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L’ATTEINTE SEXUELLE SANS VIOLENCE, CONTRAINTE, MENACE OU SURPRISE

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[Code pénal, articles 227-25, 227-26 et 227-27]
Classé dans la section du code pénal relative à la « mise en péril des mineurs », ce délit se distingue de l’agression sexuelle ou du viol en ce qu’il constitue une « atteinte sexuelle sans violence, contrainte, menace ou surprise ». Les modalités concrètes de cette atteinte ne sont pas précisées, peu importe notamment qu’il y ait ou non pénétration. L’objectif est de protéger non plus le consentement, mais certains mineurs considérés comme incapables d’exprimer valablement ce consentement.
La loi distingue deux cas de figure :
  • les atteintes sexuelles par un majeur sur un mineur de 15 ans (c’est-à-dire de moins de 15 ans).
    Dans ce cas, le délit est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 € d’amende hors circonstance aggravante. Les peines sont portées à dix ans d’emprisonnement et à 150 000 € d’amende si cette atteinte est commise avec une ou plusieurs des circonstances aggravantes suivantes, communes avec celles des agressions sexuelles :
    • par un ascendant ou par toute autre personne ayant sur la victime une autorité de droit ou de fait,
    • par une personne qui abuse de l’autorité que lui confèrent ses fonctions,
    • par plusieurs personnes agissant en qualité d’auteur ou de complice,
    • lorsque le mineur a été mis en contact avec l’auteur des faits grâce à l’utilisation, pour la diffusion de messages à destination d’un public non déterminé, d’un réseau de télécommunications,
    • par une personne agissant en état d’ivresse manifeste ou sous l’emprise manifeste de produits stupéfiants ;
  • les atteintes sexuelles sur un mineur âgé de plus de 15 ans, commises :
    • par un ascendant ou par toute autre personne ayant sur la victime une autorité de droit ou de fait,
    • par une personne qui abuse de l’autorité que lui confèrent ses fonctions.
Dans ce cas, le délit est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 € d’amende.
Dans les deux cas, les peines complémentaires encourues sont les mêmes que pour les agressions sexuelles.


