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LA SURVEILLANCE JUDICIAIRE

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[Code de procédure pénale, articles 723-29 à 723-37 et D. 147-31 à D. 147-40-2]
Sur le modèle du suivi socio-judiciaire, le placement sous surveillance judiciaire repose sur un ensemble d’obligations et d’interdictions pouvant être imposé à l’issue de leur peine d’emprisonnement à des personnes dangereuses condamnées pour crime ou délit au titre de mesure de sûreté.


A. LES PERSONNES SUSCEPTIBLES DE FAIRE L’OBJET D’UNE SURVEILLANCE JUDICIAIRE

Cette mesure a été créée pour permettre d’assurer un contrôle de condamnés après la fin de leur incarcération, « aux seules fins de prévenir une récidive dont le risque paraît avéré », et ce dans l’hypothèse où aucun autre suivi ne serait possible. Le principe est posé que si la personne a été condamnée à un suivi socio-judiciaire ou si elle fait l’objet d’une libération conditionnelle, elle ne peut faire l’objet d’une surveillance judiciaire . Toutefois, à titre de disposition transitoire, l’article 41 de la loi du 12 décembre 2005 prévoit que pour les infractions commises avant son entrée en vigueur, ce principe n’est pas applicable, et qu’une surveillance judiciaire peut donc prendre le relais d’un suivi socio-judiciaire ou d’une libération conditionnelle. Cette transition peut être particulièrement longue eu égard aux règles de prescription des infractions sexuelles commises à l’égard de mineurs.
La surveillance judiciaire est susceptible d’être appliquée à compter de leur libération aux personnes qui ont été condamnées pour un crime ou un délit pour lequel le suivi socio-judiciaire est encouru, qu’il ait ou non été ordonné. Elle vise donc tout particulièrement les délinquants ou les criminels sexuels. Ne peuvent toutefois être soumis à une surveillance judiciaire que les condamnés pour lesquels la peine prononcée est une peine de réclusion criminelle ou une peine d’emprisonnement supérieure ou égale à sept ans, la loi du 10 mars 2010 ayant réduit ce seuil de dix à sept ans.
Le Conseil constitutionnel a estimé que la surveillance judiciaire ne constituait ni une peine ni une sanction (1), mais « une modalité d’exécution de la peine qui a été prononcée par la juridiction de jugement », du fait que sa durée est imputée sur le temps des réductions de peines dont a bénéficié le condamné. Cela autorise donc la rétroactivité de la mesure pour tout condamné faisant l’objet d’une libération alors même que les faits ont été commis avant l’entrée en vigueur de la loi du 12 décembre 2005. L’un des objectifs du législateur était justement de pouvoir soumettre à un suivi contraignant les délinquants sexuels condamnés pour des faits commis avant le 20 juin 1998, par une sorte de suivi socio-judiciaire rétroactif.
Pour les faits commis avant l’entrée en vigueur du suivi socio-judiciaire, cette rétroactivité pouvait être particulièrement discutable dans la mesure où la surveillance judiciaire n’est applicable que pour les infractions pour lesquelles le suivi socio-judiciaire est encouru. La Cour de cassation (2) a tranché la question en statuant sur la situation d’un condamné à dix ans de réclusion criminelle pour des faits de viol commis le 28 février 1998, soit avant l’entrée en vigueur du suivi socio-judiciaire, et pour lequel cette peine complémentaire n’était donc pas encourue. Elle a estimé que les dispositions de la surveillance judiciaire étaient des mesures de sûreté immédiatement applicables aux condamnés dont le risque de récidive était constaté après la date d’entrée en vigueur de la loi.


B. LES MODALITÉS DE MISE EN ŒUVRE

[Code de procédure pénale, article 723-31]
L’appréciation de risque avéré de récidive relève de l’appréciation des juridictions de l’application des peines saisies, au vu d’une expertise médicale « dont la conclusion fait apparaître la dangerosité du condamné ». Comme en matière de suivi socio-judiciaire, cette expertise doit également préciser si l’intéressé est susceptible de faire l’objet d’un traitement.
Elle peut être ordonnée tant par le juge de l’application des peines que par le procureur de la République, et peut être réalisée par un ou deux experts. Il n’est pas indispensable d’en ordonner une nouvelle s’il existe au dossier du condamné, notamment à l’occasion d’une demande de libération conditionnelle, une précédente expertise datant de moins de deux ans concluant à sa dangerosité .
La situation de tous les condamnés susceptibles de faire l’objet d’une surveillance judiciaire doit être examinée avant la date de leur libération. Une observation de l’intéressé peut être demandée, pour une durée comprise entre deux et six semaines, dans un service spécialisé chargé de l’observation des personnes détenues aux fins d’une évaluation pluridisciplinaire de dangerosité, en pratique au Centre national d’observation (CNO) de la maison d’arrêt de Fresnes. La commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté (cf. infra, § 2, C) peut également être saisie pour avis. Cette commission peut aussi, si elle estime que les conditions d’une rétention de sûreté ne sont pas réunies mais que le condamné apparaît néanmoins dangereux, renvoyer le dossier au juge de l’application des peines pour appréciation d’une surveillance judiciaire.
La décision est prise après un débat contradictoire organisé devant le tribunal de l’application des peines pour les faits commis avant le 14 décembre 2005, et devant le juge de l’application des peines pour des faits commis après , en présence du procureur de la République et du condamné, lequel est obligatoirement assisté d’un avocat.


