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LE CRIME DE VIOL

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[Code pénal, article 222-23]
Il convient de distinguer les éléments constitutifs des circonstances aggravantes.


A. LES ÉLÉMENTS CONSTITUTIFS

Le code pénal définit le viol par « tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, commis sur la personne d’autrui, par violence, contrainte, menace ou surprise » puni, à titre principal, de 15 ans de réclusion criminelle. Il convient dès lors de préciser la matérialité du viol et l’absence de consentement de la victime.


1. LA MATÉRIALITÉ DU VIOL : LA PÉNÉTRATION SEXUELLE

L’acte de pénétration sexuelle constitue l’élément central du crime de viol, le législateur ayant souhaité à la fois clairement définir cette infraction par la loi n° 80-1041 du 23 décembre 1980 , stigmatiser les violations jugées les plus graves à l’intimité corporelle, et les faire relever notamment d’une mise en état spécifique (l’instruction) et d’une juridiction de jugement particulière (la cour d’assises), contrairement à l’ensemble des autres infractions de nature sexuelle.
L’interprétation initiale extensive des tribunaux a été suivie d’une évolution plus restrictive.

a. Une interprétation initiale extensive s’inspirant de l’esprit de la loi

Faisant prévaloir parfois plus l’esprit de la loi du 23 décembre 1980 ayant défini le viol que la lettre du texte, les tribunaux ont eu tendance, alors, à accorder une place très large au viol, en intégrant, outre les rapports sexuels normaux imposés par un homme à une femme, les viols entre hommes, s’agissant par exemple de la sodomie d’un fils par son père (1), et les viols entre femmes, ainsi que cela a été jugé pour un viol d’une fille par sa mère (2).
La définition actuellement admise du viol selon le dernier état de la jurisprudence de la Cour de cassation recouvre tous les rapports sexuels complets vaginaux, anaux ou buccaux, imposés par un homme à une femme, ainsi que les actes de sodomie ou de fellation imposés à un homme par un autre homme, dès lors qu’il y a pénétration sexuelle par l’organe sexuel masculin.
La Cour de cassation a également estimé que tout acte de fellation imposé à celui qui le subit ou à celui qui le pratique constituait un viol (3), malgré la réprobation d’une majorité de la doctrine.
L’évolution ultérieure semble avoir été plus conforme à la lettre du texte.

b. Une interprétation stricte plus conforme à la lettre du texte

Dans le dernier état d’une jurisprudence qui a évolué sur ce point, au regard du principe d’interprétation stricte de la loi pénale posé par l’article 111-4 du code pénal, l’élément matériel du crime de viol n’est caractérisé que si l’auteur réalise l’acte de pénétration sexuelle sur la personne de la victime. En revanche, une fellation imposée à un homme ne pourra constituer un viol mais « seulement » une agression sexuelle, si bien sûr l’acte est commis avec contrainte, menace ou violence (4). Pour la même raison, le fait pour une femme d’abuser de l’autorité dont elle dispose sur un jeune garçon pour lui imposer d’avoir avec elle des rapports sexuels n’est pas qualifié de viol par la Cour de cassation (5). Pour résumer, celui qui pénètre l’autre ne peut prétendre être victime d’un viol même s’il a été contraint à le faire.
Dans la même logique, la Cour de cassation estime qu’une fellation implique une pénétration par l’organe sexuel masculin et non par un objet le représentant. Les patientes d’un médecin généraliste contraintes, à l’occasion de consultation à son cabinet, d’introduire dans leur bouche un objet de forme phallique recouvert d’un préservatif et de lui faire accomplir des mouvements de va-et-vient, ne sont pas victimes de viol mais d’agression sexuelle, faute de pénétration par un organe sexuel masculin (6).
Même si les décisions de 1998, 2001 et 2007 traduisent à l’évidence une volonté de « recentrer » l’infraction de viol sur des éléments constitutifs particulièrement étroits, l’incertitude demeure, à défaut de décision explicite sur ce point, concernant la qualification d’actes vaginaux ou anaux imposés à une victime avec un objet.
Il convient également d’attendre les futures décisions de la Cour de cassation avant de pouvoir affirmer, au regard de cette nouvelle série de décisions adoptant une interprétation stricte du viol, qu’une femme ne pourrait pas être l’auteur principal d’un viol, mais tomberait seulement sous le coup de la qualification d’agression sexuelle ou de complicité du viol commis par un homme.
La tentative d’un crime étant toujours punissable, et caractérisée par un commencement d’exécution suspendue ou n’ayant manqué son effet qu’en raison de circonstances indépendantes de la volonté de son auteur, en application des article 121-4 et 121-5 du code pénal, si l’auteur ne parvient pas à pénétrer sa victime par suite d’une défaillance au moment du passage à l’acte, les faits constituent une tentative de viol, punissable au même titre que le viol. Seule demeurera alors la question délicate de la preuve de l’intention criminelle.


