Hormis l’aide ménagère destinée aussi bien aux personnes âgées qu’aux personnes handicapées avec un aménagement particulier, les prestations d’aide à domicile prennent la forme de mesures pécuniaires destinées à couvrir les frais inhérents au handicap. La prestation de compensation du handicap est l’allocation de base en la matière ; elle remplace l’allocation compensatrice tierce personne et l’allocation compensatrice pour frais professionnels depuis le 1er janvier 2006.
A. L’AIDE MÉNAGÈRE
En vertu de l’article L. 241-1 du code de l’action sociale et des familles, toute personne handicapée justifiant d’un taux d’incapacité permanente d’au moins 80 % ou étant dans l’impossibilité de se procurer un emploi compte tenu de son handicap peut prétendre pour son maintien à domicile au bénéfice de l’aide ménagère en nature ou en espèces (à l’exception de l’allocation simple à domicile).
La contestation peut ainsi porter sur l’évaluation du taux d’incapacité, auquel cas il revient au tribunal du contentieux de l’incapacité de se prononcer (cf. infra, § 4).
Mais elle peut également avoir trait à l’existence du besoin. Dans ce cadre, le juge de l’aide sociale estime que l’appréciation du besoin de services ménagers n’est nullement exclusivement médicale, ni d’ailleurs limitée aux « gros travaux », mais, médico-sociale, s’agissant non de besoins sanitaires mais de besoins sociaux afférents au handicap (1). L’allocation d’une aide ménagère n’est pas liée exclusivement ni même nécessairement à l’état de santé de la personne handicapée, elle est accordée en fonction d’un besoin global d’aide matérielle pour demeurer à domicile (2).
Le besoin d’aide n’est pas établi dès lors qu’il apparaît qu’un membre de son entourage serait à même de prendre ces services en charge (3).
B. L’ALLOCATION COMPENSATRICE POUR TIERCE PERSONNE
Jusqu’au 1er janvier 2006, l’allocation compensatrice pour tierce personne (ACTP) était attribuée à toute personne handicapée, âgée de 16 à 60 ans, ne donnant plus droit aux allocations familiales, atteinte d’une incapacité permanente d’au moins 80 %, lorsque son état nécessitait l’aide effective d’une tierce personne pour les actes essentiels de l’existence. Cette prestation n’est plus octroyée depuis le 1er janvier 2006, date d’entrée en vigueur de la prestation de compensation du handicap, qui s’y substitue pour l’avenir. Cependant, les droits ouverts jusqu’alors se poursuivent tant que le bénéficiaire n’a pas décidé d’opter pour le nouveau dispositif. Des contentieux relatifs à l’ACTP sont toujours susceptibles de naître et sont réglés en application des dispositions législatives et réglementaires antérieures.
1. LE RECOURS CONTRE LES DÉCISIONS DE LA CDAPH RELATIVES AUX CONDITIONS D’aTTRIBUTION DE L’ACTP
[Code de l’action sociale et des familles, articles L. 241-6 et L. 241-9]
Le renouvellement du droit à l’ACTP relève désormais de la compétence exclusive de la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées [NDLR : la Cotorep avant le 1er janvier 2006, CASF, anc. art. R. 245-17]. La CDAPH se prononce notamment sur le taux de l’ACTP et la durée pendant laquelle elle est accordée. Un recours amiable peut être envisagé en cas de litige concernant ces décisions (cf. encadré p. 66).
Comme les décisions rendues anciennement par la Cotorep, les décisions de la CDAPH en matière d’ACTP peuvent faire l’objet d’un recours devant les juridictions du contentieux technique de la sécurité sociale. Le recours est donc porté en première instance devant le tribunal du contentieux de l’incapacité (TCI), en appel devant la Cour nationale de l’incapacité et de la tarification de l’assurance des accidents du travail (CNITAAT). Ce recours ne suspend pas les effets de la décision de la CDAPH.
