Recevoir la newsletter

LES OBLIGATIONS ET INTERDICTIONS DANS LE CADRE D’UN SURSIS AVEC MISE À L’ÉPREUVE

Article réservé aux abonnés

[Code pénal, articles 132-44 et 132-45]
Les peines dites restrictives de liberté, comme le sursis avec mise à l’épreuve (SME), sont l’occasion d’un suivi socio-éducatif et d’un contrôle au cours desquels les soins vont fréquemment constituer une obligation particulière dont le condamné devra justifier auprès du service mandaté par le juge de l’application des peines. La plupart du temps, le service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP) est chargé de ce suivi. Le juge de l’application des peines peut également désigner le service associatif qui était chargé du contrôle judiciaire pour assurer la continuité du suivi dans le cadre d’un sursis avec mise à l’épreuve.
Une peine d’emprisonnement inférieure ou égale à cinq ans peut être assortie, pour tout ou partie, d’un sursis avec mise à l’épreuve (sauf dispositions spécifiques pour les récidivistes). Dans ce cas, l’emprisonnement prononcé ne sera mis à exécution que si, dans le délai fixé, le condamné est à nouveau condamné à une peine d’emprisonnement ferme pour un nouveau délit ou crime, ou s’il n’a pas respecté les obligations qui lui sont imposées.
Le délai d’épreuve est fixé entre un et trois ans, voire, très exceptionnellement en pratique, jusqu’à sept ans en cas de récidive. Pendant l’incarcération du condamné, le délai du sursis avec mise à l’épreuve est suspendu : il n’entraîne aucune obligation lors de la détention, mais le délai d’épreuve, prolongé du temps passé en détention, reprend le jour de la libération.
Toute mise à l’épreuve suppose des obligations. Figurent nécessairement des obligations dites générales, liées à l’obligation pour le condamné de rendre compte de sa situation au juge de l’application des peines ou au service pénitentiaire d’insertion et de probation. Peuvent en outre être fixées par la juridiction de jugement ou par le juge de l’application des peines des obligations particulières, dont les plus fréquemment prononcées sont celles d’exercer un emploi ou de rechercher une formation, de réparer les dommages causés par l’infraction, ainsi qu’une obligation de soins. Parmi les interdictions, celle de pratiquer une activité professionnelle dans l’exercice ou à l’occasion de laquelle l’infraction a été commise, l’interdiction d’entrer en relation avec la victime de l’infraction, ou de paraître en tout lieu désigné apparaissent « particulièrement pertinentes » dans le cadre des mises à l’épreuve prononcées pour les auteurs d’infractions sexuelles, selon une circulaire du garde des Sceaux .
L’obligation de soins, énoncée plus précisément comme étant une obligation de « se soumettre à des mesures d’examen médical, de traitement ou de soins, même sous le régime de l’hospitalisation » , est la plus fréquemment prononcée à la suite des infractions liées à l’alcool ou aux produits stupéfiants. C’est également une obligation qui a bien sûr vocation à s’appliquer aux auteurs d’infractions sexuelles.
LA LIBÉRATION CONDITIONNELLE POUR LES CONDAMNÉS À LA RÉCLUSION CRIMINELLE
À PERPÉTUITÉ
Les viols suivis de meurtre ainsi que les viols précédés, accompagnés ou suivis d’actes de torture ou de barbarie sont punis de la peine maximale prévue par le code pénal, c’est-à-dire de la réclusion criminelle à perpétuité .
La libération conditionnelle peut seule permettre de mettre fin à l’incarcération d’un condamné à la réclusion criminelle à perpétuité, après une période probatoire de semi-liberté, de placement à l’extérieur ou de placement sous surveillance électronique. Une première demande de libération conditionnelle ne peut toutefois être recevable qu’après une période de sûreté de 18 ans ou de 22 ans en cas de récidive légale, sauf décision spéciale de la cour d’assises. Cette durée est de 15 ans – sans distinction d’un état de récidive légale ou pas – pour les condamnations relatives à des infractions commises avant le 14 décembre 2005. Pour un meurtre ou un assassinat précédé d’un viol, de tortures ou d’actes de barbarie commis sur un mineur de moins de 15 ans , la cour d’assises peut porter cette période de sûreté jusqu’à 30 ans, ce qui constitue la peine la plus élevée depuis l’abolition de la peine de mort.
Avant toute admission à une mesure de libération conditionnelle, l’intéressé est placé au Centre national d’observation de Fresnes afin de subir un examen systématique pour évaluer sa dangerosité. Il s’agit d’une évaluation pluridisciplinaire assortie d’une expertise médicale réalisée par deux experts. La commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté donne ensuite son avis. Dans le cas des criminels sexuels, cette expertise doit dorénavant se prononcer « sur l’opportunité, dans le cadre d’une injonction de soins, du recours à un traitement utilisant des médicaments inhibiteurs de libido » (C. proc. pén., art. 729, al. 10). Pour ces condamnés, « les parquets devront s’opposer systématiquement à l’octroi de toute mesure de libération conditionnelle si le condamné qui la sollicite n’a pas suivi de soins en détention ou n’accepte pas de poursuivre le traitement qui lui est proposé après sa libération et lorsque l’expertise psychiatrique conclut à la persistance de la dangerosité du condamné et à un risque de récidive avérée » . Pendant cette libération conditionnelle, le condamné peut être placé sous surveillance électronique mobile. A l’issue de la mesure, il peut encore être soumis à une surveillance de sûreté.
