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LES JURIDICTIONS SOCIALES SPÉCIALISÉES DE L’ORDRE ADMINISTRATIF

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Il existe deux types de juridictions spécialisées qui interviennent dans le champ de l’aide sociale : l’une pour les contestations relatives aux prestations d’aide sociale, l’autre pour le contentieux de la tarification sanitaire et sociale. Ces juridictions sont régies quant à leur composition, leur fonctionnement et leur organisation par des textes particuliers. Bien que les grands principes de procédure applicables devant ces juridictions soient équivalents à ceux qui sont rencontrés devant les juridictions administratives (délais de recours, procédure écrite, caractère non suspensif des recours...), ceux-ci ne sont pas intégrés dans le code de justice administrative, mais dans le code de l’action sociale et des familles.


A. LES COMMISSIONS DÉPARTEMENTALES ET CENTRALE D’AIDE SOCIALE

L’essentiel du contentieux de l’aide sociale relève aujourd’hui des commissions départementales d’aide sociale (CDAS) en première instance et de la Commission centrale d’aide sociale (CCAS) en appel. Ces deux juridictions constituent des juridictions de l’ordre administratif et relèvent, par la voie du recours en cassation, du contrôle du Conseil d’Etat.
La procédure devant ces juridictions est gratuite (CASF, art. L. 132-11).


1. LA COMMISSION DÉPARTEMENTALE D’AIDE SOCIALE

L’institution de juridictions spécialisées pour connaître des litiges intéressant l’application des lois et règlements en matière d’aide sociale est ancienne. Il faut néanmoins attendre 1931 pour que le Conseil d’Etat accepte de reconnaître à la commission départementale le caractère d’une véritable juridiction.

a. Sa composition

[Code de l’action sociale et des familles, article L. 134-6]
La composition de la commission départementale d’aide sociale a peu varié depuis sa création.
Bien qu’elle soit insérée dans l’ordre juridictionnel administratif, elle est présidée par le président du tribunal de grande instance du chef-lieu ou par le magistrat qu’il désigne pour le remplacer.
Elle comprend, en outre, trois conseillers généraux élus par le conseil général et trois fonctionnaires de l’Etat en activité ou à la retraite, désignés par le préfet, représentant de l’Etat dans le département.
A l’instar des autres juridictions administratives, s’ajoute à ces derniers un commissaire du gouvernement, désigné par le préfet, qui est chargé d’exposer publiquement, et en toute indépendance, son opinion sur les questions que présentent à juger les requêtes et sur les solutions qu’elles appellent.
Les fonctions de rapporteur sont assurées par le secrétaire de la commission, auquel peuvent être adjoint un ou plusieurs rapporteurs, selon la complexité du dossier à traiter.
Secrétaire et rapporteurs sont nommés par le président de la commission, parmi les personnes figurant sur une liste établie conjointement par le président du conseil général et le préfet. Dans une décision du 9 avril 2001, la Commission centrale d’aide sociale énonce que « devant la commission départementale d’aide sociale, les attributions de rapporteur et de commissaire du gouvernement sont strictement incompatibles puisque le premier a voix délibérative alors que le second en est expressément privé. Une commission départementale dont le commissaire du gouvernement a exercé, pour le même dossier, les fonctions de rapporteur, viole les dispositions de l’article 128, alinéas 6 et 7, du code de la famille et de l’aide sociale (ancien code de l’action sociale et des familles). Sa décision doit en conséquence, être annulée » (1). Dans le même esprit, ayant eu à se prononcer sur la qualité des personnes pouvant exercer les fonctions de rapporteur, le Conseil d’Etat a rappelé le principe d’impartialité qui doit prévaloir devant les juridictions d’aide sociale (cf. encadré, p. 15).
La commission départementale peut, dans les cas prévus par voie réglementaire, être complétée à titre consultatif par des médecins désignés par le président du conseil général et par le représentant de l’Etat dans le département (CASF, art. L. 134-7). C’est le cas notamment lorsque le recours concerne l’allocation personnalisée d’autonomie, et porte sur l’appréciation du degré de perte d’autonomie (CASF, art. L. 232-20).

