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LES AUTRES ATTEINTES À LA MORALITÉ DES MINEURS

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La corruption de mineurs, les propositions sexuelles par Internet ou encore le recours à la prostitution de mineurs constituent d’autres atteintes à la moralité des mineurs pénalement sanctionnées.


A. LA CORRUPTION DE MINEURS

[Code pénal, article 227-22]
Le terme de « corruption de mineurs » a remplacé celui d’« excitation de mineurs à la débauche » depuis le nouveau code pénal de 1994. Cette infraction répond au souci de préserver la moralité des mineurs. Tous sont concernés, qu’ils aient plus ou moins de 15 ans, étant précisé par le texte que dans ce dernier cas, il s’agit d’une circonstance aggravante portant la peine de cinq à sept ans d’emprisonnement et de 75 000 à 100 000 € d’amende.
Outre la circonstance agravante de mise en contact grâce à l’utilisation d’un réseau de communications électroniques, la loi a prévu la même aggravation de la peine si les faits sont commis dans des établissements scolaires ou d’enseignement ou aux abords de ceux-ci. Enfin, les faits de corruption commis en bande organisée sont punis de dix ans d’emprisonnement et de 1 000 000 € d’amende.
La plupart des faits qui justifiaient autrefois des poursuites sur cette qualification très large sont aujourd’hui pénalisés par des textes spécifiques. C’est le cas notamment des délits relatifs à la prostitution d’un mineur, qu’il s’agisse de proxénétisme ou de recours par un client à ce type de prostitution, ainsi que des délits relatifs à la pornographie mettant en scène des mineurs.
Les éléments constitutifs de la corruption de mineurs ne sont pas précisés, mais le texte en donne lui-même une illustration, qui concerne le fait pour un majeur « d’organiser des réunions comportant des exhibitions ou des relations sexuelles auxquelles un mineur assiste ou participe ». C’est donc le sens commun de corruption des mœurs, synonyme de perversion, qui peut trouver de multiples applications concrètes, sous réserve de ce que peut tolérer l’évolution des mœurs s’agissant de mineurs.
L’élément matériel de l’infraction consiste à l’accomplissement d’un acte obscène envers un mineur. La jurisprudence et la doctrine ont défini un élément moral particulier à cette infraction. Il faut que l’auteur, au-delà de sa satisfaction sexuelle personnelle, cherche à corrompre la victime, à pervertir la sexualité d’un ou de plusieurs mineurs, même s’il importe peu que cette victime ait été effectivement corrompue (1).
C’est ainsi que la Cour de cassation a estimé que le délit était caractérisé pour un prévenu qui s’était masturbé devant une mineure de 16 ans en lui demandant de le photographier, puis qui lui avait demandé ensuite de venir voir les clichés, estimant « que pareille mise en scène impliquait la volonté d’éveiller les pulsions sexuelles de l’adolescente » (2). Autre caractérisation de corruption, « l’exacerbation de la sexualité » de mineures, que ce soit avant qu’elles aient atteint l’âge de 15 ans ou après, et qu’il y ait eu ou non passage à l’acte, a également été retenu pour condamner le mouvement raëlien (3).
Ce délit de corruption est clairement distinct de tout ce qui peut constituer une agression sexuelle ou un viol en l’absence de toute violence ou contrainte. Mais il peut être assez proche d’autres délits tels que celui d’atteinte sexuelle ou d’exhibitionnisme.
En pratique, c’est un délit subsidiaire à beaucoup d’autres infractions dont l’élément matériel est plus clairement défini. Toutefois, il s’est adapté aux formes modernes de corruption de mineurs, notamment par l’utilisation d’Internet, qui en constitue une circonstance aggravante depuis 1998 (4). A été ajoutée par la suite une autre circonstance aggravante, celle de délit commis en bande organisée (5). Les lieux où ces mêmes faits sont susceptibles de constituer également une circonstance aggravante, à savoir les établissements scolaires ou leur proximité ont enfin été étendus, notamment à tout local administratif (6).
Lorsque ce délit est poursuivi, c’est très souvent simultanément avec d’autres délits connexes tels que ceux qui sont décrits dans la présente section, délits qui viennent préciser ou « surqualifier » une atteinte à la moralité des mineurs.


