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LA STRUCTURE SOCIOLOGIQUE DE LA DÉLINQUANCE SEXUELLE

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Si les auteurs d’infractions sexuelles ont des profils variés, ils présentent aussi des particularités par rapport au reste de la population pénale.


A. DES PROFILS VARIÉS...

Les typologies des agresseurs sexuels montrent qu’il y a presque autant de classements que de spécialistes de la question depuis la classification de 1886 du Dr Von Krafft-Ebbing dans son ouvrage de référence Psychopathia sexualis (1) (2).
L’imagerie collective largement tronquée, politiquement et médiatiquement entretenue, d’un meurtrier sexuel pervers attaquant ses victimes au hasard de rencontres contraste avec une réalité judiciaire plus terne et répétitive. Le délinquant sexuel apparaît en effet le plus souvent comme étant un individu masculin, majeur, membre de la famille, ou une connaissance de la victime, essentiellement féminine, et usant à son encontre de violences très variées.
Des distinctions essentielles doivent toutefois être opérées entre les cas d’inceste, les actes pédophiles et les exhibitions, relevant de logiques pour partie différentes : les viols avec arme, en réunion, en série, par impulsion, avec séquestration, ou associés à des actes de torture ou de barbarie, correspondent à des motivations variées, qu’il s’agisse de l’incapacité à contrôler la pulsion sexuelle, la recherche de domination, la rage, la haine de la femme, ou le sadisme (3).
La sous-pénalisation de la délinquance sexuelle des femmes commence à être admise, en particulier à destination de jeunes garçons (4).
L’importance grandissante d’auteurs adolescents, débordant très largement la problématique ancienne des viols en réunion médiatisés sous le terme de « tournantes », pose également la question de la distinction entre agression sexuelle, initiation et jeux sexuels (5).
La pratique judiciaire révèle également que les agresseurs sexuels représentent toutes les strates de la société, qu’il s’agisse de médecins, de prêtres, d’instituteurs, de juges, d’élus de la nation, d’artistes. Cette délinquance se diffuse dans l’ensemble du corps social.
On peut toutefois relever que les populations faisant l’objet d’un contrôle particulier, tel que celui du juge des enfants et des services sociaux, apparaissent plus souvent dans des procédures judiciaires d’abus sexuels, vraisemblablement en raison de l’existence de cette attention particulière.
Contrairement à une opinion trop souvent répandue, les personnes atteintes de troubles mentaux ne représentent qu’une très faible part des individus poursuivis pour abus sexuel.
Une part seulement des agresseurs, difficile à estimer, auraient eux-mêmes subis des abus sexuels durant leur enfance (6).
Par ailleurs, la transgression incestueuse de génération en génération au sein d’une même famille apparaît désormais bien établie (7).


B. ... PRÉSENTANT DES TRAITS COMMUNS PARMI LES DÉTENUS

Malgré l’éclatement des profils, le détenu pour infraction sexuelle présente plusieurs particularités par rapport au reste de la population pénale : il s’agit d’un homme au comportement « tranquille » en détention, mais plus isolé et stigmatisé, plus âgé, plus suicidaire et dont la moitié ne reconnaît pas les faits (8).
Le déni n’est pas neutre puisque, en France, la conférence de consensus de 2001 avait recommandé que « la négation des faits poursuivis soit considérée comme une contre-indication absolue à toute injonction ou obligation de soins », mais devrait conduire à des pratiques plus actives ayant pour objet de permettre l’émergence d’une demande (9).
Des études ont également montré que le risque suicidaire en prison, qui serait globalement six à sept fois supérieur à celui en milieu libre, est encore aggravé pour les délinquants sexuels sur mineurs, dont le taux de suicide était quatre fois plus élevé que pour les auteurs d’atteintes aux biens (10). Le rapport de la commission Albrand de janvier 2009 confirme cette tendance : un tiers environ des suicides de l’année 2008 concerne les détenus pour infractions sexuelles (11).
Cette sursuicidité spécifique aux agresseurs sexuels peut en partie s’expliquer car ils ont plus à « perdre » que d’autres : une situation professionnelle, sociale et familiale souvent en apparence « honorable ».
L’effondrement brutal de l’ensemble de leurs attaches, la stigmatisation aigüe au sein du monde carcéral et le choc de l’incarcération ou l’angoisse du procès ont pour effet d’augmenter également ce risque.
En tout état de cause, il ne peut être ignoré que la France détient un triste record en Europe dans ce domaine, l’Angleterre, l’Allemagne ou l’Italie présentant des taux environ deux fois moins élevés.
Les détenus français de plus de 50 ans, pris globalement, sont passés de 9,5 % de la population carcérale en 1998 à 12 % en 2008 (12).
La part de ces détenus français de plus de 50 ans pour infractions sexuelles est passée de 21 % en 1990 à 49 % en 2000, conséquence logique de l’allongement des durées de poursuite (jusqu’à 20 ans après la majorité de la victime) et de la durée des peines privatives de liberté, posant de multiples difficultés en termes d’organisation de la détention, et surtout de préparation à la sortie (13).


