Recevoir la newsletter

LE CONTENTIEUX DE L’ORIENTATION

Article réservé aux abonnés

En plus du contentieux général de l’admission à l’aide sociale, s’ajoute un contentieux spécifique résultant de la décision d’orientation. En effet, contrairement à la personne âgée, la personne handicapée, qu’il s’agisse d’un enfant ou d’un adulte, n’est pas libre dans le choix de son établissement d’accueil, qui est déterminé par une décision d’orientation de la Commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées. En effet, aux termes de l’article L. 241-6, I, 1°, du code de l’action sociale et des familles, la CDAPH est compétente pour se prononcer sur l’orientation de la personne handicapée et les mesures propres à assurer son insertion scolaire ou professionnelle et sociale. Ici encore, un recours amiable peut être envisagé avant tout recours contentieux (cf. encadré p. 66).
Dans le cadre du contentieux de l’orientation, le partage des compétences entre juridiction administrative de droit commun et juridiction du contentieux technique de la sécurité sociale est fonction de l’âge de la personne handicapée, et plus précisément de sa qualité d’adulte, d’adolescent ou d’enfant.


A. L’ORIENTATION DE L’ADULTE HANDICAPÉ

Il revient aux tribunaux administratifs de traiter des recours dirigés contre les décisions prises par la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées lorsque ces décisions concernent l’orientation et les mesures relatives à l’insertion professionnelle et sociale d’une personne handicapée adulte (CASF, art. L. 241-9).


1. L’ORIENTATION EN ÉTABLISSEMENT D’HÉBERGEMENT

L’admission dans une structure adaptée aux besoins et au handicap de la personne handicapée se fait sur orientation de la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées. Celle-ci est en effet compétente pour se prononcer sur l’orientation de la personne handicapée et les mesures propres à assurer son insertion professionnelle et sociale (CASF, art. L. 241-6, I, 1°).
Le contentieux de l’orientation de la personne handicapée adulte et des mesures propres à assurer son insertion professionnelle et sociale relève du plein contentieux et de la compétence des juridictions administratives de droit commun, impliquant l’appréciation de la situation et des droits du requérant à la date de la décision et justifiant des pouvoirs du juge excédant ceux du juge de l’annulation (1).
Cette orientation s’impose aux financeurs de l’aide sociale dès lors qu’elle n’est pas contraire aux limites légales et réglementaires en vigueur. La Commission centrale d’aide sociale précise, à ce titre, que l’orientation d’un mineur handicapé vers un foyer d’hébergement, et la prise en charge des frais concomitants au titre de l’aide sociale à l’hébergement est possible dès la fin de la scolarité obligatoire, c’est-à-dire à l’âge de 16 ans. En effet, il ne résulte d’aucun texte que les frais d’accueil en foyer d’un jeune adulte ne puissent être imputés à l’aide sociale et le règlement départemental d’aide sociale ne peut sur ce point ajouter aux prescriptions de la loi (2).
Si la décision de la CDAPH est nécessaire pour l’orientation d’une personne handicapée en établissement, son avis est tout aussi indispensable pour mettre fin à son accompagnement au sein dudit établissement. En effet, le directeur du foyer d’accueil, qui est au demeurant compétent pour prendre la décision mettant fin au séjour de la personne handicapée dans son établissement – en application des dispositions du contrat de séjour établi lors de l’admission de l’intéressé au foyer d’accueil médicalisé –, ne peut toutefois décider de mettre un terme à son accompagnement, sans avoir au préalable saisi, pour avis, la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (3).
En outre, dès lors que la personne adulte handicapée requérante a obtenu, au tribunal administratif, la réformation de la décision d’orientation de la CDAPH en foyer de vie en une orientation en établissement ou service d’aide par le travail (ESAT) à temps plein conformément à ses vœux, elle n’a pas d’intérêt ni, partant, de qualité pour interjeter appel afin de voir ensuite modifiée cette orientation en une orientation à mi-temps (4).
En revanche, les décisions prises par la CDAPH concernant la désignation de l’établissement d’accueil (CASF, art. L. 241-6, I, 2°) peuvent faire l’objet d’un recours devant la juridiction du contentieux technique de la sécurité sociale. Ce recours, ouvert à toute personne et à tout organisme intéressé, est dépourvu d’effet suspensif, sauf lorsqu’il est intenté par la personne handicapée ou son représentant légal (CASF, art. L. 241-9, al. 1).
La décision d’orientation, si elle permet ensuite au bénéficiaire de faire valoir ses droits à l’aide sociale, n’emporte aucune qualification de la nature juridique de la structure d’accueil. Ce point relève en effet de la compétence exclusive du président du conseil général sous le contrôle du juge de l’aide sociale. De fait, la désignation d’une structure dans la décision d’orientation sous le vocable « foyer d’hébergement » n’emporte pas de droit ultérieur à la prise en charge des frais au titre de l’aide sociale à l’hébergement, lorsque cette structure est en réalité un service d’accompagnement en milieu ordinaire (5).