B. LES PROPOSITIONS SEXUELLES PAR INTERNET

[Code pénal, article 227-22-1]
Afin de prémunir les enfants des dangers des rencontres par le biais d’Internet en particulier, la loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance a voulu sanctionner toute prise de contact par un majeur avec un mineur de moins de 15 ans à des fins sexuelles lorsque cette mise en relation se fait par une communication électronique. Toute proposition d’ordre sexuel transitant par un moyen de communication électronique, à savoir courriel, SMS message par « chats » ou réseaux sociaux – tels que Facebook – ainsi adressée à un mineur de moins de 15 ans constitue un délit. Ce délit est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 € d’amende si aucune rencontre ne suit cette proposition, ces peines sont portées à cinq ans d’emprisonnement et à 75 000 € d’amende lorsque les propositions ont été suivies d’une rencontre.
En cas de délit ou crime sexuel, l’utilisation de ce moyen préalable de rencontre est une circonstance aggravante systématique.
L’élément intentionnel nécessaire pour caractériser tout crime ou délit suppose qu’en l’espèce le majeur ait connaissance du jeune âge de son interlocuteur lors de la proposition sexuelle. Afin de permettre aux enquêteurs de « traquer les pédophiles » en leur permettant des méthodes d’infiltration, ces peines sont également encourues si la proposition sexuelle est faite à une personne se faisant passer pour un mineur de moins de 15 ans .
Ces textes spécifiques, qui pourraient relever de l’incrimination plus générale de corruption de mineur, visent à empêcher le phénomène appelé « child grooming », permettant à des adultes de mettre en œuvre des stratégies de séduction par Internet auprès de mineurs, afin de les « préparer » à l’idée de relations sexuelles.


C. LE RECOURS À LA PROSTITUTION DE MINEURS

[Code pénal, article 225-12-1]
La prostitution a été définie par la Cour de cassation comme « le fait de se prêter, moyennant une rémunération, à des contacts physiques de quelque nature qu’ils soient, afin de satisfaire les besoins sexuels d’autrui » (7).
Celle-ci étant autorisée en France, seuls sont pénalisés le proxénétisme, le racolage et le recours à la prostitution des mineurs.
Le principe de l’interdiction de la prostitution des mineurs a été tardivement posé par le législateur, à l’occasion d’un amendement inséré dans la loi n° 2002-305 du 4 mars 2002 relative à l’autorité parentale. Auparavant, seule la notion d’atteinte sexuelle sur mineurs de 15 ans contre rémunération était pénalisée, ce qui laissait impuni le recours à la prostitution d’un mineur de plus de 15 ans, sauf à retenir le délit plus général de corruption de mineur. Le phénomène nouveau d’une prostitution de mineurs étrangers, venus notamment de Roumanie, a précipité l’adoption de ces nouvelles dispositions. Peu après, la loi du 18 mars 2003 relative à la sécurité intérieure a étendu l’infraction au recours à la prostitution de personnes vulnérables.
C’est clairement une disposition de protection de l’enfance, qui ne vise pas à sanctionner le mineur mais le client qui a recours à toute relation sexuelle contre rémunération.
Dans la pratique toutefois, l’application des dispositions de la loi sur la sécurité intérieure de 2003 a conduit à poursuivre sur le fondement de racolage de nombreux mineurs, particulièrement les mineurs étrangers (cf. encadré ci-contre).
Est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende le fait de solliciter, d’accepter ou d’obtenir, en échange d’une rémunération ou d’une promesse de rémunération, des relations de nature sexuelle de la part d’un mineur qui se livre à la prostitution, y compris de façon occasionnelle. Le délit est également constitué lorsqu’il s’agit d’une personne majeure qui présente une particulière vulnérabilité, apparente ou connue de son auteur, due à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse.
La simple « sollicitation » est constitutive de l’infraction, ce qui permet aux services de police de procéder à l’interpellation de la personne mise en cause, alors même qu’aucun acte sexuel n’aurait été consommé, à partir du moment où la situation de prostitution est clairement établie. La circulaire d’application de cette loi a bien précisé que de simples cadeaux ne pouvaient permettre de caractériser l’infraction (8).
Une autre discussion est de déterminer si le client pouvait légitimement ignorer l’état de minorité de la personne se livrant à la prostitution. Dans une espèce qui a eu une certaine notoriété en raison de la qualité du prévenu, conseiller en communication d’un Premier ministre, la Cour de cassation a écarté l’argumentation selon laquelle il ignorait cette minorité d’une jeune prostituée de 17 ans, alors que celle-ci ressortait « à l’évidence de son apparence physique ». La doctrine a justifié cette sévérité, en estimant que ce serait « priver le texte de toute effectivité en faisant droit à un argument qui sera presque systématiquement soutenu par les prévenus poursuivis pour cette infraction » (9).
Il y a lieu d’ajouter que ce délit est soumis aux dispositions procédurales spécifiques prévues par l’article 706-47 du code de procédure pénale (cf. infra, chapitre III) qui concerne les délits ou crimes les plus graves commis sur les mineurs. Ces dispositions entraînent notamment l’obligation de soumettre l’intéressé à une expertise psychiatrique se prononçant sur sa dangerosité et permettent notamment à la juridiction de condamnation d’inscrire la personne condamnée pour recours à la prostitution d’un mineur au fichier des auteurs d’infractions sexuelles et violentes, cette inscription restant facultative eu égard à la peine encourue (cf. infra, chapitre IV, section 2, § 2).


