Depuis 1977, la France s’est progressivement dotée d’un mécanisme de plus en plus complet et sophistiqué, parmi les plus protecteurs en Europe, de prise en charge collective des dommages subis par les victimes d’infractions, au sein desquelles celles qui ont subi des abus sexuels trouvent tout naturellement leur place.
Aujourd’hui, toute personne ayant subi un préjudice résultant de faits volontaires ou non qui présente le caractère matériel d’une infraction peut obtenir la réparation intégrale des dommages résultant des atteintes à sa personne. Pour cela, elle doit s’adresser au Fonds national de garantie des victimes d’actes de terrorisme et d’autres infractions (1) qui intervient alors via les commissions d’indemnisation des victimes d’infractions (CIVI), juridictions civiles rattachées à chaque tribunal de grande instance.
Ce système est financé par un prélèvement forfaitaire de 3,30 € sur chaque contrat d’assurance garantissant les biens, les sommes récoltées ayant vocation à être redistribuées par le FGTI dans un cadre transactionnel, et à défaut sur décision de la CIVI.
Un véritable droit à indemnisation a été conféré à la victime, assorti d’une procédure garantissant ce droit et d’un dispositif complémentaire pour les victimes ayant vu leur droit à indemnisation reconnu mais ne bénéficiant d’aucune possibilité d’indemnisation effective.
A. LE DROIT D’ÊTRE INDEMNISÉ
Le législateur a prévu des cas d’indemnisation intégrale du préjudice corporel de la victime dès lors que certaines conditions sont réunies et des cas d’indemnisation partielle.
Le préjudice matériel subi par la victime, tel que des dégradations commises à l’occasion des faits principaux, n’est pas indemnisé.
1. LES HYPOTHÈSES D’INDEMNISATION INTÉGRALE
[Code de procédure pénale, article 706-3]
Toute personne ayant subi une infraction peut obtenir la réparation intégrale des dommages qui résultent des atteintes à la personne lorsque trois conditions sont réunies.
a. Condition tenant à la nature du préjudice subi ou des faits commis
Deux cas de figure sont prévus :
- soit l’infraction, quelle que soit sa nature, a entraîné la mort, une incapacité permanente ou une incapacité totale de travail égale ou supérieure à un mois ;
- soit la victime a subi des faits de viol, d’agression sexuelle, d’atteinte sexuelle, et de recours à la prostitution d’un mineur. Il appartient à la victime d’établir l’existence des faits, dans la majorité des cas par le versement des pièces utiles de la procédure pénale ou de la condamnation pénale de l’auteur des faits. Les faits d’exhibition sexuelle, de harcèlement sexuel, de corruption de mineur ou de pédopornographie par Internet ne sont pas inclus en tant que tels dans l’énumération légale, mais peuvent l’être, soit parce qu’elle a subi une incapacité permanente ou une incapacité totale de travail supérieure à un mois, soit au titre de l’indemnisation partielle (cf. infra, 2).
b. Condition tenant à la nationalité de la victime
La personne lésée doit être :
- soit de nationalité française, que les faits aient été commis en France (métropole, départements ou territoires d’outre-mer) ou à l’étranger ;
- soit étrangère, les faits doivent alors avoir été commis en France et la victime être ressortissante de l’Union européenne ou en séjour régulier au jour des faits ou de la demande.
c. La faute de la victime
L’indemnisation peut être réduite ou exclue en cas de faute de la victime, dès lors qu’elle présente un lien de causalité suffisant avec les faits commis, ce qui peut être difficile à apprécier en pratique lorsque la victime s’est elle-même mise en danger.
Il a ainsi été jugé qu’une victime dépressive ayant consommé de l’alcool et laissé entrer dans son appartement un inconnu qu’elle avait rencontré sur la voie publique n’avait pas commis une faute présentant un lien avec son agression (2).
2. LES HYPOTHÈSES D’INDEMNISATION PARTIELLE
[Code de procédure pénale, article 706-14]
Lorsque la victime ne remplit pas les conditions précédemment définies (incapacité totale de travail inférieure à un mois), elle peut cependant être indemnisée partiellement de son préjudice corporel sous plusieurs conditions cumulatives particulièrement restrictives :
- ses ressources mensuelles doivent être inférieures à 1 372 €, auxquelles s’ajoutent un montant de 165 € par mois pour les deux premières personnes à charge et 104 € par mois pour les personnes suivantes ;
- la victime doit établir que l’auteur des faits est demeuré inconnu ou insolvable ;
- elle doit être dans l’impossibilité d’obtenir, à titre quelconque, une réparation ou une indemnisation effective et suffisante de son préjudice ;
- elle se trouve de ce fait dans une situation matérielle ou psychologique grave ;
- l’indemnité est au moins égale au triple du montant mensuel du plafond de ressources (soit actuellement 4 116 €).
