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LA SURVEILLANCE ET LA RÉTENTION DE SÛRETÉ

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[Code de procédure pénale, articles 706-53-19, 723-37, 763-8 et R. 53-8-40 à R. 53-8-78 ; circulaire DACG n° CRIM 08-17/E8 du 17 décembre 2008, BOMJ n° 2009/1 du 28-02-09]
La surveillance et la rétention de sûreté s’appliquent, à titre exceptionnel, à certains criminels sexuels qui présentent une particulière dangerosité caractérisée par un risque élevé de récidive.


A. LES PERSONNES SUSCEPTIBLES DE FAIRE L’OBJET D’UNE SURVEILLANCE OU D’UNE RÉTENTION DE SÛRETÉ

Les conditions d’un placement sous le régime de la surveillance de sûreté sont les mêmes que celles du placement en centre de rétention de sûreté en termes de peine prononcée. Il s’agit uniquement de certains crimes, dont, en matière sexuelle, les viols commis à l’encontre d’un mineur, qu’il soit âgé de plus ou moins de 15 ans, les viols commis sur une personne majeure avec au moins une circonstance aggravante, ou sans circonstance aggravante mais commis en situation de récidive légale. Seuls les criminels sexuels condamnés pour un de ces viols à une peine minimale de 15 années de réclusion criminelle peuvent faire l’objet d’une de ces deux mesures. Si ces conditions sont réunies, la persistance d’une dangerosité doit être en outre caractérisée. Alors que la surveillance judiciaire suppose que soit caractérisé « un risque avéré de récidive » au vu d’une expertise psychiatrique dont la conclusion fait apparaître la dangerosité du condamné, le législateur a voulu marquer le caractère plus exceptionnel de la surveillance ou de la rétention de sûreté en choisissant des termes laissant supposer un degré supérieur dans la dangerosité.
Ces mesures s’appliquent en effet à titre exceptionnel aux personnes qui présentent une « particulière dangerosité caractérisée par une probabilité très élevée de récidive parce qu’elles souffrent d’un trouble grave de la personnalité ». Le placement sous surveillance de sûreté ne peut être ordonné qu’après une expertise psychiatrique confiée à deux experts. La décision doit mentionner que les obligations résultant de l’inscription au Fijais apparaissent insuffisantes pour prévenir la commission de ces crimes et que cette mesure constitue l’unique moyen de prévenir la récidive, alors que sa probabilité est très élevée .
Sous ces réserves, et si l’ensemble des conditions liées à l’infraction et la peine initialement prononcée sont réunies, la surveillance de sûreté peut être prononcée à l’issue d’une mesure de surveillance judiciaire ou bien si celle-ci a été retirée à la suite du non-respect des obligations de cette mesure. La juridiction régionale peut décider de prolonger tout ou partie des obligations auxquelles est astreint le condamné, dès sa sortie de détention en cas de retrait de la surveillance judiciaire, en le plaçant sous surveillance de sûreté. Cette mesure peut aussi être prononcée selon les mêmes conditions à l’issue d’un suivi socio-judiciaire. Il est également prévu que la surveillance de sûreté puisse s’appliquer après une révocation d’une mesure de libération conditionnelle, du fait du non-respect des obligations de celle-ci. Dans l’hypothèse d’une libération conditionnelle accordée à un condamné à la réclusion criminelle à perpétuité, arrivée à son terme sans révocation, la loi prévoit également que cette libération conditionnelle pourrait être suivie d’une surveillance de sûreté.
A l’inverse, la surveillance de sûreté peut être imposée à l’issue d’une rétention de sûreté, dans l’hypothèse où persisterait une particulière dangerosité et une probabilité élevée de récidive, sans pour autant justifier le maintien en centre de rétention.
Les critères de placement en rétention de sûreté sont globalement les mêmes que ceux de la surveillance de sûreté. Toutefois, comme l’indique la circulaire du 17 décembre 2008, la rétention de sûreté présente « un caractère exceptionnel et subsidiaire, son prononcé n’étant possible que si aucune autre mesure, et notamment une surveillance judiciaire, un suivi socio-judiciaire ou une surveillance de sûreté, n’est susceptible d’empêcher la récidive ». La loi prévoit en outre que placement en rétention de sûreté ne peut être ordonné qu’à la condition qu’un renforcement des obligations de la surveillance de sûreté apparaisse insuffisant pour prévenir une récidive, comme un placement sous surveillance électronique mobile. Le placement en rétention de sûreté est ainsi qualifié d’« ultime recours » . La rétention de sûreté ne peut enfin être prononcée que si la cour d’assises a expressément prévu dans sa décision de condamnation que la personne pourra faire l’objet à la fin de sa peine d’un réexamen de sa situation en vue d’une éventuelle rétention de sûreté.
Reprenant une réserve d’interprétation du Conseil constitutionnel, la loi du 10 mars 2010 a précisé qu’avant toute décision de rétention de sûreté, la commission pluridisciplinaire comme la juridiction régionale doivent vérifier que la personne condamnée a effectivement été mise en mesure de bénéficier, pendant l’exécution de sa peine, d’une prise en charge médicale, sociale et psychologique adaptée au trouble de la personnalité dont elle souffre. L’avenir dira si les juridictions de la rétention de sûreté refuseront de prononcer une telle mesure au vu de ce critère.