C. LA DURÉE

La durée de la surveillance judiciaire ne peut excéder la durée de l’ensemble des réductions de peine accordées (3). Elle peut donc être très variable selon la durée de la peine prononcée, la qualité de récidiviste ou non, et le comportement de l’intéressé lors de sa détention. De ce fait, un condamné récidiviste qui n’aura manifesté au cours de sa détention aucun « effort sérieux de réadaptation sociale » et qui aura multiplié les incidents disciplinaires, ne pourra être suivi à ce titre que sur une très courte période.


D. LES OBLIGATIONS DE LA SURVEILLANCE JUDICIAIRE

[Code de procédure pénale, article D. 147-37]
Sauf décision contraire du juge de l’application des peines ou du tribunal de l’application des peines, la surveillance judiciaire comporte une injonction de soins, dès lors que l’expert psychiatre a estimé que la personne concernée était susceptible de faire l’objet d’un traitement. Cette injonction de soins se déroule selon les mêmes modalités que dans le cadre d’un suivi socio-judiciaire (cf. supra, section 1, § 5).
Une procédure d’avertissement et de rappel des obligations de la mesure encadre la sortie de détention de tout condamné soumis à une surveillance judiciaire. Le juge de l’application des peines du lieu où la personne est écrouée avise le condamné avant sa libération que s’il refuse les soins tout ou partie de la durée de ses réductions de peines pourra lui être retiré. Ce dernier doit également être convoqué devant le juge de l’application des peines compétent en fonction de son domicile, lequel est chargé de lui rappeler ses obligations dans un délai de huit jours à compter de sa libération. A la différence du suivi socio-judiciaire, le médecin coordonnateur est désigné avant même la libération de l’intéressé. Ce dernier peut bénéficier de permissions de sortir voire d’autorisation de sortie sous escorte pour rencontrer le médecin coordonnateur ou son médecin traitant.
Pendant la durée de la surveillance judiciaire, le condamné est soumis aux mêmes mesures d’assistance et de contrôle destinées à faciliter et à vérifier sa réinsertion que celles qui assortissent les autres mesures de probation. Le service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP) est mandaté par le juge de l’application des peines pour le suivi de cette mesure et s’assure du respect des obligations générales ainsi que des obligations ou interdictions particulières qui lui ont été notifiées et qui, à l’exception de l’injonction de soins, sont identiques à celle du sursis avec mise à l’épreuve (cf. supra, section 1, § 3).
La surveillance judiciaire peut également comprendre un placement sous surveillance électronique mobile, si l’intéressé a été condamné à une peine de sept années au moins de privation de liberté.


E. LES SANCTIONS EN CAS DE NON-RESPECT

En cas d’inobservation par le condamné des obligations et des interdictions qui lui ont été imposées, le juge de l’application des peines peut, sur réquisitions du procureur de la République et à la suite d’un débat contradictoire, retirer tout ou partie de la durée des réductions de peine et ordonner la réincarcération du condamné. Constitue notamment pour le condamné une violation des obligations qui lui ont été imposées le fait de refuser de commencer ou de poursuivre le traitement prescrit par le médecin traitant dans le cadre d’une injonction de soins.
Si la personne n’était pas soumise à un placement sous surveillance électronique mobile, celui-ci peut être ordonné à titre de sanction alternative à la réincarcération, sans que l’avis de la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté ne soit nécessaire dans ce cas .
Le retrait de tout ou partie des réductions de peine peut également être décidé, après avis du juge de l’application des peines, par la juridiction de jugement en cas de condamnation de la personne placée sous surveillance judiciaire pour un nouveau crime ou un délit pour lequel le suivi socio-judiciaire est encouru.
Dans le cas où toutes les réductions de peines ont été retirées à l’intéressé , la juridiction régionale de la rétention de sûreté peut être saisie pour prononcer une surveillance de sûreté. Ce cas est toutefois limité aux hypothèses de condamnation d’une personne pour un des crimes autorisant la surveillance de sûreté, et lorsque la violation des obligations auxquelles elle était soumise fait apparaître des risques qu’elle commette à nouveau l’une de ces infractions.
Dans les autres cas, soit le suivi du condamné se termine à l’expiration du délai de la surveillance judiciaire, soit il peut se prolonger dans le cadre d’une surveillance de sûreté, toujours sous réserve des critères légaux prévus pour cette mesure.


(1)
Décision n° 2005-527 DC du 8 décembre 2005, JO du 13-12-05.


(2)
Crim. 1er avril 2009, n° 08-84.367, F-D : Juris-Data n° 2009-048065.


(3)
La loi du 10 mars 2010 a résolu une difficulté d’interprétation de l’article 723-29 du code de procédure pénale en remplaçant « ... pendant une durée qui ne peut excéder celle correspondant au crédit de réduction de peine ou aux réductions de peines supplémentaires » par « ... pendant une durée qui ne peut excéder celle correspondant au crédit de réduction de peine et aux réductions de peines supplémentaires ».

SECTION 3 - LES MESURES DE SÛRETÉ

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