D. L’INCITATION À COMMETTRE DES INFRACTIONS SEXUELLES SUR MINEURS

[Code pénal, article 227-28-3]
Constituent un délittoute offre ou promesse ainsi que toute proposition de dons, présents ou avantages quelconques, qui seraient faites à une personne afin qu’elle commette une infraction sexuelle à l’encontre d’un mineur, lorsque cette infraction n’a été ni commise ni tentée. Ce délit spécifique est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende si l’offre ou la promesse a été faite afin de commettre un délit, et de sept ans d’emprisonnement et de 100 000 € d’amende si elle a été faite pour commettre un viol.
Le législateur a introduit (10) ce dispositif qui vise à sanctionner ceux qui inciteraient des tiers à commettre des infractions sexuelles sur des mineurs, à partir du moment où cette incitation est accompagnée d’une récompense ou de promesses de récompense quelconque, et lorsque ces incitations ne sont pas suivies d’effets.
La liste des infractions concernées est limitativement énumérée et concerne les crimes et délits de viol, d’agressions et d’atteintes sexuelles, de proxénétisme, de corruption de mineur, de pédopornographie. Ce serait le cas, par exemple, d’une proposition financière faite contre la remise d’une photographie pédopornographique, ou la promesse d’une remise de stupéfiant contre la participation à un viol en réunion. Cette incrimination n’a de sens que lorsque la proposition n’est pas suivie d’effet, et qu’il n’y a aucun commencement d’exécution susceptible de constituer une tentative. Dans le cas contraire, l’auteur de la proposition serait complice du crime ou du délit, ou de la tentative de crime ou de délit, et serait donc punissable des mêmes peines .
Aucune application jurisprudentielle de ces dispositions n’a été à ce jour publiée.


MINEURS EN DANGER OU MINEURS RACOLEURS ?

Les mineurs qui se livrent à la prostitution sont à l’évidence des mineurs en situation de danger moral, au sens de l’article 475 du code civil et justifient de mesures d’assistance éducative. La circulaire du 24 avril 2002 du ministre de la Justice indiquait à cet effet « qu’en cas de poursuites engagées du chef de proxénétisme commis sur un mineur ou du chef de recours à la prostitution d’un mineur, les parquets devront en principe saisir le juge des enfants de la situation du mineur prostitué ».
Une étude commandée par le ministre de la Justice sur la prostitution des mineurs à Paris (11) démontre toutefois que les mineurs étrangers isolés présentés au service éducatif auprès du tribunal (SEAT) de Paris à la suite d’une interpellation pour prostitution le sont beaucoup plus sur le fondement pénal de racolage que sur ce fondement civil. Cela s’explique par la mise en œuvre des nouvelles dispositions sur le racolage passif de la loi sur la sécurité intérieure de mars 2003, applicable aux mineurs comme aux majeurs. L’objectif est, en l’espèce, beaucoup plus de dissuader des mineurs arrivés essentiellement de Roumanie de venir en France pour se prostituer que de leur assurer une protection.


(1)
Rassat M.-L., JurisClasseur pénal, article 227-22 : fasc. 20, fasc. 1080-20, éd. LexisNexis.


(2)
Crim. 1er février 1995, Bull. crim., 1995, n° 43.


(3)
Cf. supra Lyon, 24 janvier 2002, préc.


(4)
Loi n° 98-468 du 17 juin 1998 relative à la prévention et à la répression des infractions sexuelles ainsi qu’à la protection des mineurs.


(5)
Loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité.


(6)
Loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance.


(7)
Crim. 27 mars 1996, Bull. crim., n° 138.


(8)
Circulaire n° CRIM 2002-09 E8 du 24 avril 2002, BOMJ n° 86 (avril-juin 2002).


(9)
Crim., 29 mars 2006, n° 05-81.003, Juris-Data n° 2006-033036, Véron.


(10)
Loi n° 2006-399 du 4 avril 2006 renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple et commises contre les mineurs, article 16.


(11)
La prostitution de mineurs à Paris, Rapport final, octobre 2006, Cabinet Anthropos.

SECTION 2 - UN DISPOSITIF SPÉCIFIQUE DE PROTECTION DES MINEURS

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