b. Ses compétences

1). Une compétence d’attribution étendue
[Code de l’action sociale et des familles, article L. 134-1]
La commission départementale d’aide sociale constitue le premier degré de juridiction des litiges relatifs aux décisions d’admission à l’aide sociale, prononcées par le président du conseil général ou le représentant de l’Etat dans le département.
Au fur et à mesure de la création de nouveaux dispositifs d’aide sociale, les compétences de la commission départementale ont été progressivement étendues. Ainsi cette commission est notamment compétente pour tout recours contre les décisions relatives :
  • à l’allocation de revenu minimum d’insertion (RMI) et à la prime forfaitaire pour les bénéficiaires qui commencent ou reprennent une activité professionnelle ou un stage de formation rémunéré (CASF, art. L. 262-39) ;
  • à l’allocation personnalisée d’autonomie (CASF, art. L. 232-20) ;
  • au droit à la protection complémentaire en matière de santé et à l’acquisition d’une complémentaire santé, dans le cadre de la couverture maladie universelle (C. séc. soc., art. L . 861-5) (2) ;
  • à l’admission d’urgence à la prestation de compensation du handicap (CASF, art. L. 245-2).
Mais les compétences des commissions départementales d’aide sociale ne se limitent pas aux seuls litiges de l’admission. Le Conseil d’Etat a eu l’occasion de préciser, dans différentes affaires qui lui ont été soumises, que les juridictions d’aide sociale étaient compétentes pour connaître des litiges relatifs au recouvrement des sommes demandées à des particuliers en raison des dépenses exposées par une collectivité publique (3) ou aux recouvrements d’indus au titre de l’aide sociale (4).
2). Les contentieux exclus
Certains litiges qui, par bien des aspects, constituent des litiges d’aide sociale, échappent pourtant à la compétence de la commission départementale d’aide sociale pour relever du juge administratif de droit commun, voire du juge judiciaire.
a) Des exceptions légales...
Les premières exceptions sont prévues par la loi (CASF, art. L. 134-1). Ainsi, la commission départementale d’aide sociale n’est pas compétente en ce qui concerne les décisions du président du conseil général ou du préfet relatives à l’attribution des prestations d’aide sociale à l’enfance. Lorsqu’elles concernent les droits et obligations liés à l’autorité parentale ou se rapportent à des mesures prises par le juge des enfants, ces décisions relèvent de la compétence du juge judiciaire. Lorsque l’attribution des prestations d’aide sociale à proprement parler est en cause, c’est le juge administratif qui est compétent (cf. infra, chapitre III, section 1).
De même, et contrairement au contentieux de l’attribution et du service de l’allocation de RMI (cf. supra), les décisions concernant le revenu de solidarité active (RSA) n’entrent pas dans le domaine de compétences de la commission départementale d’aide sociale mais relèvent du contentieux administratif général (cf. infra, chapitre III, section 5).
b) ... et jurisprudentielles
Les autres exceptions sont le fruit de la jurisprudence.
Ainsi, les juridictions d’aide sociale, et donc la CDAS en premier ressort, ne sont pas compétentes pour connaître des litiges relatifs à l’attribution des prestations d’aide sociale facultatives instituées par les collectivités territoriales (5). Ces litiges relèvent du contentieux administratif de droit commun.
Autre exemple : les litiges relatifs aux prestations qui ne figurent pas dans le code de l’action sociale et des familles ne peuvent être soumis aux juridictions d’aide sociale. Il en va ainsi, notamment, des litiges relatifs à l’attribution des prestations du régime de solidaritéen faveur de certaines catégories de chômeurs (6).
c) La compétence de la Commission centrale d’aide sociale
Toujours par exception, certains contentieux sont soumis directement à la Commission centrale d’aide sociale, qui constitue alors pour ces affaires le premier degré de juridiction (cf. infra. 2, b).

