Outre le crime de viol et le délit d’agression sexuelle, figurent également parmi les infractions à caractère sexuel, l’exhibition sexuelle, le harcèlement sexuel ou encore les sévices sexuels envers un animal domestisque.? Dans un souci de clarté de présentation, les infractions détaillées ici n’intégreront pas celles touchant spécifiquement aux mineurs, développées ultérieurement (cf. infra, section 2).
A. L’EXHIBITION SEXUELLE
[Code pénal, article 222-32]
Le code pénal punit à titre de peine principale de un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende l’exhibition sexuelle imposée à la vue d’autrui dans un lieu accessible aux regards du public, quel que soit le sexe de l’auteur ou de la victime.
1. LES ÉLÉMENTS CONSTITUTIFS DE L’INFRACTION
Cette infraction, qui correspond pour partie à l’ancien outrage public à la pudeur, exige un comportement à caractère sexuel de nature à susciter l’indignation du public, tel le fait pour un couple d’exposer ses relations sexuelles à autrui, ou pour un individu de se masturber en public en exhibant ses organes génitaux.
La jurisprudence exige que le corps ou la partie du corps volontairement exposé à la vue d’autrui soit ou paraisse dénudé, et le simple fait d’accomplir « un geste obscène en direction d’une personne présente en prenant son sexe entre ses mains à travers son short » ne constitue pas une exhibition sexuelle (1).
La loi cherche à « réprimer le scandale de l’immoralité qui s’affiche » (2), et à protéger le ou les témoins involontaires (3). Ainsi se rend coupable d’exhibition sexuelle un chef d’entreprise se présentant dénudé à des salariés au risque de provoquer chez eux un sentiment de répulsion (4).
Il est toutefois difficile de savoir si les décisions parfois anciennes de condamnations d’actes naturistes ou d’exhibitions de poitrines dénudées constitueraient toujours, au XXIe siècle, des faits tombant sous le coup de la loi, au regard de l’importante libération des mœurs depuis quelques décennies, et des pratiques vestimentaires couramment admises pendant les périodes estivales.
Le lieu doit être public ou privé mais ouvert au public, ou même un lieu fermé au public mais visible de l’extérieur, telles des fenêtres sans rideaux ou des portes laissées ouvertes, et dont la jurisprudence semble avoir une conception plutôt extensive.
A titre d’illustration, le fait « à plusieurs reprises dans son domicile, comme dans celui de ses petits-enfants ainsi que dans une « cabane » ou encore une « grange », (que) le prévenu s’est soudainement déshabillé devant les deux enfants, âgés de 11 et 8 ans, et leur a montré son sexe, accompagnant son geste de commentaires obscènes », entre dans les prévisions de la loi dès lors qu’« une partie des faits se serait-elle déroulée dans des lieux privés, tous les actes ont été imposés, par surprise, à la vue de témoins involontaires » (5).
Il est nécessaire toutefois de préciser que les clubs échangistes et autres boîtes de strip-tease échappent à toute sanction, dès lors que le public qui assiste ou participe aux événements qui s’y déroulent est par définition consentant, que l’accès à ces lieux est suffisamment contrôlé, et que les événements ne peuvent être vus de l’extérieur.
Enfin, le ou les auteurs des faits doivent avoir conscience d’imposer un tel spectacle à autrui.
A ainsi été relaxé un couple ayant pratiqué des relations sexuelles dans un véhicule au sein d’un parking toutes portes fermées, dès lors que les modalités de stationnement démontraient un désir d’échapper aux regards publics, et qu’il n’était possible d’assister à la scène qu’en s’approchant spécialement pour inspecter l’intérieur du véhicule, ce qui n’était pas précisément recherché par les prévenus (6).
Mais tombe sous le coup de la loi le couple qui se livre à ses ébats dans une voiture garée sur la voie publique, et de ce fait accessible aux regards des passants (7).
Depuis la loi du 18 mars 2003, ces faits n’exigent plus l’organisation systématique et préalable d’un examen psychiatrique du prévenu avant le jugement au fond, même si ce dernier encourt notamment la peine de suivi socio-judiciaire, et donc qu’un examen par un spécialiste doit pouvoir préciser s’il est susceptible de faire l’objet d’un traitement.
Cet état de la législation résulte en réalité de la volonté des autorités de l’époque de faire reculer la prostitution exercée dans des lieux publics, en cherchant à incriminer sous cette qualification les personnes qui se livrent à cette activité ainsi que leurs clients.
Il en va ainsi d’un prostitué travesti se trouvant dans un bois ouvert au public, très court vêtu sous un long manteau laissant apparaître ses organes génitaux au passage d’automobilistes (8).
