Les organes chargés d’une mesure de protection judiciaire engagent leur responsabilité civile pour les fautes commises dans l’exercice de leurs fonctions. De même, l’Etat peut voir sa responsabilité retenue à l’occasion de l’organisation et du fonctionnement du service public des tutelles.
A. LE PRINCIPE
[Code civil, article 421]
Tous les organes d’une mesure de protection judiciaire sont responsables du dommage résultant d’une faute quelconque, même légère, qu’ils commettent dans l’exercice de leur fonction.
A titre dérogatoire, la responsabilité du curateur ou du subrogé curateur ne peut être engagée, pour les actes accomplis avec son assistance, qu’en cas de dol (1) ou de faute lourde. Ce régime s’applique dans le cas de la curatelle simple (et non de curatelle renforcée).
Autrement dit, la responsabilité est engagée pour faute simple si les organes de la mesure de protection judiciaire se substituent à la personne protégée pour l’accomplissement de certains actes. En revanche, lorsqu’il n’y a qu’une simple mesure d’assistance, la personne protégée reste responsable de ses actes, même s’ils ont été accomplis avec l’assistance du curateur. La responsabilité de ce dernier ne peut alors être recherchée qu’en cas de faute lourde ou de dol.
Ces dispositions reprennent les règles existantes et les appliquent explicitement à toutes les mesures de protection judiciaire – sauvegarde de justice, curatelle, tutelle – et à tous les organes chargés de la mesure. Sont ainsi responsables du dommage résultant de leurs fautes :
- le juge des tutelles, son greffier et le greffier en chef du tribunal d’instance ;
- le tuteur ou le curateur ;
- le tuteur ou le curateur ad hoc ou le mandataire spécial désigné en cas de sauvegarde de justice, dans l’exercice de la mission précise qui lui est confiée ;
- le subrogé tuteur ou subrogé curateur dans l’exercice de sa mission de surveillance ou de remplacement du tuteur ou du curateur ;
- les membres du conseil de famille.
En pratique, toutefois, la jurisprudence devrait faire la différence selon que le tuteur, le curateur... est un professionnel – mandataire judiciaire à la protection des majeurs – ou un membre de la famille. De fait, « la loi nouvelle prévoit la possibilité de rémunération de ce mandataire, à l’article L. 472-3 [...] du code de l’action sociale et des familles. Cette disposition peut avoir un effet direct sur sa responsabilité. La jurisprudence a en effet toujours eu tendance à être plus sévère envers un professionnel qu’un novice [...]. Le mandataire rémunéré, qui représentera, en pratique, l’immense majorité des mandataires, verra probablement sa responsabilité plus facilement mise en œuvre » (2).
B. L’EXERCICE DE L’ACTION
[Code civil, article 422]
Si la faute à l’origine du dommage a été commise dans l’organisation et le fonctionnement de la mesure de protection par le juge des tutelles, le greffier en chef du tribunal d’instance ou le greffier, l’action en responsabilité doit être diligentée par la personne protégée ou ayant été protégée ou par ses héritiers et être dirigée contre l’Etat. Ce dernier dispose d’une action récursoire, c’est-à-dire qu’il peut se retourner ensuite contre la personne qui est réellement à l’origine du dommage.
Lorsque la faute à l’origine du dommage a été commise par le mandataire judiciaire à la protection des majeurs, l’action en responsabilité peut être dirigée contre celui-ci ou contre l’Etat qui dispose d’une action récursoire. Cette alternative laissée à la personne protégée ou à ses héritiers « vise à faciliter l’indemnisation de la victime en lui permettant de diriger son action soit vers le débiteur le plus solvable, en principe l’Etat, soit vers le débiteur le plus prompt à indemniser, sans doute le mandataire judiciaire à la protection des majeurs s’il a souscrit une assurance « responsabilité civile » » (3).
C. LA PRESCRIPTION DE L’ACTION
[Code civil, article 423]
L’action en responsabilité peut être exercée seulement pendant cinq ans après la fin de la mesure de protection, même si la gestion a continué au-delà. Après ce délai, il y a prescription de l’action. Ainsi, le législateur est revenu sur une jurisprudence qui ne faisait commencer le délai de prescription, en cas de continuation de la gestion au-delà de la fin de la mesure, qu’à compter du jour où la gestion avait cessé.
Par ailleurs, la transformation d’une curatelle en tutelle a pour effet de reporter le point de départ de la prescription : celle-ci jouera à compter de la fin de la tutelle.
Bien évidemment, en cas de dol ou de fraude, la règle de droit commun s’applique et le délai de prescription ne court qu’à compter du jour de la découverte du dol ou de la fraude.
(1)
Le dol consiste en un ensemble d’agissements trompeurs, assortis d’une volonté de nuire, ayant entraîné le consentement qu’une des parties à un contrat n’aurait pas donné, si elle n’avait pas été l’objet de ces manœuvres, consentement qui lui cause un préjudice.
(2)
Dumery A., « Responsabilité civile des organes de protection : la nouvelle donne », RDSS n° 5/2008, sept.-oct. 2008, p. 846.
(3)
Rap. Sén. n° 212, de Richemont, février 2007, p. 116.