La compétence des juridictions judiciaires résulte de renvois textuels explicites contenus dans le code de l’action sociale et des familles, mais également de l’interrelation entre certains mécanismes de droit privé, soumis à la compétence exclusive des juridictions civiles, et la mise en œuvre de l’aide sociale.
A. LES JURIDICTIONS CIVILES
Par opposition aux juridictions administratives, les juridictions civiles ont pour tâche de trancher les contentieux dans lesquels des intérêts privés sont en jeu. En définitive, elles n’auront à intervenir qu’accessoirement dans le domaine de l’action sociale, notamment lorsque les dispositions du droit de l’aide sociale font appel au concept de droit civil pour déterminer leur étendue (filiation, obligation alimentaire, mariage...).
1. LEUR COMPOSITION
a. Les juridictions de première instance
En matière civile, il existe trois juridictions de premier degré. Signalons que dans les tribunaux d’instance et les tribunaux de grande instance, les fonctions de juge sont exercées par des magistrats appartenant au corps judiciaire.
1). La juridiction de proximité
[Code de l’organisation judiciaire, article L. 231-3]
La juridiction de proximité connaît, en matière civile, sous réserve des dispositions législatives ou réglementaires fixant la compétence particulière des autres juridictions, des actions personnelles ou mobilières jusqu’à la valeur de 4 000 €.
2). Le tribunal d’instance
[Code de l’organisation judiciaire, articles L. 221-3 et L. 221-4]
Le tribunal d’instance est le juge de droit commun pour les actions mobilières ou personnelles entre particuliers, dont le montant ne dépasse pas 10 000 € dans les matières qui ne sont pas expressément confiées par la loi à la compétence d’une autre juridiction.
De plus, il est chargé d’une compétence exclusive en matière de protection des personnes (émancipation des mineurs, organisation des régimes de protection, telles la curatelle ou la tutelle, des personnes dont les facultés mentales se sont altérées...).
Au sein du tribunal d’instance, un ou plusieurs juges exercent les fonctions de juge des tutelles.
Le tribunal d’instance est composé d’un ou plusieurs juges, mais les affaires sont jugées par un seul juge. Il a généralement son siège au chef-lieu de l’arrondissement. Le tribunal d’instance compétent est celui du lieu où demeure le défendeur, c’est-à-dire la personne à laquelle il est demandé quelque chose.
3). Le tribunal de grande instance
[Code de l’organisation judiciaire, article L. 213-3]
Le tribunal de grande instance assume la tâche de juge de droit commun pour les litiges portant sur des sommes supérieures à 10 000 €. Il dispose, en outre, d’une compétence de principe dans tous les contentieux relatifs à la famille, quel qu’en soit le montant (mariage, divorce, adoption, obligations alimentaires, successions...). A titre accessoire, il assure également la compétence de juge d’appel contre les décisions du juge des tutelles et celles du conseil de famille. Dans chaque tribunal de grande instance, un ou plusieurs magistrats du siège sont délégués dans les fonctions de juge aux affaires familiales.
Chaque tribunal de grande instance comporte au moins trois magistrats. Les tribunaux les plus importants sont divisés en chambres.
La formation de jugement est collégiale, soit en audience publique, soit en chambre du conseil (non publique) avec les trois magistrats. Les textes autorisent dans certains cas le traitement du contentieux par un juge unique, mais cela n’est jamais possible dans les affaires concernant l’état des personnes, même avec l’accord des parties.
Lorsque la situation présente un caractère d’urgence, le président du tribunal peut prendre des ordonnances sur requête. Celles-ci sont provisoires et ne règlent pas la situation au fond. L’autre partie n’est pas assignée et n’est pas informée de la procédure avant la décision.
Le président peut aussi prendre des ordonnances de référé, en cas d’urgence. Dans ce cas, l’autre partie est informée de la procédure, qui sera contradictoire. A l’issue de cette procédure, des mesures seront prises afin de prévenir un dommage imminent ou de faire cesser un trouble manifestement illicite.
b. Les cours d’appel
La cour d’appel constitue le second degré de juridiction. Elle réexamine à la demande d’une partie concernée le jugement rendu en première instance, notamment par les tribunaux d’instance ou de grande instance.
L’appel est possible à la condition que la somme réclamée excède 4 000 €. A défaut, le jugement est rendu en premier et dernier ressort, et seule la voie du pourvoi en cassation reste envisageable (C. org. jud., art. R. 211-3 et R. 221-4).
