Tant que le mandant conserve ses facultés, le mandat ne produit aucun effet. Il n’entre en vigueur que lorsqu’il est établi que le mandant ne peut plus pourvoir seul à ses intérêts.
Une fois en cours d’exécution, plusieurs événements peuvent avoir des conséquences sur son champ d’intervention et peuvent également entraîner sa suspension.
A. LA PRISE D’EFFET DU MANDAT
Lorsque le mandataire constate que l’état de santé du mandant ne lui permet plus de prendre soin de sa personne ou de s’occuper de ses affaires, il effectue les démarches nécessaires pour que le mandat prenne effet.
1. LES CONSÉQUENCES POUR LE MANDANT
[Code civil, article 488]
Lorsque le mandat est mis en œuvre, il n’entraîne pour le mandant aucune incapacité civile, contrairement à une mesure de tutelle ou de curatelle. Il permet seulement au mandataire d’agir au nom et place du mandant. Le mandat fonctionne alors comme une procuration : le mandataire représente le mandant et veille à ses intérêts en fonction des missions qui lui ont été confiées.
Dès lors, le mandant peut être amené à accomplir des actes, alors même qu’il ne dispose plus de ses facultés personnelles médicalement constatées. Cette situation a été contestée par la doctrine. « Il aurait été préférable d’aller au bout de la logique conventionnelle et de décider que la mise en œuvre du mandat entraîne les mêmes conséquences que l’ouverture d’une mesure de protection légale, et donc emporte dessaisissement du mandant », estiment certains (1).
Toutefois, le code civil prévoit que les actes passés et les engagements contractés par une personne faisant l’objet d’un mandat de protection future mis à exécution peuvent, pendant la durée du mandat, être rescindés pour simple lésion (2) ou réduits en cas d’excès (3). Et ce, alors même qu’ils pourraient être annulés pour insanité d’esprit en vertu de l’article 414-1 du code civil. Selon ce texte, pour faire un acte valable, il faut en effet être sain d’esprit. Et c’est à ceux qui agissent en nullité pour cette cause de prouver l’existence d’un trouble mental au moment de l’acte (sur ces actions, cf. infra, section 6, § 4).
Pour décider de rescinder ou de réduire un acte, les tribunaux prennent notamment en considération l’utilité ou l’inutilité de l’opération, l’importance ou la consistance du patrimoine de la personne protégée et la bonne ou la mauvaise foi de ceux avec qui elle a contracté.
Ces actions n’appartiennent qu’à la personne protégée et, après sa mort, à ses héritiers. Elles s’éteignent au bout de cinq ans.
2. LA PROCÉDURE
a. Les pièces à fournir
1]. Le mandat de protection future pour soi-même
[Code civil, article 481 ; code de procédure civile, article 1258 ; circulaire DACS n° CIV/01/09/C1 du 9 février 2009]
Pour la mise en œuvre du mandat de protection future établi pour soi-même, le mandataire doit se présenter en personne au greffe du tribunal d’instance dans le ressort duquel réside le mandant, accompagné de ce dernier, sauf s’il est établi, par certificat médical, que sa présence au tribunal est incompatible avec son état de santé.
Le mandataire doit, en outre, apporter certaines pièces et les présenter au greffier :
- l’original du mandat ou sa copie authentique (s’il a été conclu sous forme notariée), signé du mandant et du mandataire ;
- un certificat médical datant de deux mois au plus, émanant d’un médecin inscrit sur la liste départementale tenue par le procureur de la République et disponible dans les tribunaux d’instance et établissant que le mandant se trouve dans l’impossibilité de pourvoir seul à ses intérêts en raison d’une altération, médicalement constatée, de ses facultés personnelles, en application de l’article 425 du code civil ; le contenu de ce certificat n’est pas soumis aux prescriptions de l’article 1219 du code de procédure civile (cf. supra, section 2, § 2, B) et son coût n’est pas tarifé, contrairement au certificat circonstancié visé par l’article 431 du code civil et nécessaire à l’ouverture ou à l’aggravation d’une mesure de protection ;
- une pièce d’identité relative respectivement au mandataire et au mandant ;
- un justificatif de la résidence habituelle du mandant.
2]. Le mandat de protection future pour autrui
[Code civil, article 481 ; code de procédure civile, article 1258-1]
Dans le cas d’un mandat de protection future pour autrui, le mandataire doit également se présenter en personne au greffe du tribunal d’instance dans le ressort duquel réside le bénéficiaire du mandat, accompagné de ce dernier, sauf s’il est établi, par certificat médical, que sa présence au tribunal est incompatible avec son état de santé.