B. LA QUESTION DE LA RÉTROACTIVITÉ

Classiquement, on considère que les mesures dites de sûreté peuvent s’appliquer de façon rétroactive, c’est-à-dire pour des faits commis avant l’entrée en vigueur d’une loi nouvelle, ce qui serait totalement inconstitutionnel pour une disposition pénale ayant le caractère d’une peine. Dans un but explicite d’applicabilité immédiate aux criminels sexuels sortant de détention après avoir exécuté de longues peines, un enjeu pour le législateur a été de qualifier ces nouvelles mesures de « mesures de sûreté », à la différence de ce qui avait été prévu pour le suivi socio-judiciaire.
Le Conseil constitutionnel a toutefois déclaré contraires à la constitution les dispositions selon lesquelles la rétention de sûreté serait applicable aux crimes commis avant l’entrée en vigueur de la loi du 25 février 2008, mais à l’inverse a déclaré conformes celles qui prévoyaient la même chose pour la surveillance de sûreté, ce qui n’a pas manqué de laisser la doctrine dans une certaine perplexité (1). Tout en estimant que ces deux mesures devaientêtre classées parmi les mesures de sûreté, le Conseil a écarté la rétroactivité du placement en rétention de sûreté « eu égard à sa nature privative de liberté, à la durée de cette privation, à son caractère renouvelable sans limite et au fait qu’elle est prononcée après une condamnation par une juridiction ».
La rétention de sûreté n’est donc applicable ab initio que pour les faits commis à compter du 26 février 2008. Les premières applications de cette mesure ne devraient intervenir qu’après une douzaine d’années à compter de l’entrée en vigueur de la loi, compte tenu des délais d’instruction et de jugement, de la durée d’une peine de réclusion criminelle d’au moins 15 ans, et du jeu des réductions de peine (2). Cette durée de latence pourrait être beaucoup plus longue en raison de l’ancienneté de faits qui peuvent être dénoncés s’agissant des viols sur mineurs au regard des délais de prescription spécifiques.
Toutefois, si une rétroactivité de la rétention de sûreté est écartée en tant que mesure initiale, elle ne l’est pas nécessairement dans l’hypothèse du non-respect d’une mesure de surveillance de sûreté. La circulaire du 17 décembre 2008, après avoir rappelé que la surveillance de sûretépeut être prononcée à l’issue d’une surveillance judiciaire ou d’un suivi socio-judiciaire concernant une personne condamnée pour des faits commis avant cette date, estime ainsi que « c’est au cours de l’année 2009 que s’achèveront les premières surveillances judiciaires [...] et c’est donc dès maintenant que doivent être envisagées les premières surveillances de sûreté et, en cas de violation par ces personnes de leurs obligations, les premières rétentions de sûreté ».
Selon les chiffres communiqués par la Chancellerie, en janvier 2009, ces dispositions étaient susceptibles de s’appliquer à 37 condamnés à la réclusion criminelle à perpétuité qui ont sollicité une libération conditionnelle, et à 77 condamnés placés sous surveillance judiciaire. Une première décision de placement sous surveillance de sûreté à la suite d’une surveillance judiciaire par une juridiction régionale des mesures de sûreté a été validée par la cour d’appel de Paris (3). Il s’agissait d’une personne condamnée en 1994 à une peine de 20 ans de réclusion criminelle pour viol commis sous la menace d’une arme, qui se trouvait en hospitalisation d’office lors de l’expiration de la mesure de surveillance judiciaire.
Le débat sur la question n’est toutefois pas clos. En effet, la Cour européenne des droits de l’homme (4) a jugé que la « détention de sûreté » prévue par le code pénal allemand, tout à fait assimilable à la rétention de sûreté française, constituait une peine supplémentaire, et qu’une application rétroactive violerait le principe de non-rétroactivité de la loi pénale, garanti par l’article 7, § 1, de la Convention européenne des droits de l’homme.