Exemple : un condamné à la réclusion criminelle à perpétuité pour viol suivi de meurtre, n’étant pas en état de récidive légale, incarcéré depuis le 1er janvier 2010 ne pourra, si la cour d’assises n’a rien précisé sur la période de sûreté, demander une libération conditionnelle qu’à partir du 1er janvier 2028. Dans l’hypothèse où il serait admis à ce régime à compter du 1er janvier 2029, le condamné devra faire l’objet d’un placement probatoire en semi-liberté, placement extérieur, ou placement sous surveillance électronique pendant une durée de un à trois ans. Les mesures de contrôle de la libération conditionnelle s’exerceront ensuite pendant une durée de cinq à dix ans.? S’il n’y a pas lieu à révocation, la fin de cette mesure interviendra donc au plus tôt le 1er janvier 2035 et au plus tard le 1er janvier 2042. Le condamné pourra encore ensuite être soumis à une surveillance de sûreté en cas de particulière dangerosité.
Le prononcé d’une obligation de soins, pour les délinquants sexuels comme pour tous les condamnés, relève de l’appréciation de la juridiction de jugement ou du juge de l’application des peines, qui peut éventuellement rajouter ou supprimer cette obligation au cours du délai d’épreuve. Elle n’est pas soumise à un avis médical préalable, à la différence de l’injonction de soins. Toutefois, en matière de délinquance sexuelle, une expertise psychiatrique préalable au jugement étant obligatoire, celle-ci sera déterminante. Son exécution ne relève pas « d’une immixtion de l’autorité judiciaire dans le champ sanitaire, puisque son contenu relève exclusivement du corps médical » (1). Le libre choix du traitement doit se faire dans le respect du secret professionnel, dont le thérapeute n’est pas relevé dans le cas d’une obligation de soins (2). Il est simplement demandé à l’intéressé de fournir les attestations de suivi, ce qui peut parfois être perçu comme une instrumentalisation de l’intervention médico-psychologique et entraîner des refus de suivi dans ce cadre de « soins obligés ».
L’article 8 de la loi du 10 août 2007, renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs, a introduit l’injonction de soins, jusque-là réservée au suivi socio-judiciaire, dans le cadre du sursis avec mise à l’épreuve : si la personne a été condamnée à un sursis avec mise à l’épreuve pour une infraction pour laquelle le suivi socio-judiciaire est encouru et qu’une expertise médicale a établi qu’elle peut faire l’objet d’un traitement, ce sursis avec mise à l’épreuve était nécessairement assorti de l’injonction de soins, sauf décision contraire de la juridiction . Cette disposition était de nature à introduire une grande confusion entre obligation de soins et injonction de soins. Elle s’est en outre rapidement révélée inapplicable, compte tenu du manque de médecins coordonnateurs alors que le champ des infractions susceptibles de faire l’objet d’un suivi socio-judiciaire était étendu. Elle a donc été abrogée par la loi du 10 mars 2010 (3).
Si un auteur d’infractions sexuelles est condamné à un sursis avec mise à l’épreuve, c’est donc à nouveau seulement une obligation et non une injonction de soins qui pourra être prononcée. La circulaire présentant les dispositions de cette loi indique que les injonctions de soins prononcées dans ce cadre avant le 10 mars 2010 continueront de s’appliquer, l’application immédiate d’une loi nouvelle étant sans conséquence sur les condamnations passées en force de chose jugée, sauf dans l’hypothèse où la loi supprime une incrimination (4). Il s’agit toutefois d’une interprétation qui peut être discutée au vu des principes d’application immédiate de la loi pénale moins sévère, l’injonction de soins comportant des obligations de nature plus sévère que celles de l’obligation de soins.
LES OBLIGATIONS ET LES INTERDICTIONS PARTICULIÈRES
POUVANT ÊTRE PRONONCÉES
La juridiction de jugement ou le juge de l’application des peines peut imposer spécialement au condamné l’observation de l’une ou de plusieurs des obligations suivantes :
  • exercer une activité professionnelle ou suivre un enseignement ou une formation professionnelle ;
  • établir sa résidence en un lieu déterminé ;