La cour d’appel connaît, sous réserve des compétences attribuées à d’autres juridictions, des décisions judiciaires, civiles et pénales, rendues en premier ressort. Elle est divisée en chambres spécialisées (C. org. jud., art. L. 311-1).
Dans les cours d’appel, comme au sein des tribunaux de grande instance et des tribunaux d’instance, les fonctions de jugement sont exercées par des magistrats appartenant au corps judiciaire. Les règles applicables à leur nomination sont fixées par le statut de la magistrature.
La cour d’appel statue en formation collégiale. La formation de jugement de la cour d’appel se compose d’un président et de plusieurs conseillers (C. org. jud., art. L. 312-2).
c. La Cour de cassation
La Cour de cassation statue sur les pourvois en cassation formés contre les arrêts et jugements rendus en dernier ressort par les juridictions de l’ordre judiciaire.
Les chambres civile, sociale ou commerciale de la Cour de cassation vérifient si les lois ont été correctement appliquées par les tribunaux et les cours d’appel, mais elles ne rejugent jamais l’affaire elle-même (elles ne rejugent pas le fond).
Les arrêts de la Cour de cassation sont rendus soit :
- par l’une des chambres ;
- par une chambre mixte lorsqu’une affaire pose une question relevant normalement des attributions de plusieurs chambres ;
- par l’assemblée plénière lorsque l’affaire pose une question de principe, notamment s’il existe des solutions divergentes entre les juges du fond ou entre les juges du fond et la Cour de cassation.
Comme dans les juridictions du fond, les fonctions de jugement sont exercées par des magistrats appartenant au corps judiciaire.
2. LEURS COMPÉTENCES
Les attributions du juge civil dans le domaine de l’aide sociale restent limitées. Il incombe au juge de se prononcer chaque fois qu’une décision d’aide sociale prend appui sur un mécanisme de droit civil. Parmi les différents domaines d’intervention, deux apparaissent plus importants : l’aide sociale à l’enfance et l’obligation alimentaire.
En matière d’aide sociale à l’enfance, le juge civil dispose d’une compétence exclusive pour tous les litiges relatifs à l’état de l’enfant (C. civ., art. 375 et s.). Dans ce cadre, c’est au juge judiciaire qu’appartient la compétence de se prononcer sur les mesures d’assistance éducative.
Il prend également une place importante dans le domaine des obligations alimentaires, où le juge aux affaires familiales dispose d’une compétence de principe pour fixer l’étendue des créances et dettes alimentaires, se prononcer sur la répartition des sommes dues au titre de l’obligation alimentaire ou l’exonération des obligés alimentaires (C. civ., art. 205 et s.).
Mais les interventions du juge civil ne se limitent pas uniquement à ces deux cas. Il peut également être amené à se prononcer pour résoudre des difficultés en matière de nationalité, de filiation, de libéralités ou encore de responsabilité.
3. LA PROCÉDURE DEVANT LES JURIDICTIONS CIVILES
En principe, devant les juridictions civiles, seules les parties introduisent l’instance, en dehors des cas où la loi en dispose autrement. L’acte introductif d’instance et les conclusions en défense doivent déterminer précisément les prétentions des parties.
Il incombe à chaque partie de prouver, conformément à la loi, les faits nécessaires au succès de sa prétention. Le juge peut, dans ce cadre, ordonner d’office toutes les mesures d’instruction légalement admissibles. Il doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe du contradictoire. Aussi, nulle partie ne peut être jugée sans avoir été entendue ou appelée.
Les débats sont en principe publics, sauf les cas où la loi exige ou permet qu’ils aient lieu en chambre du conseil.
B. LES JURIDICTIONS PÉNALES
En France, le principe d’unité de la justice civile et de la justice répressive conduit à confier les affaires civiles et les affaires pénales aux mêmes magistrats, mais dans des formations différentes. Ainsi, le tribunal d’instance ou le juge de proximité connaît des contraventions sous le nom de « tribunal de police » ou de « juge de proximité » en matière pénale. Le tribunal de grande instance juge des délits sous le nom de « tribunal correctionnel ». La cour d’appel comprend une chambre des appels correctionnels, et la Cour de cassation comporte une chambre criminelle.
1. LEUR COMPOSITION
En matière pénale, les poursuites sont réparties entre quatre juridictions différentes, disposant chacune d’une compétence propre selon le degré de sanction encourue par les faits incriminés.
Le tribunal de proximité traite les faits constituant des infractions relevant d’une contravention de la 1re à la 4e classe. Le tribunal de police gère les affaires relevant des contraventions de la 5 e classe. Le tribunal correctionnel juge les délits et la cour d’assises est compétente en cas de crime.
