L’objectif des soins est différent selon que l’on se positionne d’un point de vue sanitaire ou d’un point de vue judiciaire : soulager la souffrance d’un côté et prévenir la récidive de l’autre. Les soins ne sont qu’un élément pouvant concourir à la prévention de la récidive, avec ses indications mais aussi ses limites (cf. infra, § 4). En matière pénale, les soins n’ont de sens qu’avec une prise en charge judiciaire en parallèle, effectuée par les services pénitentiaires d’insertion et de probation et les juges d’application des peines, car comprendre et aider ne veulent pas dire excuser et aucun soignant ne fait abstraction des victimes réelles ou potentielles.
L’objectif des soins est variable suivant les soignants. Certains attendent une demande de la part du sujet et se refusent à aborder les faits durant les soins au prétexte que l’on ne réduit pas un sujet à son comportement. Mais la majorité considère qu’évoquer les faits est inhérent à la prise en charge, ne serait-ce que parce qu’ils appartiennent à l’histoire du sujet. Les soins ne se cantonnent donc jamais aux actes, et c’est bien une prise en charge globale qui s’opère.
Les auteurs d’infractions sexuelles, lorsqu’ils sont demandeurs, ont des attentes différentes : certains veulent comprendre « pourquoi » mais restent très passifs, ce qui peut alors prendre des années en thérapie individuelle... Dans le pire des cas, ils inversent les rôles et défient le soignant : ce serait au thérapeute à trouver l’explication (« c’est vous le spécialiste ! »). En recentrant du « pourquoi » au « comment », il est possible de faire avancer les choses. D’autres souhaitent authentiquement progresser et c’est dans ce cas que les soins seront les plus utiles, en termes de soulagement du sujet et, indirectement, peut-être, de prévention de la récidive.
La psychothérapie cherche à réconcilier les AIS avec leur fonctionnement, afin que, guidés par le thérapeute, ils mettent ensuite en place des comportements alternatifs, des compromis dans leur sexualité ou des aménagements différents de leur personnalité. Et cela peut être long, évoluant par étapes difficilement prévisibles (cf. infra, § 4, B), comme celle d’admettre le préjudice causé à la victime, celle d’être d’accord sur l’utilité de se soigner, celle de progresser sur le contrôle de soi-même, voire celle de réorienter sa sexualité, qui peuvent être autant d’objectifs adaptés aux différents positionnements du sujet.
De la position adoptée par l’auteur d’infractions sexuelles découlera un objectif de soins plus ou moins ambitieux alors que l’objectif de la justice demeurera le même. En cas de déni total des faits par exemple, l’apparition d’une petite perméabilité du déni sera déjà une grande avancée pour les soins. Mais cela est aléatoire et ne peut pas garantir la non-récidive.