C. UNE JURIDICTION SPÉCIFIQUE STATUANT SUR PROPOSITION D’UNE COMMISSION

Lorsque la loi a créé le placement sous surveillance électronique mobile (PSEM), une commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté a été instituée pour donner un simple avis facultatif au juge de l’application des peines ou au tribunal de l’application des peines sur l’opportunité de cette mesure. A l’occasion de la création des mesures de surveillance de sûreté et de rétention de sûreté, la compétence consultative de cette commission a été élargie à ces mesures et rendue obligatoire. Toutefois, pour ces nouvelles mesures, ce n’est plus une juridiction de l’application des peines qui est compétente pour recueillir cet avis et pour prendre la décision. C’est une nouvelle juridiction, la juridiction régionale de la rétention de sûreté, spécialement composée de magistrats de cours d’appel. Celle-ci « statue sur proposition de la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté » , laquelle a donc un rôle décisif dans la prise de décision.
Ces commissions et juridictions spécifiques ont leur siège fixé dans six villes différentes sur le territoire national, regroupant plusieurs ressorts de cours d’appel (5).
La commission est saisie par le juge de l’application des peines ou le procureur de la République des situations pénales relevant de sa compétence. Elle dispose de pouvoirs d’instruction et peut ordonner la comparution du condamné (6). Elle doit rendre son avis au moins un an avant la libération du condamné, sachant qu’elle peut prévoir une observation pendant un délai de six semaines au minimum dans un service spécialisé chargé de l’orientation des détenus, en pratique le Centre national d’orientation de Fresnes.
Si son avis est favorable à une mesure de surveillance de sûreté ou de rétention de sûreté, elle le transmet à la juridiction régionale des mesures de sûreté. Si son avis est défavorable, la commission peut renvoyer le dossier au juge de l’application des peines pour qu’il apprécie l’éventualité d’un placement sous surveillance judiciaire.
La commission est composée  :
  • d’un président de chambre à la cour d’appel, désigné par le premier président de la cour d’appel ;
  • du préfet de région ou de son représentant ;
  • du directeur interrégional des services pénitentiaires ou de son représentant ;
  • d’un expert psychiatre, d’un expert psychologue et d’un représentant d’une association d’aide aux victimes, lesquels sont désignés conjointement par le premier président et le procureur général près la cour d’appel ;
  • d’un avocat, membre du conseil de l’ordre et désigné par celui-ci.
La juridiction régionale quant à elle est composée d’un président de chambre et de deux autres magistrats de la cour d’appel . Elle doit rendre sa décision, qui est exécutoire immédiatement, trois mois au moins avant la libération du condamné. Le président de la juridiction dispose de pouvoirs d’investigation et peut délivrer un ordre de recherche en cas de nécessité. Si le condamné demande une contre-expertise, celle-ci ne peut lui être refusée. La juridiction statue après un débat contradictoire, qui peut être public si le condamné le demande.
Compte tenu de la particularité de cette procédure dans laquelle la cour d’appel est juridiction de premier ressort, l’appel de la décision peut être formé devant la juridiction nationale de la rétention de sûreté, composée de trois magistrats de la Cour de cassation. Un pourvoi en cassation peut enfin être possible devant la chambre criminelle de cette cour.


D. LES MODALITÉS PARTICULIÈRES À CHACUNE DE CES MESURES



1. LES MODALITÉS D’UNE SURVEILLANCE DE SÛRETÉ

Les obligations et interdictions pouvant assortir surveillance judiciaire et surveillance de sûreté sont identiques, ainsi que les mesures d’assistance et de contrôle exercées par le SPIP. Dans les deux cas, l’injonction de soins s’applique sauf décision contraire, et le placement sous surveillance électronique mobile peut en être une modalité particulière.
Bien que cette mesure puisse être rendue directement applicable aux faits commis avant le 27 février 2008, elle n’intervient en pratique qu’à l’issue d’une période de surveillance judiciaire, celle-ci pouvant comporter les mêmes possibilités de contrôle, mais selon des critères moins restrictifs.
La durée initiale d’une surveillance de sûreté est de deux ans lorsqu’elle intervient après une rétention de sûreté ou une surveillance judiciaire, de un an dans les autres cas. Elle peut être renouvelée sans limitation de durée selon la même procédure et sous réserve de la persistance des mêmes critères de dangerosité.
En cas de non-respect de ces obligations faisant apparaître une particulière dangerosité caractérisée par une probabilité très élevée de commettre à nouveau l’une des infractions visées par la rétention de sûreté, le président de la juridiction régionale peut ordonner en urgence son placement provisoire dans un centre socio-médico-judiciaire de sûreté. Ce placement doit être confirmé dans un délai maximal de trois mois par la juridiction régionale selon une procédure identique à celle d’un placement initial.