2. L’ABSENCE DE CONSENTEMENT DE LA VICTIME : LA MENACE, LA CONTRAINTE, LA VIOLENCE OU LA SURPRISE

La loi définit l’absence de consentement de la victime, commune au viol et aux agressions sexuelles, en négatif du comportement de l’auteur, lorsque celui-ci a recours à une des quatre modalités de recours à la force : la menace, la contrainte, la violence ou la surprise, et ce quelle que soit la nature des relations existant entre l’agresseur et sa victime, y compris entre couples mariés . Dans ce dernier cas, la présomption de consentement des époux à l’acte sexuel ne vaut que jusqu’à preuve du contraire (7).
Faute par les tribunaux de caractériser l’une de ses quatre exigences légales, la preuve de l’infraction ne sera pas rapportée (8).
Il s’agit de notions de fait, assez souples et comprises en général dans une acception assez large par les tribunaux, qui s’interprètent de manière concrète en fonction de la capacité de résistance de la victime (9) et qui conduisent à une jurisprudence casuistique difficile à synthétiser autrement que par des exemples caractéristiques.
La menace, qui a été ajoutée lors de l’entrée en vigueur du code pénal le 1er mars 1994, n’a été considérée par la jurisprudence que comme une modalité de la contrainte ne modifiant pas l’état du droit positif.
La loi du 8 février 2010 tendant à inscrire l’inceste commis sur les mineurs dans le code pénal a notamment rappelé que la contrainte peut être physique ou morale, et que la contrainte morale peut résulter de la différence d’âge existant entre une victime mineure et l’auteur des faits , confortant le dernier état de la jurisprudence, ayant notamment admis que le jeune âge d’enfants, compris entre un an et demi et cinq ans, suffisait à établir la contrainte (10).
Le refus de se prêter aux actes imposés peut se déduire des circonstances de l’espèce, tel que le fait de n’y avoir cédé que sous l’empire d’un trouble paralysant ayant physiquement empêché la victime de protester et de s’enfuir (11). Mais le « sentiment de soumission » éprouvé par la victime mineure ne suffit pas pour caractériser la violence exercée par l’auteur présumé (12).
Le caractère tyrannique de l’auteur peut en revanche caractériser la contrainte (13).
La contrainte peut également résulter de l’état psychologique perturbé de la victime, ou de l’état dépressif et de la faiblesse mentale de la victime ou du recours à une drogue telle que la GHB, dite drogue du violeur, ou parce qu’elle a consommé de l’alcool ou des stupéfiants ou encore de la contrainte morale exercée par un psychothérapeute sur ses patientes en leur imposant des fellations, ou l’état de grande vulnérabilité d’une femme face à un médecin lors d’une consultation médicale (14).
La menace peut résulter du fait d’indiquer à la victime qu’elle sera abandonnée dans le froid et le brouillard, de nuit, loin de toute habitation (15).
La surprise est généralement constituée de stratagèmes, et pourra par exemple consister à prendre indûment la place du partenaire habituel de la victime dans son lit, de nuit, alors que cette dernière est endormie (16).
Mais la surprise du consentement de la victime par une manœuvre de l’auteur ne saurait se confondre avec la simple expression de surprise manifestée par la victime (17).
Enfin, le caractère très ancien des faits et les souvenirs contradictoires et confus de la victime peuvent rendre délicats la preuve de l’absence de consentement (18).


B. LES CIRCONSTANCES AGGRAVANTES

[Code pénal, articles 222-24, 222-25 et 222-26]
La loi a peu à peu ajouté de multiples circonstances aggravantes à l’infraction principale de viol.