A. UNE MAJORITÉ SEXUELLE À 15 ANS ?

L’évolution des mœurs et le rajeunissement de l’âge des premiers rapports sexuels, notamment pour les filles (1), n’ont pas entraîné d’abaissement de l’âge à partir duquel la loi pénale reconnaît une validité juridique au consentement. Au contraire, la présomption de violence, fût-elle morale, de contrainte ou de surprise caractérisant tout viol ou abus sexuel commis sur des enfants a été progressivement admise au cours du XIXe siècle, en fixant un seuil d’abord à 11 ans, puis à 13 ans en dessous duquel l’affirmation d’un consentement de l’enfant ne pouvait en aucun cas exonérer l’auteur de sa responsabilité pénale (cf. Introduction).
Dans l’Union européenne, l’âge minimal à partir duquel le consentement peut être valablement retenu en matière de sexualité varie entre 13 ans (en Espagne) et 17 ans (en Irlande). En France, et ce depuis 1945, c’est l’âge de 15 ans qui a été fixé comme étant celui de la « majorité sexuelle ». Jusqu’à une loi récente, l’âge auquel une jeune fille était autorisée à se marier était le même (2). A présent, l’âge légal du mariage, fixé à 18 ans pour les femmes comme pour les hommes, n’a donc plus aucune influence sur cette question. Et si ce seuil d’âge était fixé à 18 ans pour les relations homosexuelles jusqu’en 1982, il n’existe aujourd’hui plus aucune différence que ces relations soit hétérosexuelles ou homosexuelles.
Cela signifie concrètement que tout attouchement, tout acte de nature sexuelle d’un adulte sur un mineur de moins de 15 ans est puni par la loi pénale, et ce quelle que soit la maturité du mineur ou sa volonté librement exprimée.
Si les faits ont été commis par un ascendant légitime, naturel ou adoptif ou par toute autre personne ayant autorité sur la victime, la peine encourue est doublée. Cette même circonstance aggravante est retenue lorsque l’infraction est commise par une personne qui « abuse de l’autorité que lui confèrent ses fonctions ». Ces circonstances ne sont toutefois que rarement retenues : en pratique, à partir du moment où une situation quelconque d’ascendance ou d’autorité sur un mineur de moins de 15 ans est caractérisée, c’est la notion de contrainte qui l’emporte, et donc la qualification de viol ou d’agression sexuelle selon qu’il y a ou non pénétration.
La notion de « majorité sexuelle » a été ainsi déduite de l’âge à partir duquel un acte sexuel consenti ne peut faire l’objet de poursuite pénale. Celle-ci n’est cependant définie par aucun texte et ne résulte que d’une interprétation discutable.
Elle peut en premier lieu être source de confusion, du fait que la minorité civile laisse la sexualité sous contrôle des titulaires de l’autorité parentale : il leur appartient de protéger l’enfant dans sa moralité , ce qui inclut nécessairement le comportement sexuel. Des procédures d’assistance éducative voire des poursuites pénales peuvent être engagées à l’encontre des parents s’ils se soustraient à leurs obligations légales au point de compromettre la moralité de leur enfant ou s’ils favorisent sa corruption . Toutefois, la contraception peut être décidée sans autorisation parentale, et ce quel que soit l’âge de l’intéressée.
En outre, fixer une prétendue majorité sexuelle à 15 ans est inexact au vu de l’ensemble des dispositions pénales encadrant les atteintes sans violence, contrainte, menace ou surprise .
Ainsi, et ce depuis le code pénal de 1994, le délit d’atteinte sexuelle sans violence, menace ou surprise sur mineur de moins de 15 ans ne peut en effet être reproché qu’à un majeur. Cela exclut donc du champ pénal les relations consenties entre tous les mineurs, qu’ils soient âgés de plus ou de moins de 15 ans, par exemple entre un garçon de 17 ans et une fille de 13 ans. Un mineur ne peut être poursuivi qu’à condition que des faits de violence, menace, contrainte ou surprise soient caractérisés.
La loi n’édicte donc aucun âge minimal en dessous duquel un acte sexuel serait nécessairement une infraction. En revanche, le code pénal maintient une pénalisation de relations sexuelles consenties entre un mineur consentant âgé de plus de 15 ans et un majeur, dans l’hypothèse où celui-ci est un ascendant ou un partenaire sexuel en situation d’autorité, bien que la peine encourue soit dans ce cas réduite à deux années d’emprisonnement.
La minorité peut ainsi être notamment opposée à toute relation incestueuse acceptée voire revendiquée par les enfants, et la notion de contrainte pourra généralement être retenue malgré l’affirmation d’un consentement partagé. Mais plus largement, toute relation sexuelle assumée entre un mineur proche de sa majorité et un enseignant ou un éducateur pourrait recevoir une qualification pénale, à partir du moment où préexiste une relation d’autorité ou d’« abus d’autorité ».
Enfin, la loi ne distingue pas entre mineurs de moins ou de plus de 15 ans en ce qui concerne la pénalisation de la corruption ou de l’exploitation d’images pornographiques de mineurs, ce qui achève de relativiser cette notion de majorité sexuelle.