  • se soumettre à des mesures d’examen médical, de traitement ou de soins, même sous le régime de l’hospitalisation. Ces mesures peuvent consister en l’injonction thérapeutique prévue par les articles L. 3413-1 à L. 3413-4 du code de la santé publique, lorsqu’il apparaît que le condamné fait usage de stupéfiants ou consomme de façon habituelle et excessive des boissons alcooliques ;
  • justifier qu’il contribue aux charges familiales ou acquitte régulièrement les pensions alimentaires dont il est débiteur ;
  • réparer en tout ou partie, en fonction de ses facultés contributives, les dommages causés par l’infraction, même en l’absence de décision sur l’action civile ;
  • justifier qu’il acquitte en fonction de ses facultés contributives les sommes dues au Trésor public à la suite de la condamnation ;
  • s’abstenir de conduire certains véhicules déterminés par les catégories de permis prévues par le code de la route ;
  • ne pas se livrer à l’activité dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de laquelle l’infraction a été commise ou ne pas exercer une activité impliquant un contact habituel avec des mineurs ;
  • s’abstenir de paraître en tout lieu, toute catégorie de lieux ou toute zone spécialement désignés ;
  • ne pas engager de paris, notamment dans les organismes de paris mutuels ;
  • ne pas fréquenter les débits de boissons ;
  • ne pas fréquenter certains condamnés, notamment les auteurs ou complices de l’infraction ;
  • s’abstenir d’entrer en relation avec certaines personnes, dont la victime, ou certaines catégories de personnes, et notamment des mineurs, à l’exception, le cas échéant, de ceux désignés par la juridiction ;
  • ne pas détenir ou porter une arme ;
  • en cas d’infraction commise à l’occasion de la conduite d’un véhicule terrestre à moteur, accomplir, à ses frais, un stage de sensibilisation à la sécurité routière ;
  • s’abstenir de diffuser tout ouvrage ou œuvre audiovisuelle dont il serait l’auteur ou le co-auteur et qui porterait, en tout ou partie, sur l’infraction commise et s’abstenir de toute intervention publique relative à cette infraction. Les dispositions du présent alinéa ne sont applicables qu’en cas de condamnation pour crimes ou délits d’atteintes volontaires à la vie, d’agressions sexuelles ou d’atteintes sexuelles ;
  • remettre ses enfants entre les mains de ceux auxquels la garde a été confiée par décision de justice ;
  • accomplir un stage de citoyenneté ;
  • en cas d’infraction commise soit contre son conjoint, son concubin ou son partenaire lié par un pacte civil de solidarité, soit contre ses enfants ou ceux de son conjoint, concubin ou partenaire, résider hors du domicile ou de la résidence du couple et, le cas échéant, s’abstenir de paraître dans ce domicile ou cette résidence ou aux abords immédiats de celui-ci, ainsi que, si nécessaire, faire l’objet d’une prise en charge sanitaire, sociale ou psychologique. Cette dernière obligation est également applicable lorsque l’infraction est commise par l’ancien conjoint ou concubin de la victime, ou par la personne ayant été liée à elle par un pacte civil de solidarité, le domicile concerné étant alors celui de la victime.
[Code pénal, article 132-45]
Cependant, des interdictions spécifiques, jusque-là prévues uniquement dans le cadre de l’injonction de soins, ont été étendues au sursis avec mise à l’épreuve. Il s’agit de l’interdiction de ne pas exercer une activité professionnelle ou bénévole impliquant un contact habituel avec les mineurs, de s’abstenir de paraître dans les lieux accueillant habituellement les mineurs ainsi qu’à proximité de la victime ou de sa famille. Sous réserve de l’obligation de soins, qui est incompatible avec une injonction de soins, il n’y a donc plus aujourd’hui aucune différence entre les obligations et les interdictions qui peuvent être prononcées dans le cadre d’un sursis avec mise à l’épreuve, dans le cadre d’un suivi socio-judiciaire, d’une libération conditionnelle, des différentes mesures d’aménagements de peine et des mesures de sûreté(cf. encadré p. 85).


(1)
« Santé, justice et dangerosités : pour une meilleure prévention de la récidive », rapport de la commission santé-justice, présidée par Jean-François Burgelin, Ed. ministère de la Justice, ministère de la Santé et des Solidarités, juillet 2005, p. 52.


(2)
Rappelons que, aux termes de l’article 226-13 du code pénal, « la révélation d’une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d’une fonction ou d’une mission temporaire, est punie de un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende ».


(3)
Article 5 ter, III, de la loi n° 2010-242 du 10 mars 2010 tendant à amoindrir le risque de récidive criminelle et portant diverses dispositions de procédure pénale.


(4)
Circulaire DACG n° CRIM 210-10/E8 du 19 mai 2010, BOMJL n° 2010-03 du 31-05-10.

SECTION 1 - LES PEINES

S'abonner
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client 01.40.05.23.15

par mail

Recruteurs

Rendez-vous sur votre espace recruteur.

Espace recruteur