Le mandataire doit alors apporter au greffier :
- la copie authentique du mandat, signé du mandant et du mandataire ;
- le certificat de décès du mandant obtenu auprès de la mairie compétente (celui du père ou de la mère qui était encore en vie) ou un certificat médical datant de deux mois au plus, émanant d’un médecin inscrit sur la liste tenue par le procureur de la République et établissant que le mandant (le père ou la mère) se trouve dans l’impossibilité de pourvoir seul à ses intérêts (et donc par ricochet dans celle de s’occuper de son enfant) ;
- un certificat médical datant de deux mois au plus, émanant d’un médecin inscrit sur cette même liste et établissant que l’enfant majeur du mandant désigné comme le bénéficiaire du mandat se trouve dans l’impossibilité de pourvoir seul à ses intérêts en raison d’une altération de ses facultés personnelles ;
- une pièce d’identité relative respectivement au mandataire et au bénéficiaire du mandat ;un justificatif de la résidence habituelle du bénéficiaire du mandat.
b. Le rôle du greffier
[Code civil, article 481 ; code de procédure civile, article 1258-2]
1]. La vérification des pièces
Dans les deux cas, le greffier vérifie, à partir des pièces qui lui sont fournies, les points suivants :
- le mandant et le mandataire étaient majeurs ou mineurs émancipés à la date d’établissement du mandat ;
- les modalités du contrôle de l’activité du mandataire sont formellement prévues ;
- en cas de mandat conclu sous seing privé sur papier libre (et non sur le formulaire préétabli) la présence de la contresignature d’un avocat ;
- le curateur a contresigné le mandat, si le mandant a indiqué dans celui-ci être placé sous curatelle ;
- s’il s’agit d’un mandat de protection future pour autrui, il est établi par acte notarié et non sous seing privé ;
- le mandataire, s’il est une personne morale, justifie être inscrit sur la liste des mandataires judiciaires à la protection des majeurs (CASF, art. L. 471-2).
2]. L’apposition du visa
[Code de procédure civile, article 1258-3 ; circulaire DACS n° CIV/01/09/C1 du 9 février 2009]
Si l’ensemble des conditions requises sont remplies, le greffier, après avoir paraphé chaque page du mandat, mentionne, en fin d’acte, que celui-ci prend effet à compter de la date de sa présentation au greffe, y appose son visa et le restitue au mandataire, accompagné des pièces produites.
Aucun enregistrement du mandat ou des données y figurant, autre qu’à des fins statistiques, n’est effectué par le greffier. Il ne reste donc au tribunal aucune trace du mandat permettant de l’identifier ou de le retrouver ultérieurement.
A l’inverse, si le greffier estime les conditions non remplies, il restitue, sans le viser, le mandat au mandataire ainsi que les pièces qui l’accompagnent. Dans ce cas, le mandataire peut saisir le juge par requête sans forme particulière. Celui-ci peut se prononcer sans débat, et sa décision n’est pas susceptible d’appel. Si le juge estime les conditions requises remplies, le greffier appose alors son visa, à la demande du mandataire.
3. L’INFORMATION DU MANDANT OU DU BÉNÉFICIAIRE DU MANDAT
[Code de procédure civile, article 1258-4 ; circulaire DACS n° CIV/01/09/C1 du 9 février 2009]
En principe, le mandataire se présente au greffe du tribunal en présence du mandant ou du bénéficiaire du mandat (mandat pour autrui), à moins que leur état de santé ne le permette pas.
Si tel est le cas, le mandant, ou le bénéficiaire du mandat, qui n’a pas comparu devant le greffier du tribunal doit être informé par le mandataire de la prise d’effet du mandat de protection future par lettre recommandée avec demande d’avis de réception.
Relevons qu’aucune information des contrôleurs du mandataire n’est prévue. En outre, il n’existe aucun enregistrement nominatif du mandat, ni au greffe du tribunal ni ailleurs. Selon le ministère de la Justice, « le mandat de protection future ne constitue pas un régime d’incapacité : même après la mise en œuvre du mandat, le mandant ne perd pas sa capacité (sauf pour révoquer le mandat, ce qu’il ne peut plus faire lui-même). Il peut continuer à agir dans tous les actes de la vie civile, et notamment continuer à passer des actes graves sur son patrimoine. Le mandat de protection future, comme toute procuration, met en présence deux personnes en mesure et en capacité d’agir sur le même périmètre patrimonial ».
