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LE SUIVI SOCIO-JUDICIAIRE

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[Code pénal, articles 131-36-1 à 131-36-8 ; code de procédure pénale, articles 763-1 à 763-9]
Depuis sa création, en 1998, pour pallier les insuffisances du sursis avec mise à l’épreuve en matière de contrôle des auteurs d’infractions sexuelles, le suivi socio-judiciaire a été progressivement étendu par le législateur. Cette peine, qui peut entraîner la mise à exécution d’un emprisonnement, s’effectue sous le contrôle du juge de l’application des peines.


A. LES INFRACTIONS POUR LESQUELLES LE SUIVI SOCIO-JUDICIAIRE EST ENCOURU

La mesure de suivi socio-judiciaire a été conçue en 1998 pour permettre un suivi spécifique des auteurs de crimes ou de délits sexuels. Toutefois, à plusieurs reprises (1), le législateur a étendu le dispositif aux crimes les plus graves, ainsi qu’à certains délits de violences et de dégradations. Ainsi, les violences conjugales, quelles qu’en soit leur gravité, ou les dégradations par moyen dangereux pour les personnes, comme tout incendie volontaire, peuvent faire encourir à titre de peine principale ou complémentaire un suivi socio-judiciaire de 10 voire 20 ans, ainsi qu’un emprisonnement de cinq ans en cas de non-respect. Le suivi socio-judiciaire n’est applicable que s’il était encouru au moment des faits. En conséquence, s’il est encouru pour toutes les infractions sexuelles commises depuis le 20 juin 1998 (2), les choses sont plus complexes pour les autres infractions.
Cette extension de la mesure, sans évaluation de sa pertinence, n’a pas été sans poser problème de prise en charge d’une « population, qui jusque-là ne venait pas solliciter le système sanitaire, peu formé à l’accueillir et enclin à organiser un accueil et des soins éventuellement spécifiques » (3).
En pratique, le suivi socio-judiciaire reste toutefois très largement réservé aux infractions sexuelles. Ainsi, les 1 285 suivis socio-judicaires prononcés pour crime ou délit en 2007, la quasi-totalité (98 %) concernait les infractions sexuelles (4). Depuis sa création le suivi socio-judiciaire a connu une forte progression.
[Source : Kensey A., « La réalité statistique des peines et mesures concernées par l’obligation de soins, le suivi socio-judiciaire »]
Les infractions pour lesquelles le suivi socio-judiciaire est encouru représentent aujourd’hui une catégorie spécifique de délits et de crimes soumise à un régime procédural particulier, notamment en termes d’expertises psychiatriques obligatoires avant et après jugement.


B. UNE PEINE, SOUS CONTRÔLE DU JUGE DE L’APPLICATION DES PEINES



1. UNE PEINE, POUVANT ENTRAÎNER LA MISE À EXÉCUTION D’UN EMPRISONNEMENT...

Le suivi socio-judiciaire est né des insuffisances du sursis avec mise à l’épreuve en matière de contrôle des auteurs d’infractions sexuelles. Avant la loi du 17 juin 1998, aucun dispositif ne permettait de suivi après une peine au moins égale à cinq ans d’emprisonnement – aucun sursis avec mise à l’épreuve partiel n’étant alors possible – dans l’hypothèse où l’intéressé n’avait bénéficié d’aucun aménagement de peine, hypothèse présentant manifestement les risques de récidive les plus élevés. Si un sursis avec mise à l’épreuve, total ou partiel, avait été prononcé, la durée maximale du délai d’épreuve était de trois ans. C’est pourquoi il a été souligné « la nécessité de mettre en place après la libération des condamnés un suivi post-carcéral de nature judiciaire et le cas échéant médical, d’une durée plus longue que les mesures qui peuvent être actuellement prévues dans notre législation » (5).
Il s’agit clairement d’une peine, à la différence des mesures créées ultérieurement qui ont été qualifiées par le conseil constitutionnel de « mesures de sûreté ». En vertu du principe de non-rétroactivité des peines, la conséquence est qu’un suivi socio-judiciaire ne peut être prononcé que pour des infractions sexuelles commises après l’entrée en vigueur de la loi du 17 juin 1998, soit à compter du 20 juin 1998 (6). Compte tenu des règles de prescription spécifiques concernant les mineurs victimes, cela peut toujours avoir des conséquences aujourd’hui.
Cette peine est autonome par rapport à la peine privative de liberté prononcée lors de l’audience de jugement. En matière criminelle, le suivi socio-judiciaire ne peut être prononcé qu’en complément d’une peine de réclusion criminelle, d’emprisonnement ferme ou avec sursis. En matière correctionnelle, il peut également être prononcé à titre de peine principale, c’est dans ce cas-là une alternative à l’incarcération. En aucun cas il ne peut être prononcé en même temps qu’une peine de sursis avec mise à l’épreuve.
Une décision de suivi socio-judiciaire implique obligatoirement des obligations générales – notamment pour le condamné de rendre compte de sa situation au juge de l’application des peines ou au service pénitentiaire d’insertion et de probation –, et éventuellement des obligations particulières et des interdictions. Celles-ci sont identiques à celles qui peuvent assortir un sursis avec mise à l’épreuve depuis la loi du 10 mars 2010 (cf. supra, § 3).
Elle peut comprendre un placement sous surveillance électronique mobile à titre de mesure de sûreté , si elle est prononcée à l’encontre d’un majeur condamné à une peine privative de liberté de sept ans ou plus, et selon les conditions prévues pour cette mesure (cf. infra, section 3).
La juridiction de jugement doit préciser nécessairement :
  • une durée, appréciée au cas par cas par la juridiction, mais selon un maximum prévu par la loi. Initialement fixés à 10 ans pour un délit et à 20 ans pour un crime, ces délais peuvent être portés respectivement à 20 ans et à 30 ans, voire s’appliquer sans limitation pour les faits pour lesquels la réclusion criminelle à perpétuité est encourue. Ces nouveaux maxima de délais ne s’appliquent toutefois qu’aux faits commis depuis l’entrée en vigueur de la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004, et supposent en matière correctionnelle une décision spécialement motivée. En cas d’incarcération, le suivi socio-judiciaire est suspendu. Sa durée ne s’impute donc qu’à partir de la libération de l’intéressé.
    Il s’agit donc de mesures « au long cours » avec des difficultés inhérentes à une telle durée de suivi. Au cours de l’année 2007, la durée moyenne des 1 285 suivis socio-judiciaires prononcés a été de 11,5 ans (7) ;
  • un emprisonnement en cas de non-respect. La violation des obligations d’un suivi socio-judiciaire, qu’il s’agisse des obligations ou interdictions, ou du non-respect de l’injonction de soins, peut entraîner la mise à exécution d’un d’emprisonnement. Celui-ci est soumis à un maximum prévu par la loi. Comme pour la durée du suivi socio-judiciaire, la loi du 9 mars 2004 a aggravé la peine maximale encourue en cas de non-respect des obligations de la mesure. Elle est en effet passée de deux ans d’emprisonnement pour un délit et cinq ans d’emprisonnement pour un crime à trois ans et sept ans respectivement. Curieusement, à la différence d’un sursis avec mise à l’épreuve, la mise à exécution de cette peine d’emprisonnement n’est pas prévue en cas de condamnation pour des nouveaux faits commis pendant le délai de suivi socio-judiciaire.