A cet égard, il a été jugé que le président du conseil général ne pouvait pas accorder l’ACTP, même s’il appartenait à la Cotorep de statuer d’office au renouvellement de ladite allocation (4). Il ne peut pas davantage décider de suspendre cette prestation au motif que les actes réalisés ne sont pas constitutifs d’une assistance de la tierce personne pour des actes essentiels de l’existence, seuls susceptibles d’ouvrir le droit à l’allocation. Il lui appartient dans ce cas de saisir la CDAPH afin que cette dernière se prononce sur ce point (5). Les décisions prises par la Cotorep portant sur l’état, le taux d’incapacité, la nécessité de l’aide effective d’une tierce personne ainsi que sa nature et la permanence de l’aide nécessaire s’imposent au président du conseil général (6). La contestation des décisions relatives aux conditions techniques d’ouverture du droit à prestation relève de la compétence des juridictions du contentieux technique de la sécurité sociale et non des juridictions d’aide sociale (7). De même, un recours, dont les moyens évoquent l’insuffisance du nombre d’heures d’aides humaines et la non-prise en considération des besoins de services ménagers, n’est pas relatif au versement de la prestation mais à son attribution, qui ne peut être contestée que devant les juridictions du contentieux technique de la sécurité sociale via un recours contre la décision de la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (8).
2. LE RECOURS CONTRE LES DÉCISIONS DU PRÉSIDENT DU CONSEIL GÉNÉRAL RELATIVES À LA DÉTERMINATION DU MONTANT DE L’ACTP
Au vu de la décision rendue par la CDAPH sur l’état de besoin du demandeur, le président du conseil général détermine le montant et les conditions de versement de l’allocation compensatrice en tenant compte des ressources de l’intéressé.
Le revenu à prendre en compte est celui qui est constitué par le revenu net fiscal de la période de référence (9), et non le revenu brut avant déduction fiscale (10). Les revenus du travail ne sont toutefois pris en compte que pour la moitié de leur montant, ce qui n’est pas le cas des revenus de remplacement constitués par les pensions de retraite. Les droits à l’allocation compensatrice peuvent donc être réduits, alors même que les revenus du bénéficiaire n’ont pas augmenté en valeur absolue (11).
Le recours contre la décision du président du conseil général relative au versement de l’ACTP doit être porté en premier et dernier ressort devant la Commission centrale d’aide sociale. Les décisions de cette juridiction peuvent être portées en cassation devant le Conseil d’Etat (CASF, anc. art. L. 245-8).
3. LA SUSPENSION DU DROIT
Les juridictions d’aide sociale sont également compétentes pour connaître des contestations concernant les décisions prises par le président du conseil général, qui portent sur la suspension de l’allocation. A cet égard, le juge est amené à apprécier dans les faits le motif de la suspension. Il a pu ainsi être décidé que la condition d’un séjour continu de 45 jours en maison d’accueil spécialisée, requise pour la suspension de l’allocation compensatrice, n’est pas remplie dans le cas où la personne accueillie s’absente de l’établissement sans prise en charge par celui-ci, le séjour étant dès lors à chaque fois interrompu, et le service de l’allocation compensatrice ne pouvant être suspendu durant les jours d’absence de l’établissement (12).
4. L’ACTION EN RÉPÉTITION DE L’INDU
Les juridictions d’aide sociale sont en outre compétentes pour traiter des décisions de répétition d’indus. L’action en répétition de l’indu se prescrit par deux ans (CASF, anc. art. L. 245-7). Dans ce cadre, le point de départ du délai de prescription de l’action débute à chaque versement mensuel d’allocation, et non à compter de la décision d’ouverture des droits (13).
C. LA PRESTATION DE COMPENSATION DU HANDICAP
Créée par la loi du 11 février 2005, la prestation de compensation du handicap (PCH) a pour objet de compenser les dépenses engendrées par le handicap. Elle remplace, à ce titre, l’allocation compensatrice depuis le 1er janvier 2006 et peut être attribuée en lieu et place des compléments de l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé (AEEH) depuis le 1er avril 2008, lorsque les bénéficiaires en font le choix.
Cette prestation est une prestation en nature qui se compose de cinq volets distincts (aides humaines, aides techniques, aides à l’aménagement du logement/aménagement de véhicule/frais de transport, aides spécifiques ou exceptionnelles et aides animalières). Attribuée par la CDAPH aux bénéficiaires à domicile ou en établissement justifiant d’un certain degré de handicap, cette prestation est liquidée par le président du conseil général, à l’image du dispositif de l’allocation compensatrice qui l’a précédé.