B. LA DURÉE DU MANDAT
Aucune disposition ne fixe de durée du mandat. Il est donc conclu à durée indéterminée une fois qu’il est mis en œuvre.
Il n’est pas non plus prévu dans les textes de clauses de revoyure une fois qu’il est effectif, à la différence des mesures de tutelle et de curatelle qui doivent être révisées tous les cinq ans (C. civ., art. 441).
C. LA MODIFICATION DE LA PROTECTION PAR LE JUGE
[Code civil, articles 484 et 485]
C’est le juge des tutelles qui est chargé de statuer sur la mise en œuvre du mandat ou sur les conditions et les modalités de son exécution. Il peut être saisi à cet effet par toute personne intéressée (cf. infra, section 5).
A l’issue de ces requêtes, le juge peut modifier la protection apportée au mandant selon les modalités suivantes :
- après avoir révoqué le mandat, il peut ouvrir une mesure de protection juridique en prononçant une sauvegarde de justice, une curatelle ou une tutelle ;
- lorsque le champ d’application du mandat se révèle insuffisant pour protéger les intérêts personnels ou patrimoniaux de la personne, il peut le compléter en lui adjoignant une mesure de protection juridique complémentaire qu’il confie, le cas échéant, au mandataire de protection future. Il peut également autoriser ce dernier ou un mandataire ad hoc à accomplir un ou plusieurs actes déterminés non couverts par le mandat. En réalité, l’articulation des articles 485 et 483 du code civil empêche le cumul d’un mandat de protection future avec une tutelle ou une curatelle, sauf décision contraire du juge des tutelles (cf. infra, D). Cette possibilité est ouverte dans le cadre d’une mesure de sauvegarde de justice, mais il peut également choisir de suspendre la sauvegarde.
En cas de coexistence d’un mandat de protection future et d’une mesure de protection judiciaire, les deux s’exercent de manière indépendante. Dès lors, le mandataire de protection future et les personnes désignées par le juge ne sont pas responsables l’un envers l’autre. Toutefois, ils ont l’obligation de s’informer mutuellement des décisions qu’ils prennent.
D. LA SUSPENSION DU MANDAT
[Code civil, article 483 ; code de procédure civile, article 1259-2]
Un mandat de protection future ne peut coexister, sauf décision contraire du juge, avec le placement du mandant sous une mesure de tutelle ou de curatelle.
En revanche, il peut cohabiter avec une mesure de sauvegarde de justice. Toutefois, pour éviter les difficultés liées à la coexistence des deux mesures, la loi du 5 mars 2007 donne au juge des tutelles la possibilité de suspendre les effets du mandat pour le temps d’une mesure de sauvegarde de justice.
A cet effet, le juge peut décider de suspendre les effets du mandat de protection future au moment de l’ouverture de cette mesure de sauvegarde de justice ou, si l’existence du mandat est portée à sa connaissance postérieurement à cette ouverture, par une décision prise en cours de déroulement de la mesure.
Le greffier est alors chargé d’aviser le mandataire et la personne placée sous sauvegarde de justice de cette suspension par simple lettre.
Le mandat de protection future reprend effet ensuite de plein droit lorsque la mesure de sauvegarde de justice prend fin. Seule réserve : le juge peut décider de révoquer le mandat ou d’ouvrir une autre mesure de protection juridique (tutelle ou curatelle). Le greffier en avise par tout moyen le mandataire et la personne dont le placement sous sauvegarde de justice a pris fin.
E. LA FIN DU MANDAT
1. LE RÉTABLISSEMENT DES FACULTÉS PERSONNELLES
[Code civil, article 483, 1° ; code de procédure civile, articles 1259 et 1259-1 ; circulaire DACS n° CIV/01/09/C1 du 9 février 2009]
Le mandat de protection future prend d’abord fin par le rétablissement des facultés personnelles de l’intéressé. Pour ce faire, le bénéficiaire du mandat (enfant handicapé, par exemple), le mandant ou son mandataire doivent produire au greffier du tribunal d’instance le mandat ainsi qu’un certificat médical datant de deux mois au plus établi par un médecin choisi sur la liste tenue par le procureur de la République et attestant le rétablissement des facultés de la personne protégée. Le médecin peut ainsi être saisi non plus seulement par le mandataire, mais aussi par le mandant ou le bénéficiaire du mandat qui, de fait, se trouve en état de diligenter la procédure mettant un terme au mandat. Les intéressés peuvent se présenter à tout moment au greffe du tribunal d’instance pour faire constater la fin du mandat au vu de ce certificat.