2. LES MODALITÉS DE LA RÉTENTION DE SÛRETÉ

Celle-ci consiste dans « le placement de la personne intéressée en centre socio-médico-judiciaire de sûreté dans lequel lui est proposée, de façon permanente, une prise en charge médicale, sociale et psychologique destinée à permettre la fin de cette mesure » . Cette vision réconfortante de la rétention de sûreté ne peut toutefois dissiper les inquiétudes qui se sont manifestées quant à un enfermement sans limitation de durée, reposant sur des expertises prédictives de dangerosité, notion dont la nature scientifique est sujette à caution (cf. encadré, p. 70). Pouvant être qualifiée de « peine infinie », cette mesure sanctionnera en effet des personnes « présumées coupables de crimes virtuels » au motif qu’elles auront déjà commis des crimes particulièrement graves (7).
S’agissant de la rétention de sûreté initiale, c’est-à-dire intervenant immédiatement à la fin de l’incarcération, elle ne pourra être prononcée que pour les faits commis à compter du 27 février 2008 et naturellement après que le condamné aura purgé la peine de 15 années au minimum qui aura été prononcée. Il faudra en outre que la cour d’assises ait expressément prévu dans sa décision de condamnation que la personne pourra faire l’objet à la fin de sa peine d’un réexamen en vue d’une éventuelle rétention de sûreté . En l’absence d’une telle disposition, elle ne pourra faire l’objet, au moins dans un premier temps, que d’une surveillance judiciaire ou de sûreté.
La durée de la rétention de sûreté initiale est fixée à un an, elle est renouvelable, après avis de la commission pluridisciplinaire et débat contradictoire devant la juridiction régionale, dès lors que les conditions ayant conduit à cette mesure sont toujours remplies.
Dans l’attente des premières admissions, un arrêté du ministre de la Justice du 6 juillet 2009 fixe d’ores et déjà le règlement intérieur du centre socio-médico-judiciaire de sûreté de Fresnes, placé sous la double autorité du ministre de la Justice et du ministre de la Santé. Les personnes placées en centre de rétention de sûreté disposeront de droits similaires à ceux des détenus. Elles pourront bénéficier de permissions de sortie sous escorte ou sous placement sous surveillance mobile.
La prise en charge pourra notamment comporter, après accord écrit de la personne, un traitement utilisant des médicaments qui entraînent une diminution de la libido . Les médecins et les psychologues délivreront des attestations permettant aux personnes retenues de justifier auprès d’un juge de l’application des peines chargé de contrôler, pour chaque personne retenue, les principales modalités de mise en œuvre de la rétention de sûreté et le bon déroulement de la mesure. Il est précisé que les autorités judiciaires et le personnel relevant de l’administration pénitentiaire ne pourront intervenir dans le déroulement des traitements décidés et mis en œuvre par le personnel médical ou soignant.


(1)
Cf. notamment Courtin C., « La surveillance post-carcérale des personnes dangereuses et l’application de la loi pénale dans le temps », Droit pénal n° 7, juillet 2008, étude 11.


(2)
« Amoindrir les risques de récidive criminelle des condamnés dangereux », rapport remis à M. le président de la République par M. Vincent Lamanda, Premier président de la Cour de cassation, p. 45.


(3)
Cour d’appel de Paris, Juridiction régionale de la rétention de sûreté, 6 avril 2009, commentaire de Herzog-Evans M. in Recueil Dalloz 2009 n° 31 p. 2146.


(4)
CEDH, 17 décembre 2009, n° 19359/04, M. c/ Allemagne.


(5)
Arrêté du 3 novembre 2008, JO du 5-11-08.


(6)
En pratique, compte tenu de l’éloignement des établissements pour peine du siège de la commission, les commissions utilisent la visioconférence lorsqu’elles souhaitent entendre les condamnés.


(7)
Cf. notamment Lavielle B., « Une peine infinie, libres propos sur la rétention de sûreté », Gazette du Palais, 4 mars 2008, et Feldman J.-Ph., « Un Minority Report à la française ? La décision du 21 février 2008 et la présomption d’innocence. Commentaire », La Semaine Juridique, Edition générale n° 16, 16 Avril 2008, II, 10077.

SECTION 3 - LES MESURES DE SÛRETÉ

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