1. L’ATTRIBUTION DE LA PCH
La décision d’attribution de la prestation appartient à la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées. A ce titre, elle peut faire l’objet d’un recours devant la juridiction du contentieux technique de la sécurité sociale (CASF, art. L. 245-2, al. 4). En outre, un recours amiable préalable est envisageable (cf. encadré p. 66).
La contestation qui porte sur l’insuffisance du nombre d’heures attribuées au titre de l’élément « aides humaines » n’est pas un litige relatif au versement de la prestation mais à son attribution ; aussi, alors même que la décision administrative attaquée émane bien du président du conseil général, cette décision ne peut être contestée que devant les juridictions du contentieux technique de la sécurité sociale (tribunal du contentieux de l’incapacité) au soutien d’un recours dirigé contre la décision de la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (14).
2. LE VERSEMENT DE LA PCH
[Code de l’action sociale et des familles, article L. 245-2]
Si la décision d’attribution de la prestation de compensation du handicap relève de la CDAPH, la décision de versement appartient au président du conseil général. A ce titre, le contentieux susceptible de naître dans le calcul des droits ou les conditions de leur versement est de la compétence des juridictions de l’aide sociale, et plus particulièrement de la commission départementale d’aide sociale en premier ressort.
3. LE CONTRÔLE D’EFFECTIVITÉ
[Code de l’action sociale et des familles, article L. 245-5]
La nature et le montant des dépenses prises en charge dans le cadre de la PCH sont définis dans le plan personnalisé de compensation. Il appartient au président du conseil général de contrôler l’utilisation de la prestation à la compensation des charges pour lesquelles elle a été attribuée au bénéficiaire et, le cas échéant, de procéder à la répétition des indus (CASF, art. D. 245-57).
Le président du conseil général dispose ainsi des prérogatives et des moyens de contrôle lui permettant de vérifier l’affectation de la prestation aux éléments limitativement énoncés par la décision de la commission départementale des droits et de l’autonomie des personnes handicapées à laquelle il est tenu de se conformer. Il est ainsi tenu de ne prendre en compte que les éléments retenus par la décision de la commission pour procéder au versement de l’allocation (15).
4. LA PCH EN URGENCE
La PCH peut être attribuée en urgence dans les conditions des articles L. 245-2 et R. 245-36 du code de l’action sociale et des familles.
Dans ce cas, l’attribution de la prestation est décidée par le président du conseil général, à titre provisoire pour un montant forfaitaire, dans l’attente d’une instruction du dossier par la MDPH selon la procédure normale, qui doit avoir lieu dans un délai de deux mois.
Cette décision peut être contestée devant la commission départementale d’aide sociale.
LES MODES ALTERNATIFS DE RÈGLEMENT DES LITIGES
Pour faire valoir leurs droits, notamment aux prestations, les personnes handicapées et leurs familles disposent d’un interlocuteur unique : la maison départementale des personnes handicapées (MDPH). En son sein, la commission départementale des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH) prend les décisions relatives à l’ensemble de leurs droits, entre autres en matière d’attribution des prestations (AAH, PCH...) et d’orientation vers des établissements et services spécialisés. Parmi les missions des MDPH figure notamment la médiation. La loi du 11 février 2005 a prévu deux procédures pour régler, préalablement à tout recours juridictionnel, les litiges qui pourraient naître entre les personnes handicapées et ces institutions.
UNE PROCÉDURE DE CONCILIATION INTERNE
Lorsque la personne handicapée – ses parents si elle est mineure, ou son représentant légal – est en désaccord avec la décision de la CDAPH, elle peut demander l’intervention d’une « personne qualifiée » chargée de proposer des mesures de conciliation. Chaque MDPH doit établir une liste de ces personnes qualifiées. Le but de cette procédure est de trouver un terrain d’entente entre la personne handicapée et la CDAPH afin d’éviter l’engagement d’un recours juridictionnel. Il s’agit là d’un dispositif de protection des usagers qui rééquilibre leurs rapports avec la commission.