c. Le recours devant la commission départementale

[Code de l’action sociale et des familles, articles L. 134-4, L. 134-6, L. 134-9 et R. 134-1]
La commission départementale d’aide sociale siège au chef-lieu du département (CASF, art. R. 134-1).
1). Sa saisine
Les personnes susceptibles d’intenter un recours devant la commission départementale d’aide sociale sont limitativement énumérées par la loi. Peuvent ainsi saisir la commission (CASF, art. L. 134-4) :
  • le demandeur ;
  • les débiteurs d’aliments du demandeur ;
  • l’établissement ou le service qui fournit les prestations ;
  • le maire ;
  • le président du conseil général ;
  • le représentant de l’Etat dans le département ;
  • les organismes de sécurité sociale et de mutualité sociale agricole intéressés ;
  • tout habitant ou contribuable de la commune ou du département ayant un intérêt direct à la réformation de la décision.
La demande doit nécessairement être formée dans les deux mois de la notification de la décision contestée (CASF, art. R. 134-10) (7).
2). La procédure devant la commission
a) Une procédure inspirée de celle qui est appliquée devant les juridictions administratives
Selon la jurisprudence du Conseil d’Etat, en l’absence de dispositions expresses, la commission départementale d’aide sociale, juridiction administrative par essence, n’est pas tenue d’appliquer les dispositions du code de justice administrative. La Commission centrale d’aide sociale a toutefois eu l’occasion de préciser que la procédure devant cette commission était essentiellement écrite, à l’instar des procédures devant les autres juridictions administratives. Le recours doit donc, sous peine d’irrecevabilité, être assorti d’un exposé écrit des moyens invoqués (8). La direction générale de l’action sociale (DGAS) a en outre apporté, dans une note du 19 octobre 2006 (9), des précisions sur le fonctionnement des commissions, afin « d’éviter toutes irrégularités susceptibles de compromettre le bon fonctionnement de la justice ». Ainsi, ces commissions sont-elles invitées à s’inspirer du code de justice administrative pour ce qui concerne la communication de la requête et des mémoires (CJA, art. R. 611-1 à R. 611-5) ainsi que les modalités d’inscription de l’affaire (CJA, art. R. 711-2). La DGAS rappelle, dans cette note, que le président doit notamment veiller à ce que les membres de la commission ne puissent sur un dossier être à la fois « juge et partie » et à ce que la formation de jugement ne comprenne que les membres ayant voix délibérative.
b) L’audition du demandeur
[Code de l’action sociale et des familles, article L. 134-9]
Le demandeur, accompagné de la personne ou de l’organisme de son choix, est entendu lorsqu’il le souhaite, devant la commission départementale d’aide sociale.
c) La possibilité d’une expertise médicale
Dans le cas où l’affaire soulèverait une question médicale, la juridiction saisie peut ordonner qu’il soit procédé à une expertise. Les dépenses afférentes aux frais d’expertise sont à la charge de l’Etat (CASF, art. R. 134-12).
Tel est le cas lorsque le recours contre une décision concernant l’allocation personnalisée d’autonomie est relatif à l’appréciation du degré de perte d’autonomie. La commission départementale recueille l’avis d’un médecin titulaire d’un diplôme universitaire de gériatrie ou d’une capacité en gérontologie et gériatrie, choisie par son président sur une liste établie par le conseil départemental de l’ordre des médecins (CASF, art. L. 232-20).
d) La délibération de la commission...
La commission départementale ne peut valable-ment délibérer que si la majorité absolue de ses membres ayant voix délibérative est présente (CASF, art. R. 134-2) (10). Le fait que certaines catégories de membres ne soient pas représentées ou que la parité entre ceux qui sont désignés par le représentant de l’Etat et ceux qui sont élus par le conseil général ne soit pas respectée n’a pas d’incidence sur la validité de la délibération. Le Conseil d’Etat considère à cet égard que « lorsqu’un texte prévoit qu’une juridiction est composée de plusieurs catégories de membres désignés par des autorités différentes, sans exiger que tous les membres soient présents ou que toutes les catégories soient représentées lors du délibéré, la juridiction peut valablement siéger, dès lors que le quorum qui lui est applicable est respecté, alors même que tous les membres nommés au titre d’une même catégorie seraient absents » (11).
Les décisions sont prises à la majorité des membres présents. A cet égard, le président et les membres de la commission départementale, le secrétaire et les rapporteurs adjoints ont voix délibérative. Tel n’est pas le cas du commissaire du gouvernement. En cas d’égal partage des voix, le président a voix prépondérante (CASF, art. L. 134-6).
Conformément aux dispositions de l’article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 : « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement publiquement [...]. » Aussi, les commissions départementales d’aide sociale doivent-elles statuer publiquement (12).
e) ... et sa décision
[Note d’information DGAS/SD5D n° 2006-459 du 19 octobre 2006]
La décision rendue par la commission départementale d’aide sociale doit nécessairement être motivée en droit et en fait et contenir l’intégralité du jugement, des analyses, des conclusions et des mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application. L’identité du rapporteur, des parties, éventuellement de leurs mandataires ou défenseurs, du secrétaire et des juges ainsi que celle de toute personne entendue, peut être mentionnée dans le corps de la décision qui doit faire apparaître la date de l’audience et la date à laquelle la décision a été prononcée.
En revanche, les observations à caractère médical ne doivent pas figurer dans la décision, mais peuvent être adressées sous pli séparé au médecin traitant de la personne concernée, à la demande de cette dernière.
Copie de la décision est notifiée sans délai aux parties. La notificationdoit mentionner les voies et délais de recours et préciser qu’une copie de la décision est jointe à l’appel. La direction générale de l’action sociale précise, en outre, qu’aucune mention visant à dissuader les parties d’interjeter appel devant la Commission centrale d’aide sociale ne doit apparaître, notamment celle qui est relative à l’amende pour recours abusif (CJA, art. R. 741-12).