La loi n’incrimine pas la tentative de ce délit, ne prévoit pas de circonstance aggravante particulière, ni l’inscription au Fichier national des auteurs d’infractions sexuelles (Fijais), et n’interdit pas de dispenser le condamné de l’inscription de la condamnation au bulletin n° 2 du casier judiciaire , mais organise désormais l’inscription automatique des expertises, évaluations et examens psychiatriques ou psychologiques au sein du répertoire nouvellement créé à cette fin (cf. infra, chapitre IV, section 2, § 3).
2. LES PEINES COMPLÉMENTAIRES
En revanche, le condamné peut notamment faire l’objet à titre de peines complémentaires :
- d’un suivi socio-judiciaire ;
- d’une interdiction d’exercer l’activité professionnelle ou sociale dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de laquelle l’infraction a été commise, soit à titre définitif, soit durant cinq ans au plus ;
- d’une interdiction des droits civiques, civils et de famille durant cinq ans au plus ;
- d’une interdiction d’exercer, soit à titre définitif, soit durant dix ans au plus, une activité professionnelle ou bénévole impliquant un contact habituel avec des mineurs .
B. LE HARCÈLEMENT SEXUEL
[Code pénal, article 222-33]
Le fait de harceler autrui dans le but d’obtenir des faveurs de nature sexuelle est puni de un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende, quel que soit le sexe de l’auteur et de la victime.
Cette infraction, introduite en 1994 avec l’entrée en vigueur du nouveau code pénal, à la suite de la revendication ancienne d’associations de protection des femmes contre les violences sexuelles, était initialement concentrée en grande partie sur les actes commis dans le milieu professionnel.
La loi du 17 janvier 2002 a consacré un élargissement significatif de ces faits, par une nouvelle définition très extensive. Ce texte a supprimé l’exigence d’un rapport d’autorité entre l’auteur et la victime, le délit pouvant désormais être commis dans ou hors du milieu du travail, y compris à l’égard de simples collègues de travail, sans exiger qu’il soit réalisé par un supérieur hiérarchique.
L’incrimination n’exige plus d’établir que le prévenu ait donné des ordres, proféré des menaces, exercé des contraintes ou des pressions graves sur la victime, l’infraction pouvant être constituée désormais par tout moyen. La loi exige toutefois une insistance, une répétition particulière des demandes à finalité sexuelle, quelle qu’en soit la nature, les juges ayant la délicate mission d’opérer la distinction entre harceler et simplement courtiser. Par exemple, adresser ponctuellement des compliments ou chercher à séduire de manière maladroite ne tombe pas, en soi, sous l’incrimination légale. En bref, les sentiments exprimés par l’amoureux éconduit ne sont pas punissables.
Une illustration particulièrement éloquente de la difficulté de tracer une frontière claire entre le permis et l’interdit peut être décrite dans l’affaire suivante : un enseignant avait exprimé ses sentiments amoureux à une élève, lui avait demandé de réfléchir à sa déclaration, l’avait invitée à venir le rejoindre dans son bureau, l’avait prise dans ses bras et l’avait embrassée à trois reprises sur la bouche. Ce comportement s’était prolongé un certain temps. L’arrêt d’appel ayant condamné le prévenu pour harcèlement sexuel est cassé faute de démontrer « en quoi le prévenu avait harcelé la jeune fille dans le but d’obtenir de sa part des faveurs de nature sexuelle » (9).
En tout état de cause, la consistance de ce délit présente des difficultés de preuve évidentes, exigeant de la victime qu’elle se mette à la recherche de témoignages les plus précis possible. Une ascension professionnelle fulgurante rapidement suivie d’un licenciement sans motif valable au sein du même service pourra constituer autant d’indices objectifs permettant d’accréditer les allégations du plaignant (10).
En principe, un syndicat professionnel ne peut pas se constituer partie civile, même si les faits sont perpétrés sur le lieu de travail de la victime et par son supérieur hiérarchique, faute de caractériser une atteinte à l’intérêt collectif des salariés du secteur concerné (11).
Le choix de la qualification initialement poursuivie doit être évalué avec soin par le ministère public ou la victime poursuivante : il a ainsi été jugé qu’un prévenu relaxé pour harcèlement sexuel ne pouvait être ultérieurement poursuivi par la victime pour agression sexuelle aggravée, car il s’agissait des mêmes faits ne pouvant donner lieu à deux actions pénales distinctes (12).
Dans le même esprit, la relaxe d’un prévenu poursuivi pour harcèlement sexuel par la juridiction pénale ayant estimé que la matérialité des faits n’était pas établie interdit ultérieurement à la juridiction prud’homale de remettre en cause cette appréciation, qui a autorité de la chose jugée au pénal à l’égard des juridictions civiles (13).
Cette infraction doit être clairement distinguée du harcèlement moral, incriminé également par la loi du 17 janvier 2002, inhérent aux relations professionnelles, et dont les éléments constitutifs sont plus difficiles à établir (14).