2. ... SOUS LE CONTRÔLE DU JUGE DE L’APPLICATION DES PEINES

Lorsque la personne condamnée à un suivi socio-judiciaire est incarcérée, elle doit être immédiatement informée par le juge de l’application des peines de la possibilité d’entreprendre un traitement. En cas de refus de l’intéressé, cette information doit être renouvelée au moins une fois par an, sachant qu’un tel refus peut faire obstacle aux réductions de peines comme à une libération conditionnelle (cf. supra, section 1, § 1, B, 2, et § 2, B).
Lorsque le condamné est libre ou dès sa libération, le juge de l’application des peines est chargé de lui notifier les obligations du suivi socio-judiciaire, et il confie le suivi de la mesure au service pénitentiaire d’insertion et de probation, en lui donnant au besoin des instructions particulières, comme pour toute mesure en milieu ouvert. Des rapports réguliers relatifs au déroulement de la mesure doivent lui être transmis par ce service.
En cas de non-respect des obligations de la mesure, par exemple des absences aux convocations, une violation d’interdiction ou un refus de se soumettre aux soins imposés, le juge de l’application des peines est compétent pour mettre à exécution, totalement ou partiellement, l’emprisonnement prévu par la juridiction de jugement. Si elle n’a pas déféré aux convocations, la personne sous suivi socio-judiciaire peut faire l’objet des mesures de contraintes à disposition du juge de l’application des peines, telles que mandat d’amener, mandat d’arrêt, ordonnance d’incarcération provisoire. La décision de mise à exécution de la peine d’emprisonnement est prise par jugement susceptible d’appel, après réquisitions du procureur de la République, au cours d’un débat contradictoire.
[Source : circulaire DACG n° CRIM 210-10/E8 du 19 mai 2010, annexe G]
Comme pour le sursis avec mise à l’épreuve, le juge de l’application des peines peut modifier, supprimer ou rajouter des obligations ou des interdictions tout au long de la mesure. A compter du délai de un an après la condamnation, la personne condamnée à un suivi socio-judiciaire peut en demander le relèvement à la juridiction qui l’a prononcée (8). Toutefois, la loi du 10 mars 2010 a donné au juge de l’application des peines le pouvoir de mettre fin de manière anticipée au suivi socio-judicaire comportant une injonction de soins . La décision peut être prise « dès lors qu’il apparaît que le reclassement du condamné est acquis et qu’un traitement n’est plus nécessaire » après avis du procureur de la République et du médecin coordonnateur, sans qu’il soit nécessaire de saisir la juridiction de jugement. Le juge de l’application des peines peut également dorénavant supprimer l’injonction de soins au même titre que les autres obligations. Il s’agit là d’innovations importantes au regard de la durée parfois très longue des mesures de suivi socio-judiciaire prononcées, mais aussi d’une nouvelle responsabilité pesant sur le juge de l’application des peines.


(1)
Notamment par les lois du 12 décembre 2005 et du 5 mars 2007.


(2)
A l’exception du délit de « propositions sexuelles faites à un mineur de 15 ans par un majeur utilisant un moyen de communication », créé par la loi du 5 mars 2007.


(3)
Baron-Laforet S., « Guide des nouvelles obligations de soin », Information psychiatrique, vol . 85, n° 8, octobre 2009.


(4)
Kensey A., « La réalité statistique des peines et mesures concernées par l’obligation de soins, le suivi socio-judiciaire », AJ Pénal, février 2009, p. 58 à 62.


(5)
Circulaire CRIM 98-09 F1 du 1er octobre 1998 relative à la présentation générale des dispositions générales de la loi n° 98-468 du 17 juin 1998 relative à la prévention et à la répression des infractions sexuelles et à la protection des mineurs.


(6)
Crim. 2 septembre 2004, Bull. crim., n° 197.


(7)
Kensey A., « La réalité statistique des peines et mesures concernées par l’obligation de soins, le suivi socio-judiciaire », préc.


(8)
Si c’est une condamnation de la cour d’assises, c’est la chambre de l’instruction de la cour d’appel qui est compétente.

SECTION 1 - LES PEINES

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