1. DES CIRCONSTANCES FAISANT ENCOURIR 20 ANS DE RÉCLUSION CRIMINELLE

[Code pénal, article 222-24]
Est puni de 20 ans de réclusion criminelle le viol commis avec l’une des 12 circonstances aggravantes suivantes :
  • lorsqu’il a entraîné une mutilation ou une infirmité permanente ;
  • lorsqu’il est commis sur un mineur de 15 ans ;
  • lorsqu’il est commis sur une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de l’auteur ;
  • lorsqu’il est commis par un ascendant ou par toute autre personne ayant sur la victime une autorité de fait ou de droit ;
  • lorsqu’il est commis par une personne qui abuse de l’autorité que lui confèrent ses fonctions ;
  • lorsqu’il est commis par plusieurs personnes agissant en qualité d’auteur ou de complice ;
  • lorsqu’il est commis avec usage ou menace d’une arme ;
  • lorsque la victime a été mise en contact avec l’auteur des faits grâce à l’utilisation, pour la diffusion de messages à destination d’un public non déterminé, d’un réseau de télécommunication ;
  • lorsqu’il a été commis à raison de l’orientation sexuelle de la victime ;
  • lorsqu’il est commis en concours avec un ou plusieurs autres viols commis sur d’autres victimes ;
  • lorsqu’il est commis par le conjoint ou le concubin de la victime ou le partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité ;
  • lorsqu’il est commis par une personne agissant en état d’ivresse manifeste ou sous l’emprise manifeste de produits stupéfiants.
Les circonstances aggravantes incriminaient déjà les viols incestueux commis par ascendants (parents ou grands-parents) ou certaines personnes proches de la victime et ayant autorité sur elle, rappelés et expressément dénommés par la loi du 10 février 2010.
Les lois les plus récentes ont ainsi aggravé la pénalité lorsque les viols ont été commis :
  • avec l’aide d’Internet  ;
  • avec un caractère homophobe  ;
  • en série sur plusieurs victimes par le même auteur avant d’être interpellé  ;
  • entre partenaires, conjoints, concubins ou pacsés  ;
  • par une personne sous l’emprise de l’alcool ou de stupéfiants .
La notion d’autorité de fait est interprétée de manière souple par les tribunaux et correspond le plus souvent aux proches des parents de la victime partageant leur existence, soit de manière habituelle telle que le concubin de la mère (19), ou de manière plus ponctuelle telle que la grand-mère ou l’oncle de la victime (20), ou encore les proches d’une gardienne d’un enfant (21).
L’abus d’autorité permet notamment d’incriminer les abus commis par des personnes investies de missions de service public telles que les enseignants, les personnels de foyers accueillant des mineurs, les personnels soignants (22) ou détenteurs d’une parcelle de la puissance publique, ainsi d’un policier ayant imposé des viols à une personne en garde à vue (23).
La vulnérabilité peut résulter, outre des circonstances prévues par la loi, de la précarité sociale du fait de la nationalité étrangère de la victime (24).
La notion d’arme est définie principalement à l’article 132-75 du code pénal, et inclut les armes classiques par nature (fusil, pistolet, revolver, couteaux, etc.), de même que les armes par destination (bâtons, pierres, automobiles, etc.) et les armes factices (un faux pistolet) (25).


2. UNE CIRCONSTANCE FAISANT ENCOURIR 30 ANS DE RÉCLUSION CRIMINELLE

[Code pénal, article 222-25]
Est puni de 30 ans de réclusion criminelle le viol ayant entraîné la mort de la victime.
Cette circonstance aggravante est à distinguer d’un viol suivi d’un meurtre, qui fait encourir la réclusion criminelle à perpétuité. Il suffit d’établir l’existence d’un lien de causalité entre les faits de viol et la mort de la victime, mais les textes ne semblent pas exiger que le viol soit la cause exclusive du décès. Ce pourrait, par exemple, être le cas du décès accidentel d’une victime de viol, poursuivie par les auteurs d’un viol, sans pour autant que ceux-ci aient voulu sa mort.


3. UNE CIRCONSTANCE FAISANT ENCOURIR LA RÉCLUSION CRIMINELLE À PERPÉTUITÉ

[Code pénal, article 222-26]
Est puni de la réclusion criminelle à perpétuité le viol précédé, accompagné ou suivi de tortures ou d’actes de barbarie.
La loi ne définit ni la torture ni les actes de barbarie qui font l’objet d’une application au cas par cas par les tribunaux, exigeant une volonté d’humiliation et d’atteinte délibérée à la dignité de la victime, consistant à commettre des actes d’une gravité exceptionnelle excédant les simples violences et occasionnant à la victime une douleur ou une souffrance aigüe.
Ont été ainsi retenus comme actes de torture et de barbarie, le fait pour la victime d’être dénudée, attachée bras et jambes aux fers d’une étable, d’avoir les yeux bandés, d’être fouettée, frappée à coups de poings, de ceinturon ou avec un bambou, d’avoir les mamelons percés avec une épingle, d’être brûlée avec des bougies sur les fesses et des cigarettes sur le torse, d’uriner sur elle, et de la déposer dans un congélateur (26).


(1)
Crim. 3 juillet 1991.


(2)
Crim. 4 janvier 1985, Bull. crim., n° 10.


(3)
Crim. 16 décembre 1997, Bull. crim., n° 429, JCP 1998, II, 10074, note Mayer.