(1)
Ce paragraphe reprend une partie du mémoire de Pierre Lemoussu, La prise en charge des auteurs d’infractions sexuelles du prononcé de la peine à son exécution en France, en Angleterre et au Pays de Galles, Master II, Droit de l’exécution des peines et droits de l’homme, Bordeaux IV, 2009, p. 5 à 7 et 20 à 22.


(2)
Mc Kibben A., « La classification des agresseurs sexuels », in Aubut J. (sous la direction de), Les agresseurs sexuels, théorie, évaluation et traitement, Editions De la Chenelière, Montréal, 1993, p. 58 à 78.


(3)
Sürig B., Une psy à la prison de Fresnes, Editions Démos, coll. « Criminologie et société », 2008, p. 17 à 95.


(4)
Viaux J.-L., « L’inceste des mères. Analyse criminologique de la part des mères dans l’inceste », Revue internationale de criminologie et de police technique et scientifique, n° 4, 2002.


(5)
Mucchielli L., « Délinquance juvénile : le cas des viols collectifs », in Sciences humaines, décembre 2004-janvier 2005, n° 47, hors-série « Les formes de la violence », p. 50 à 53.


(6)
Bifulco A., « Expériences durant l’enfance et agression sexuelle », in Pham T. (sous la direction de), L’évaluation diagnostique des agresseurs sexuels, Ed. Mardaga, 2006, p. 9 à 17 ; Balier C., Psychanalyse des comportements sexuels violents, Puf, coll. « Le fil rouge », 1999, p. 74.


(7)
Viaux J.-L., « L’inceste », in Psychologie légale, Ed. Frison-Roche, coll. « Psychologie du vivant », 2003, p. 1 à 14.


(8)
Alvarez J. et Gourmelon N., La prise en charge pénitentiaire des auteurs d’agressions sexuelles, La Documentation française, 2007, p. 15.


(9)
Conférence de consensus « Psychopathologie et traitements actuels des auteurs d’agressions sexuelles », Texte des recommandations, Bulletin de la Fédération française de psychiatrie, Pour la recherche, n° 31, décembre 2001, p. 5.


(10)
Guillonneau M., « Suicides en détention et infractions pénales », Cahiers de démographie pénitentiaire, n° 12, novembre 2002, DAP ; Hazard A., « Suicide », Cahiers d’études pénitentiaires et criminologiques, DAP, n° 22, mai 2008, p. 3.


(11)
Albrand L., « La prévention du suicide en milieu carcéral », janvier 2009, p. 31 et 32, et annexe E, p. 268, rapport au garde des Sceaux.


(12)
Direction de l’administration pénitentiaire, rapport d’activité 2007, 2008, p. 15, ministère de la Justice.


(13)
Kensey A., « Vieillir en prison », Cahiers de démographie pénitentiaire, DAP, n° 10, novembre 2001, p. 3.

SECTION 1 - LES ASPECTS STATISTIQUES ET CRIMINOLOGIQUES

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