B. LA PROCÉDURE D’INDEMNISATION
[Code de procédure pénale, articles 706-5 et 706-15]
La victime doit agir dans les trois années qui suivent la date de l’infraction. Ce délai est prorogé lorsque des poursuites pénales sont exercées, et n’expire que un an après la décision de la juridiction répressive.
En cas de motif légitime, la victime ou ses ayants droit peuvent être relevés de la forclusion. Si l’auteur est condamné à des dommages et intérêts, le délai ne court que si un avis spécifique a été donné par la juridiction à la victime.
Cette procédure est indépendante de la procédure pénale en cours, même si en pratique la majorité des victimes attend le résultat du procès pénal pour saisir la commission d’indemnisation des victimes d’infractions. Le montant demandé à la CIVI n’est donc pas nécessairement celui qui a été accordé au titre des dommages et intérêts par la juridiction pénale.
La victime doit informer la juridiction pénale de l’existence d’une procédure pendante devant la CIVI.
La procédure d’indemnisation des victimes d’infractions est d’abord transactionnelle, et débute par la saisine de la CIVI (soit celle du domicile du demandeur, soit celle du lieu de la juridiction pénale saisie de l’infraction, et en ce qui concerne les infractions commises à l’étranger à l’encontre des Français résidant à l’étranger, celle du tribunal de grande instance de Paris) par une requête simple accompagnée de pièces justificatives – requête qui peut intervenir avec ou sans l’assistance d’un avocat – déposée ou envoyée par lettre recommandée au secrétariat de la commission qui en délivre récépissé.
La commission envoie sans délai la demande au FGTI, qui dispose d’un délai de deux mois pour présenter une offre d’indemnisation. En cas d’accord de la victime, l’offre est homologuée par le président de la CIVI, le FGTI réglant alors directement les sommes dues à l’intéressé.
En cas de refus d’indemnisation motivé du FGTI ou de refus de l’offre par la victime, la procédure devient judiciaire, et la CIVI statuera sur les demandes de la victime.
La CIVI n’est pas tenue par l’indemnisation accordée par les juridictions pénales et procède à sa propre appréciation. En pratique néanmoins elle rejoint, dans la majorité des cas, l’évaluation du préjudice corporel effectué par ces juridictions.
La victime peut demander une provision au FGTI ou au président de la CIVI, qui doit alors statuer dans le délai de un mois .
Un magistrat instruit la requête et vérifie les déclarations ainsi que les pièces produites, et se fait communiquer toutes informations utiles.
Le procureur de la République et le Fonds de garantie présentent leurs observations au plus tard 15 jours avant l’audience. Le demandeur et le Fonds de garantie doivent être convoqués au moins deux mois à l’avance.
Après débat en audience non publique, la décision d’indemnisation ou de rejet de la CIVI est notifiée au demandeur et au Fonds de garantie, qui règle l’indemnité allouée dans le mois qui suit cette notification.
Un droit d’appel est ouvert au demandeur et au Fonds de garantie dans le délai de un mois à compter de la notification du jugement.
L’auteur des faits n’intervient pas lors de cette procédure.
Le FGTI est subrogé dans les droits de la victime pour recouvrer les sommes versées auprès de l’auteur des faits .
C. L’INDEMNISATION PAR LE SARVI
[Code de procédure pénale, articles 705-15-1 et 706-15-2]
Lorsque la victime a obtenu une décision de justice pénale définitive lui accordant des dommages et intérêts postérieurement au 1er octobre 2008, lorsqu’elle ne peut pas être indemnisée devant la CIVI, et lorsqu’elle ne parvient pas à obtenir réparation de la part du condamné, un Service d’aide au recouvrement des victimes d’infractions (SARVI) (3), géré par le FGAT, prend en charge les sommes dues à la victime, dans les deux mois de la demande, en versant l’intégralité de la somme si son montant est inférieur à 1 000 €, et en procèdant à une avance (30 %) dans les autres cas, dans la limite de 3 000 €.
L’indemnisation recouvre tous les dommages et intérêts alloués, tant au titre du préjudice corporel, moral ou matériel, y compris les sommes allouées par la juridiction, non couvertes par les frais de justice.
Le SARVI doit être saisi dans l’année qui suit le caractère définitif de la condamnation.
Bien évidemment, le SARVI sera subrogé dans les droits de la victime pour recouvrer les sommes dues auprès du condamné, et éventuellement les restituer à la victime dans l’hypothèse d’une simple avance partielle des sommes dues.
La plupart des condamnations pour infractions sexuelles ouvrant doit à une indemnisation intégrale par la CIVI, l’intervention du SARVI ne devrait être en la matière que très subsidiaire.
(1)
FGTI : 64, rue Defrance, 94682 Vincennes Cedex – Tél. : 01 43 98 77 00 – site Internet : www.fondsdegarantie.fr
(2)
Civ. 2e, 16 février 1994, Bull. civ., n° 63.
(3)
SARVI : Fonds de garantie, 75569 Paris cedex 12 – Tél. 08 20 77 27 84, documentation et formulaire accessibles sur le site du FGAT, préc.