(4)
Crim. 22 août 2001, Bull. crim., n° 169 ; Dalloz 2002, somm.1803, obs. Gozzi.


(5)
Crim. 21 octobre 1998, Bull. crim., n° 274 ; JCP 1998, II, 10215, note Mayer.


(6)
Crim. 21 février 2007, Bull. crim., n° 61 ; RSC 2007, p. 301, obs. Mayaud.


(7)
Crim. 16 mai 2007, inédit, n° pourvoi 07-81592.


(8)
Cass. Ass. plén., 8 juillet 2005, Bull. Ass. plén., n° 1, pour une absence de mention dans les questions posées au jury criminel ; Crim. 17 mars 1999, Bull. crim., n° 49 ; Crim. 14 avril 1999, Bull. crim., n° 83 ; Crim. 22 septembre 1999, Bull. crim., n° 195 ; Crim. 10 mai 2001, Bull. crim., n° 116 pour une absence de caractérisation.


(9)
Crim. 8 juin 1994, Bull. crim., n° 226.


(10)
Crim. 7 décembre 2005, Bull. crim., n° 326 ; Koering-Joulin, « Brèves réflexions sur le défaut de consentement du mineur de 15 ans victime de viol ou d’agression sexuelle », in Mélanges offerts à Jean Pradel, Ed. Cujas 2006, p. 389.


(11)
Crim. 13 mars 1984, Bull. crim., n° 107.


(12)
Crim. 21 février 2007, Bull. crim., n° 55.


(13)
Crim. 29 avril 1960, Bull. crim., n° 225 ; Crim. 8 février 1995, Droit pénal, 1995, p. 171.


(14)
Crim. 8 juin 1994, Bull. crim., n° 226 ; Crim. 3 mai 2007 ; Crim. 27 novembre 1996 ; Crim. 7 mars 2007, inédit, n° pourvoi 06-89230 ; Crim. 21 mai 2008, inédit, n° pourvoi 08-81597 ; Crim. 14 octobre 2008, inédit n° pourvoi 09-85007 ; Crim. 8 juillet 2009, inédit, n° pourvoi 09-82661 ; Crim. 25 octobre 1994, Droit pénal, 1995, p. 63.


(15)
Crim. 11 février 1992, Droit pénal, 1992, n° 174.


(16)
Crim. 22 janvier 1997, Bull. crim., n° 22 ; Crim. 25 juin 1857, Syrey 1857 I, 711.


(17)
Crim. 25 avril 2001, Bull. crim., n° 99.


(18)
Crim. 29 mars 2006, Bull. crim., n° 96 ; Crim. 26 septembre 2007, inédit, n° pourvoi 07-80919 ; Crim. 23 juin 2009, Bull. crim., n° 128 ; Crim. 8 juillet 2009, inédit, n° pourvoi 09-82926.


(19)
Crim. 14 octobre 1958, Bull. crim., n° 620 ; Crim. 9 juin 1971, Bull. crim., n° 185.


(20)
Crim. 9 avril 2008, inédit, n° pourvoi 08-80365, pour une autorité retenue d’une grand-mère ; Crim. 12 mai 2009, inédit, n° pourvoi 08-83628, pour une absence d’autorité d’un oncle en présence de faits très anciens.


(21)
Crim. 9 juillet 1991, Droit pénal, 1991, p. 315 pour le fils de la gardienne ; Crim. 10 juillet 2002, Bull. crim., n° 152 pour le mari d’une gardienne ; Crim. 10 octobre 2007, inédit, n° pourvoi 07-84859, pour un oncle déclaré gardien de fait de l’enfant par la cour d’appel, arrêt estimé insuffisamment motivé par la Cour de cassation.


(22)
Crim. 25 juillet 2007, inédit, n° pourvoi 07-83546, pour un kinésithérapeute ostéopathe ; Crim. 30 janvier 2008, inédit, n° pourvoi 07-84408, pour un médecin généraliste.


(23)
Crim. 30 septembre 2009, inédit, n° pourvoi 09-84750.


(24)
Crim. 5 juin 2007, inédit, n° pourvoi 07-81837.


(25)
Crim. 13 juin 2007, inédit, n° pourvoi 07-82499 pour le viol d’une prostituée avec un cutter.


(26)
Crim. 3 septembre 2008, inédit, n° pourvoi 08-84349 ; Crim. 14 octobre 2009, inédit, n° pourvoi 09-85014, pour une victime « traitée comme un chien », avec de multiples faits de violences à connotation sexuelle.

SECTION 1 - LA CLASSIFICATION GÉNÉRALE DES INFRACTIONS SEXUELLES

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