2. LA COMMISSION CENTRALE D’AIDE SOCIALE

La Commission centrale d’aide sociale est la juridiction de principe devant laquelle sont portés les recours contre les décisions des commissions départementales d’aide sociale. A l’inverse de ces dernières, il n’existe qu’une seule Commission centrale d’aide sociale. Outre ce rôle de juridiction d’appel, la Commission centrale d’aide sociale est également compétente pour traiter en premier et dernier ressort de contentieux particuliers.

a. Son organisation

[Code de l’action sociale et des familles, articles L. 134-2, R. 134-3 et R. 134-7]
La Commission centrale d’aide sociale comprend six sections, chacune pouvant comporter deux sous-sections. Les affaires soumises à la Commission centrale sont normalement jugées par une section ou par une sous-section. Elles peuvent être renvoyées à deux sections réunies ou à l’assemblée plénière des sections par le président de la commission soit de sa propre initiative, soit à l’initiative d’un président de section ou de sous-section (CASF, art. R. 134-7).
1). Un président
Le président de la Commission centrale d’aide sociale est nommé par le ministre chargé de l’action sociale, sur proposition du vice-président du Conseil d’Etat, parmi les conseillers d’Etat en activité ou honoraires.
Il lui incombe d’organiser le fonctionnement général de la commission, de répartir les affaires entre les sections et de décider de la création de sous-sections au sein d’une ou plusieurs sections. A ce titre, il préside normalement les sections réunies ou l’assemblée plénière, mais peut également présider chacune des sections de la Commission centrale (CASF, art. R. 134-5).
2). Des sections et des sous-sections
[Code de l’action sociale et des familles, articles L. 134-2, R. 134-3, R. 134-4 et R. 134-6]
Chaque section ou sous-section de la Commission centrale d’aide sociale comprend en nombre égal :
  • d’une part, des membres du Conseil d’Etat, des magistrats de la Cour des comptes ou des magistrats de l’ordre judiciaire en activité ou honoraires désignés respectivement par le vice-président du Conseil d’Etat, le premier président de la Cour des comptes ou le garde des Sceaux, ministre de la Justice ;
  • d’autre part, des fonctionnaires ou personnes particulièrement qualifiées en matière d’aide ou d’action sociale désignés par le ministre chargé de l’action sociale. A ce titre, siègent notamment des préfets honoraires, des administrateurs civils ou des personnalités, issues notamment du monde judiciaire ou de la société civile.
Chaque section est composée de quatre membres et peut comporter deux sous-sections. La sous-section comprend alors deux membres : le président ou le vice-président de la section et un assesseur (CASF, art. R. 134-3 et R. 134-6). Le président et le vice-président de chaque section ainsi que le président de chaque sous-section sont désignés parmi les membres de la section ou de la sous-section par le ministre chargé de l’action sociale (CASF, art. R. 134-4).
Le président d’une section ne peut présider une autre section, à défaut de quoi la composition de la section serait irrégulière et ses décisions entachées de nullité (13).
3). Les membres de la commission
[Code de l’action sociale et des familles, articles L. 134-2 et L. 134-7, R. 134-8 et R. 134-9]
Les membres de la Commission centrale sont nommés pour une durée de quatre ans renouvelable.
En cas d’empêchement, ils peuvent, avec l’autorisation du président de la section ou de la sous-section, être remplacés, pour une séance déterminée, par un autre membre de la commission (CASF, art. R. 134-8).
Les membres de la Commission centrale qui s’abstiennent de siéger, sans motif valable, au cours de trois séances consécutives, peuvent être déclarés démissionnaires d’office par décision du ministre chargé de l’aide sociale (CASF, art. R. 134-9).
Dans certains cas limitativement déterminés par voie réglementaire, les membres de la Commission centrale d’aide sociale sont complétés, à titre consultatif, par des médecins désignés par le ministre.
4). Des rapporteurs...
Les rapporteurs qui ont pour fonction d’instruire les dossiers sont nommés par le ministre chargé de l’aide sociale soit parmi :
  • les membres du Conseil d’Etat et les magistrats de la Cour des comptes ;
  • les fonctionnaires des administrations centrales des ministères ;
  • les personnes particulièrement compétentes en matière d’aide ou d’action sociale.
Ils ont voix délibérative dans les affaires où ils sont rapporteurs.
5). ... et des commissaires du gouvernement
Des commissaires du gouvernement, chargés de prononcer leurs conclusions sur les affaires que le président de la Commission centrale, d’une section ou d’une sous-section leur confie, sont nommés par le ministre chargé de l’aide sociale parmi les membres du Conseil d’Etat, les magistrats de la Cour des comptes et les fonctionnaires du ministère chargé de l’aide sociale.