Cette fonction de conciliation est exercée à titre gratuit. La personne qualifiée, désignée par le directeur de la MDPH sur demande de l’intéressé, peut accéder au dossier de la personne handicapée, détenu par la MDPH, à l’exclusion des documents médicaux. Elle est tenue au secret professionnel.
Elle dispose de deux mois pour effectuer sa mission de conciliation pendant lesquels le délai de recours contentieux est suspendu. Elle produit un rapport de mission notifiée à la personne handicapée et à la MDPH. Cette notification met fin à la suspension des délais de recours.
UNE PROCÉDURE DE TRAITEMENT AMIABLE DES LITIGES
A côté des personnes qualifiées habilitées à proposer des mesures de conciliation en cas de désaccords individuels face aux décisions de la CDAPH, une « personne référente » doit être désignée au sein de chaque MDPH pour faciliter la mise en œuvre des droits fondamentaux des personnes handicapées, sans préjudice, là encore, des voies de recours existantes. Sa mission consiste à recevoir et orienter les réclamations individuelles des personnes handicapées et de leurs représentants vers les autorités et les services compétents. Il ne s’agit plus ici d’un dispositif de conciliation mais d’accompagnement des usagers. En fonction de la nature juridique de l’organisme mis en cause par la réclamation, la personne référente de la MDPH va orienter l’usager vers l’autorité compétente.
La personne handicapée sera, dans ce cadre, mise en relation avec le médiateur de la République lorsque la réclamation concerne une administration, une collectivité territoriale, un établissement public ou un organisme chargé d’une mission de service public. Ce dernier aura la possibilité de faire des recommandations à l’organisme concerné, et éventuellement de publier un rapport spécial (loi n° 76-6 du 3 janvier 1970, JO du 4-01-70).
Les réclamations mettant en cause une personne physique ou morale de droit privé, qui n’est pas investie d’une mission de service public, sont transmises par la personne référente soit à l’autorité compétente, soit au corps d’inspection et de contrôle compétent.
[Code de l’action sociale et des familles, articles L. 146-10, L. 146-13 et R. 146-32 à R. 146-35]
(1)
Comm. centr. aide soc., 14 février 2002, n° 993177, BO CJAS n° 2002/3 ; Comm. centr. aide soc., 30 novembre 2006, n° 051465 bis, BO CJAS n° 2007/2.
(2)
Comm. centr. aide soc., 28 février 2000, n° 971568, BO CJAS n° 2000/2.
(3)
Comm. centr. aide soc., 9 juin 2008, n° 061597, BO CJAS n° 2008/4.
(4)
Comm. centr. aide sociale, 9 juin 2008, n° 070338, BO CJAS 2008/4.
(5)
Comm. centr. aide soc., 7 novembre 2007, n° 061500, BO CJAS 2008/1.
(6)
Conseil d’Etat, 15 février 2002, n° 221410, BO CJAS 2002/2.
(7)
Comm. centr. aide soc., 9 juin 2008, n° 070878, BO CJAS 2008/4.
(8)
Comm. centr. aide soc. 9 juin 2008, n° 070880, BO CJAS 2008/4.
(9)
Comm. centr. aide sociale, 9 juin 2008, n° 071291, BO CJAS 2008/5.
(10)
Comm. centr. aide sociale, 15 décembre 2006, n° 060096, BO CJAS n° 2007/3.
(11)
Comm. centr. aide sociale, 6 novembre 2007, n° 070341, BO CJAS 2009/2.
(12)
Comm. centr. aide soc., 1er décembre 2006, n° 060093, BO CJAS n° 2007/2, cf. aussi Conseil d’Etat, 21 mai 2008, n° 287723, BO CJAS n° 2008/4.
(13)
Comm. centr. aide soc. 6 novembre 2007, n° 070333, BO CJAS n° 2008/1.
(14)
Comm. centr. aide soc. 9 juin 2008, n° 070880, BO CJAS n° 2008/4.
(15)
Comm. centr. aide soc., 27 novembre 2008, n° 080491, BO CJAS n° 2009/1.