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LE POIDS DE LA DÉLINQUANCE SEXUELLE

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Une différence considérable doit être relevée entre les chiffres issus des enquêtes de victimation et ceux qui résultent des plaintes portées à la connaissance des forces de police et de la justice (1).
En effet, une enquête menée par l’INSEE auprès d’un échantillon de 17 496 ménages, réalisée entre janvier et mars 2007, révélait qu’environ 1,3 % des personnes âgées de 18 à 60 ans avaient été victimes de violences sexuelles courant 2005 et 2006, représentant environ 475 000 personnes, dont 130 000 victimes d’un viol, 100 000 d’une tentative de viol, et 245 000 d’autres violences sexuelles. Ces données rejoignent d’autres études européennes et anglo-saxonnes mettant en évidence une sous-estimation manifeste des plaintes dont seule l’ampleur demeure discutée (2).
La différence peut en partie s’expliquer par la persistance du caractère secret des abus sexuels intrafamiliaux ou commis par des personnes en qui la victime a placé sa confiance, avec leur cortège de souffrances silencieuses. Les révélations récentes des multiples faits d’abus sexuels commis durant plusieurs décennies par des membres du clergé de l’église catholique en Irlande, en Allemagne et en Autriche, sans que la majeure partie des faits ait été judiciarisé, en sont une illustration.


A. LES PLAINTES, MISES EN CAUSE ET POURSUITES POUR INFRACTIONS SEXUELLES

La criminalité globale portée à la connaissance de la police et de la gendarmerie comporte environ 9 % d’infractions de nature sexuelle (3).
En 2008, les forces de l’ordre ont enregistré 39 779 faits constatés d’infractions de nature sexuelle, dont un quart de viols et trois quarts d’autres infractions sexuelles, répartis de la manière suivante :
  • 5 643 viols sur mineurs (14,2 %) ;
  • 4 634 viols sur majeurs (11,6 %) ;
  • 8 638 agressions sexuelles et harcèlements sexuels sur mineurs (21,7 %) ;
  • 5 116 agressions sexuelles et harcèlements sexuels sur majeurs (12,9 %) ;
  • 15 748 atteintes sexuelles (39,6 %).
Entre 1974 et 2008, le nombre de viols signalés a été globalement multiplié par 6,7 et le nombre d’autres délits a été multiplié par 2,5.
Durant la même année 2008, 31 151 faits ont été élucidés, soit un taux global de 78 %, aisément explicable par la surreprésentation des membres de la famille ou de connaissances de la victime, désignés par cette dernière, se répartissant de la manière suivante :
  • 81 % pour les viols sur mineurs ;
  • 69 % pour les viols sur majeurs ;
  • 86 % pour les agressions sexuelles et harcèlements sexuels sur mineurs ;
  • 63 % pour les agressions sexuelles et harcèlements sexuels sur majeurs ;
  • 80 % pour les atteintes sexuelles.
27 064 personnes ont été mises en cause pour les faits précités, parmi lesquelles :
  • 6 933 pour viols, dont 2 863 sur majeurs et 4 070 sur mineurs ;
  • 8 036 pour agressions sexuelles et harcèlements sexuels, dont 2 521 sur majeurs, et 5 515 sur mineurs ;
  • 12 095 pour atteintes sexuelles.
Entre 1974 et 2008, le nombre de personnes mises en cause a été multiplié par 4,7 pour les viols et par près de 2 pour les autres délits.
Parmi les personnes mises en cause, près de 90 % sont des hommes, 81 % sont des majeurs, les mineurs étant particulièrement représentés comme auteurs pour les viols sur mineurs (41 %) et les autres délits sur mineurs (35 %).


B. LES CONDAMNATIONS POUR INFRACTIONS SEXUELLES

Les données disponibles mettent en évidence les différences significatives entre le nombre de plaintes, de faits élucidés, de personnes mises en cause, précédemment exposés, et les condamnations effectivement prononcées.
Le rapprochement de ces informations permet de constater que seulement 43 % des personnes mises en cause font l’objet d’une condamnation pénale, ce faible pourcentage étant susceptible de s’expliquer, soit parce que la justice pénale a classé l’affaire faute de preuves, le cas échéant après une enquête ou une instruction, soit en raison de la faible gravité des faits, ayant conduit le ministère public à privilégier une procédure d’alternative aux poursuites.
La durée des peines privatives de liberté sans sursis, a fortement augmenté entre 1984 et 2001 (4). Ainsi peut-on constater :
  • une augmentation de 30 % de la durée de l’emprisonnement ferme en matière de viols, la durée moyenne passant de cinq ans et dix mois en 1984, pour se stabiliser depuis 2001 à huit ans et cinq mois ;
  • une multiplication de plus de deux fois de la durée des peines d’emprisonnement sans sursis en matière d’agressions sexuelles délictuelles, dont la partie ferme, lorsqu’elle est prononcée, est passée de huit mois en 1984 à 18 mois en 2001 ;
  • les peines d’emprisonnement ferme en matière d’exhibition sexuelle, lorsqu’elles sont prononcées, sont passées de un à quatre mois sur la même période.
L’instauration des peines minimales obligatoires pour les récidivistes par la loi du 10 août 2007 n’a conduit qu’à un nombre réduit de condamnations en matière de récidive sexuelle délictuelle (0,5 % sur 18 358 condamnations entre août 2007 et le 1er décembre 2008), mais avec une application supérieure des peines minimales (dans 61,6 % des cas contre 49 % pour les autres infractions sanctionnées en première instance) (5).


C. LES AUTEURS D’INFRACTIONS SEXUELLES INCARCÉRÉS

Le nombre de condamnés détenus pour infractions sexuelles, masculins à 98 %, a considérablement augmenté, passant de 633 en 1975 à près de 8 000 en 2005 pour s’établir à 7 500 environ en 2009 (cf. infra, chapitre IV, section 1, § 1, A).
Ces chiffres mettent en évidence l’explosion du nombre de détenus pour infractions sexuelles depuis une trentaine d’années. En outre, ils indiquent que cette population a été la plus représentée au sein des détenus pendant plusieurs années, elle a atteint un pic en pourcentage en 2001 de 24 % avant de connaître un tassement relatif depuis 2005 pour s’établir à 16 %, les autres infractions violentes étant désormais la première source de condamnés détenus.
L’une des explications de ce recul relatif pourrait résider dans l’expiration partielle des effets des lois successives ayant depuis 1989 repoussé le délai de prescription de l’action publique à compter de la majorité de la victime.


(1)
Tournier P.-V., « Infractions sexuelles, victimation, traitement pénal des mis en cause, évaluation de la récidive », mai 2009, Centre d’histoire sociale du XXe siècle, UMR CNRS 8058 pour l’ensemble des chiffres cités, sauf mention spécifique.


(2)
May-Chahal C. et Herczog M. (sous la direction de), L’abus sexuel des enfants en Europe, Ed. Conseil de l’Europe, 2004, p. 3 à 42 ; Guide de l’injonction de soins, 2009, ministère de la Santé et des Sports, ministère de la Justice, p. 9.


(3)
Guide de l’injonction de soins, 2009, préc., p. 8.


(4)
Kensey A., AJ pénal, février 2004, p. 53.


(5)
Geoffroy G. et Caresche C., Rapport sur la mise en application de la loi du 10 août 2007, Assemblée nationale n° 130 du 9 décembre 2008.

SECTION 1 - LES ASPECTS STATISTIQUES ET CRIMINOLOGIQUES

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