b. Ses compétences

1). Une compétence comme juge d’appel
[Code de l’action sociale et des familles, article L . 134-2, alinéa 1]
La Commission centrale d’aide sociale est essentiellement compétente pour connaître des appels dirigés contre les décisions rendues, en premier ressort, par les commissions départementales d’aide sociale.
Sous réserve de sa compétence propre en premier et dernier ressort (cf. infra), la compétence matérielle de la Commission centrale est la même que celle des commissions départementales (cf. supra, 1, b).
2). Une compétence en premier et dernier ressort
[Code de l’action sociale et des familles, articles L. 134-3 et L. 134-5]
Les recours formés contre les décisions prises en vertu des articles L. 111-3, du deuxième alinéa de l’article L. 122-1 et des articles L. 122-2 à L. 122-4 et L. 212-1 du code de l’action sociale et des familles relèvent en premier et dernier ressort de la Commission centrale d’aide sociale.
Concrètement, sont concernées les décisions relatives ? à l’octroi des allocations servies aux familles dont les soutiens effectuent leur service national (CASF, art. L. 212-1) et celles qui sont relatives à la détermination du domicile de secours (CASF, art. L. 111-3, L. 122-1, L. 122-2 et L. 122-4), autant dire un contentieux limité. Dans le premier cas, en effet, la suppression du service national obligatoire a mis fin aux contentieux susceptibles de naître à cette occasion, tandis que dans le second, l’évolution des dispositifs existants laisse une place résiduelle à la notion de domicile de secours et à ses effets.
Par extension, la Commission centrale d’aide sociale s’est vu confier par la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 le contentieux du versement de la prestation de compensation du handicap par le département, en premier et dernier ressort (CASF, art. L. 245-10).