Si les conditions prévues pour mettre fin au mandat sont remplies, le greffier mentionne sur le mandat que celui-ci prend fin à compter de la date de sa présentation au greffe, y appose son visa et le restitue au comparant avec le certificat produit.
A l’inverse, s’il estime les conditions non remplies, il restitue le mandat sans le viser à la personne présente ainsi que le certificat produit.
Dans ce cas, le bénéficiaire du mandat, le mandant ou le mandataire peut saisir le juge par requête. Ce dernier peut se prononcer sans débat et sa décision n’est pas susceptible d’appel. Si le juge estime les conditions requises remplies, le greffier appose alors son visa, à la demande du bénéficiaire du mandat, du mandant ou du mandataire.
Dans le cas où l’un des intéressés – bénéficiaire du mandat, mandant ou mandataire – ne s’est pas présenté au greffier, celui-ci se charge de l’informer de la fin de l’exécution du mandat par lettre recommandée avec demande d’avis de réception.
2. LES AUTRES CAS
[Code civil, article 483, 2°, 3°, 4° ; code de procédure civile, article 1259-4 ; circulaire DACS n° CIV/01/09/C1 du 9 février 2009]
Le mandat prend également fin par :
- le décès du mandant. Cela met donc fin aux missions du mandataire qui ne peut se voir confier par le mandat de protection future une mission qui tendrait à participer d’une façon ou d’une autre à la gestion de la succession de la personne protégée ; une telle mission ne peut être prévue que dans le strict cadre du mandat posthume (C. civ., art. 812) ;
- le placement du mandant en curatelle ou en tutelle, sauf décision contraire du juge, notamment dans l’hypothèse où il ouvre une tutelle aux biens mais maintient le mandat de protection future pour la protection de la personne, ou inversement ;
- le décès du mandataire, sauf si le mandat avait prévu son remplacement éventuel dans cette hypothèse, son placement sous une mesure de protection judiciaire s’il s’agit d’une personne physique ou sa déconfiture (4) s’il s’agit d’une personne morale ;
- la révocation judiciaire du mandataire. En effet, le juge des tutelles, saisi par toute personne intéressée, a la possibilité de révoquer (5) un mandat de protection future dans trois situations :
- lorsque les facultés personnelles du mandant ne sont pas altérées ou, en cas d’altération de ses facultés corporelles, lorsque l’expression de sa volonté n’est pas empêchée et que c’est par erreur ou par fraude que le mandat a été mis en œuvre,
- lorsqu’il apparaît que l’exercice par le conjoint de ses droits et devoirs ou que les règles du droit commun de la représentation et des régimes matrimoniaux sont suffisants pour qu’il soit pourvu aux intérêts du mandant par son conjoint avec qui la communauté de vie n’a pas cessé,
- lorsque l’exécution du mandat est de nature à porter atteinte aux intérêts du mandant (par exemple, le mandataire s’est éloigné du mandant et n’est plus en mesure de savoir ou de comprendre ce qui doit être fait pour l’aider ou pour préserver ses biens).
Lorsque le juge met fin au mandat de protection future, sa décision est notifiée au mandataire et au mandant ou au bénéficiaire du mandat par lettre recommandée avec demande d’avis de réception.
Y A-T-IL DES FRAIS FINANCIERS À PRÉVOIR ?
Le coût d’un mandat de protection future conclu sous forme notariée s’établit en unités de valeur (UV) : une unité de valeur correspond à 3,65 € HT.
Ainsi, le coût de l’établissement du mandat correspond à 30 UV, soit 109,50 € HT. Si le mandataire accepte le mandat par un acte séparé (parce qu’il prend le temps de la réflexion, par exemple), le notaire percevra alors 15 UV supplémentaires, soit 54,75 € HT. La révocation du mandat par le mandant ou la renonciation du mandataire coûteront chacune 15 UV également.
Enfin, le coût de l’examen des comptes du mandataire dans le cadre du contrôle des comptes par le notaire sera fonction du patrimoine du mandant ou, plus exactement, « du chapitre le plus élevé, en recettes ou en dépenses, au titre de l’année à laquelle se rapportent les comptes ». Si ce dernier est :
- inférieur ou égal à 25 000 €, le coût est de 30 UV (109,50 € HT) ;
- supérieur à 25 000 € et inférieur ou égal à 65 000 €, le tarif est de 50 UV (182,50 € HT) ;
- supérieur 65 000 €, le tarif est de 90 UV (328,50 € HT).
