Les magistrats ont de longue date adopté une pratique contraire à la loi consistant à transformer en délit d’agression sexuelle plus ou moins aggravé des faits criminels de viol, pratique connue sous l’appellation de « correctionnalisation ».
Cette pratique ancienne, désormais officiellement reconnue sous certaines conditions par l’article 469 du code de procédure pénale, répond à plusieurs préoccupations :
- gérer le flux d’affaires en attente de jugement devant la cour d’assises, chaque affaire criminelle étant programmée sur un ou plusieurs jours, et nécessitant la citation de tous les témoins et experts, alors qu’une audience correctionnelle permet de juger une affaire en quelques heures ;
- la nature et le contexte de commission des faits ne se prêtent pas aisément à un procès criminel, lorsque la victime ne souhaite pas subir la tension d’un tel procès, voire s’oppose parfois au jugement de l’affaire, bien que les faits soient parfaitement constitués, positionnements susceptibles de décontenancer un jury criminel, ou encore lorsque la quasi-totalité des faits est de nature délictuelle, les faits criminels n’apparaissant finalement que « subsidiaires » au regard de l’ensemble de ceux qui sont subis par la victime. En pratique, une telle solution peu conforme au droit ne peut survenir qu’avec l’accord de la victime.
Afin de tenir compte de cette réalité, la loi du 9 mars 2004 a prévu qu’une correctionnalisation dans le cadre d’une instruction – lorsque la victime s’est constituée partie civile et est assistée d’un avocat – ne peut plus être remise en cause après le renvoi de l’affaire devant le tribunal correctionnel.
Toutefois, cette légalisation ne s’applique pas lorsque le parquet a décidé de correctionnaliser dans le cadre d’une enquête préliminaire ou de flagrance, sans passer par un juge d’instruction.
Et même lorsque la victime principale, assistée d’un conseil, aura donné son accord au moins implicite dans le cadre d’une instruction, il suffira qu’un proche de cette victime, mère ou sœur par exemple, se constitue partie civile lors de l’audience correctionnelle pour la remettre en cause, avec ou sans l’accord de la victime principale (1).
La décision de correctionnaliser n’est pas sans conséquence compte tenu des principales différences procédurales et des peines entre le viol et les autres infractions sexuelles (cf. tableau p. 24).
(1)
Crim. 27 mars 2008, Bull. crim., n° 84.