c. La procédure devant la Commission centrale

La Commission centrale d’aide sociale est donc saisie d’un recours formé contre une décision d’une commission départementale d’aide sociale lorsqu’elle statue comme juge d’appel ; elle est saisie d’une décision administrative lorsqu’elle statue en premier et dernier ressort.
1). Les personnes habilitées à saisir la Commission centrale
[Code de l’action sociale et des familles, article L. 134-4]
A l’instar des dispositions applicables aux commissions départementales d’aide sociale, les recours devant la Commission centrale peuvent être formés par :
  • le demandeur ;
  • les débiteurs d’aliments du demandeur ;
  • l’établissement ou le service qui fournit les prestations ;
  • le maire ;
  • le président du conseil général ;
  • le représentant de l’Etat dans le département ;
  • les organismes de sécurité sociale et de mutualité sociale agricole intéressés ;
  • tout habitant ou contribuable de la commune ou du département ayant un intérêt direct à la réformation de la décision. A cet égard, une assistante sociale ne dispose pas de la capacité suffisante pour agir en l’absence de mandat signé l’autorisant à agir au nom du requérant (14), pas plus que le conseiller général, maire d’une commune située en dehors du département de résidence du demandeur bénéficiaire de l’aide sociale (15).
S’y ajoute la possibilité ouverte au ministre chargé de l’action sociale d’attaquer directement devant la Commission centrale toute décision prise par les commissions départementales (CASF, art. L. 134-5).
A noter :
la personne qui n’était pas partie à l’instance devant la commission départementale d’aide sociale n’a pas qualité pour faire appel devant la Commission centrale d’aide sociale (16).
2). Le délai de recours
[Code de l’action sociale et des familles, articles L. 134-8, R. 134-10 et R. 134-11]
Le recours doit être introduit dans le délai de deux mois à compter de la notification de la décision sous peine de forclusion. Il n’est pas suspensif, c’est-à-dire qu’il n’empêche pas l’exécution de la décision contestée.
La seule exception retenue à ce principe intervient lorsqu’une décision prononce une admission à l’aide sociale aux personnes âgées ou aux personnes handicapées à la suite d’une décision de rejet d’admission prononcée par la Commission centrale d’aide sociale.
3). Les règles de procédure
a) Une procédure essentiellement écrite
La procédure devant la Commission centrale d’aide sociale présente un caractère essentiellement écrit.
Le recours doit, sous peine d’irrecevabilité, être accompagné d’un exposé écrit des moyens invoqués. Un appel ne contenant pas ces moyens sera rejeté pour défaut de motivation (17).
b) L’audition du demandeur
Le demandeur, accompagné de la personne ou de l’orga-nisme de son choix, est entendu lorsqu’il le souhaite, devant la Commission centrale d’aide sociale (CASF, art. L. 134-9). De fait, la commission doit avertir à l’avance les parties de la date de la séance. La décision d’une Commission centrale qui n’a pas accompli ces formalités est irrégulière, et peut être annulée (18).
c) Le recours à une expertise médicale
En outre, la commission peut, dans ses diverses formations de jugement, ordonner qu’il soit procédé à une expertise, pour le jugement d’une affaire soulevant une question d’ordre médical (CASF, art. R. 134-12).
4). La décision de la Commission centrale
a) L’exigence du quorum
Les différentes formations de jugement de la Commission centrale d’aide sociale ne peuvent valablement délibérer que si la majorité de ses membres ayant voix délibérative est présente (CASF, art. R. 134-8, al. 2).
En revanche, le fait que le commissaire du gouvernement n’ait pas prononcé de conclusions sur une affaire n’entache pas, par elle-même, d’irrégularité la décision de la Commission centrale d’aide sociale (19).
b) La motivation de la décision
La Commission centrale d’aide sociale doit statuer publiquement (20), et sa décision doit être motivée. Le Conseil d’Etat a jugé que la décision de la commission satisfait à l’obligation de motivation prévue par la loi du 11 juillet 1979 si elle vise les textes applicables, indique le montant de l’aide sociale perçue et précise que l’actif net successoral est suffisant pour recouvrer la créance (21).
c) Le recours contre la décision
[Code de l’action sociale et des familles, article L. 134-3, alinéa 2]
Les décisions rendues par la Commission centrale d’aide sociale sont susceptibles de faire l’objet d’un pourvoi en cassation devant le Conseil d’Etat.


B. LES TRIBUNAUX INTERRÉGIONAUX ET LA COUR NATIONALE DE LA TARIFICATION SANITAIRE ET SOCIALE

Les juridictions de la tarification sanitaire et sociale sont au nombre de deux : les tribunaux interrégionaux (TISS) et la Cour nationale de la tarification sanitaire et sociale (CNTSS). Elles ont le caractère de juridictions administratives spécialisées relevant par la voie du recours en cassation du contrôle du Conseil d’Etat.
Pour mémoire, le contentieux de la tarification sanitaire et sociale s’applique principalement au règlement des litiges intéressant la détermination des tarifs applicables aux établissements et services sanitaires, sociaux et médico-sociaux (22).
L’article L. 351-1 du code de l’action sociale et des familles précise à cet égard que sont portés en premier ressort devant le tribunal interrégional de la tarification sanitaire et sociale les recours dirigés contre les décisions prises par le représentant de l’Etat dans le département, par le directeur de l’agence régionale de l’hospitalisation et par le président du conseil général, séparément ou conjointement, ainsi que par le président du conseil régional et, le cas échéant, par les ministres compétents, déterminant les dotations globales, les dotations annuelles, les forfaits annuels, les dotations de financement des missions d’intérêt général et d’aide à la contractualisation, les remboursements forfaitaires, subventions obligatoires aux établissements de santé (C. santé publ., art. L. 4383-5), les prix de journée et autres tarifs des établissements et services sanitaires, sociaux et médico-sociaux de statut public ou privé et d’organismes concourant aux soins.
Au-delà de cette compétence générale, les juridictions de la tarification sanitaire et sociale sont également concernées par les litiges nés à l’occasion de la tarification des prestations supportées par l’assurance maladie et délivrées par les établissements et services sociaux et médico-sociaux relevant de la loi n° 2002-2 du 2 janvier 2002 (C. séc. soc., art. L. 162-24-1). Elles le sont également pour les litiges relatifs aux subventions versées par les régions aux établissements publics de santé au titre du fonctionnement et de l’équipement des écoles de formation des auxiliaires médicaux (C. santé publ., art. L. 4383-5), ou en cas de contestation sur la répartition des résidents selon le niveau de perte d’autonomie évaluée au moyen de la grille AGGIR dans les établissements héber-geant des personnes âgées dépendantes (CASF, art. L. 314-9), ou bien encore en cas de désaccord entre le préfet et le président du conseil général en cas de désaccord en matière de tarification conjointe (CASF, art. L. 314-1).