2. L’ORIENTATION PROFESSIONNELLE

Le contentieux de l’orientation et du reclassement professionnels a longtemps été confié aux commissions départementales des travailleurs handicapés, qui ont été supprimées par la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées (6) Désormais, les compétences de ces commissions sont assumées par les juridictions administratives de droit commun qui statuent en plein contentieux pour les litiges concernant le reclassement des travailleurs handicapés, ce qui implique que le juge administratif dispose « de pouvoirs excédant ceux d’un juge de l’annulation » et statue sur « les droits du requérant en se plaçant à la date où il rend sa décision » (7).
A ce titre, le recours entrepris ne peut être exercé par une association de défense des droits des personnes handicapées. En effet, s’agissant d’un recours de plein contentieux, seules les personnes physiques ou morales qui se prévalent d’un droit auquel la décision à rendre est susceptible de préjudicier sont recevables à agir (8).
En matière d’orientation professionnelle, il incombe à la CDAPH de reconnaître la qualité de travailleur handicapé à toute personne dont les possibilités d’obtenir ou de conserver un emploi sont effectivement réduites, par suite d’une altération d’une ou de plusieurs fonctions physique, sensorielle, mentale ou psychique (CASF, art. L. 241-6, I, 4°). Cette reconnaissance est nécessaire pour ouvrir l’accès aux différents dispositifs mis en place pour favoriser l’emploi des personnes handicapées, et notamment pour bénéficier d’une orientation vers une entreprise adaptée (EA) ou un établissement et service d’aide par le travail (ESAT).
Le contentieux de la décision de refus de reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé relève de la compétence du juge administratif (CASF, art. L. 241-9, al. 2). A cet égard, ce dernier doit impérativement motiver sa décision en indiquant les raisons qui la justifient (CASF, art. R. 241-31), quand bien même il est tenu de respecter le secret médical. Par suite, doit être annulée la décision dont la motivation est insuffisante en ce qu’elle se borne à indiquer que le handicap de la personne ne lui permet pas de travailler, même en milieu protégé, au regard des éléments médicaux qu’elle a recueillis. En effet, le fait de ne préciser aucun de ces éléments prive cette personne de la possibilité de critiquer utilement les raisons qui constituent le fondement de la décision qui la concerne (9).
Cependant, lorsque le demandeur n’apporte aucun élément de nature à établir que ses possibilités d’obte-nir ou de conserver un emploi seraient effectivement réduites par l’affection dont il souffre, il n’est pas fondé à contester le refus de reconnaissance de travailleur handicapé (10).


B. L’ORIENTATION DE L’ENFANT HANDICAPÉ

La CDAPH est compétente pour désigner les établissements ou les services correspondant aux besoins de l’enfant ou de l’adolescent. Elle l’est également pour se prononcer sur les mesures propres à assurer son insertion scolaire (CASF, art. L. 241-6, I, 1° et 2°).


1. L’ORIENTATION VERS UN ÉTABLISSEMENT OU UN SERVICE

Les décisions désignant un établissement ou un service correspondant aux besoins de l’enfant ou de l’adolescent handicapé peuvent faire l’objet de recours devant la juridiction du contentieux technique de la sécurité sociale.
Le recours juridictionnel est ouvert à toute personne et à tout organisme intéressé. Cependant, il est dépourvu d’effet suspensif, sauf lorsqu’il est intenté par la personne handicapée ou son représentant légal à l’encontre d’une décision désignant une structure d’accueil et d’accompagnement (CASF, art. L. 241-9, al. 1).
Les recours contre les décisions de la CDAPH relatives au maintien d’un enfant devenu adulte dans un établissement d’éducation spéciale [NDLR : le terme « l’éducation spéciale » a été abandonné par la loi du 11 février 2005] en application de « l’amendement Creton » relèvent de la compétence des juridictions du contentieux technique de la sécurité sociale (11).
En revanche, le litige né du refus d’un département de payer à une caisse primaire d’assurance maladie et à un établissement de placement les sommes qu’ils ont avancées au titre de ce maintien ne relève pas de la compétence du tribunal de l’incapacité ou de la Commission centrale d’aide sociale mais de celle de la juridiction administrative de droit commun (12).


