de protection de l’enfance, et plus spécifiquement au sein de la protection judiciaire de l’enfance et de rappeler que « le travail éducatif au pénal n’est pas moins éducatif qu’au civil ».
Cette évolution des missions s’est accompagnée parallèlement d’une réorganisation territoriale des services déconcentrés, lesquels se composent, depuis le 1er janvier 2009, de directions interrégionales et de directions territoriales. Ces dernières étant chargées de faire le lien entre la PJJ et les conseils généraux.
Ce recentrage des missions, assorti d’une réforme de la carte PJJ, n’a pas été sans susciter des réactions de la part des organisations syndicales qui y voient, au-delà de la mutualisation et de la réduction du nombre de personnels, une remise en cause de l’exercice des missions de service public de la PJJ et de leur spécificité. Pour le Syndicat national des personnels de l’éducation et du social (SNPES PJJ), par exemple, « la partition civil-pénal et la restriction drastique des prises en charge des jeunes majeurs n’ont pas d’autre finalité que de limiter le champ d’intervention de la PJJ afin de prioriser le contrôle et l’enfermement » (2).
Le conseil de modernisation des politiques publiques de juillet 2010 a décidé de poursuivre ce mouvement. L’année 2011 verra donc la poursuite de la réorganisation des structures territoriales, la fermeture de petits établissements et la rationalisation de la force d’audit de la PJJ. Un ensemble de mesures destinées à lui permettre d’adapter son organisation à ses nouvelles missions, et d’améliorer les conditions de prise en charge des mineurs délinquants.
(1)
Circulaire d’orientation n° JUSF1015443C du 6 mai 2010, BOMJL complémentaire du 10-06-10.
(2)
Snpes PJJ, « La révision générale des politiques publiques », 13 mai 2008.