L’IMPARTIALITÉ DES MEMBRES DES JURIDICTIONS D’AIDE SOCIALE

Le principe d’impartialité est un principe général du droit du contentieux administratif applicable devant toute juridiction administrative. Les juridictions d’aide sociale étant fondées sur le principe de l’échevinage, l’impartialité de leurs membres a été contestée.
LE PRINCIPE D’IMPARTIALITÉ
Le principe d’impartialité a acquis la valeur de norme de droit international par son inscription au sein de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. En effet, son célèbre article 6, § 1, garantit à toute personne le droit à ce que « sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial ». Selon la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, la composition d’une juridiction ne doit pas faire naître un doute objectivement justifié sur l’impartialité de celle-ci. Le Conseil d’Etat a pu analyser que l’application de l’article 6, § 1, « a entraîné une remise en cause, à des degrés certes divers, de la composition de l’ensemble des juridictions sociales » (23).
La composition des juridictions du contentieux technique de la sécurité sociale (TCI et CNITAAT) a déjà été réformée par la loi de 2002 de modernisation sociale afin de respecter le principe d’impartialité faisant suite à plusieurs décisions de la Cour de cassation.
LA REMISE EN QUESTION DE LA COMPOSITION DES JURIDICTIONS D’AIDE SOCIALE
Le Conseil d’Etat a eu à se prononcer sur la compatibilité de ? la composition de la Commission centrale d’aide sociale avec l’article 6, § 1. Il a jugé que la présence de fonctionnaires parmi les membres de cette juridiction ne peut, par elle-même, être de nature à faire naître un doute objectivement justifié sur l’impartialité de celle-ci. Toutefois, il peut être porté atteinte à ce principe lorsque, sans que des garanties appropriées assurent son indépendance, un fonctionnaire appelé à siéger dans une des formations de jugement de la Commission centrale d’aide sociale participe dans ses fonctions à l’activité des services chargés des questions d’aide sociale soumises à la juridiction. Il suit de là que lorsqu’elle statue sur un litige portant sur des prestations d’aide sociale relevant de l’Etat, la Commission centrale ne peut comprendre, ni comme rapporteur ni parmi ses autres membres, des fonctionnaires exerçant leur activité au sein du service ou de la direction chargée de l’aide sociale au ministère des Affaires sociales (24). Le Conseil d’Etat estime que les mêmes règles s’appliquent aux commissions départementales d’aide sociale. Ainsi lorsqu’un fonctionnaire chargé de l’aide sociale pour le département a siégé au sein de la commission départementale d’aide sociale, la décision est entachée d’irrégularité (25).
Le Conseil d’Etat précise que la question de la compatibilité de la composition d’une juridiction avec la Convention européenne des droits de l’homme n’est pas une question d’ordre public, et qu’elle ne peut, en conséquence, être soulevée d’office par le juge. Seule l’une des parties au litige est en droit de soulever ce moyen (26).
L’impartialité des CDAS peut également être remise en cause s’agissant de la nomination de fonctionnaires pour exercer les fonctions de rapporteur. En effet, l’IGAS, dans un rapport de 2001 (27), a relevé que « chaque institution instruit et rapporte devant la commission les affaires qui la concernent. C’est d’ailleurs souvent le même agent qui, dans chacun des services, effectue les deux tâches successivement ». A cet égard, la Commission centrale a sanctionné une décision rendue par une commission départementale dont le rapporteur « est en relation de dépendance hiérarchique avec une des parties en litige et est susceptible d’avoir eu à le connaître en cette qualité »(28).


(1)
Comm. centr. aide soc., 9 avril 2001, n° 001835, BO CJAS n° 2001/9.


(2)
Conseil d’Etat, 19 mai 2006, Mme Diarra, req. n° 287792, RDSS n° 4/2006, juillet-août 2006, p. 704.


(3)
Conseil d’Etat, 1er décembre 1989, Mlle de Bellegarde, req. n° 80306, disponible sur www.legifrance.gouv.fr


(4)
Conseil d’Etat, 29 juin 1992, Département des Ardennes req. n° 78052, disponible sur www.legifrance.gouv.fr


(5)
Conseil d’Etat, 12 janvier 1983, Sipos, req. n° 43000, consultable sur www.legifrance.gouv.fr ; Conseil d’Etat, 28 avril 2004, Mme Monclaire, req. n° 259214, disponible sur www.legifrance.gouv.fr


(6)
Conseil d’Etat, 21 novembre 1986, M. Osunsammi, RDSS 1987, p. 535.


(7)
Comm. centr. aide soc., 12 octobre 2007, n° 060774, BO CJAS n° 2008/02.


(8)
Comm. cent. d’aide soc., 3 mai 2006, M. B. Denis, dossier n° 042320, BO CJAS n° 2006/4.


(9)
Note d’information DGAS/SD5D n° 2006-459 du 19 octobre 2006, BO Santé-Solidarités-Protection sociale n° 2006-11 du 15-12-06.


(10)
Comm. centr. aide soc., 17 janv. 1996, n° 940623.


(11)
Conseil d’Etat, 20 mai 2005, n° 261633, disponible sur www.legifrance.gouv.fr


(12)
Conseil d’Etat, 27 mars 1998, req. n° 145512, disponible sur www.legifrance.gouv.fr


(13)
Conseil d’Etat, 3 mars 1995, Maison de Nanterre, req. n° 125985 ; Conseil d’Etat, 3 mars 1995, Maison de Nanterre, req. n° 127555, disponibles sur www.legifrance.gouv.fr


(14)
Comm. centr. aide soc., 23 novembre 2007, n° 061042, BO CJAS n° 2008/1.


(15)
Comm. centr. aide soc., 24 février 1983, Département de l’Essonne, n° 17/82, EJCCAS n° 02-4, p. 1.


(16)
Comm. centr. aide soc., 26 mai 2003, n° 010672, BO CJAS n° 2003/4 ; Comm. centr. aide soc., 13 avril 2005, n° 042215, BO CJAS n° 2005/6 ; Comm. centr. aide soc., 4 novembre 2005, n° 050275, BO CJAS n° 2006/3.


(17)
Comm. centr. aide soc., 11 juillet 2003, n° 012104, BO CJAS n° 2003/5 ; Comm. centr. aide soc., 9 juillet 2004, n° 012731, BO CJAS n° 2004/5.


(18)
Conseil d’Etat, 29 décembre 1997, req. n° 162203, consultable sur www.legifrance.gouv.fr


(19)
Conseil d’Etat, 29 juillet 1994, Schrambach, req. n° 115524, RDSS 1995.569 ; Conseil d’Etat, 3 mars 1995, Hôpital de la maison de Nanterre, req. n° 116448, consultable sur www.legifrance.gouv.fr


(20)
Conseil d’Etat, 27 mars 1998, req. n° 161659, consultable sur www.legifrance.gouv.fr.


(21)
Conseil d’Etat, 30 mars 2001, req. n° 208934, consultable sur www.legifrance.gouv.fr


(22)
Sur le TISS et la CNTSS, cf. Félissi P.-K., « Le contentieux de la tarification sanitaire et sociale », supplément ASH, juin 2007.


(23)
Belorgey J.-M., Molina P.-A., « L’avenir des juridictions spécialisées dans le domaine social », Les études du Conseil d’Etat, La documentation française, 2003, p. 21.


(24)
Conseil d’Etat, 6 décembre 2002, Trognon, req. n° 240028, disponible sur www.legifrance.gouv.fr


(25)
Conseil d’Etat, 19 septembre 2007, n° 298786, BO CJAS n° 2008/1.


(26)
Conseil d’Etat, 6 décembre 2002, Maciolak, req. n° 239540, disponible sur www.legifrance.gouv.fr


(27)
IGAS, « Les institutions sociales face aux usagers », Rapport annuel 2001, La Documentation française.


(28)
Comm. centr. aide soc., 10 septembre 2001, n° 992279, BO CJAS n° 2001/5.

SECTION 1 - LES JURIDICTIONS SOCIALES SPÉCIALISÉES

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