2. LA SCOLARISATION

Tout comme l’orientation en établissement, les décisions prises par la CDAPH relatives à la scolarisation de l’enfant handicapé sont susceptibles d’un recours devant le tribunal du contentieux de l’incapacité (CASF, art. L. 241-9, al. 1).
En revanche, la responsabilité de l’Etat en cas de carence est à rechercher devant les juridictions administratives. A cet égard, l’Etat a l’obligation légale d’offrir aux enfants handicapés une prise en charge éducative au moins équivalente, compte tenu de leurs besoins propres, à celle qui est dispensée aux enfants scolarisés en milieu ordinaire, et ce du fait de la conjugaison des dispositions du code de l’action sociale et des familles afférentes au droit à compensation (CASF, art. L. 114-1, L. 114-1-1 et L. 114-2) avec celles du code de l’éducation relatives à l’obligation scolaire (C. éduc., art. L. 112-1 à L. 112-5).
Il lui incombe, au titre de sa mission d’organisation générale du service public de l’éducation, de prendre l’ensemble des mesures et de mettre en œuvre les moyens nécessaires pour que ce droit et cette obligation aient, pour les enfants handicapés, un caractère effectif. Toute carence de l’Etat est constitutive d’une faute de nature à engager sa responsabilité, sans que l’administration puisse utilement se prévaloir de l’insuffisance des structures d’accueil existantes ou du fait que des allocations compensatoires sont allouées aux parents d’enfants handicapés, celles-ci n’ayant pas un tel objet (13).
Cependant, l’appréciation de cette responsabilité doit aussi tenir compte des éléments de fait qui ont empêché la scolarisation. Ainsi, le fait qu’après son retrait par ses parents de l’école publique – où il était scolarisé avec l’assistance d’un auxiliaire d’intégration scolaire – en raison d’un différend avec la directrice, un enfant handicapé n’a plus bénéficié de cette assistance dans l’école privée où il est ensuite allé ne caractérise ni une atteinte au libre choix de l’établissement public ou privé de scolarisation, ni un manquement de l’Etat à ses obligations (14).


(1)
Conseil d’Etat, avis, 6 avril 2007, n° 293238, consultable sur www.legifrance.gouv.fr


(2)
Comm. centr. aide soc., 10 juin 2008, n° 070884, BO CJAS n° 2008/5.


(3)
CAA Marseille, 6 octobre 2008, n° 07MA03208, consultable sur www.legifrance.gouv.fr


(4)
CAA Nancy, 5 mai 2008, n° 07NC01749, consultable sur www.legifrance.gouv.fr


(5)
Comm. centr. aide soc., 28 avril 2006, n° 051500, BO CJAS n° 2006/4.


(6)
Loi n° 2005-102 du 11 février 2005, article 86.


(7)
Conseil d’Etat, avis, 6 avril 2007, req. n° 293238, consultable sur www.legifrance.gouv.fr


(8)
CAA Versailles, 19 juin 2008, n° 06VE01222, consultable sur www.legifrance.gouv.fr


(9)
CAA Marseille, 11 février 2008, n° 06MA01588, consultable sur www.legifrance.gouv.fr


(10)
Conseil d’Etat, 20 février 2009, req. n° 312154, consultable sur www.legifrance.gouv.fr


(11)
T. confl., 25 mars 1998, n° 98-03103 ; cf. aussi TA Rouen, 18 décembre 1990, disponibles sur www.legifrance.gouv.fr


(12)
CAA Paris, 20 juin 1995, n° 94PA00532 et 94PA00543, disponibles sur www.legifrance.gouv.fr


(13)
Conseil d’Etat, 8 avril 2009, n° 311434, disponible sur www.legifrance.gouv.fr


(14)
CAA Marseille, 31 janvier 2008, n° 05MA01886, disponible sur www.legifrance.gouv.fr

SECTION 7 - L’AIDE SOCIALE AUX PERSONNES HANDICAPÉES

S'abonner
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client 01.40.05.23.15

par mail

Recruteurs

Rendez-vous sur votre espace recruteur.

Espace recruteur