L’utilisation de terme spécifique en matière pénale ne doit pas masquer le fait que les fonctions de tribunal de police sont assurées par le tribunal d’instance, et que celles du tribunal correctionnel relèvent du tribunal de grande instance. A cet égard, l’article L. 211-1 du code de l’organisation judiciaire dispose que le tribunal de grande instance statue en première instance en matière civile et pénale. Lorsqu’il statue en matière pénale, il est dénommé “tribunal correctionnel” ».
Hormis pour la cour d’assises, l’ensemble des fonctions de jugement sont donc exercées par des magistrats appartenant au corps judiciaire.
La cour d’assises est présidée par un président de chambre ou par un conseiller de la cour d’appel, auquel s’ajoutent deux assesseurs qui sont choisis soit parmi les conseillers de la cour d’appel, soit parmi les présidents, vice-présidents, ou juges du tribunal de grande instance du lieu de la tenue des assises. En plus des magistrats, la cour d’assises est complétée par un jury populaire composé de neuf personnes tirées au sort à partir d’une liste issue des listes électorales.
Les jugements rendus en première instance par les tribunaux pénaux sont susceptibles d’appel devant la chambre des appels correctionnels de la cour d’appel (cf. supra). Dans le cas d’une décision rendue par la cour d’assises, l’appel est examiné, depuis la loi du 15 juin 2000 (1), par une cour d’assises d’appel spécialement constituée et qui comporte 12 jurés au lieu de 9.
A l’instar des décisions rendues en matière civile, les arrêts rendus au pénal sont susceptibles d’être portés devant la Cour de cassation, dont l’une des chambres est spécialement affectée au traitement des affaires criminelles (cf. supra).
2. LEURS COMPÉTENCES
La juridiction pénale intervient dans les cas où les textes relatifs à l’aide sociale posent le principe d’une sanction pénale ou que des agissements intervenus dans le cadre de la mise en œuvre de l’aide sociale peuvent être incriminés.
Il en est ainsi notamment en cas :
- de perception frauduleuse de prestations, tels l’allocation personnalisée d’autonomie (CASF, art. L. 232-27) ou le revenu minimum d’insertion (CASF, art. L. 262-46) ;
- de violation du secret professionnel (CASF, art. L. 133-5, L. 147-10, L. 221-6, L. 226-9 et L. 262-34) ;
- d’exploitation d’établissements sociaux ou médico-sociaux en infraction avec les règles d’autorisation prévues à cet effet (CASF, art. L. 313-22 et L. 321-4).
3. LE PROCÈS PÉNAL
Contrairement au procès civil, le procès pénal a pour objet de sanctionner un individu qui a porté atteinte à la société à travers les règles de fonctionnement qu’elle s’était fixées. Aussi, le procès pénal est toujours initié par le ministère public au nom de la société contre la personne poursuivie. Dans le cas où d’autres parties sont intéressées en raison des conséquences de l’acte répréhensible qu’elles ont subi, il leur est possible de se joindre au procès à titre de partie civile.
Il incombe au ministère public de rechercher et de rapporter la preuve de la responsabilité du prévenu avec l’assistance des services de police et du juge d’instruction.
A l’audience, les éléments de preuve apportés par chacune des parties sont entendus, à la suite de quoi le ministère public prononce un réquisitoire, suivi par le défenseur du prévenu qui expose sa plaidoirie.
La décision est rendue après délibération des juges soit à l’audience, soit à une audience ultérieure. Elle doit être motivée, énoncer les infractions dont les condamnés sont reconnus coupables, les peines prononcées et les textes de loi dont il est fait application. La décision est prononcée oralement en séance publique.
Le jugement rendu en matière pénale est sans incidence sur les décisions prises par les commissions d’admission (2), l’une ayant pour objet de sanctionner une atteinte portée à la société, l’autre de fixer les droits du demandeur en matière d’aide sociale. Ainsi, la Commission centrale d’aide sociale a jugé qu’un département est en droit de réclamer le remboursement de prestations indues, même si le bénéficiaire de l’aide sociale est relaxé par le juge pénal des infractions à la législation relative à l’aide sociale (3).
(1)
Loi n° 2000-516 du 15 juin 2000, JO du 16-06-00.
(2)
Pour mémoire, les commissions d’admission sont supprimées depuis le 1er janvier 2007 (ordonnance n° 2005-1477 du 1er décembre 2005, JO du 2-12-05).
(3)
Comm. centr. aide soc., 20 septembre 2000, n° 990257, BO CJAS 2000/6.