En ce qui concerne l’établissement d’un mandat sous seing privé, il est en principe gratuit, sauf en cas d’enregistrement à la recette des impôts, ce qui est recommandé pour donner une date certaine à chaque exemplaire original du mandat. Les frais sont alors de l’ordre de 125 € (arrêté du 23 décembre 2009).
Dans tous les cas, il faut également ajouter le coût du certificat médical constatant l’altération des facultés. En revanche, l’apposition du visa par le greffe du tribunal d’instance n’entraîne aucuns frais (arrêté du 23 décembre 2009).
Pendant l’exécution du mandat, les frais éventuels à la charge du mandant – rémunération du mandataire, du contrôleur éventuellement – sont ceux qui sont prévus dans le mandat.
[Décret n° 78-262 du 8 mars 1978, JO du 10-03-78, article 28, modifié par décret n° 2006-558 du 16 mai 2006, JO du 18-05-06 ; décret n° 2008-296 du 31 mars 2008, JO du 2-04-08 ; arrêté du 23 décembre 2009, JO du 26-12-09]
MANDAT DE PROTECTION FUTURE ET RÉGIME MATRIMONIAL
L’articulation des règles relatives au régime matrimonial avec celles qui portent sur le mandat de protection future ne sont pas claires.
Lorsque le mandant choisit son mandataire, il peut tout à fait choisir son conjoint, mais ce ne sera pas forcément le cas. Que se passe-t-il alors si les intéressés sont mariés sous le régime de la communauté des biens ?
En effet, le mandataire, autre que le conjoint, pourra, en application du mandat de protection future et lorsqu’il sera mis en œuvre, prendre des décisions touchant les biens communs du couple. A cet égard, la doctrine relève deux contradictions (6) :
- le mandat permet de conférer des droits sur des biens figurant dans le patrimoine du conjoint, c’est-à-dire à l’égard d’une personne qui n’a pas décidé de conclure le mandat ;
- une fois mis en œuvre, le mandant conserve sa capacité juridique et peut effectuer des actes qui engagent la communauté de biens. Dans ce cas, une action en rescision pour simple lésion ou une réduction pour excès de ces actes peut être mise en œuvre en application de l’article 488 du code civil (cf. § 4, A, 1). La communauté des biens pourra être protégée. En revanche, si c’est le mandataire qui conclut l’acte au nom du mandant, la communauté est engagée de manière définitive.
Enfin, les auteurs relèvent qu’aucune information du conjoint de la mise en œuvre du mandat n’est prévue par les textes.
Pour pallier cette difficulté, le code civil prévoit toutefois que le juge des tutelles, saisi par toute personne intéressée – et cela peut être le conjoint –, a la possibilité de révoquer un mandat de protection future lorsqu’il apparaît que l’exercice par le conjoint de ses droits et devoirs ou que les règles du droit commun de la représentation et des régimes matrimoniaux sont suffisants pour qu’il soit pourvu aux intérêts du mandant par son conjoint avec qui la communauté de vie n’a pas cessé (C. civ., art. 483). En cas de conflit de ce type, la révocation du mandat à la demande du conjoint semble la solution la plus plausible.
Dans tous les cas « il faudra prendre soin de coordonner les dispositions prises dans le mandat avec les règles matrimoniales pour éviter tout blocage ou incohérence » (7).
(1)
Casey J. et Combret J., « Le mandat de protection future (2e partie) », Revue Juridique Personnes et Famille, n° 9, septembre 2007, p. 8.
(2)
La rescision pour lésion est une action permettant de faire annuler un contrat en raison du préjudice injuste qu’il cause à l’une des parties.
(3)
La réduction pour excès consiste à rétablir le juste équilibre de la convention, laquelle est cependant maintenue. Les clauses du contrat qui pèchent par excès seront réduites par le juge, dans le temps, dans l’espace, dans leur prix ou selon leurs autres modalités.
(4)
La déconfiture est, en droit, la situation d’un débiteur hors d’état de payer ses créanciers.
(5)
La demande de révocation est présentée par écrit, sans forme particulière, au juge des tutelles.
(6)
Casey J. et Combret J., « Le mandat de protection future (1re partie) », Revue juridique Personnes et Famille, n° 7-8, juillet-août 2007, p. 12.
(7)
Klein J., « Le mandat de protection future enfin opérationnel », AJ Famille, n° 02/2009, février 2009, p. 57.