Il n’est pas inutile de préciser que cette infraction, dont la tentative n’est pas punissable et qui ne comprend pas de circonstance aggravante, ne fait pas encourir la peine complémentaire de suivi socio-judiciaire, ne fait pas l’objet d’inscription au Fijais, n’empêche pas la dispense d’inscription au bulletin n° 2 du casier judiciaire sur décision de la juridiction pénale, mais autorise toutefois les autres sanctions prévues également pour l’exhibition sexuelle telles qu’une interdiction professionnelle d’exercer ou une privation des droits civiques.
C. LES SÉVICES SEXUELS ENVERS UN ANIMAL DOMESTIQUE, APPRIVOISÉ OU CAPTIF
[Code pénal, article 521-1]
La zoophilie a été sanctionnée de tout temps, mais selon des régimes très divers. Ainsi au Moyen Age, ceux qui étaient convaincus de bestialité étaient condamnés à périr par les flammes avec l’animal « complice ». Plus récemment, la sanction se limitait à une condamnation à l’amende de 4e classe, prévue par l’article R. 654-1 du code pénal, pour les faits de mauvais traitement à animal, le tribunal de police pouvant en outre décider de remettre l’animal à une œuvre de protection animale. Si les faits s’inscrivaient dans le cadre de violences particulières, le délit de sévices graves ou d’actes de cruauté prévu par l’article 521-1 du code pénal pouvait être retenu.
Dans un chapitre consacré à la prévention et à la répression des infractions sexuelles, la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité a modifié cet article, qui indique dorénavant que les « sévices graves ou de nature sexuelle » sont punis de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 € d’amende. Le législateur a ainsi créé une infraction sexuelle spécifique, distincte des mauvais traitements, sévices graves ou actes de cruauté sur animal.
A l’occasion d’une affaire mettant en cause le propriétaire d’un poney qui se livrait à la sodomie sur celui-ci, par jeu disait-il, la Cour de cassation a donné une interprétation stricte des éléments constitutifs de cette nouvelle qualification. Celle-ci est caractérisée par « des actes de pénétration sexuelle commis par une personne sur un animal » même en l’absence de violence, de brutalité ou de mauvais traitements, et quel qu’en soit l’élément intentionnel. La doctrine s’est interrogée sur le fait que l’acte de pénétration sexuelle apparaîtrait ainsi plus facilement punissable subi par un animal que subi par un être humain, tout en admettant que la question du consentement de la victime ne pouvait guère se poser en l’espèce.
Toutefois, il y a lieu d’observer que le code pénal ne protège que l’animal domestique, apprivoisé ou tenu en captivité. Les zoophiles audacieux peuvent donc se livrer à des actes de pénétration sexuelle sur les animaux sauvages en toute impunité, en tout cas pour ce qui est des conséquences pénales.
Comme en matière de harcèlement sexuel, cette infraction, dont la tentative n’est pas punissable et qui ne comprend pas de circonstance aggravante, ne fait pas encourir la peine complémentaire de suivi socio-judiciaire, ne fait pas l’objet d’inscription au Fijais, n’empêche pas la dispense d’inscription au bulletin n° 2 du casier judiciaire sur décision de la juridiction pénale. Les peines complémentaires applicables sont limitées à l’interdiction d’exercer l’activité professionnelle ou sociale ayant permis la commission de l’infraction, ainsi que l’interdiction, temporaire ou définitive, de détenir un animal.
(1)
Crim. 4 janvier 2006, Bull. crim., n° 3.
(2)
Rassat M.-L., Droit pénal, spécial, n° 546, p. 584.
(3)
Il suffit d’une seule victime, Crim. 7 juillet 1932, Bull. crim., n° 174.
(4)
Grenoble, 7 juillet 2000, JCP 2001, IV, 1469.
(5)
Crim. 12 mai 2004, Bull. crim., n° 119.
(6)
Paris, 13 décembre 1994, Droit pénal, 1995, n° 89, obs. Véron.
(7)
Crim. 18 juillet 1930, Bull. crim., n° 205.
(8)
Versailles, 3 mai 2000, JCP 2001, IV, 1032.
(9)
Crim. 10 novembre 2004, Bull. crim., n° 280.
(10)
Paris, 6 octobre 1995, Droit pénal, 1996, n° 31, obs. Véron.
(11)
Crim. 23 janvier 2002, Bull. crim., n° 12 ; RSC 2002, p. 832, obs. Giudicelli-Delage.
(12)
Crim. 19 janvier 2005, Bull. crim., n° 25.
(13)
Cass. soc. 3 novembre 2005, Bull. civ., V, n° 307.
(14)
L’article 222-33-2 du code pénal incrimine « le fait de harceler autrui par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel », puni de un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende.