[Code pénal, articles 131-36-4 à 131-36-8 ; code de procédure pénale, articles 723-30 et 731-1 ; code de la santé publique, articles L. 3711-1 à L. 3711-4 et R. 3711-3]
Née avec le suivi socio-judiciaire puis étendue à d’autres mesures, l’injonction de soins (1) se distingue de l’obligation de soins et repose sur l’intervention d’un médecin coordonnateur ayant un rôle d’interface entre le juge et le médecin traitant.
A. UNE MODALITÉ DU SUIVI SOCIO-JUDICIAIRE ÉTENDUE À D’AUTRES MESURES
1. UNE MODALITÉ DU SUIVI SOCIO-JUDICIAIRE...
Dans un premier temps, l’injonction de soins a été conçue comme une « modalité d’aménagement facultative de la mesure de suivi socio-judiciaire » relevant de l’appréciation de la juridiction de jugement, au vu des éléments de l’expertise psychiatrique préalable en matière d’infractions sexuelles, l’expert devant être expressément interrogé sur l’opportunité d’une telle injonction .
Dans un second temps, de simple option, l’injonction de soins est devenue le principe depuis le 1er mars 2008 (2), la loi ayant prévu que tout suivi socio-judiciaire est assorti d’une injonction de soins, sauf décision contraire de la juridiction. Si une cour d’assises, une cour d’appel, un tribunal correctionnel ou un tribunal pour enfants ordonne un suivi socio-judiciaire sans autre précision, l’injonction de soins est donc automatique. Il faut toutefois qu’une expertise médicale ait indiqué que le condamné « est susceptible de faire l’objet d’un traitement ». Dans l’hypothèse où la juridiction aurait ordonné une obligation de soins, en vertu de l’incompatibilité prévue entre les deux mesures, c’est l’obligation – et non l’injonction – qui sera mise en œuvre.
2. ... ÉTENDUE À D’AUTRES MESURES
Les lois du 10 août 2007 et du 25 février 2008 ont mis fin au monopole du suivi socio-judiciaire en tant que support juridique de l’injonction de soins. Celle-ci ne concerne toujours que les « infractions pour lesquelles le suivi socio-judiciaire est encouru », qu’il soit ou non prononcé. Le législateur a progressivement étendu le principe de l’injonction de soins à d’autres « mesures-supports » telles que le sursis avec mise à l’épreuve, la libération conditionnelle, la surveillance judiciaire, la surveillance de sûreté. La loi du 10 mars 2010 a toutefois supprimé cette extension à la mesure de sursis avec mise à l’épreuve, prenant sans doute acte de l’impossibilité pratique de mettre en place l’injonction de soins à une grande échelle (cf. supra, § 3).
Le dispositif est identique à celui qui prévaut pour le suivi socio-judiciaire. A partir du moment où l’expertise médicale a indiqué que le condamné était susceptible de faire l’objet d’un traitement, l’injonction de soins est automatique dans le cadre de la mesure qui en est le support, sauf décision contraire du juge de l’application des peines ou du tribunal de l’application des peines.
B. DES POINTS COMMUNS AVEC l’OBLIGATION DE SOINS MAIS UN CADRE LÉGAL DISTINCT
1. DES POINTS COMMUNS ...
Qu’il s’agisse d’obligation ou d’injonction, il est toujours question de « soins obligés », qui supposent nécessairement de justifier régulièrement pendant la durée d’une mesure probatoire, auprès du juge de l’application des peines et du service pénitentiaire d’insertion et de probation, d’un suivi médical ou psychothérapeutique. La nécessité d’un consentement aux soins (3) par la personne condamnée n’est dans son principe pas remise en cause, dans un cas comme dans l’autre. Toutefois, une privation de liberté sanctionne le refus de soins opposé par la personne condamnée.
Lors du jugement, un avertissement doit être donné verbalement au condamné sur les conséquences du non-respect de l’obligation ou de l’injonction de soins, et une notification écrite est prévue par la juridiction de jugement ou le juge de l’application des peines.
Le juge de l’application des peines a la possibilité d’ajouter l’une ou l’autre au cours du déroulement de la mesure en cours – pendant par exemple un sursis avec mise à l’épreuve pour l’obligation de soins, ou un suivi socio-judiciaire pour l’injonction de soins – si elle n’a pas été ordonnée initialement par la juridiction de jugement. Comme pour une obligation de soins dans le cadre d’un sursis avec mise à l’épreuve, le juge de l’application des peines a également, depuis la loi du 10 mars 2010, le pouvoir de mettre fin de manière anticipée à une injonction de soins dans le cadre d’un suivi socio-judiciaire.
Dans un cas comme dans l’autre, le condamné devra justifier de la régularité des soins entrepris à travers les attestations que lui aura remises le thérapeute, et qu’il devra transmettre soit au travailleur social du service pénitentiaire d’insertion et de la probation chargé de son suivi, soit directement au juge de l’application des peines.
En cas de non-respect, le juge de l’application des peines est compétent, après réquisitions du procureur de la République pour décider, lors d’une audience avec débat contradictoire, de l’application de la sanction encourue (sous réserve de la procédure applicable en matière de surveillance et de rétention de sûreté, cf. infra, section 3, § 2).
2. ... MAIS UN CADRE LÉGAL DISTINCT
Malgré une proximité sémantique, l’obligation de soins et l’injonction de soins (4) relèvent de deux cadres juridiques très différents. Ces deux mesures ne peuvent d’ailleurs être prononcées en même temps .
L’obligation de soins peut être prononcée avant jugement dans le cadre d’un contrôle judiciaire. L’injonction ne peut être prononcée que pour un condamné. Lors de l’audience de jugement ou ultérieurement par le juge de l’application des peines, une obligation de soins peut être imposée quelle que soit l’infraction commise, à partir du moment où une peine d’emprisonnement est encourue et que la peine prononcée peut faire l’objet d’une mesure de probation telle que le sursis avec mise à l’épreuve. Elle peut aussi assortir un aménagement de peine comme la libération conditionnelle, une semi-liberté, un placement sous surveillance électronique, un placement à l’extérieur. Elle peut, bien sûr, concerner les délinquants sexuels, mais n’est pas particulièrement ciblée sur eux, l’obligation de soins visant majoritairement à prévenir le renouvellement d’infractions liées à des conduites addictives (alcool ou produits stupéfiants) ou à des troubles mentaux.
L’injonction de soins a été conçue pour les auteurs d’infractions sexuelles et reste en pratique essentiellement prononcée dans ce cadre, bien que le suivi socio-judiciaire puisse être à présent encouru pour d’autres crimes et délits.
Une expertise psychiatrique préalable n’est pas exigée pour pouvoir ordonner une obligation de soins. En revanche, elle est impérative avant toute décision ordonnant une injonction de soins, avant ou après jugement. De plus, cette expertise doit établir que la personne condamnée « est susceptible de faire l’objet d’un traitement ».
Initialement conçue exclusivement dans le cadre du suivi socio-judiciaire, l’injonction peut à présent être prononcée aussi dans le cadre d’une libération conditionnelle – mais pas dans celui d’autres aménagements de peines – et des mesures de sûreté que sont la surveillance judiciaire, la surveillance ou la rétention de sûreté. Depuis l’entrée en vigueur de la loi du 10 mars 2010, l’injonction ne peut plus assortir un sursis avec mise à l’épreuve.
Depuis le 1er mars 2008, l’injonction de soins n’a pas besoin d’être prononcée, mais elle s’applique automatiquement pour toutes les mesures pour lesquelles elle est encourue, sauf décision contraire de la juridiction, dès lors qu’une expertise a conclu à la possibilité d’un traitement . Il faut donc, par exemple, que la cour d’assises ou le tribunal correctionnel mentionne explicitement dans sa décision « Dit n’y avoir lieu à injonction de soins » si la juridiction n’entend pas assortir un suivi socio-judiciaire d’une telle injonction.
A la différence de l’obligation de soins, l’injonction de soins a des effets pendant l’exécution d’une peine privative de liberté quant au régime des réductions de peine (cf. supra, § 1, B, 2). Elle se distingue enfin et surtout de l’obligation de soins par le « rôle d’interface » du médecin coordonnateur, spécifique à cette mesure et le contrôle exercé sur la nature du traitement (cf. infra, C, 2).
C. LES ACTEURS DE L’INJONCTION DE SOINS
[Code de la santé publique, articles L. 3711-1, R. 3711-3 à R. 3711-11-21 ; arrêté du 24 janvier 2008, JO du 29-01-08 ; circulaire DGS/MC4 n° 2008-213 du 18 juin 2008, BO Santé-Protection sociale-Solidarités n° 2008/7 du 15-08-08]
1. LES ACTEURS JUDICIAIRES ET PÉNITENTIAIRES
a. Le juge de l’application des peines
Le juge de l’application des peines notifie au condamné la décision support de l’injonction de soins et lui explique les obligations de la mesure.
Il peut également ajouter une injonction de soins, notamment à un suivi socio-judiciaire qui n’en comportait pas. Pour cela, il doit, au préalable, nommer un expert-psychiatre qui devra dire si l’intéressé peut faire l’objet d’un traitement. Dans cette hypothèse, comme toute juridiction, le juge de l’application des peines devra avertir le condamné qu’aucun traitement ne pourra être entrepris sans son consentement, mais que, s’il refuse les soins qui lui seront proposés, l’emprisonnement prévu en cas de non-respect de la mesure pourra être mis à exécution.
En notifiant l’injonction de soins, le juge de l’application des peines indique en même temps à l’intéressé quel est le médecin coordonnateur qu’il désigne, sur la liste établie à cet effet par le procureur de la République. Celui-ci ne peut être ni le médecin traitant, ni le médecin expert ayant examiné l’intéressé dans le cadre de la procédure, ni un médecin qui soit lié au condamné par un lien familial, d’alliance ou d’intérêt professionnel.
Il adresse au médecin coordonnateur, en même temps que l’ordonnance de désignation des pièces du dossier judiciaire utiles à la compréhension de la situation (expertises, réquisitoire, jugement...).
Il saisit parallèlement le service pénitentiaire d’insertion et de probation pour le suivi de la mesure support de l’injonction de soins.
Il est destinataire des rapports tant du médecin coordonnateur que du service pénitentiaire d’insertion et de probation auquel la personne suivie remet les attestations de suivi du médecin traitant.
En cas de difficulté sur le choix de médecin traitant, notamment si le médecin coordonnateur refuse d’avaliser le choix de la personne condamnée, le juge de l’application des peines peut être amené à le désigner lui-même, après avoir entendu l’intéressé en présence du médecin coordonnateur. Il s’agit toutefois d’un cas de figure très exceptionnel.
En cas de refus ou d’interruption du traitement, il est destinataire des informations communiquées par le médecin coordonnateur ou le médecin traitant. L’article R. 3711-18 du code de la santé publique rappelle toutefois qu’il ne peut intervenir dans le déroulement des soins décidés par le médecin traitant.
Il intervient au cours de la mesure si nécessaire pour rappeler à l’intéressé ses obligations et, si cela se révèle insuffisant et qu’il l’estime nécessaire, pour mettre à exécution, totalement ou partiellement, la privation de liberté encourue en cas de non-respect :
- mise à exécution de l’emprisonnement prévu en cas de non-respect du suivi socio-judiciaire ;
- révocation de la libération conditionnelle ;
- réincarcération pendant la durée des réductions de peines pour la surveillance judiciaire ;
- placement en centre de rétention de sûreté pour la surveillance de sûreté.
Lorsque l’intéressé est détenu, la désignation du médecin coordonnateur par le juge de l’application des peines doit se faire « dans la mesure du possible » avant sa libération . En pratique, elle se fait peu après, l’intéressé étant convoqué devant le juge de l’application des peines compétent dès sa libération. Toutefois s’il s’agit d’un criminel qualifié de « particulièrement dangereux » susceptible de faire l’objet d’une rétention de sûreté, la désignation du médecin coordonnateur et le choix du médecin traitant doivent intervenir avant sa libération.
b. Le service pénitentiaire d’insertion et de probation
[Code de procédure pénale, article D. 574]
La prise en charge des « personnes placées sous main de justice » (PPMJ) relève des missions du service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP). Ce service est saisi par le juge de l’application des peines des mesures de suivi socio-judiciaire ainsi que de toute autre mesure comportant une injonction de soins.
ASPECTS STATUTAIRES ET DIFFICULTÉS DE RECRUTEMENT DES MÉDECINS COORDONNATEURS
Une liste de médecins coordonnateurs est établie par le procureur de la République de chaque tribunal de grande instance tous les trois ans après avis du conseil départemental de l’ordre des médecins et du directeur général de l’agence régionale de santé. Un médecin coordonnateur peut être inscrit sur les listes de plusieurs tribunaux de grande instance. Peuvent être candidats les médecins inscrits au conseil de l’ordre n’ayant fait l’objet d’aucune sanction disciplinaire ni d’aucune condamnation sur le bulletin n° 2 de leur casier judiciaire et répondant aux conditions suivantes :
- les psychiatres exerçant en qualité de spécialiste depuis au moins trois ans ou ayant exercé en qualité de spécialiste pendant au moins cinq ans ;
- les médecins non psychiatres ayant suivi une formation théorique d’un minimum de 100 heures dispensées par une université ou par un organisme agréé de formation médicale continue (et ce, depuis un arrêté du ministère de la Santé du 24 mars 2009). Les médecins non psychiatres n’ayant pas suivi cette formation peuvent continuer à exercer la fonction de médecin coordonnateur jusqu’au 4 novembre 2013, sous réserve de justifier s’ils figuraient sur cette liste depuis au moins deux ans.
Leur rémunération est assurée par l’agence régionale de santé, à réception d’états validés par le juge de l’application des peines, à hauteur d’une indemnité forfaitaire brute de 700 € par an pour chaque personne suivie, avec un maximum de 20 dossiers par médecin coordonnateur.
En pratique, la difficulté essentielle sur laquelle bute tout le dispositif de l’injonction de soins réside dans le déficit de médecins coordonnateurs, s’aggravant au fur et à mesure que la loi a étendu tant le domaine des infractions concernées que les mesures pour lesquelles l’injonction de soins est quasi-automatique. C’est ce que déplore notamment un rapport parlementaire qui indique que « seulement 211 médecins coordonnateurs, psychiatres faisant l’interface entre la justice pénale et le médecin traitant, couvraient l’ensemble du territoire français au 1er décembre 2008, laissant découvert pas moins de 17 départements, dix ans après la loi les ayant créés, bien loin des 450 promis par la ministre de la Santé lors du vote de la loi du 10 août 2007 ayant élargi les hypothèses d’expertises et de soins pénalement obligés » (6).
La disposition permettant au juge de l’application des peines de désigner comme médecin coordonnateur, à titre provisoire et pour une durée qui ne peut excéder un an, un médecin volontaire remplissant les conditions définies pour être inscrit sur la liste ne permet pas de surmonter le problème de déficit de psychiatres susceptibles de remplir cette fonction.
Pour cette raison, la loi a voulu permettre l’inscription de médecins non psychiatres sur la liste de médecins coordonnateurs. Toutefois l’exigence d’une formation spécialisée préalable de 100 heures n’a pas permis d’élargir le recrutement de façon significative.
[Décret n° 2008-1129 du 4 novembre 2008, article 13, JO du 5-11-08 et arrêté du 24 mars 2009, JO du 25-04-09]
Il est chargé du contrôle des obligations générales et de la mise en œuvre des mesures d’assistance au condamné, visant à son insertion sociale et professionnelle. Il en rend compte au juge de l’application des peines lors de rapports semestriels et chaque fois que cela semble nécessaire, en cas d’incident notamment.
S’agissant des soins proprement dits, le personnel du SPIP peut contribuer à l’orientation du condamné vers les structures appropriées. C’est généralement à ce service que l’intéressé remet les attestations de suivi du traitement délivrées par le praticien traitant (médecin ou psychologue), l’information du juge de l’application des peines étant alors effectuée par le biais des rapports.
Il doit être destinataire de la part du médecin coordonnateur des éléments nécessaires au contrôle de l’injonction de soins. Pour cela, il doit en principe recevoir copie du rapport de situation établi par ce médecin sur la pertinence du traitement entrepris par le condamné. Le médecin ou le psychologue traitant est habilité à informer le médecin coordonnateur de toute difficulté survenue dans l’exécution du traitement ou de l’interruption de celui-ci, lequel peut à son tour en informer tant le juge de l’application des peines que le SPIP. En revanche, en ce qui concerne les nouvelles dispositions relatives à l’interruption ou au refus du traitement contre l’avis du praticien traitant, c’est exclusivement le juge de l’application des peines, par l’intermédiaire du médecin coordonnateur sauf urgence, qui doit être informé.
En pratique, l’absence de lien effectif entre conseillers d’insertion et de probation et médecins coordonnateurs est fréquemment évoquée comme difficulté particulière des professionnels du SPIP à trouver leur place dans le dispositif particulier de l’injonction de soins, même si les situations peuvent être différentes localement et selon les intervenants (7).
Cette prise en charge s’effectue selon des entretiens individuels réguliers avec un conseiller d’insertion et de probation chargé du suivi individuel du condamné et des mesures de contrôle.
Il peut y avoir également, parallèlement aux entretiens individuels, des prises en charge collectives sous forme de « groupes de parole » qui se sont développés, notamment en ce qui concerne les auteurs d’infractions sexuelles dans le cadre de « programmes de prévention de la récidive » (cf. encadré p. 48).
2. L’INTERFACE DU MÉDECIN COORDONNATEUR
[Code de la santé publique, article L. 3711-1]
Aux termes de la loi, le médecin coordonnateur constitue une interface entre le condamné, le médecin traitant et l’autorité judiciaire (8). Il est en effet chargé :
- d’inviter le condamné, au vu des expertises réalisées au cours de la procédure ainsi que, le cas échéant, au cours de l’exécution de la peine privative de liberté, à choisir un médecin traitant. En cas de désaccord persistant sur le choix effectué, le médecin est désigné par le juge de l’application des peines, après avis du médecin coordonnateur ;
- de conseiller le médecin traitant si celui-ci en fait la demande ;
- de transmettre au juge de l’application des peines ou à l’agent de probation les éléments nécessaires au contrôle de l’injonction de soins ;
- d’informer, en liaison avec le médecin traitant, le condamné dont le suivi socio-judiciaire, le sursis avec mise à l’épreuve ou la surveillance judiciaire est arrivé à son terme, ou le condamné qui a bénéficié d’une libération conditionnelle, de la possibilité de poursuivre son traitement en l’absence de contrôle de l’autorité judiciaire et de lui indiquer les modalités et la durée qu’il estime nécessaires et raisonnables à raison notamment de l’évolution des soins en cours ;
- de coopérer à la réalisation d’évaluations périodiques du dispositif de l’injonction de soins ainsi qu’à des actions de formation et d’étude.
La première tâche du médecin coordonnateur consistera à voir si l’intéressé a déjà fait le choix d’un médecin traitant, ou de l’orienter pour faire ce choix. Cela suppose de faire une évaluation clinique et « de valider non pas un confrère mais que la modalité de soins est adaptée à cette personne à ce moment » (9).
Il peut refuser d’avaliser le choix du médecin traitant s’il estime que celui-ci n’est « manifestement pas en mesure d’assurer la prise en charge » de la personne condamnée . Dans ce cas, il lui incombe de proposer un autre praticien traitant et d’en référer au juge de l’application des peines en cas de refus .
Le médecin coordonnateur doit, en principe, convoquer le condamné au moins une fois par trimestre pour réaliser un bilan de sa situation et transmettre au juge de l’application des peines au moins une fois par an un rapport comportant tous les éléments nécessaires au contrôle du respect de l’injonction de soins. Lorsque la personne a été condamnée pour un crime et qu’elle entre dans la catégorie des criminels qualifiés de « particulièrement dangereux » susceptibles de faire l’objet d’une mesure de rétention de sûreté, ce rapport est adressé au moins deux fois par an.
Le rapport dresse un bilan de la mise en œuvre de l’injonction de soins. Le cas échéant, il comporte des éléments d’appréciation sur l’évolution de la personne au regard de son besoin de soins ainsi que des propositions sur les modalités de poursuite de la mesure.
DISPOSITIONS PARTICULIÈRES AU CHOIX DU MÉDECIN TRAITANT POUR LES MINEURS ET LES MAJEURS PROTÉGÉS
Lorsque la personne faisant l’objet d’une injonction de soins est mineure, le choix du médecin traitant est effectué par les titulaires de l’autorité parentale ou, à défaut, par le juge des tutelles. L’accord du mineur sur ce choix est recherché. En cas de désaccord entre le père et la mère, le juge aux affaires familiales choisit le médecin traitant du mineur, dans les conditions de l’article 372-1-1 du code civil. En cas de carence des titulaires de l’autorité parentale, le juge des enfants, agissant en qualité de juge de l’application des peines, procède à la désignation du médecin traitant selon les modalités prévues pour les majeurs, après avoir recueilli l’avis du mineur.
Lorsque la personne est un majeur protégé, ce choix est effectué, dans les mêmes conditions, par l’administrateur légal ou le tuteur, avec l’autorisation du juge des tutelles ou du conseil de famille.
[Code de la santé publique, articles R. 3711-12 à R. 3711-16]
3. LES PRATICIENS DU SOIN
a. Le médecin traitant
[Code de la santé publique, articles L. 711-2 et L. 3711-3 ; circulaire DACG n° CRIM 210-10/E8 du 19 mai 2010, BOMJL n° 2010-03 du 31-05-10]
Celui-ci est en principe un psychiatre, libéral ou hospitalier, mais rien n’interdit dans la loi que ce soit un médecin non psychiatre. Bien que le terme puisse entretenir la confusion, « médecin traitant » n’est pas synonyme dans la loi de « médecin de famille » ou de « médecin référent ». En pratique, compte tenu des réticences plus grandes des médecins libéraux à s’inscrire dans un dispositif de soins obligés, c’est plutôt la psychiatrie publique qui est sollicitée, par le biais des centres médico-psychologiques. La pénurie générale de psychiatres en France explique les difficultés pour trouver aussi bien des médecins coordonnateurs que des médecins traitants qui acceptent de s’inscrire dans ce dispositif.
Le médecin traitant doit faire connaître son accord au médecin coordonnateur pour suivre le condamné dans le cadre d’une injonction de soins, sachant qu’il lui incombe de définir la thérapie adaptée et qu’il ne perçoit aucune indemnité spécifique. A sa demande, il peut obtenir par l’intermédiaire du médecin coordonnateur copie des éléments utiles du dossier judiciaire. Sous réserve des dispositions régissant l’injonction de soins, les relations entre le médecin traitant et la personne, ainsi qu’entre le médecin traitant et le médecin coordonnateur, sont régies par le code de déontologie médicale.
Il lui est demandé de délivrer au condamné des attestations de suivi du traitement à intervalles réguliers, afin de lui permettre de justifier du respect de son injonction de soins.
A la différence de l’obligation de soins, dans deux hypothèses il est habilité à dévoiler des informations relevant du cadre thérapeutique sans que puisse lui être opposée une violation du secret médical (10) :
- n « pour toutes difficultés » survenues dans l’exécution du traitement, le médecin traitant est habilité à en informer le médecin coordonnateur, qui appréciera s’il doit en informer le juge de l’application des peines ou le service pénitentiaire d’insertion ou de probation ;
- si le condamné refuse ou interrompt le traitement contre l’avis du médecin traitant, celui-ci est habilité à informer directement le juge de l’application des peines ou le service pénitentiaire d’insertion, avec information au médecin coordonnateur.
Le médecin traitant peut également proposer au juge de l’application des peines d’ordonner une expertise médicale, ce qui peut permettre de supposer une difficulté sérieuse dans le suivi du traitement.
La loi du 10 mars 2010 a précisé que constituait pour le condamné une violation des obligations qui lui ont été imposées le fait de refuser de commencer ou de poursuivre le traitement prescrit par le médecin traitant, et qui lui a été proposé dans le cadre d’une injonction de soins . Le législateur a voulu ajouter une nouvelle mention expresse selon laquelle « lorsqu’une injonction de soins est ordonnée, le médecin traitant peut prescrire un traitement inhibiteur de libido » , disposition déjà prévue depuis décembre 2005 .
La véritable nouveauté est qu’il est à présent indiqué que « lorsque le refus ou l’interruption du traitement intervient contre l’avis du médecin traitant, celui-ci le signale sans délai au médecin coordonnateur qui en informe immédiatement, dans le respect des dispositions relatives au secret médical, le juge de l’application des peines ». II est même prévu une procédure d’urgence en cas d’indisponibilité du médecin coordonnateur, le médecin traitant pouvant informer directement le juge de l’application des peines .
A la différence du projet de loi initial, ces dispositions ne concernent plus exclusivement le traitement inhibiteur de libido, et sont limitées aux cas où le refus ou l’arrêt du traitement intervient contre l’avis du médecin traitant. Le signalement à l’autorité judiciaire de tout refus ou arrêt de traitement, quel qu’il soit, apparaît beaucoup plus impératif que ne l’étaient les formules antérieures. La référence au secret médical rappelle que les informations communiquées au juge de l’application des peines doivent toutefois se limiter strictement à ce qui est prévu par la loi.
b. Le psychologue traitant
Tenant compte des difficultés à trouver suffisamment de médecins traitants alors que de nombreux psychologues cliniciens avaient les compétences requises pour suivre en thérapie certains auteurs d’infractions sexuelles, la loi du 12 décembre 2005 les a intégrés au dispositif .
En effet « si la personnalité du condamné le justifie, le médecin coordonnateur peut inviter celui-ci à choisir, soit en plus du médecin traitant, soit à la place de ce dernier, un psychologue traitant ayant exercé pendant au moins cinq ans ». Comme pour le médecin traitant, aucune indemnité spécifique n’est prévue, ce qui pose une difficulté particulière en l’absence de remboursement de l’intervention du psychologue libéral par les organismes sociaux.
Aucune autre exigence n’est prévue que cette expérience professionnelle de cinq années. Comme pour le médecin traitant, il est toutefois prévu que le médecin coordonnateur peut refuser d’avaliser le choix d’un psychologue traitant par la personne s’il estime que celui-ci n’est pas en mesure d’assurer la prise en charge de cette dernière. Il appartient donc aux psychologues intéressés de faire valoir leur compétence en la matière auprès de médecins coordonnateurs. En fonction des condamnés et de l’appréciation du médecin coordonnateur, la prise en charge psychologique peut être suffisante à elle seule, ou complémentaire à la prise en charge médicale.
L’ensemble des règles applicables à la désignation du médecin traitant, aux relations avec le médecin coordonnateur et avec le juge de l’application des peines ainsi qu’à la délivrance d’attestations de suivi au condamné le sont également au psychologue traitant.
Il en est de même s’agissant de l’habilitation à informer le médecin coordonnateur de toute difficulté relative au traitement, ainsi que le médecin coordonnateur ou directement le juge de l’application des peines en cas de refus ou d’interruption dudit traitement contre l’avis du psychologue traitant, et ce sans que puisse être opposée une violation du secret professionnel. La seule exception est relative aux prérogatives du médecin traitant concernant la prescription de « tout traitement indiqué pour le soin du condamné, y compris des médicaments inhibiteurs de libido », qui ne peut donc relever des compétences du psychologue.
S’agissant du psychologue, le terme de « traitement » apparaît peu adapté, bien que ce soit celui auquel fassent référence les textes applicables. Concrètement, il s’agit de psychothérapies, étant rappelé que seuls les médecins peuvent prescrire des médicaments ou prononcer une hospitalisation.
(1)
Cf. également sur cette question le Guide de l’injonction de soins, ministère de la Santé et des Sports, ministère de la Justice, Paris, 2009.
(2)
Date d’application de l’article 7 de la loi n° 2007-1198 du 10 août 2007 renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs.
(3)
« Aucun acte médical ni aucun traitement ne peuvent être pratiqués sans le consentement libre et éclairé de la personne, et ce consentement peut être retiré à tout moment » (C. santé publ., art. L. 1111-4).
(4)
A distinguer également de « l’injonction thérapeutique », mesure pouvant être ordonnée à tous les stades de la procédure pour les usagers de stupéfiants (C. santé. publ., art. L. 3423-1).
(5)
Pour être complète, l’obligation de soins peut également accompagner le sursis assorti de l’obligation d’effectuer un travail d’intérêt général, l’ajournement avec mise à l’épreuve et l’interdiction de séjour.
(6)
Geoffroy G. et Caresche C., Rapport sur la mise en application de la loi n° 2007-1198 du 10 août 2007 renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs, Rap. A.N., n° 130 du 9 décembre 2008 p. 37 et 38.
(7)
Sur ce sujet, cf. Alvarez J. et Gourmelon N., « La prise en charge pénitentiaire des auteurs d’agressions sexuelles : un objet révélateur d’évolutions institutionnelles et professionnelles », École nationale d’administration pénitentiaire, Centre interdisciplinaire de recherche appliquée au champ pénitentiaire, novembre 2009, p. 113 à 116.
(8)
Sur ce rôle d’interface, cf. David M., « Du médecin coordonnateur dans le dispositif de la loi du 17 juin 1998 (suivi socio-judiciaire et injonction de soins) : un criminologue ? », in Arpenter le champ pénal, n° 194 du 31 mai 2010, p. 12 à 16.
(9)
Baron-Laforet S., « Guide des nouvelles obligations de soins », L’information psychiatrique, vol. 85, n° 8, octobre 2009.
(10)
Violation qui est ainsi sanctionnée par l’article 226-13 du code pénal : « La révélation d’une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d’une fonction ou d’une mission temporaire, est punie de un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende. ».