[Code de procédure pénale, articles 7 et 8]
On dit que l’action publique est prescrite à partir du moment où une infraction ne peut plus faire l’objet de poursuite ou de condamnation devant la juridiction compétente, compte tenu de l’ancienneté des faits. Cette prescription est généralement acquise un an après la date d’une contravention, trois ans après celle d’un délit, dix ans après la date d’un crime. Elle est toutefois interrompue par tout « acte interruptif de prescription », essentiellement dépôt de plainte ou tout acte d’enquête. Seul le crime contre l’humanité est dit imprescriptible en droit français, et peut donc faire l’objet d’enquête et de poursuite sans limite de temps autre que le décès de la personne soupçonnée.
La volonté de ne pas laisser impunis des abus sexuels sur mineurs, alors que les faits ne sont souvent dénoncés que bien plus tard, a conduit à cinq modifications des règles de prescription de l’action publique par le législateur entre 1989 et 2006.
Cela entraîne un régime de prescription spécifique, dont le principe est que le délai commence à courir non plus à compter de la date des faits mais à compter de la date de la majorité de la victime. En outre, la durée de ce délai est beaucoup plus longue que les délais applicables lorsque la victime est majeure. Elle est à présent de 20 ans en ce qui concerne les viols commis sur mineurs, également de 20 ans pour les délits d’agressions ou d’atteintes sexuelles sur mineurs de moins de 15 ans s’ils sont commis avec une ou plusieurs circonstances aggravantes, et de 10 ans pour tous les autres délits sexuels dont un mineur peut être victime.
Cela rallonge considérablement le délai permettant de déposer plainte. Ces dispositions s’appliquent sans difficulté pour les faits commis à compter de l’application de la dernière modification législative intervenue, à savoir depuis le 5 avril 2006, date d’entrée en vigueur de la loi 2006-399 du 4 avril 2006.
Toutefois, ces modifications sont intervenues par retouches législatives successives. Dans un premier temps, seul le point de départ de la prescription a été modifié, d’abord pour les seuls faits commis par ascendant ou personne ayant autorité, puis quels que soient les auteurs (1). Dans un second temps, trois lois successives (2) ont modifié la durée de prescription, la portant à 20 ans pour les crimes et certains délits et à 10 ans pour les autres délits. Sachant que les lois plus sévères ne peuvent agir que pour l’avenir en raison du principe de non-rétroactivité de la loi pénale plus sévère, mais que les prolongations de délais pouvaient s’appliquer aux faits qui n’étaient pas prescrits au moment de la loi nouvelle, le résultat est assez complexe. Il convient de considérer à la fois la nature des faits et la date à laquelle ils ont été commis pour savoir jusqu’à quand une plainte peut être utilement déposée.
D’une manière générale, toutes les victimes nées après le 11 mars 1976 bénéficient de la nouvelle prescription de 20 ans (3).
Illustration des différentes durées de prescription dans l’hypothèse d’une mineure victime de viol ou d’agression sexuelle le jour de ses 13 ans
Le 1er janvier 1980, viol par ascendant ou personne ayant autorité : à l’époque des faits, prescription acquise le 1er janvier 1990 (10 ans après les faits). Mais les faits n’étant pas prescrits lors de l’entrée en vigueur de la loi de 1989, prescription reportée au 1er janvier 1995 (10 ans après sa majorité).
Le 1er janvier 1990, agression sexuelle par ascendant ou personne ayant autorité : prescription acquise le 1er janvier 1993 (trois ans après les faits).
Le 1er janvier 2000, agression sexuelle avec une circonstance aggravante : à l’époque des faits, prescription acquise le 1er janvier 2015 (10 ans à partir de sa majorité). Mais les faits n’étant pas prescrits lors de l’entrée en vigueur de la loi de 2004, prescription reportée au 1er janvier 2025 (20 ans après sa majorité).
Le 1er janvier 2010, viol ou agression sexuelle par ascendant ou personne ayant autorité : prescription acquise le 1er janvier 2035 (20 ans à partir de sa majorité).
Le 1er janvier 2010, agression sexuelle sans circonstance aggravante : prescription acquise le 1er janvier 2025 (10 ans à partir de sa majorité).
[Source : d’après note DACG/SDJPG/BPAPG/LF du 8 juillet 2009]
La durée de prescription a donc été considérablement allongée ces dernières années pour permettre la dénonciation tardive de faits d’agressions sexuelles ou de viols commis pendant la minorité. Si cette évolution est favorable aux victimes, elle renforce toutefois la difficulté de rapporter la preuve des faits dénoncés, ceux-ci étant anciens et généralement commis sans témoins.
Ces durées de prescription spécifiques ne devraient plus connaître d’évolution notable. A la réponse d’une question écrite d’un parlementaire, le secrétaire d’Etat à la Justice a indiqué que l’imprescribilité des crimes sexuels commis sur les mineurs n’était pas envisagée, le « système juridique actuel tenant suffisamment compte de la particularité des infractions de nature sexuelle, en accordant aux victimes le temps nécessaire pour acquérir la maturité et la force suffisante pour déposer plainte » (4).
(1)
Lois n° 89-487 du 10 juillet 1989 et n° 98-468 du 17 juin 1998 étant précisé qu’il s’agit d’une interprétation extensive de la chambre criminelle de la Cour de cassation du 2 décembre 1998 qui a permis d’étendre aux délits cette nouvelle règle du point de départ à l’âge de la majorité.
(2)
Lois n° 2004-204 du 9 mars 2004, n° 2005-1549 du 12 décembre 2005 et n° 2006-399 du 4 avril 2006.
(3)
Présentation des dispositions de procédure pénale immédiatement applicables de la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, circulaire CRIM 2004-04 E8 du 14 mai 2004, BOMJ n° 94 (1er avril – 30 juin 2004).
(4)
Réponse à la question écrite n° 69358 de Valérie Rosso-Debord, députée (UMP) de Meurthe-et-Moselle, publiée au JOAN (Q) du 23-03-10, p. 3448.