B. EN PRATIQUE, UNE APPLICATION RESTREINTE

Comme pour tout âge fixé uniformément, ces dispositions comportent évidemment une part d’arbitraire et d’inadaptation à certaines situations, le développement de l’adolescent ou de l’adolescente variant largement d’un individu à l’autre. L’hypothèse que la personne poursuivie ait surévalué l’âge réel de son ou de sa partenaire sexuel(le) peut d’ailleurs être une cause de relaxe devant le tribunal correctionnel, l’élément moral de l’infraction n’étant plus caractérisé. Il appartient toutefois dans ce cas à la personne poursuivie de justifier qu’elle ignorait l’âge réel de sa victime et avait pu légitimement être trompée par les apparences (3).
A l’inverse, le délit d’atteinte sexuelle sans violence, contrainte, menace ou surprise ne trouve pas application en ce qui concerne des mineurs de plus de 15 ans ou des majeurs handicapés présentant un âge mental bien en deçà de leur âge légal.
En l’absence de toute violence ou menace, l’infraction d’atteinte sexuelle avec contrainte ou surprise, c’est-à-dire d’agression sexuelle ou de viol, pourra toutefois être retenue du fait de la circonstance de particulière vulnérabilité de la victime. C’est le cas notamment lorsque celle-ci n’est pas en état de résister à des sollicitations sexuelles du fait de son état mental. En cas de plainte, l’expertise médico-psychologique de la victime comme de l’auteur permettra de déterminer si les faits constituent une relation consentie ou une agression sexuelle ou un viol. Il convient de rappeler qu’à cet égard, le délit de non-dénonciation d’atteintes sexuelles infligées à un mineur de 15 ans est étendu à toute personne « qui n’est pas en mesure de se protéger en raison de son âge, d’une maladie, d’une infirmité, d’une déficience physique ou psychique ou d’un état de grossesse ».
La délimitation des « domaines respectifs des agressions et des atteintes sexuelles sur mineurs, sur la base de l’existence ou l’absence de violence, reste donc, en droit positif, incertaine » (4). En pratique, c’est sur le fondement des agressions sexuelles que le droit pénal de protection des mineurs s’exerce essentiellement, en raison d’une présomption de contrainte ou de surprise d’autant plus forte que la victime est jeune (cf. infra, § 2).
Les condamnations pour atteintes sexuelles sans violence, contrainte, menace ou surprise sont relativement peu nombreuses. Ainsi en 2007, l’examen des statistiques judiciaires démontre que ces atteintes sexuelles – celles qui ne peuvent être commises que par des majeurs – représentent 535 condamnations, à comparer aux 557 condamnations pour viol commis sur mineur de moins de 15 ans, 92 viols par ascendant ou personne ayant autorité, et surtout au total de 4 967 condamnations pour les autres atteintes et agressions sexuelles commises sur des mineurs (5).
Elles sont généralement cantonnées aux situations d’adolescents qui, tout en étant proches du seuil d’âge reconnu pour disposer librement de leur corps, n’ont pas encore atteint cet âge de 15 ans, et pour lesquels l’opportunité de ces poursuites a été suffisamment pesée : une relation consentie entre un lycéen de 18 ans et une collégienne de 14 ans relèvera certainement plus de l’appréciation des titulaires de l’autorité parentale de cette dernière que de la justice pénale. Mais assez logiquement, plus la différence d’âge et la disproportion des situations sera grande, plus le ministère public sera enclin à donner suite aux plaintes, généralement déposées par les parents de la « victime consentante ».
Le choix de cette qualification d’atteinte sexuelle plutôt que d’agression sexuelle peut également être fait par le procureur de la République en opportunité, pour des faits d’attouchements de faible gravité commis sur de jeunes enfants, alors qu’une circonstance de contrainte au moins morale ou de surprise aurait pu être retenue. En effet, la peine encourue limitée à cinq ans laisse au juge le soin de déterminer si l’inscription au Fijais (cf. infra, chapitre IV, section 2, § 2) est ou non opportune, alors qu’elle serait obligatoire en cas de condamnation pour agression sexuelle sur mineur de moins de 15 ans compte tenu de la peine de sept ans encourue.
S’agissant des atteintes sexuelles commises par un majeur sur le mineur de plus de 15 ans, le texte prévoit une situation assez problématique d’atteinte sexuelle par personne ayant autorité, sans pour autant que cette autorité soit assimilable à la moindre forme de contrainte. C’est sans doute en cela que la référence plus restrictive à un « abus d’autorité » apparaît plus conforme à la réalité des situations pouvant justifier une intervention pénale. S’agissant alors d’une infraction ouverte à l’appréciation du juge, il s’agira de déterminer, par exemple, en quoi un enseignant ou un éducateur a abusé de sa position pour obtenir les faveurs sexuelles d’une adolescente dans la tranche d’âge de 15 à 18 ans.
Cette incrimination, outre celle de corruption de mineurs, a notamment été utilisée pour permettre de condamner le comportement de « guide-prêtres räeliens » encourageant les pratiques sexuelles avec des adolescentes dès leur quinzième anniversaire à la suite des stages d’éveil à la « méditation sensorielle ». Les moyens de défense liés au consentement des jeunes adeptes ou à la liberté religieuse ont ainsi pu être aisément contournés par les magistrats qui ont constaté que leurs agissements étaient « manifestement contraires à la loi pénale » (6).


(1)
Age qui est passé en moyenne en France de 17,9 ans pour les garçons et 18,9 ans pour les filles en ce qui concerne les générations nées vers 1950, à 17,4 ans pour les garçons et 17,6 ans pour les filles pour les générations nées vers 1980, Population et société, n° 391, juin 2003, consultable sur www.ined.fr


(2)
Cet âge minimal du mariage pour la femme a été relevé à 18 ans par la loi n° 2006-399 du 4 avril 2006 renforçant la prévention et la répression des violences au sein d’un couple ou commises contre les mineurs, aux fins notamment de lutter contre les mariages forcés.


(3)
Crim. 7 février 1957, Bull. crim., n° 126.


(4)
Rassat M.-L., JurisClasseur pénal, fasc. 1100-20, Ed. LexisNexis.


(5)
Source des données : casier judiciaire, ministère de la Justice, DAGE, cité par Tournier P.-V. in « Infractions sexuelles : victimation, traitement pénal des mis en cause, évaluation de la récidive », centre d’histoire sociale du XXe siècle, UMR CNRS 8058.


(6)
Lyon, 24 janvier 2002, n° de RG : 2002/02401, décision citée notamment dans le rapport 2003 de la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes), p. 11 (cf. infra, § 5, A).

SECTION 2 - UN DISPOSITIF SPÉCIFIQUE DE PROTECTION DES MINEURS

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